Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Chine accueille les ministres de la Défense de l’organisation de coopération de Shanghai, ce n’est pas l’OTAN, c’est le multilatéralisme…

– La Chine a accueilli jeudi plusieurs ministres de la Défense, dont celui de l’Iran et de la Russie, quelques jours après l’arrêt des combats entre Téhéran et l’armée israélienne, et en plein bouleversement au Moyen-Orient. C’est l’occasion de toujours mieux nous initier au rôle du multilatéralisme à la chinoise. Nous aurons l’occasion prochainement de revenir sur l’actualité des BRICS avec le prochain sommet à Rio de Janeiro, dont nous avons vu à quel point elle a été tenue à l’écart de la guerre éclair Israël-Iran-USA. D’un point de vue occidental, il ne s’agit pas d’une démonstration de force mais une inquiétante preuve de jusqu’où la faiblesse armée de l’hégémon peut conduire le monde et ce que le suzerain exige d’alliés devenus guerriers par procuration. Quelle réponse multilatérale à la chinoise? proposer une alternative de stabilité économique avec les BRICS, la BRI (la route de la soie), renforcer le partenariat stratégique avec la Russie, la Corée du Nord tout en marquant son autonomie de choix en matière de défense. C’est dans ce contexte de « sécurité » nouveau multilatéral qu’il faut analyser la réunion des ministres de la Défense de l’organisation de Coopération de Shanghai. Il n’est pas question de créer un parallèle à l’OTAN et néanmoins il y a coordination sur la manière de résister au chaos y compris nucléaire dans lequel s’engage l’occident derrière les USA. Avec le cas particulier mais caractéristique de l’Inde qui permet de comprendre de quelle manière la Chine a pour stratégie de considérer les organisations du multilatéralisme comme destinées à « transcender les différends bilatéraux et à se concentrer sur la coopération multilatérale » ..

Des ministres de la Défense de l'Organisation de la coopération de Shanghaï (OCS) réunis à Qingdao dans l'est de la Chine, le 26 juin 2025

Des ministres de la Défense de l’Organisation de la coopération de Shanghaï (OCS) réunis à Qingdao dans l’est de la Chine, le 26 juin 2025© Pedro PARDO

La Chine a accueilli jeudi plusieurs ministres de la Défense, dont celui de l’Iran et de la Russie, quelques jours après l’arrêt des combats entre Téhéran et l’armée israélienne et en pleine instabilité au Moyen-Orient.

Cette réunion ministérielle de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui se déroule à Qingdao (est de la Chine), intervient également au lendemain d’un sommet de l’Otan, dont les membres ont décidé d’augmenter leurs dépenses militaires.

Le ministre iranien de la Défense Aziz Nasirzadeh, à gauche, et son homologue kazakh à la réunion de Qingdao en Chine de l'organisation de la coopération de Shanghaï le 26 juin 2025

Le ministre iranien de la Défense Aziz Nasirzadeh, à gauche, et son homologue kazakh à la réunion de Qingdao en Chine de l’organisation de la coopération de Shanghaï le 26 juin 2025© Pedro PARDO

L’OCS regroupe 10 pays dont la Chine, la Russie, l’Iran, l’Inde et le Pakistan. Elle entend faire contrepoids aux organisations occidentales et renforcer la coopération en matière de politique, de sécurité ou encore de commerce.

(De gauche à droite) Les ministres de la Défense iranien Aziz Nasirzadeh, kazakh Dauren Kossanov, chinois Dong Jun, kirghiz Ruslan Mukambetov, pakistanais Khawaja Muhammad Asif, et russe Andreï Belooussov, à une réunion de l'Organisation de ccopération de Shanghai (OCS) à Qingdao (Chine), le 26 juin 2025

(De gauche à droite) Les ministres de la Défense iranien Aziz Nasirzadeh, kazakh Dauren Kossanov, chinois Dong Jun, kirghiz Ruslan Mukambetov, pakistanais Khawaja Muhammad Asif, et russe Andreï Belooussov, à une réunion de l’Organisation de ccopération de Shanghai (OCS) à Qingdao (Chine), le 26 juin 2025© Pedro PARDO

La Chine, dont les liens avec la Russie sont scrutés de près, se présente comme partie neutre dans la guerre en Ukraine. Elle n’a jamais condamné la Russie, son proche partenaire parce qu’elle le considère comme beaucoup de pays du sud comme de fait attaquée par l’OTAN.

