Ce qui est décrit ici pour l’Europe, l’est plus encore pour la France qui aussi loin que remonte son histoire a toujours dû concevoir son existence en relation avec le pont turc et plus encore l’équilibre constitué par la Russie… Une entente « civilisationnelle » pour laquelle plaide cet auteur anonyme qui se présente comme Taha. La sourate Taha est celle de l’incitation au cœur des épreuves à la patience et à la foi. A travers l’exemple de Moïse, elle trace les voies de la résurrection de l’humanité à travers des épreuves. Elle est dite avoir été révélée à La Mecque au prophète pendant la période mecquoise et c’est sans surprise qu’il s’avère que la proposition est faite de la part de l’Arabie saoudite. L’Europe ou plutôt l’UE s’enfonce dans le déclin, l’insignifiance, parce qu’elle n’a pas le courage de choisir la voie de son unité au sein de l’Eurasie… C’est assez comparable à ce qui nous a incité Marianne et moi à proposer d’écouter la Chine qui sur un autre mode ne dit pas autre chose. Il est clair que l’UE et la France, pourtant rebelle ne sont pas assez révolutionnaires pour un tel sursaut… Alors se pose la question ici comme ailleurs des tentatives de troisième voie qui prétendent s’arracher au désastre sans rien changer ou si peu. Elles ont peut-être le mérite comme celle de ces pseudos non alignés de ne pas faire grand-chose pour elles-mêmes mais de donner de l’espace à la Chine et aux forces socialistes pour imposer une voie diplomatico-politique qui réduise l’extrême dangerosité de la bête acculée. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Un héritage façonné par la guerre et la réinvention
L’Europe d’aujourd’hui est campée tel un artiste vieillissant sur une scène mondiale qu’elle a autrefois commandée. Son architecture suscite encore l’admiration, sa philosophie continue de façonner le droit international et ses révolutions résonnent à travers les fondements de la gouvernance moderne. Pourtant, sous la surface il y a un continent en déclin silencieux. Des tranchées de la guerre de Trente Ans aux tapis rouges du Congrès de Vienne, du carnage de Verdun à la froide arithmétique de Yalta, l’Europe a oscillé entre effondrement et réinvention. Aujourd’hui, elle ne se trouve pas à l’aube d’un nouveau chapitre, mais à la dérive vers l’insignifiance géopolitique.
La paix d’après-guerre qui a suivi 1945 n’a pas été le fait de l’Europe elle-même. À Yalta, les lignes mondiales ont été redessinées, mais la surface de l’Europe a été réduite. L’Allemagne était divisée. L’Europe de l’Est a été absorbée par l’influence soviétique. La moitié occidentale a été pliée sous la protection américaine. La soi-disant Pax Americana n’a pas été imposée par un consensus européen, mais par la domination américaine.

Staline, Roosevelt et Churchill – Yalta, Russie 1945
L’Union européenne n’est pas née d’une vision utopique, mais d’un désespoir. Ses architectes Schuman, Adenauer, De Gasperi n’étaient pas des idéalistes. C’étaient des hommes marqués par la guerre, à la recherche d’un nouveau système pour empêcher l’Europe de se retourner à nouveau sur elle-même. La solution était pragmatique : marchés partagés, frontières ouvertes et gouvernance démocratique. Ce n’était pas un grand rêve. C’était une trêve fragile.
La fragilité de l’Union sous la surface
La paix de l’Europe n’a pas été construite sur la force, mais sur l’interdépendance. Pourtant, il reste ce que l’historien Abdallah Laroui a décrit un jour comme « un puzzle de pièces délicates », cohésives seulement dans le calme, vulnérables sous la pression. Une seule tempête peut briser son unité. Et lorsque l’Europe trébuche, les ondes de choc se font sentir bien au-delà de ses côtes.
Malgré son poids intellectuel, l’Europe est devenue plus musée que moteur. Elle parle toujours le langage du pouvoir, mais ne commande plus. Sa réponse à la guerre en Ukraine reflète cette confusion. S’agit-il de libérer une nation ? Ou l’escalade d’une guerre par procuration ? Cherche-t-elle la paix ou simplement une posture ?
Les armes nucléaires ne créent pas la paix. C’est la diplomatie qui la fait. Personne n’exige que l’Ukraine renonce à sa souveraineté. Mais pourquoi ne pas réimaginer l’Ukraine non pas comme une ligne de confrontation, mais comme un pont entre deux civilisations ? Elle pourrait être aussi une forme de résistance, de résistance à la guerre, à la division, à la répétition de l’histoire.
Des ponts, pas des frontières
L’histoire honore les civilisations qui ont construit des ponts. L’Espagne, sous l’influence arabe, a transmis le savoir entre les mondes. La Turquie a servi pendant des siècles de charnière entre l’Orient et l’Occident. L’Égypte, à l’époque mamelouke, était une plaque tournante du commerce mondial avant le canal de Suez. Tout, de l’Inde à Venise, passait par le Caire. C’était riche, stratégique et admiré.
Mais ce pouvoir s’est estompé non pas à cause d’une invasion, mais de l’insignifiance géopolitique. L’Europe risque un sort similaire : on se souvient de sa beauté, on l’oublie vue son influence.
