Grace à Pierre Alain Millet qui maitrise la transcription de propos oraux en écrit et surtout grâce à Marianne qui a revu cette transcription, voici le texte de notre intervention à radio galère le 11 juin, il y a une semaine que les événements au Moyen Orient ont transformé encore, apportant des FAITS encore sur ce dont est capable l’empire US aux abois. L’urgence d’un choix alternatif économique, politique, culturel est de plus en plus manifeste
> Date : 15 juin 2025, 21:04
> Durée : 01:35:24
## Résumé succinct :
Donc voici la transcription corrigée de notre intervention à radio Galère le 11 juin 2025. Face à la crise, la catastrophe imminente sans moyen de la conjurer que représente le « modèle hégémonique occidental » dans lequel la nation et la vie de l’immense majorité de la population, le peuple français, ses travailleurs organisés doivent aller vers la proposition du modèle multipolaire chinois, pragmatique et socialiste, pour la modernisation et le développement et la paix. Il doit le faire en ayant élaboré sa propre perspective politique, la socialisme à la française.
## Retranscription :
Musique : Quand nous chanterons le temps des cerises Et gai rossignol et merle moqueur Seront tous en fête. Les belles auront la folie en tête et les amoureux du soleil au cœur. Quand nous chanterons le temps des cerises, sifflera bien mieux le merle moqueur.
Bernard Genet : Bonsoir, merci de nous retrouver sur les ondes de Radio Galère pour une émission exceptionnelle à plusieurs voix, c’est très intéressant. A l’occasion de la parution, qui est assez récente, on aura des précisions, d’un livre aux éditions Delga qui s’appelle, je vous lis le titre, « Quand la France s’éveillera à la Chine ». C’est déjà tout un programme. Et puis, c’est sous-titré par « la longue marche vers un monde multipolaire ». Alors là, on tombe plus dans un vocabulaire désormais classique de la géopolitique. Donc, ça donne un autre éclairage. Et le dernier éclairage que je vous réserve, mais je ne peux pas le lire tel que, c’est un calligramme chinois, servir le peuple, si je ne me trompe pas.
Danielle Bleitrach : Oui, c’est du Mao, ce qui est écrit sur sa tombe.
BG : Voilà, c’est du Mao, servir le peuple, vous connaissez.
DB : C’est l’écriture de Mao.
BG : Ah, c’est l’écriture elle-même de Mao.
DB : C’est sa calligraphie.
BG : C’est sa calligraphie. Bon, voilà. Donc, vous voyez, une très large approche. Donc, Mao, servir le peuple, le programme de la révolution chinoise et du Parti communiste chinois. Et puis, un élément d’actualité, quand la France s’éveillera à la Chine, c’est ça qu’on va essayer d’éclairer. Et puis, la longue marche vers un monde multipolaire, là on est plus dans un vocabulaire traditionnel du parti communiste chinois, puisqu’on glisse dans ce titre une longue marche, une autre longue marche, mais il n’y a pas qu’une longue marche dans l’histoire, celle du PCC est certainement la plus spectaculaire, la plus extraordinaire, mais après tout, d’autres sont en cours, alors pas avec un seul parti, pas avec un seul pays, on va y revenir abondamment. Et donc on va faire une émission un peu particulière puisque ce livre donc très abondant dans son projet et dans son ambition a été réalisé par quatre personnes sous la conduite de Danielle Bleitrach qui est avec moi dans les studios de travail.
DB : On a travaillé assez égalitairement.
BG : Assez égalitairement. Oui. Bon, voilà. Donc, quatre signataires. Donc, Danielle Bleitrach, qui est avec moi dans le studio de Radio Galère à Marseille. Marianne Dunlop, qu’on n’entendra pas, mais qui a joué un rôle certainement important dans la genèse du…
DB : Qui a vécu très longtemps en Chine, qui a des enfants chinois et qui y va tout le temps. Elle parle 12 langues et elle fait de la traduction simultanée en chinois, en russe, en turc, en coréen, etc.