Mais l’occident et plusieurs gouvernements alliés du régime de Kiev estiment par ailleurs que le géant asiatique apporte à Moscou un soutien économique et diplomatique qui lui permet de poursuivre son opération militaire et une campagne qui n’est étayée sur aucune preuve au contraire tente d’attribuer à la Chine un rôle dans la multiplication des conflits allumés par l’occident. Cela fait partie de la propagande des Etats-Unis relayée complaisamment et sans la moindre preuve par les médias occidentaux et qui malheureusement ne rencontre que très peu de contradicteurs dans les forces politiques y compris l’éternel enfumage de la Commission internationale du PCF qui s’ingénie à inventer des partis d’Asie supposés hostiles à la Chine et dénonçant son « hégémonie ».

Il est de bon ton en général d’ignorer l’originalité du multilatéralisme à la Chinoise et l’influence réelle de sa diplomatie axée sur la paix et la neutralité. D’où l’intérêt de cette réunion des ministres de la Défense de l’Organisation de Coopération de Shanghai créée pour la sécurité et la lutte anti-terroriste en Asie et Asie centrale.

S’adressant à ses homologues réunis à Qingdao, le ministre russe de la Défense, Andreï Belooussov, a dressé jeudi le tableau sombre d’un monde confronté à « l’aggravation des tensions géopolitiques » et à une « augmentation menaçante du potentiel conflictuel ». « La situation militaire et politique actuelle dans le monde reste difficile et a une tendance à se détériorer », a-t-il souligné, selon un communiqué de son ministère.

La réunion, associant les ministres assis autour d’une grande table ronde, dont le représentant iranien Aziz Nasirzadeh, a duré environ deux heures.

Chaos !

En tenue militaire, le ministre chinois de la Défense, Dong Jun, a présenté jeudi la réunion de Qingdao comme un contrepoids face à un monde « marqué par des bouleversements et des changements ». 

Dans ce contexte, « il est d’autant plus nécessaire que l’Organisation de coopération de Shanghai joue pleinement son rôle d’ancre de stabilité », a-t-il déclaré en ouverture de la session, selon son ministère.

« Les actes hégémoniques, dominateurs et d’intimidation portent gravement atteinte à l’ordre international », avait-il affirmé la veille en accueillant certains des ministres étrangers, selon l’agence de presse Chine nouvelle. Il avait par ailleurs appelé ses homologues à « agir avec plus de vigueur afin de sauvegarder collectivement l’environnement propice au développement pacifique ».

Un sous-marin du musée de la marine militaire de l'armée chinoise à Qingdao, dans l'est de la Chine, le 26 juin 2025

Un sous-marin du musée de la marine militaire de l’armée chinoise à Qingdao, dans l’est de la Chine, le 26 juin 2025© Pedro PARDO

Aucun ordre du jour n’a été publié, mais les récents affrontements entre d’un côté l’Iran, et de l’autre côté Israël associé aux États-Unis, figuraient probablement à l’ordre du jour.

