Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’alliance a perdu son aile du Pacifique, par Dmitri Kossyrev

Toujours au titre des effets réels non seulement des mesures tarifaires de Trump, ce qui peut paraître une nouveauté, mais surtout le prolongement d’une politique belliciste largement initiée par Obama qui a prétendu déplacer le centre de gravité de l’offensive des USA (et de leur « coalition » militaro- économique) vers le Pacifique et la Chine, tout en affaiblissant partout le multipolaire naissant avec des guerres par procuration, l’extension de l’OTAN en Asie avec les quatre alliés je Japon, la Corée du sud, l’Australe et la nouvelle Zélande incités à la surmilitarisation. La guerre contre l’Iran a inquiété plus qu’elle n’a resserré les rangs et le refus de trois des principaux pays d’aller cautionner l’augmentation de 5% des budgets militaires en sont le symptôme le plus manifeste. Ce qu’il faut mesurer c’est que l’immonde servilité des Européens (sauf l’Espagne) n’est qu’une unanimité de façade imposée par des pays comme l’Allemagne, la Grande Bretagne qui espèrent qu’en chassant en meute derrière les Etats-Unis, ils seront comme jadis apte à récolter les morceaux de ce dans quoi la bête a planté ses crocs (1). L’Asie, comme les autres continents ont une autre mémoire du colonialisme et de l’impérialisme, d’autres intérêts déjà. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20250626/zapad-2025367008.html

Et voilà qu’ils ont décidé de ne pas se rendre au sommet de l’OTAN à La Haye. Il s’agit des dirigeants suprêmes du Japon (Shigeru Ishiba), de la Corée du Sud (Lee Jae-myung) et de l’Australie (Anthony Albanese). Leur voisin, le Néo-Zélandais Christopher Luxon, a tout de même réussi à se rendre à La Haye, mais dans l’ensemble, l’OTAN a perdu, au moins temporairement, son aile orientale, officiellement appelée IT4, c’est-à-dire le quatuor indo-pacifique. Si ce n’est pas un scandale, c’est une sensation, ou tout au moins un résultat très significatif du chaos mondial actuel.

L’histoire remonte à l’été 2022. Les quatre dirigeants étaient alors apparus au sommet de l’OTAN à Madrid et s’étaient engagés à jouer le rôle d’assistants de l’Ukraine. En outre, lors de ce sommet, il a été déclaré que les événements dans l’océan Pacifique avaient une influence directe sur la situation dans la région atlantique, la Chine a été qualifiée pour la première fois de « défi systémique » et ce même quatuor s’est engagé à jouer le rôle de filiale de l’OTAN dans la région.

Il s’agissait donc d’une initiative visant à élargir et à mondialiser l’alliance. Et chaque année, le processus s’est poursuivi et intensifié, avec la participation obligatoire des dirigeants de la « côte ouest du Pacifique » aux sommets euro-atlantiques. Et maintenant, ils se sont réunis là-bas et ont confirmé : oui, nous y serons, au plus haut niveau. Mais ensuite, tous – sans se concerter ou peut-être au contraire – ont décidé au dernier moment d’envoyer un représentant subalterne.

Voyons pourquoi. Ce n’est pas facile, car tout s’est passé très vite et de manière inattendue, un ou deux jours avant l’ouverture de la réunion à La Haye. On peut spéculer autant qu’on veut sur les raisons, mais les absents du sommet ne s’expriment pas sur le sujet. De plus, ils sont trois, et chaque pays a ses propres motivations. Même si, quelque part, elles se fondent en un accord harmonieux.

Commençons par les détails. Il n’y a aucun doute : les trois dirigeants mentionnés ont eux-mêmes annulé leur voyage à La Haye, personne ne leur a gentiment laissé entendre qu’ils n’étaient pas les bienvenus cette fois-ci. Mais leurs explications divergent. Tokyo a officiellement invoqué de mystérieuses « circonstances diverses ». L’Australien s’est montré ferme : il a notamment déclaré que son pays ne se laisserait pas dicter sa conduite par son allié. Le Coréen a rappelé qu’il venait d’entrer en fonction et qu’il n’avait pas encore nommé tous ses ministres, et que les affaires intérieures étaient donc prioritaires.

Les analystes se sont ensuite emparés du sujet et ont avancé deux raisons principales pour expliquer cette réticence des trois pays. Il s’agit tout d’abord du Moyen-Orient : les trois pays ont fortement désapprouvé les frappes américaines contre l’Iran. Ils les ont désapprouvées en raison de leur situation économique et politique intérieure.

