Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Boire de la vodka dans une chaussette en peau de mouton

Commençons par une citation tirée du rapport politique publié hier par le Comité central du KPRF lors du XIXe congrès du parti : « Il n’y a rien de plus dangereux pour le patriotisme que d’essayer d’habiller la grande culture russe avec des espadrilles* usées et une chemise en toile déchirée. » C’est précisément cette tentative qui nous est venue à l’esprit lorsque nous sommes tombés sur une récente interview de Grigory Gourov, chef de Rosmolodezh, accordée à TASS. La méconnaissance de la politique des communistes russes nous fait ignorer les combats communs avec les communistes français tels qu’ils se définissent aujourd’hui avec Fabien Roussel. Leur patriotisme et leur refus de le voir dévoyé par les oligarques usuriers. La volonté de s’opposer réellement au bellicisme de l’OTAN et à tous les collaborateurs du capital qui acceptent la guerre. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://gazeta-pravda.ru/issue/64-31701-2023-iyunya-2025-goda/pit-vodku-iz-valenka

N° 64 (31701) 20-23 juin 2025 (1ère page)

Auteur : Mikhaïl Kostrikov.

Commençons par ce à quoi Rosmolodezh pourrait s’occuper aujourd’hui. Il s’agit, par exemple, des questions d’orientation professionnelle des jeunes citoyens du pays dans l’intérêt du développement de son économie, et surtout de la garantie d’un premier emploi, dont parle depuis longtemps le KPRF. Ou encore du problème du logement des jeunes familles avec enfants, qui, dans la réalité actuelle, est dans la plupart des cas insoluble pour elles. Enfin, on peut également souligner le fait que les jeunes sont de plus en plus souvent victimes de manipulations de la part de forces hostiles qui les poussent à commettre de véritables actes terroristes. D’une manière générale, les problèmes qui touchent la jeunesse sont nombreux.

M. Gurov s’est toutefois préoccupé d’autre chose. Selon lui, les Russes ne s’habillent pas de manière patriotique. Ils portent des vêtements étrangers avec des noms étrangers et même des drapeaux étrangers. « Nous voulons trouver notre propre code vestimentaire », a déclaré le fonctionnaire à l’agence TASS. « Vous êtes assis là, vêtu d’un sweat à capuche. Qu’est-ce que c’est ? Ce n’est clairement pas un vêtement national russe », a reproché M. Gurov au journaliste. Le locuteur lui-même se pavanait devant la caméra dans un costume de coupe européenne, et nous doutons fort qu’il ait été confectionné dans l’usine « Bolchevichka** ».

« Quel devrait être notre code ? », s’est interrogé le chef de Rosmolodezh, avant de remarquer que « nos ennemis idéologiques » utilisent activement le thème des vêtements (il fait évidemment référence à l’hystérie autour des chemises brodées ukrainiennes). « Et nous, pour une raison quelconque, nous avons peur de le faire », a déploré Gurov.

Et où seront les limites de ce qui est autorisé en matière de vêtements ? Peut-on porter un pull rapporté, par exemple, d’un championnat du monde de football dans un autre pays ? Ou une casquette souvenir avec l’emblème d’une ville où l’on a fait un voyage touristique ? Ou bien cela sera-t-il inscrit au registre des agents étrangers ?

On pourrait en dire long à ce sujet. Et dire que les fonctionnaires russes trouvent des exemples très étranges à imiter. Et se demander quel genre de divinité ils se prennent pour expliquer à la société ce qu’elle a le droit de porter ou non.

Mais il vaut mieux se pencher sur les racines du problème. Et celles-ci se trouvent dans les périodes de perestroïka et de post-perestroïka. À l’époque, d’autres gourous avaient imposé à la société l’idée que tout ce qui était national, y compris les vêtements, était mauvais, et que tout ce qui était importé était bon. Et dans les « années folles » des années 90, on pouvait très bien voir dans la rue des gens portant des t-shirts non pas avec Mickey Mouse, mais avec une étoile caractéristique et une inscription, par exemple : « shérif de tel comté de l’État du Texas ». Imaginons un personnage au Texas avec un t-shirt « Police municipale de Losino-Petrovsky ». Absurde ? Oui, bien sûr, dans les deux cas. Mais sous Eltsine, on a imposé aux gens l’idée que le premier était « cool » !

Et qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? Quel exemple la soi-disant « élite » russe donne-t-elle à la société, en particulier aux jeunes garçons et filles, alors qu’elle continue, même en période de sanctions, à acheter dans les grands magasins des vêtements et des accessoires de marques occidentales pour des sommes à six chiffres, voire plus ? Et ensuite, elle se vante de ces babioles à la télévision et sur les réseaux sociaux.

Ensuite, si l’on veut sérieusement s’attaquer au code vestimentaire national, où les modèles seront-ils conçus et, surtout, où seront-ils fabriqués ? En URSS, l’industrie légère représentait près de 12 % du volume total de la production, mais dans les années 2000, sa part dans la Fédération de Russie est tombée à moins de 1,5 %. Aujourd’hui, le pays n’est pas en mesure de s’habiller, c’est un fait. Allons-nous porter des « kosovorotka »*** tricolores cousues au Bangladesh ? Et allons-nous être fiers, comme le président Trump, avec une casquette sur laquelle est inscrit « Make America Great Again » et dont l’étiquette indique « Made in China » ?

À notre avis, ces « générateurs d’idées » au pouvoir sont le résultat de l’incapacité et du refus de s’attaquer aux problèmes réels du pays et de la société. Au lieu de cela, ils imitent une activité effrénée, sous le couvert de laquelle ils sont prêts à nous transformer en cette caricature du Russe que la propagande occidentale dessine depuis longtemps : un homme en chapka et en caftan, qui promène un ours en laisse dans la rue et boit de la vodka dans une chaussette en peau de mouton ****.

Notes du traducteur :

* Le terme employé est « lapti », chaussures en tille, c’est-à-dire écorce de tilleul ; on peut en voir dans le tableau célèbre de Bateliers de la Volga.

** « La bolchévique ».

*** La kossovorotka est une chemise boutonnée vers l’encolure et non au milieu.

**** J’ai gardé cette traduction de DeepL qui n’est pas exacte, mais montre bien le côté ridicule de l’affaire ; en réalité il s’agit de « valenki », les fameuses bottes en feutre.

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