– Soutien à l’Iran? –

La Chine n ‘a apporté son soutien à l’Iran, un pays partenaire, que par la voie diplomatique. Une position qui illustre le rôle assumé volontairement au Moyen-Orient même si elle intervient diplomatiquement d’une manière claire, qu’il s’agisse du conflit iranien ou de la situation des Palestiniens.Le ministre iranien de la Défense pourrait « évoquer avec la Chine la fourniture d’armes mais il est peu probable qu’il le fasse. Pourtant on ne peut pas dire non plus que la neutralité chinoise ne soit pas en train de marquer la ligne rouge à ne pas franchir de la part de l’occident et des Etats-Unis. Il est évident que dans cette « crise », le choix de l’union au Conseil de sécurité et à l’ONU, de la Chine, de la Russie et du Pakistan tous membre de l’OCS a créé un contexte de soutien à la résistance de l’IRAN.

Ville portuaire stratégique, Qingdao n’a pas été choisie au hasard. Elle abrite une importante base navale, symbole de l’essor militaire chinois. Pour Dong Jun, ministre de la Défense chinois, cette réunion incarne une réponse chinoise à un monde « en proie au chaos et à l’instabilité ».  une ère marquée par « l’unilatéralisme » et « le protectionnisme », fustigeant les « actes hégémoniques, dominateurs et d’intimidation [qui] portent gravement atteinte à l’ordre international ».

La Chine affirme vouloir « sauvegarder collectivement l’environnement propice au développement pacifique ». Une volonté affichée de contrebalancer l’OTAN dont les membres ont, la veille, convenu à La Haye d’augmenter leurs dépenses militaires sous pression américaine, mais sur des bases totalement différentes et qui en constituent la force.

La présence d’Andreï Belooussov, récemment nommé ministre russe de la Défense, marque une étape de plus dans la consolidation des liens sino-russes. Il a salué à Qingdao des relations bilatérales atteignant un « niveau sans précédent ». Selon lui, « les relations amicales entre nos pays maintiennent une dynamique de développement ascendante dans toutes les directions »

Vers une nouvelle architecture sécuritaire ?

En arrière-plan,  l’OCS qui rassemble aujourd’hui dix membres, se positionne de plus en plus comme un bloc alternatif à l’Occident. Pékin en est le principal moteur, poussant des initiatives de coopération politique, sécuritaire et scientifique. Ce rassemblement militaire donne corps à cette ambition : poser les fondations d’une sécurité régionale non alignée sur les standards de l’Otan.

Il y a la relation de l’organisation mais aussi l’occasion de relations bilatérales. Le ministre chinois de la Défense, Dong Jun, a tenu jeudi des réunions séparées à Qingdao, dans la province du Shandong (est), avec le secrétaire général de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), Nurlan Yermekbayev, le ministre ouzbek de la Défense Shukhrat Kholmukhammedov, le ministre kazakh de la Défense Dauren Kosanov, le ministre tadjik de la Défense Emomali Sobirzoda et le ministre indien de la Défense Rajnath Singh, selon un communiqué publié par le compte officiel WeChat du ministère chinois de la Défense nationale.

L’OCS est une force importante dans la pratique d’un véritable multilatéralisme et la sauvegarde de la stabilité stratégique mondiale, a déclaré M. Dong. Il a déclaré que cette réunion avait envoyé un signal clair à la communauté internationale que les États membres étaient attachés à « l’esprit de Shanghai » et à l’approfondissement de l’unité et de la coopération. M. Dong a exprimé l’espoir que toutes les parties travailleraient ensemble pour mettre en œuvre le consensus atteint lors de la réunion, répondre conjointement à l’impact sévère de l’unilatéralisme, du protectionnisme et de l’hégémonisme et injecter plus de certitude et d’énergie positive dans la prospérité et la stabilité régionales.

La Chine est disposée à renforcer la coordination avec les départements de la Défense et les forces armées des États membres, à promouvoir les progrès dans la coopération en matière de défense et de sécurité et à contribuer à la construction d’une communauté de destin plus étroite de l’OCS, a ajouté M. Nyong.

