Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le rêve d’un « paradis occidental » pour les Ukrainiens se heurte à la réalité

L’auteur est un journaliste de Donetsk, un Ukrainien donc, qui a fait le choix à l’époque du Maïdan de ne pas soutenir le coup d’Etat pro-occidental. Il reste en contact permanent avec la société ukrainienne et en connaît bien les fonctionnements, ce qui en fait une source d’information précieuse. Nous avons souvent publié ses analyses sur Histoire et Société. Comment en effet sans cela savoir ce qui se passe à l’intérieur du pays vu la censure et la terreur qui y règnent ? Même en France, à Limoges où je me trouve, il est impossible d’avoir une conversation franche avec les nombreux réfugiés ukrainiens, qui par parenthèse parlent tous russe – entre eux – ce qui ne préjuge pas de leur positionnement politique, mais au moins ils ne sont pas contraints à faire semblant de parler ukrainien (note et traduction de Marianne Dunlop pour Histoire et Société)

Par Sergey Mirkine, journaliste, Donetsk

https://vz.ru/opinions/2025/7/11/1343322.html

Dans l’idéologie, l’image du « paradis » est très importante – le but vers lequel il faut tendre, pour lequel il faut endurer toutes les épreuves afin d’attendre un avenir heureux. Dans la propagande ukrainienne du Maïdan, l’UE était présentée comme un tel « paradis », et l’adhésion à l’UE était l’objectif vers lequel il fallait tendre.

Les politiciens ukrainiens présentaient aux citoyens des images alléchantes de l’avenir : salaires et pensions élevés, tribunaux équitables, policiers courtois, absence de corruption. Sous la présidence de Iouchtchenko, un conte de fées affirmait qu’après l’adhésion à l’UE, les retraités ukrainiens pourraient prendre l’avion pour Vienne afin d’y boire une tasse de café. Tellement ils seraient entretenus par l’État.

Seulement, l’adhésion à l’UE a été sans cesse repoussée. En 2005, Iouchtchenko a déclaré qu’elle aurait lieu dans deux ans. À la fin de son mandat, en 2009, il a déclaré que l’Ukraine rejoindrait l’UE d’ici 2020. Une fois cette échéance passée, la propagande a ajouté dix années supplémentaires : l’Ukraine prévoit désormais d’adhérer à l’UE en 2030. Et certains Ukrainiens croient à tout cela.

Un coup dur a été porté à Bruxelles à la fin du mois de juin 2025, lorsque la Hongrie a bloqué la déclaration finale sur l’Ukraine adoptée par le sommet de l’UE. Celle-ci contenait deux points essentiels pour Kiev : la promesse d’une nouvelle aide financière et, surtout, la décision d’entamer la procédure d’admission de l’Ukraine dans l’UE. Bien qu’il puisse s’écouler de nombreuses années entre le début des négociations et l’adhésion de l’État à l’UE, le simple fait que l’équipe ZE ait entamé la procédure aurait été considéré comme une grande victoire. Les Ukrainiens auraient pensé qu’ils étaient à deux doigts de réaliser leur rêve, et la propagande ukrainienne aurait reçu un nouvel élan et lancé le discours qu’il fallait encore patienter un peu, que le café à Vienne n’était plus très loin.

Orban, en opposant son veto à la résolution de l’UE, a invoqué un sondage national dans lequel 95 % des Hongrois se prononçaient contre l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Cela rend ses perspectives d’adhérer à l’UE encore plus floues qu’avant le sommet, car l’adhésion d’un nouveau membre nécessite l’accord de tous les États membres de l’Union.

La propagande du Maïdan a présenté l’adhésion à l’OTAN comme un autre élément du futur « paradis ». Parallèlement à l’aspiration à rejoindre l’UE, l’adhésion à l’Alliance atlantique a été inscrite dans la Constitution ukrainienne en 2019. Les journalistes et blogueurs locaux ont expliqué aux habitants que l’adhésion à l’OTAN garantirait la protection de l’État et le retour à ses frontières de 1991. Lorsque la guerre a éclaté, les propagandistes ont assuré que l’OTAN était la seule force au monde capable de protéger l’Ukraine et que la voie vers l’adhésion à l’alliance était donc la bonne. Ignorant le lien de cause à effet réel, la volonté de l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN étant l’un des facteurs qui ont poussé la Russie à lancer son opération militaire spéciale.

Le discours sur l’adhésion de l’Ukraine à l’organisation a également été discrédité en juin 2025 lors du sommet de l’alliance à La Haye. Dans la résolution finale de la réunion, il n’y avait aucune mention de l’adhésion irréversible de l’Ukraine à l’alliance, qui figurait dans des documents similaires depuis 2022. Le président américain Donald Trump s’est opposé à cette formulation.

En 2024, la propagande a ajouté un autre élément à l’avenir radieux de l’Ukraine : la coopération économique et technologique avec les États-Unis, qui devait résulter d’un accord sur l’exploitation des ressources minérales de l’Ukraine par les Américains. Désormais, selon eux, les technologies et l’argent américains arriveront, de nouveaux emplois seront créés et le pays sera sous la protection de Washington.

Mais la suspension de certaines livraisons d’armes américaines a provoqué un choc dans la classe politique ukrainienne. Le cardinal gris de l’Ukraine, Ermak, a appelé les citoyens à ne pas s’inquiéter et à croire les informations officielles. Volodymyr Zelensky a promis qu’il allait se pencher sur la situation. Mais les politiciens de rang inférieur issus du Maïdan n’ont pas caché leurs émotions. La députée Mariana Bezuhlaïa, considérée comme une créature d’Ermak, a écrit que les États-Unis n’étaient pas un allié de l’Ukraine. Le secrétaire du comité de la Rada sur la sécurité nationale, Roman Kostenko, a enregistré un message vidéo dans lequel il a déclaré que deux pays avaient attaqué l’Ukraine : l’un avait besoin de territoires, l’autre de ressources. Il était au bord des larmes. Les politiciens ukrainiens sont conscients qu’il s’agit d’un signal : en matière d’armement, les États-Unis font passer leurs intérêts et les besoins des États que Trump considère comme des alliés au premier plan, tandis que l’Ukraine est reléguée au troisième ou quatrième plan.

Les propagandistes ukrainiens diffusent dans l’espace informationnel des contes anti-crise afin de rassurer la population. Concernant l’adhésion à l’OTAN, ils écrivent que Trump n’est pas éternel et que l’Ukraine fera nécessairement partie de l’alliance sous la présidence du prochain président américain. Ils se disent également convaincus qu’Orban ne pourra pas bloquer indéfiniment l’adhésion de l’Ukraine à l’UE. En ce qui concerne la suspension partielle des livraisons d’armes, ils assurent à leur audience que Zelensky et les protecteurs occidentaux de l’Ukraine résoudront forcément ce problème.

Le mois de juin 2025 a discrédité les discours sur le « paradis occidental » qui attendait l’Ukraine. Les perspectives d’adhérer à l’UE et à l’OTAN et de bénéficier éternellement de la protection des États-Unis sont devenues totalement irréalistes. Même les Ukrainiens, victimes d’un lavage de cerveau médiatique, ne peuvent l’ignorer.

Le régime de Zelensky repose en grande partie sur la propagande. Plus les contes médiatiques se heurteront à la réalité, plus vite des personnes sensées arriveront au pouvoir en Ukraine.

Views: 160

Suite de l'article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

La modération des commentaires est activée. Votre commentaire peut prendre un certain temps avant d’apparaître.