Nous avons affaire à deux conceptions, deux approches des relations entre les civilisations dans le monde contemporain. La première est née en Occident comme résultat logique de siècles de politique coloniale des sociétés occidentales à l’égard des peuples non occidentaux de notre planète. Cette approche peut être qualifiée de « choc des civilisations ». La deuxième approche, qui vient actuellement de l’Est et du Sud, est celle que nous aimerions tous promouvoir ici : le dialogue des civilisations. Cette idée a été avancée et mise en œuvre pour la première fois par l’Union soviétique, où près de 200 peuples et nationalités vivaient et se développaient pacifiquement. L’enrichissement mutuel des peuples a produit un effet synergique sans précédent, permettant à l’URSS de devenir un leader mondial. Aujourd’hui, cette approche a connu un nouveau développement créatif et a été formulée par la Chine dans le concept de « communauté de destin de l’humanité ». (note et traduction de Marianne Dunlop pour Histoire et Société)
https://kprf.ru/party-live/cknews/236031.html
Texte : G.P. Kamnev, membre du Présidium, secrétaire du Comité central du KPRF
14 juillet 2025
Les 10 et 11 juillet, Pékin a accueilli le Forum mondial « Dialogue des civilisations », organisé par le Parti communiste chinois. Le thème principal de la rencontre était la préservation de la diversité des civilisations humaines et la promotion conjointe de la paix et du développement sur la planète. La conférence a réuni des chefs de gouvernement, des dirigeants de partis politiques et d’organisations internationales, soit environ 600 personnes provenant de 140 pays. Le statut élevé de l’événement a également été souligné par les allocutions de bienvenue du président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, et du secrétaire général des Nations unies, António Guterres.
La partie plénière du forum s’est ouverte par les discours de personnalités politiques et d’État de différents pays : Cai Qi, membre du Comité permanent du Politburo du Comité central du Parti communiste chinois, l’ancien Président de l’Indonésie (2001-2004) et Président du Parti démocratique de lutte indonésien Megawati Sukarnoputri, l’ancien Président de la Namibie Nangolo Mbumba, l’ancien Premier ministre japonais Yukio Hatoyama et l’ancien Premier ministre belge Yves Leterme. Le modérateur de la séance plénière était Liu Jianchao, directeur du département international du Comité central du PCC.
Tous les intervenants sans exception ont souligné la nécessité de respecter chaque civilisation, chaque peuple, indépendamment de sa taille et de son développement socioculturel, alors que de nombreux conflits menacent la diversité des civilisations et freinent le développement des peuples. Tsai Qi a longuement évoqué l’initiative proposée par le président chinois Xi Jinping, « Une communauté de destin pour l’humanité », qui présente un concept de développement pacifique et de construction de relations internationales harmonieuses. Son essence est que l’humanité, confrontée à des défis et des menaces mondiaux tels que la sécurité alimentaire, la pénurie de ressources, le changement climatique et la criminalité internationale, n’est pas en mesure de les résoudre par les efforts d’un ou de plusieurs pays. La responsabilité de résoudre les problèmes mondiaux incombe à tous les pays, et la sécurité des peuples, au sens large, ne peut être assurée que par la coopération mondiale. « Chaque civilisation est une fleur magnifique, mais il est important de se rappeler que nous avons une même racine », a déclaré Cai Qi. Abordant les questions de coopération internationale, il a souligné qu’il n’existe pas de voie ou de modèle de développement qui convienne à tous dans le monde, et que la communauté internationale doit soutenir le modèle de développement de chaque pays en fonction des réalités existantes. Afin d’approfondir l’étude et l’élaboration des méthodes les plus efficaces pour la coopération entre les civilisations, la Chine crée l’Institut mondial pour le développement des civilisations.
Mme Megawati Sukarnoputri a souligné que le monde ne doit pas se développer selon les principes de l’impérialisme, mais sur la base du respect des peuples et de leurs droits. La justice sociale doit être la valeur suprême. Les gouvernements doivent être guidés par une philosophie de l’unité dans la diversité, où la diversité n’est pas une menace, mais une opportunité pour le développement harmonieux du monde.
Les intervenants ont souligné que le capitalisme ne peut garantir des conditions égales de développement à tous les peuples, et que de nouvelles approches plus équitables sont donc nécessaires. L’accent a été mis en particulier sur la nécessité de renforcer les liens directs entre les civilisations grâce à la diplomatie populaire. Il est important d’intensifier la coopération entre les écoles, les universités, les municipalités et les musées afin de permettre un dialogue réel. La diplomatie scientifique est nécessaire pour que personne ne soit exclu du progrès technologique.
La première journée du Forum s’est terminée par une visite à l’Opéra de Pékin, au Centre national des arts du spectacle.