En ce qui concerne la présence de l’Inde à ce sommet, nous nous contenterons de citer l’article de Global Times

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Un autre enjeu est celui de la position de l’Inde qui tente de conserver des relations optimale avec les Etats-Unis même si dans le récent conflit avec le Pakistan, elle s’est retrouvée doublement isolée par rapport à la Chine, ce qui n’est pas une nouveauté mais aussi par la médiation de Trump dans le conflit avec le Pakistan. Le ministre indien de la Défense, Rajnath Singh, également présent à Qingdao, a déclaré que les membres de l’OCS devraient « aspirer collectivement à réaliser les souhaits et les attentes des populations, et s’attaquer aux défis d’aujourd’hui ». »Le monde dans lequel nous vivons subit une transformation drastique. La mondialisation, qui nous a autrefois rapprochés, perd de son élan », a-t-il affirmé via son cabinet sur le réseau social X.

La réunion des ministres de la Défense de l’OCS s’est tenue de mercredi à jeudi. Rajnath Singh a assisté à l’événement, et les médias indiens ont noté qu’il était le premier ministre indien de la Défense à se rendre en Chine depuis l’impasse frontalière sino-indienne de 2020. Sa visite « marque un développement diplomatique important alors que les deux pays s’efforcent prudemment de rétablir des liens fonctionnels après des années d’engagement gelé ».

Le journaliste du Global Times a vu Singh arriver au Centre international des congrès de Qingdao jeudi après-midi, où des réunions bilatérales entre des représentants chinois et étrangers ont eu lieu.

Selon le ministère chinois de la Défense nationale, M. Singh a déclaré que l’Inde et la Chine sont des voisins qui ne peuvent être séparés et partagent une longue histoire d’interactions. Il a déclaré que l’Inde ne cherchait pas le conflit ou la confrontation avec la Chine et qu’elle était disposée à gérer correctement les différends, à renforcer la communication et la confiance mutuelle et à promouvoir le développement régulier des relations bilatérales.

Qian Feng, directeur du département de recherche de l’Institut national de stratégie de l’Université Tsinghua, a déclaré jeudi au Global Times que la participation de Singh envoyait un signal positif. Cela montre que l’Inde reconnaît l’OCS comme une plate-forme précieuse pour le dialogue et reflète le respect pour le pays hôte, tout en signalant la volonté de l’Inde de continuer à améliorer ses relations avec la Chine.

Pendant ce temps, en réponse aux informations des médias indiens affirmant que « l’Inde a refusé de signer la déclaration conjointe des ministres de la Défense de l’OCS en raison de divergences sur les questions liées au terrorisme », Zhang Xiaogang, porte-parole du ministère chinois de la Défense nationale, a déclaré lors d’un point de presse jeudi : « Pour autant que je sache, grâce aux efforts concertés de toutes les parties, la réunion des ministres de la Défense de l’OCS s’est terminée avec succès. »

Commentant cela, M. Qian a déclaré que l’OCS, en tant que mécanisme de coopération multilatérale régionale, a toujours défendu « l’esprit de Shanghai » d’égalité, de consultation et de bénéfice mutuel. Sa valeur fondamentale réside dans la fourniture d’une plate-forme pour les statistiques des membres afin de parvenir à un consensus, d’approfondir la coopération et de renforcer la confiance mutuelle stratégique.

« Les différends de longue date entre l’Inde et le Pakistan sont bien connus », a noté M. Qian. « La Chine et d’autres membres de l’OCS ont toujours appelé à résoudre ces questions par des voies bilatérales ou des mécanismes existants au profit de la paix régionale. »

L’expert a noté que bien que certains médias indiens aient affirmé unilatéralement que l’Inde avait refusé de signer la déclaration conjointe en raison de désaccords sur le terrorisme, ils ont négligé le fait que l’OCS est une plate-forme pour la construction d’un consensus multilatéral, et non un lieu pour résoudre des problèmes bilatéraux spécifiques entre l’Inde et le Pakistan.

« La réponse de la Chine démontre une fois de plus la capacité de l’OCS à transcender les différends bilatéraux et à se concentrer sur la coopération multilatérale », a déclaré M. Qian.

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