Une question d’échelle et de réalité
Dans un monde multipolaire, l’échelle compte. La masse continentale de l’Europe, y compris la partie européenne de la Russie, s’étend sur environ 10 millions de kilomètres carrés. L’Union européenne elle-même en occupe environ 4,2 millions. L’Algérie à elle seule couvre plus de 2,3 millions de kilomètres carrés, plus grande que la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie réunies. La population totale de l’Europe, qui s’élève à environ 450 millions d’habitants, diminue, vieillit et est inégalement répartie.
Il ne s’agit pas seulement de géographie. Il s’agit de proportion, d’influence et de pertinence future. L’Europe n’a pas de profondeur stratégique, pas de vaste base de ressources et de moins en moins de contrôle sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Sur le plan technologique, elle est à la traîne par rapport aux États-Unis et à la Chine. Militairement, elle reste dépendante de l’OTAN et donc de Washington.
Pourtant, en Ukraine, l’Europe se rapproche de la confrontation nucléaire avec la Russie. Quelle est sa stratégie ? Provoquer une crise qui justifie un réinvestissement américain ? Gagner en pertinence par le risque ? Même si c’était vrai, les bénéficiaires ne seraient pas européens. Ils seraient chinois. Peut-être indien. Mais pas européen.
Un pari sur leur survie par les Américains
Sous Donald Trump, les États-Unis ont recalibré leur rôle au sein de l’OTAN, en signalant que l’Europe doit commencer à voler de ses propres ailes. C’était un signal d’alarme. Le lien transatlantique, construit sur des liens ancestraux et une histoire partagée, n’est plus garanti.
Les États-Unis ont été construits par les Européens, mais ils ne tournent plus autour de l’Europe. Le sentiment n’est pas un substitut à la stratégie.
L’Europe de l’Est : pion ou partenaire ?
L’Europe n’a jamais pleinement embrassé sa frontière orientale. Pendant des siècles, la région a été un terrain contesté, disputé, divisé, utilisé. L’Ukraine, en particulier, a été traitée comme un tampon plutôt que comme un partenaire. Son écriture cyrillique, sa foi orthodoxe et ses liens culturels l’enracinent plus près de Moscou que de Bruxelles.
Dans les années 1990, l’Ukraine est devenue un enjeu géopolitique. L’Occident ne l’a pas courtisé pour son intégration, mais pour son influence. Chaque changement de leadership devenait un coup d’échecs stratégique. Et chaque provocation a creusé la ligne de faille.
Comprendre cette guerre, c’est comprendre la Russie non pas comme un ennemi, mais comme une force civilisationnelle.
Russie : la géographie comme puissance

Statue de l’appel de la Patrie – Volgograd, Russie
La Russie n’est pas seulement un pays. C’est une étendue géographique, une vision du monde, un système en soi. D’une superficie de 17 millions de kilomètres carrés, elle s’étend sur deux continents et onze fuseaux horaires. Son étendue s’étend des frontières de la Norvège à la Corée du Nord, du Caucase au Pacifique. Elle borde plus d’une douzaine de pays et commande simultanément l’Arctique, l’Asie et l’Europe.
La Russie ne peut pas être sanctionnée jusqu’à la soumission, ni vaincue par les armes. Napoléon a essayé. Hitler a essayé. Les deux ont été vaincus non seulement par les armées, mais aussi par l’espace et l’hiver. La force russe ne réside pas seulement dans son armée, mais aussi dans sa capacité à absorber, à survivre et à revenir plus forte.
Elle joue aussi le rôle de protectrice du christianisme orthodoxe, de l’identité eurasienne, de la continuité slave. Au fur et à mesure que le centre spirituel de l’orthodoxie se déplace de Constantinople à Moscou, l’autorité du patriarche russe augmente. Dans des endroits comme la Serbie, la Grèce et les Balkans, Moscou a une gravité symbolique que l’Europe néglige souvent.
L’ascension subtile de l’Arabie Saoudite
Alors que l’Europe hésite et que la Russie s’enfonce, un autre acteur se lève – tranquillement, régulièrement : l’Arabie saoudite.
Son rôle au sein de l’OPEP Plus la lie à Moscou. Sa relation avec Washington reste intacte. Son influence à Paris et à Londres s’approfondit, alimentée par les contrats d’armement, l’effet de levier énergétique et le capital stratégique.
Contrairement à l’Europe, l’Arabie saoudite ne se fie pas à la mémoire. Il s’agit de renforcer les capacités. Il ne s’agit plus seulement d’acheter des armes, mais aussi d’acheter du temps, des alliances et des options. Son économie se diversifie. Sa diplomatie est en train de mûrir. Et à une époque de fragmentation mondiale, ce pragmatisme mesuré peut s’avérer plus durable que les postures militaires.
Et alors que le monde post-Yalta se décompose, il est peut-être temps pour un nouveau Yalta. Une nouvelle conférence non pas dessinée par des vainqueurs avec des dirigeants, mais par des réalistes avec une vision. Le monde n’appartient pas seulement à l’Europe. L’équilibre de demain doit inclure les voix des silencieux et des ignorés.
En fin de compte, le pouvoir n’est pas seulement une question de force. C’est une question de positionnement. Et l’Europe, autrefois cœur du monde, se trouve aujourd’hui à la dérive, accrochée à un passé qui ne garantit plus son avenir.
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