Dans son combat contre l’Iran, Israël semble ne vouloir reculer devant rien pour atteindre ses objectifs. Néanmoins, souligne le Wall Street Journal, l’argent est définitivement le nerf de la guerre. Et la bataille que mène le régime de Benyamin Netanyahou est coûteuse. Ce qui pourrait très rapidement poser problème à Israël. Les analystes s’accordent sur ce sujet : le pays peut supporter une guerre de très courte durée. « Qu’elle dure une semaine, c’est une chose », souligne Karnit Flug, ancienne gouverneure de la Banque d’Israël et aujourd’hui chercheuse principale au sein du groupe de réflexion Israel Democracy Institute. « Qu’elle dure deux semaines ou un mois, c’est une tout autre histoire. » Ce constat fait à propos d’Israël a ses incidences sur ceux qui en fait, comme en Ukraine, portent à bout de bras le bellicisme israélien et parmi eux les USA.
Pas de récession en vue en Israël disent les économistes, mais par quel miracle ?
Aujourd’hui, selon le média américain, le conflit avec l’Iran coûte plusieurs centaines de millions de dollars par jour. D’après une estimation de l’institut, une guerre avec l’Iran qui durerait un mois coûterait environ 12 milliards de dollars. Le coût le plus important concerne les intercepteurs de missiles iraniens, qui peuvent représenter plusieurs dizaines, voire centaines de millions de dollars par jour, l’Iran ayant lancé plus de 400 missiles sur Israël.
Le maintien en vol de dizaines d’avions de combat, comme les F-35, ou le ravitaillement des avions et des munitions sont également très coûteux. Chaque appareil provoque une dépense de 10 000 dollars par heure de vol. « Par jour, c’est bien plus cher que la guerre à Gaza ou contre le Hezbollah. Et tout cela vient des munitions. C’est là le gros du budget », a indiqué Zvi Eckstein, directeur de l’Institut Aaron de politique économique de l’université Reichman.
Bien entendu, la reconstruction et la réparation des dégâts risquent d’alourdir la note, d’au moins 400 millions de dollars. Les dépenses militaires n’ont fait que croître depuis le début de la guerre, mais, pour l’heure, les économistes ne prévoient pas de récession et les marchés boursiers n’ont pas modifié leur perspective de crédit. Certains économistes disent croire à la faculté de résilience de l’économie israélienne mais s’agit-il bien de l’économie israélienne ? .
Et jusqu’à quand ? Le conflit s’éternisant, Benyamin Netanyahou ne montre aucune volonté de vouloir s’arrêter avant d’avoir atteint tous ses objectifs. Quitte à plonger toujours plus son pays dans l’économie de guerre et à créer une situation financière exsangue pour les Israéliens. Et devenir, pour de bon, un Premier ministre impopulaire.
Gaza, Liban, Iran… Comment Israël finance ses guerres
Israël a multiplié les conflits meurtriers depuis près de deux ans, de la bande de Gaza au Liban, et maintenant en Iran. Que ce soit pour financer ces guerres ou sa défense, l’État hébreu engage des dépenses colossales. Comment s’appuie-t-il sur une économie pouvant faire face à ces dépenses militaires conséquentes ? Explications d’un partisan d’Israël qui a la foi du charbonnier…

Au moment de présenter le budget 2025 de l’État hébreu en septembre dernier, Bezalel Smotrich, le ministre israélien des Finances – issu de l’extrême droite –, a déclaré : « Nous sommes dans la guerre la plus longue et la plus coûteuse de notre histoire (…). Nous soutiendrons cet effort jusqu’à la victoire… Sans ça, il n’y aura pas de sécurité, et sans sécurité, il n’y aura pas d’économie. »
Depuis les attaques du Hamas le 7 octobre 2023, Israël s’est engagé dans trois guerres : celle toujours en cours dans la bande de Gaza, une au Liban en 2024, et désormais celle contre l’Iran. Ce à quoi s’ajoutent les dépenses de défense d’Israël, notamment pour intercepter les missiles, drones et autres roquettes.