La deuxième journée du Forum s’est déroulée sous la forme de six tables rondes parallèles. J’ai participé à la première plateforme consacrée aux échanges interculturels. Des représentants de la Chine, de la Serbie, du Kazakhstan, de l’Espagne, de l’Algérie, de la Géorgie, du Yémen, de la Palestine et de l’Irak ont pris la parole. Le ministre grec des Affaires étrangères, Yorgos Katrougalos, a animé la discussion. Les intervenants ont évoqué les difficultés de la construction d’une communication internationale dans le monde contemporain : les actions agressives de certains pays occidentaux conduisent à la destruction du dialogue interculturel, tandis que le format d’interaction proposé par la Chine peut non seulement résoudre les conflits actuels, mais aussi éliminer leurs causes, ce qui témoigne de son extrême efficacité.

Dans mon intervention, j’ai souligné qu’il existe aujourd’hui deux conceptions des relations entre les civilisations. La première est née en Occident et s’inscrit dans la continuité logique d’une politique coloniale centenaire. Cette approche peut être qualifiée de « choc des civilisations ». La seconde approche est celle du dialogue entre les civilisations, promue par la Russie, la Chine et les pays du Sud. Cette approche a été proposée et mise en œuvre pour la première fois par l’Union soviétique, où près de 200 peuples et nationalités vivaient et se développaient en paix. L’enrichissement culturel mutuel des peuples a produit un effet synergique sans précédent, permettant à notre pays de devenir un leader mondial. Aujourd’hui, cette approche a connu un nouvel élan créatif et a été formulée dans le concept de « communauté de destin de l’humanité ».
Contrairement à l’Occident, nous n’avons pas besoin de sphères d’influence, nous avons besoin de sphères de création. Nous disposons de ressources colossales encore inexploitées : le capital humain de l’Afrique, le potentiel industriel et énergétique de l’Eurasie, les ressources biologiques et minérales de l’Amérique latine, les écoles scientifiques d’Asie. Le champ des accords est immense, mais il y a une condition sine qua non : seuls des peuples souverains peuvent conclure de véritables accords.
Si nous sommes divisés, l’ancien ordre nous étouffera un par un. Si nous agissons de concert, notre dialogue multilatéral entre souverainetés deviendra le fondement d’un nouvel ordre mondial où le droit du plus fort cède la place à la force du droit.
Nous pourrions dès aujourd’hui lancer le mécanisme « BRICS-Plus » et élargir les ponts humanitaires. J’ai également proposé de créer un sommet annuel du dialogue des civilisations au niveau des dirigeants et de la communauté des experts, dont la première session pourrait se tenir dès l’année prochaine à São Paulo, Nairobi ou Penza.
À l’issue du Forum, j’ai accordé des interviews aux médias russes, chinois et étrangers.

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Intégralité du discours du représentant russe Kamnev :
Chers camarades, chers collègues, chers amis !
Le 10 juin est la Journée internationale du dialogue entre les civilisations, instituée il y a un an par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Cette résolution, proposée par la République populaire de Chine, revêt à mon sens une profonde signification symbolique.
Nous avons deux conceptions, deux approches des relations entre les civilisations dans le monde contemporain. La première est née en Occident et est le résultat logique de siècles de politique coloniale des sociétés occidentales à l’égard des peuples non occidentaux de notre planète. Cette approche peut être qualifiée de « choc des civilisations » (The Clash of Civilizations), d’après le titre du best-seller de l’idéologue américain Samuel Huntington.
La deuxième approche, qui vient actuellement de l’Est et du Sud, est celle que nous aimerions tous promouvoir ici : le dialogue des civilisations. Cette idée a été avancée et mise en œuvre pour la première fois par l’Union soviétique, où près de 200 peuples et nationalités vivaient et se développaient pacifiquement. L’enrichissement culturel mutuel des peuples a produit un effet synergique sans précédent, permettant à notre pays de devenir un leader mondial. Aujourd’hui, cette approche a connu un nouveau développement créatif et a été formulée dans le concept de « communauté de destin de l’humanité ».
Nous constatons qu’aujourd’hui, l’administration du président américain Donald Trump, malgré sa rhétorique pacifiste et même les prétentions non dissimulées de Trump lui-même à obtenir le prix Nobel de la paix, adhère clairement et systématiquement à la première approche. Des revendications sur le canal de Panama et le Groenland, en passant par le soutien au génocide israélien à Gaza et jusqu’à la récente attaque criminelle contre la République islamique d’Iran, les actions de l’administration Trump montrent que son objectif est de renforcer le contrôle impérial hégémonique des États-Unis sur le monde. La forte augmentation des dépenses militaires, le réarmement et la réorganisation des forces armées menés par les principaux pays de l’Union européenne, ainsi que la poursuite et le renforcement du soutien militaire et financier au régime néofasciste de Kiev, montrent que cette partie de l’Occident n’est pas encore prête pour le dialogue et mise sur la confrontation.
