Entre les 14 bombes anti-bunkers et les bombardiers B-2 à 2 milliards pièce, l’opération américaine en Iran a coûté très cher. Qui aujourd’hui a les « moyens » de cette guerre-là ? du surarmement généralisé que cela suppose ? poser la question c’est passer des « stratèges en chambre » à la phase actuelle du devenir du monde multipolaire, celui où plus que jamais c’est la lutte des classes par rapport aux potentialités scientifiques et techniques, le rapport des êtres humains à la nature et à leur propre nature qui se joue…
Des bombardiers américains ont frappé trois sites nucléaires iraniens, au cours de la nuit de samedi à dimanche 22 juin, a annoncé le président Donald Trump, marquant l’entrée directe des États-Unis dans le conflit qui oppose Israël à l’Iran.
Sur le papier, seule l’armée américaine avait la capacité technique de détruire les installations nucléaires iraniennes profondément enfouies comme celle de Fordow, au sud de Téhéran. A ce stade, l’évaluation précise des dégâts reste en cours. Trois sites ont été ciblés: Fordow, Natanz et Ispahan.
Les Etats-Unis, dont le budget militaire s’élèvait à 916 milliards de dollars en 2023 (89 fois plus que l’Iran selon les données de la Banque mondiale), ont opéré une démonstration de force.
Le coût financier de l’opération reste inconnu à ce stade. Mais ce montant ne sera pas anodin outre-Atlantique. Une nette majorité de citoyens (60% selon un sondage Economist/YouGov) s’opposaient à une intervention militaire en Iran alors que les coûteuses et meurtrières opérations à l’étranger sont devenues impopulaires.
Les guerres menées après le 11 septembre en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et en Syrie ont coûté au moins 8.000 milliards de dollars au contribuable américain selon une étude de l’université Brown publiée en 2021 (2,6 fois le PIB de la France).
Des avions à 2 milliards pièce
Des détails de l’opération « Midnight Hammer » (marteau de minuit) ont été communiqués par le général Dan Caine, chef d’état-major des armées des Etats-Unis, lors d’une conférence de presse ce dimanche 22 juin.
Le raid a été lancé depuis le sol américain, dans la nuit de vendredi à samedi. Un groupe de bombardiers B-2 Spirit a décollé depuis la base de Whiteman, dans le Missouri. 7 aéronefs se sont dirigés vers l’Iran. Un autre groupe s’est tourné vers l’océan Pacifique pour servir de « leurres ».
« Il s’agissait de la plus grande frappe opérationnelle de B-2 de l’histoire des Etats-Unis et de la deuxième plus longue mission B-2 jamais effectuée », a indiqué le général Dan Caine.
Développé par l’avionneur américain Northrop, le B-2 est conçu comme une « aile volante » pour développer sa furtivité et échapper aux radars ennemis. Avec un coût unitaire estimé à 2 milliards de dollars, il s’agit de l’avion le plus cher au monde selon CNN.
Entre les 14 bombes anti-bunkers et les bombardiers B-2 à 2 milliards pièce, l’opération américaine en Iran a coûté très cher© Northrop
Il est également très coûteux à faire fonctionner. Une heure de vol coûte 150.000 dollars selon le journal scientifique américain Popular Mechanics, qui s’appuie sur un rapport du Government Accountability Office (GAO), l’office chargé de surveiller les comptes publics aux Etats-Unis.
En retenant que la mission a duré au total 37 heures, l’opération pourrait avoir coûté au moins 40 millions de dollars rien que pour faire voler les 7 bombardiers ayant frappé le sol iranien.
Destructeur de bunker
Le B-2 a été choisi pour emporter la bombe GBU-57, utilisée pour frapper les sites nucléaires iraniens. Cette arme, aussi appelée « bunker buster » (destructeur de bunker), pèse 13,6 tonnes et a la particularité de pouvoir s’enfoncer jusqu’à 60 mètres sous terre avant d’exploser, selon les indications de l’armée américaine.
Selon des experts, la bombe GBU-57 est la seule à pouvoir frapper efficacement le site de Fordow, construit sous une montagne.
Rafael Grossi, le patron de l’AIEA, qui s’y est rendu plusieurs fois pour l’inspecter, a toutefois indiqué au Financial Times que « les éléments les plus sensibles se trouvent à 800 mètres sous terre », et donc peut-être hors de portée de cette bombe, aussi sophistiquée soit-elle.
Au total, 14 GBU-57 ont été utilisées lors de cette opération selon Dan Caine.
Entre les 14 bombes anti-bunkers et les bombardiers B-2 à 2 milliards pièce, l’opération américaine en Iran a coûté très cher© Wikicommons
Le coût unitaire de la bombe GBU-57 n’est pas connu avec précision. Le journaliste Philippe Chapleau, spécialiste des questions de défense, notait toutefois sur son blog que l’armée américaine en avait commandé huit en avril 2011 pour 28,2 millions de dollars, et huit autres en août 2011 pour 32,1 millions de dollars (soit un coût unitaire potentiel entre 3 et 4 millions de dollars). L’armée américaine a également passé une commande en 2018 pour 20 millions de dollars, sans précision sur le nombre d’engins concernés.
Le général Dan Caine a également mentionné que « deux douzaines de missiles Tomahawk » avait été tirés depuis un sous-marin vers les sites nucléaires.
« Plus de 125 avions américains ont participé à cette mission », a précisé le chef d’état-major de l’armée américaine, dont des avions de chasse, des avions ravitailleurs et des avions de surveillance.
75 armes à guidage de précision ont également été utilisées lors de l’attaque.
250 millions d’euros par jour pour Israël
Début avril, CNN rapportait que l’opération militaire contre les rebelles houthis au Yémen avait coûté près d’un milliard de dollars en moins de trois semaines. Des bombardiers B-2 et des missiles de croisière avaient déjà été mobilisés. Ces opérations sont critiquées aux Etats-Unis.
Le média américain note que « cette opération (contre les houthis, ndlr) a ébranlé certains responsables du Commandement indo-pacifique américain, qui se sont plaints du grand nombre d’armes à longue portée déployées ».
« Ces armes seraient cruciales en cas de guerre avec la Chine, et les planificateurs militaires craignent que l’opération (…) ait un impact négatif sur la préparation militaire américaine dans le Pacifique », poursuivait CNN.
De son côté, Israël aurait dépensé environ 250 millions d’euros par jour pour sa défense aérienne face à l’Iran, selon une estimation du média The Marker, rapportée par la revue Le Grand Continent. En une semaine, le coût aurait donc dépassé la barre des 2 milliards d’euros.
Une guerre avec l’Iran qui durerait un mois coûterait environ 12 milliards de dollars, selon une évaluation de l’institut Aaron de politique économique de l’Université Reichman, citée par le Wall Street Journal.
« Par jour, c’est bien plus cher que la guerre à Gaza ou contre le Hezbollah. Et tout cela vient des munitions. C’est là le gros du budget », a déclaré Zvi Eckstein, directeur de l’Institut.
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