Le coût direct de la guerre concernant Gaza et le Liban, jusqu’à la fin 2024, est estimé par la Banque d’Israël à plus de 42 milliards d’euros*, « auxquels s’ajoutent environ 7,5 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales », explique Michael Ben-Gad, professeur d’économie à City St George’s, University of London. « Sur ce total, les coûts militaires immédiats représentent près de 30 milliards d’euros. »
Pour l’année en cours, la banque centrale israélienne « estime que le coût s’élève à plus de 21 milliards d’euros », détaille l’expert. La guerre déclenchée la semaine dernière avec l’Iran coûterait, quant à elle, 630 millions d’euros par jour à Israël, selon un ancien haut responsable de la Défense.
De manière plus générale, la Banque d’Israël a estimé que l’effort de guerre coûterait plus de 62 milliards d’euros entre 2023 et 2025 toutes dépenses confondues – coûts militaires, besoins civils et pertes de revenus fiscaux.
Armements, réservistes et impact sur l’économie israélienne
Ces estimations donnent une indication globale des sommes d’argent colossales engagées par Israël, mais « ces dépenses sont difficiles à établir précisément », explique Nadine Baudot-Trajtenberg, économiste et ancienne sous-gouverneure de la Banque d’Israël.
Le plus gros de ces dépenses se trouve dans les « coûts budgétaires ». Ce sont les principales sorties d’argent de l’État hébreu en matière d’armements et de réservistes. Ces derniers ont été 360 000 à être mobilisés dès octobre 2023 et chaque réserviste coûte environ 250 euros par jour à Israël, selon les données officielles. Sur près de deux ans, leur coût théorique revient donc à environ 55,5 milliards d’euros.
« Si on regarde les dépenses de défense en pourcentage du PIB israélien, elles ont doublé, passant de 4,5 % à 9 % en 2024, par rapport aux années précédentes », précise Nadine Baudot-Trajtenberg.
Viennent ensuite les dépenses qui ont « un impact sur l’économie », poursuit la spécialiste israélienne : « L’activité économique est plus modérée qu’elle ne devrait l’être, surtout dans les domaines du tourisme et de la construction – ce dernier nécessitant un grand nombre de travailleurs palestiniens. » Ces travailleurs ont été 150 000 à voir leur permis de travail suspendu par Israël après le 7-Octobre.
Ces dépenses globales ont entraîné une perte pour l’économie israélienne qui « peut se mesurer par environ deux années de croissance perdues – elle a essentiellement stagné au lieu de croître », précise Michael Ben-Gad. Même son de cloche auprès de Nadine Baudot-Trajtenberg, qui ajoute qu’Israël « est à 4 % de moins que si l’économie avait continué sur la même trajectoire pré-octobre 2023 ».
Soutien américain et « très forts coussins d’absorption de chocs »
Pour soutenir ces dépenses militaires et civiles conséquentes, l’État hébreu dispose d’une multiplicité de financements. D’abord sur les marchés : depuis le début de la guerre à Gaza, Israël a levé près de 90 milliards d’euros – l’immense majorité localement et près d’un quart au niveau mondial. « La capacité d’Israël à lever des dettes à grande échelle est le résultat d’un marché de capitaux sophistiqué et profond, d’une économie forte et d’un système financier stable », a déclaré à ce sujet le comptable général d’Israël, Yali Rothenberg.
Par ailleurs, la situation économique de l’État hébreu n’était pas des plus inconfortables avant octobre 2023. « Israël est entré dans cette période (de guerre) avec de très forts coussins d’absorption de chocs », note Nadine Baudot-Trajtenberg. « Il avait une dette du secteur public relativement basse, à 63 % du PIB, des réserves étrangères très élevées à la banque centrale israélienne – ce qui explique la faible dévaluation de la monnaie – et aussi un compte courant toujours positif depuis plus de 20 ans. Donc Israël est un créancier pour le reste du monde et non l’inverse. »
Le pays a aussi émis des obligations d’État. Ce mécanisme de vente sophistiqué a notamment permis d’acheminer des milliards de dollars des gouvernements des États américains – comme la Floride – et des collectivités locales américaines vers Israël, selon le Consortium international des journalistes d’investigation.
Les États-Unis participent aussi activement au financement de l’effort de guerre israélien en apportant une aide militaire conséquente. En un an (7 octobre 2023-30 septembre 2024), Washington a dépensé au total au moins 22,76 milliards de dollars – près de 20 milliards d’euros – en aide militaire à Israël et pour des opérations américaines au Moyen-Orient, notamment contre les Houthis au Yémen, selon le centre de recherche américain Watson Institute for International and Public Affairs.