D’ailleurs, pris par cette folle guerre de 12 jours, nous n’avons même pas eu le temps de remarquer à quels pays elle a fait très mal. Et la liste est longue et parfois surprenante.

Par exemple, il s’avère que le Japon entretient de bonnes relations avec l’Iran, c’est pourquoi les dirigeants à Tokyo ont tout fait pour garder le silence sur ce qui se passait, sans condamner ni soutenir qui que ce soit. Or, outre l’Iran, les Japonais ont de nombreux autres partenaires dans la région, ainsi que de nombreux projets, et les relations avec eux sont également compliquées. En résumé, Tokyo a décidé de rester à l’écart.

La phraséologie de ceux qui évaluent le comportement du président sud-coréen n’est pas très différente. Ce pays a également des liens étroits avec le Moyen-Orient, et les Sud-Coréens affirment aujourd’hui que la guerre a semé le chaos sur tous les marchés imaginables, qu’il s’agisse du pétrole, du gaz ou des finances. Le président fera donc mieux de rester chez lui et, dans la mesure du possible, d’éviter de mettre son économie en péril.

L’Australie : ici, tout est plus intéressant. En effet, tant les partisans (les travaillistes) que les opposants ont critiqué le gouvernement pour sa « réaction molle » aux frappes américaines. Certes, mais en adoptant des positions opposées. Les partisans se sont surtout demandé si Washington avait prévenu son allié australien de son intention d’entrer en guerre. Ou avait-il autre chose à faire ? Et pourquoi ne pas condamner ces frappes ?

Mais voici maintenant le deuxième sujet qui unit de manière touchante ces trois pays du Pacifique et, en fait, tous les autres alliés des États-Unis : l’argent, c’est-à-dire le commerce et les dépenses militaires. Selon les analystes, le seul objectif de tous les pays du Pacifique présents à La Haye était de rencontrer Donald Trump en personne pour discuter de ce qui semble un peu abusif : les droits de douane étouffants sur les exportations vers les États-Unis et l’obligation d’augmenter les dépenses militaires. Le reste du verbiage de l’OTAN ne semble intéresser personne.

Voici la situation au Japon (qui est à peu près la même dans les deux autres pays) : les dépenses militaires n’ont pas encore atteint 2 % du PIB, et les États-Unis exigent déjà 3 %. La semaine dernière, une réunion entre Japonais et Américains devait se tenir selon la formule « 2+2 » (ministres de la Défense et des Affaires étrangères), mais elle a été annulée à Tokyo au milieu d’un scandale, car il s’est soudainement avéré qu’il était question de 3,5 %. Et maintenant, on parle même de 5 %, ce que le représentant du Pentagone a confirmé. En même temps, aucune réduction des droits de douane n’est prévue, et on s’attend seulement à une pression visant à empêcher les alliés du Pacifique de commercer avec la Chine (qui est, rappelons-le, leur principal partenaire).

Attendez, d’où viennent ces 5 % ? Cela ne concerne-t-il pas uniquement les membres de l’OTAN ? Vous rêvez : vous êtes IT4, mais c’est déjà comme si vous faisiez partie de l’OTAN.

En conséquence, les dirigeants du Pacifique et de nombreux autres pays rêvaient de rencontrer Trump et de lui soutirer des concessions lors du récent sommet du G7. Mais Trump s’est enfui avant l’heure pour s’occuper du Proche-Orient. Et maintenant, le trio pacifique ne peut tout simplement pas prendre de risque : s’ils reviennent, ils seront à nouveau ignorés, comme un certain Zelensky. L’électeur ne comprendrait pas.

Le tableau général est le suivant : même les alliés les plus fidèles des États-Unis se voient désormais contraints de suivre l’exemple, disons, de l’Inde avec son « autonomie stratégique », c’est-à-dire d’essayer de négocier à la fois avec l’OTAN, la Chine et le Proche-Orient. En fait, cela fait déjà plusieurs mois qu’ils s’y emploient : prudemment, à pas de loup, mais sans relâche. Il sera intéressant de voir si les Européens membres de l’OTAN feront de même, car la logique économique et autre les pousse également dans cette direction.