L’ancien ordre, dont les institutions ont été formées à l’époque du colonialisme et de la « guerre froide », s’accroche de toutes ses forces à ses privilèges. L’Occident n’a pas besoin de dialogue, mais de soumission ; pas de partenaires, mais de sujets. Plus le statu quo se maintiendra, plus les sanctions seront sévères, plus les barrières douanières seront élevées, plus les blocs militaires et les barrières informationnelles seront rigides. Mais le monde a changé de manière irréversible. En économie, en démographie et en technologie, le centre du développement se déplace vers le Sud et l’Est, ce qui signifie que le centre de l’initiative politique se déplace inévitablement.
Le dialogue est vital pour ceux qui viennent remplacer cet ordre : la Chine, la Russie et de nombreux pays du Sud. Nous n’avons pas besoin de sphères d’influence, nous avons besoin de sphères de création. Nous disposons de ressources colossales encore inexploitées : le capital humain de l’Afrique, le potentiel industriel et énergétique de l’Eurasie, les ressources biologiques et minérales de l’Amérique latine, les écoles scientifiques d’Asie. Nous devons encore exploiter nos richesses et convenir de conditions mutuellement avantageuses, allant des zones de libre-échange à la synchronisation des plateformes numériques. Le champ des accords est immense, mais il existe une condition sine qua non : seuls des peuples souverains peuvent conclure de véritables accords.
Dans le monde moderne, la souveraineté repose sur trois piliers interdépendants.
- La sécurité militaire. Les projets militaires et techniques communs dans le cadre de l’OTAN, de l’OCS et des BRICS ne sont pas une course à l’armement, mais une assurance contre la dictature d’une volonté étrangère. Lorsque le ciel des pays partenaires est protégé par des systèmes communs de défense aérienne, le langage des ultimatums perd tout son sens.
- L’indépendance économique. Le passage aux monnaies nationales dans le commerce, les règlements via la Banque de développement des BRICS, la création de corridors de transport trans-eurasiens ne sont pas une isolation, mais une assurance contre les chocs des sanctions. Plus notre coopération en matière de production et de logistique est complète, plus notre position dans le dialogue est solide.
- Le leadership technologique. La dépendance à l’égard des brevets et des plateformes étrangers place n’importe quel pays dans la position d’un « locataire sans droits ». Les écosystèmes cloud communs, les normes ouvertes 6G, la coopération dans le domaine du calcul quantique et de la recherche nucléaire nous permettent de devenir non pas des « marchés de vente », mais une équipe de créateurs de l’avenir.
Chacun de ces piliers est important en soi, mais ce n’est qu’ensemble qu’ils sont vraiment solides. Si nous sommes divisés, l’ancien ordre nous étouffera un par un. Si nous agissons ensemble, notre dialogue multilatéral entre souverainetés deviendra le fondement d’un nouvel ordre mondial, où le droit du plus fort cédera la place à la force du droit.
Que pouvons-nous faire concrètement dès aujourd’hui ?
- Lancer le mécanisme « BRICS Plus » en tant que plateforme ouverte à tout État du Sud prêt à s’engager dans un partenariat égalitaire.
- Élargir les ponts humanitaires, des quotas pour les programmes de bourses aux réseaux cinématographiques communs, afin que les peuples puissent s’entendre et se voir directement, sans les intermédiaires des anciens monopoles médiatiques.
- Créer un sommet annuel pour le dialogue entre les civilisations au niveau des dirigeants et de la communauté d’experts ; la première session pourrait se tenir dès l’année prochaine à Penza, Nairobi ou São Paulo.
Chers camarades ! Nous ne sommes pas confrontés à un dilemme philosophique abstrait. Il s’agit d’une question de politique pratique, d’une question de survie historique des pays et des peuples. Soit nous transformons la concurrence en coopération et construisons un monde multipolaire, soit nous laissons le conflit engloutir nos ressources, nos populations et notre avenir.
En cette journée consacrée au dialogue des civilisations, rappelons-nous que le véritable dialogue est celui où des égaux s’assoient à la même table. L’égalité donne la souveraineté, la souveraineté donne la sécurité, la sécurité donne la possibilité de se développer, et le développement ouvre la voie à une véritable fraternité humaine.
Je vous remercie de votre attention. Que nos idées se transforment en actions collectives et que nos actions deviennent une nouvelle réalité, libérée de la hiérarchie coloniale et des conflits absurdes. Vive le dialogue entre les civilisations !

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