Israël s’appuie enfin sur ses recettes publiques, notamment sur la fiscalité des contribuables israéliens. « En 2023, la fiscalité directe (principalement l’impôt sur le revenu, NDLR) a rapporté environ 60 milliards d’euros », détaille Michael Ben-Gad. « La fiscalité indirecte (surtout la TVA) a quant à elle généré près de 42 milliards d’euros. »
Et sur ce sujet, la classe politique israélienne est divisée. Alors que le ministre des Finances s’est récemment résolu à relever la pression fiscale – en augmentant les impôts et la TVA en 2025 – pour faire face à la croissance des dépenses militaires et combler le déficit de l’État, des voix redoutent que l’existence du secteur public israélien ne soit menacé.
Bref on retrouve en Israël les mêmes caractéristiques qu’en Europe, à la seule différence près que les Etats-Unis de Trump n’ont pas exercé la même pression sur les frais d’armement et sur les déficits commerciaux. Cela aurait été dans la logique de Trump surtout après ses affaires avec l’Arabie saoudite mais le piège de Netanayoun a fonctionné. Le dit piège n’empêchant pas par ailleurs la destruction de ce qui fait d’Israël un pays développé par rapport à ses voisins qui a contrario connaissent un développement y compris l’Iran pourtant étranglé par les sanctions et blocus et lui aussi entré dans une logique de guerre;
Fin mai, la professeure Karnit Flug, ancienne gouverneure de la Banque d’Israël et chercheuse à l’Institut israélien de la démocratie, a averti le gouvernement israélien : « Il existe un risque d’effondrement, car si les services publics continuent de se détériorer, nous nous retrouverons à la traîne des pays développés en matière de qualité des soins de santé, d’éducation, d’infrastructures et de recherche et développement. »
Le coût de la guerre est moindre pour les Iraniens que pour les israéliens et surtout les Etats-Unis…
Selon les données officielles israéliennes plus de 400 missiles iraniens ont été tirés ces derniers jours.
Le chercheur Yehoshua Kaliski, de l’Institut d’études de sécurité nationale, révèle que l’interception d’un missile à l’aide du système David’s Sling coûte environ 700 000 dollars
Ce chiffre grimpe à 3 à 4 millions de dollars lorsqu’il s’agit d’interceptions réalisées avec les systèmes Arrow 2 ou Arrow 3.
L’ironie de la situation réside dans le fait que nombre des missiles et drones lancés par l’Iran ou ses alliés sont produits à des coûts dérisoires, de l’ordre de quelques milliers ou dizaines de milliers de dollars. Selon un rapport du Times of Israel, le coût de l’interception d’un seul missile dépasse souvent des dizaines de fois le prix du missile lancé
Les coûts de l’aérien font exploser la facture
Les dépenses ne se limitent pas à la défense aérienne : elles comprennent également des coûts liés à l’aviation militaire.
L’exploitation d’avions de chasse tels que le F-35 peut atteindre 10 000 dollars par heure, sans compter les munitions, telles que les bombes guidées de précision JDAM et MK84.
Ces dépenses portent la facture de la défense aérienne à des niveaux records, jamais atteints lors des précédentes grandes guerres contre le Hezbollah ou la bande de Gaza.
Un missile tiré depuis l’Iran a touché le complexe hospitalier Soroka à Beersheba, en Israël, jeudi 19 juin 2025, provoquant d’importants panaches de fumée. AP Photo
Les infrastructures civiles aussi touchées
Les attaques iraniennes ne visent pas uniquement des cibles militaires, mais ont largement touché les infrastructures civiles : des centaines de bâtiments ont été détruits et plus de 5 000 personnes ont été évacuées de leur domicile, selon l’Autorité israélienne chargée de la diplomatie publique.
L’ingénieur Eyal Shalev a estimé que la reconstruction d’une seule tour d’habitation à Tel-Aviv coûterait des dizaines de millions de dollars. Une raffinerie de pétrole dans le nord d’Israël a également été touchée par deux frappes directes, tuant trois employés et mettant l’installation hors service.
Face à ces coûts économiques et militaires, la pression intérieure monte en Israël pour mettre fin à la confrontation. Toutefois, le Premier ministre Benjamin Netanyahu maintient que la guerre ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint ses objectifs militaires – la neutralisation des capacités nucléaires et de missiles de l’Iran.
* Tous les montants exprimés en shekels et en dollars par nos experts ont été convertis en euros.
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