(1) Note de danielle Bleitrach sur la crédibilité en occident de Trump et des « dirigeants » occidentaux qui en sont à militariser la paix:

TRUMP est-il crédible dans son rôle de faiseur de paix ?

Commentaire de Danielle Bleitrach sur un article d’Histoire et societe que je me permets de publier à part, pour attirer l’attention des lecteurs de facebook : la question est de savoir si Trump est crédible dans son aspiration à être un faiseur de paix… et elle peut être étendue aux dirigeants européens qui le suivent…

Trump est dans la logique de l’impérialisme américain.

Aucun président américain n’a dit « je vais vous entraîner dans une guerre ». Même pendant la Première guerre mondiale, les deux présidents s’étaient fait élire sur la promesse de ne pas y aller. Leur intervention n’est qu’une expédition La seule déclaration de guerre par les États-Unis a été faite en 1941 contre le Japon après Pearl Harbor.

Le modèle est contagieux puisqu’il est au moins depuis Sarkozy appliqué en France par tous les présidents au nom d’une menace existentielle totalement fabriquée par le concert médiatico politique. L’adhésion du PCF à partir de Hue et jusqu’à aujourd’hui de Boulet à Kamenka va bien au delà de l’influence réelle du PCF. IL n’y a plus le moindre contradicteur à la fabrication de la menace « existentielle » supposée. Le résultat est que comme aux Etats-Unis une majorité de citoyens ne veut pas la guerre, mais en même temps ils ne veulent pas que l’Iran ait une bombe nucléaire. Ils considèrent que l’Iran est une menace, pas simplement pour la région mais aussi parce que le pays nourrit le terrorisme, et les Américains comme les Fançais savent ce qu’est le terrorisme islamiste.

De surcroît, l’opinion est apaisée par le fait que Donald Trump a envoyé « seulement » des pilotes en Iran, et pas des troupes au sol, et même l’utilisation d’une armée de métier fait la différence.

L’acte de Trump peut être comparé à celui d’Obama contre Oussama Ben Laden. D’ailleurs, il a montré des images de lui installé dans l’east room de la Maison-Blanche, là même où Barack Obama en 2011 suivait, entouré de son staff, le raid qui a éliminé Ben Laden.

Pour Donald Trump ce n’est pas une guerre, c’est une opération ciblée, grace à la merveilleuse et rassurante supériorité de l’occident et il apparaît en faiseur de paix : « je suis le plus grand président à avoir fait ça ».

Avec ce système, on a réussi à militariser l’aspiration à la paix , aux Etats-Unis mais aussi en France avec des présidents comme Sarkozy, Hollande dont Macron est le produit incestueux d’une confusion totale entre la droite et la gauche.

Les liquidateurs du PCF, avec leur commission internationale non élue mais en relation étroites avec toute la presse du parti, qui reçoit les financement gérés par « Boulet » , les fondations allemandes et la mairie de Paris… peuvent se substituer en relation avec ce consensus (à la veille d’élections municipales) aux décisions du Congrès et des instances officielles du parti.

ce n’est donc pas Trump mais bien un système qui sous des modalités diverses s’est étendu à l’ensemble des Etats-Unis, de l’UE, du canada… et qui comme nous l’analysons ne reçoit pas le même assentiment en Asie et dans le sud global malgré les efforts d’une bourgeoisie compradore.

Mais le système a des limilites quand on réalise le coût de 5% du PIB pour le surarmement. Le narratif se heurte de plus en plus en Europe à la réalité de la dégradation de la vie des populations : vie chère, inflation, destruction des services publics, dégâts environnementaux et c’est là la principale limite que le tromphalisme d’un Trump qui réclame le Nobel d’Obama vu qu’il agit comme lui, se heurte aux FATIS .

C’est pour cela que la campagne en faveur du retour aux préoccupations du monde du travail de Fabien Roussel se heurte dans les faits aux mêmes obstacles et forces d’inertie que celle qui viserait à dénoncer l’OTAN… Partir de la réalité des conditions matérielles d’existence rassemble dans le bon sens…

danielle Bleitrach

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1 Commentaire

  • Georges Rodi
    Georges Rodi

    Article bien tourné, mais l’exemple de l’Inde avec son « autonomie stratégique » me laisse pensif.
    Un pays qui a rejoint les BRICS avant que Modi ne prenne le pouvoir, et ce dirigeant ultra-nationaliste, ultra-religieux, et qui pense pouvoir jouer sur tous les tableaux, va être amené à des choix difficiles.

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