BG : Elle sera absente, mais je pense qu’elle nous écoutera. Ensuite, deux hommes. Un monsieur qui s’appelle Jean Julien, qui n’est pas très connu, mais qui fait un remarquable travail, puisque vous découvrirez à travers les questions que je lui poserai que ce monsieur passe une bonne partie de ses journées sur Internet à décortiquer tout ce qui se publie d’important en Chine. Je ne parle pas du rap chinois, je parle de tous les textes importants qui viennent de l’État, des ministères, qui viennent du Parti communiste, du Conseil d’État, de l’université Fudan de Shanghai, de think tanks, puisqu’il y a aussi des think tanks en Chine. Donc il a un balayage très très important de toute la production politico-intellectuelle chinoise aujourd’hui. C’est assez rare pour être noté. Il le fait, et ça donnera l’envie à un certain nombre de nos auditeurs, il le fait en langue anglaise, puisque pratiquement tous les sites que j’ai cités sans les énumérer dans le détail ont tous une version anglaise. Le français est un peu abandonné, on peut le déplorer, mais c’est comme ça. Il n’y a pas que la Chine qui procède à ce genre de choix. Mais on a à travers lui une lecture de tout ce qui se publie d’officiel, puisque une université qui a un séminaire sur les relations internationales, elle publie sur son site, elle invite des étrangers, des conférenciers, etc. Et donc on a une vision très complète de… du climat intellectuel chinois qui, et j’insiste là-dessus parce qu’il nous le redira, mais c’est très important, le climat intellectuel chinois est extrêmement actif, d’une part parce qu’il y a 100 millions d’adhérents au Parti communiste, et donc là c’est déjà un lieu de débat quand on met 100 millions de personnes pour traiter d’un sujet qui est à l’ordre du jour du Parti. Et puis, il y a des tas d’autres endroits où on réfléchit à la politique du Parti communiste chinois, y compris en ayant des critiques. Et puis, il y a des tas d’autres endroits où ce n’est pas les communistes, parce que vous savez qu’il y a aussi une deuxième… Il y a le Conseil d’État, ou plutôt le Comité permanent. Et puis, vous avez à côté une assemblée qui donne la parole à ceux qui ne sont pas communistes. C’est important à savoir dans la structure de la politique et de l’État chinois. Il y a une structure où parlent et vont s’exprimer et sont élus des délégués des minorités religieuses, des délégués de groupes d’intérêt qui ne sont pas au Parti communiste. Ça s’appelle l’Assemblée populaire. Et donc on a une expression très variée de cette vaste population. Et j’insiste là-dessus parce que je réponds peut-être un peu à l’avance à des critiques que vous ferez ou qu’on entend assez souvent, c’est-à-dire qu’on n’a pas affaire du tout à un monolithe. Les monolithes de 1,4 milliard de personnes, ça ne peut simplement pas exister. Alors, ça ne peut pas exister, mais on pourrait dire que ça tire un peu dans tous les sens. Non, ça ne tire pas dans tous les sens. Il y a un projet commun. Quand la Chine s’éveillera, quand la longue marche s’en recouvre, c’est ça le projet commun. Et après, tout le monde peut apporter sa réflexion, sa contribution, qu’il soit d’une minorité religieuse, qu’il soit d’une minorité ethnique, parce qu’il n’y a pas que des Hans, il y en a beaucoup des Hans, c’est vrai, mais il n’y a pas que ça. Vous avez des musulmans chinois qui ne sont pas des Ouïghours, par exemple, qui s’expriment en tant que musulmans chinois. C’est des Hans qui sont convertis, on les appelle les Hui, c’est des Hans qui sont convertis à l’islam. Et donc tout ça trouve sa place dans cette espèce de concert, ce concert qui fait de plus en plus de bruit sur la planète, parce que quand il y a plusieurs centaines de millions de gens qui pensent, qui écrivent, qui discutent, ça fait un effet dont toute l’humanité a les réverbérations. C’est ça, au fond, le projet de Danielle Bleitrach et de ses amis, mais c’est elle qui va nous l’exposer plus précisément. Voilà, la parole est à toi Danielle.

DB : Oui, , tout est parti d’un blog que tu connais, qui est Histoire et Société, et qui produit sur quelques pays… La Chine, la Russie, Cuba, l’Amérique latine, tout un travail international. Mais je pense que l’originalité de ce livre… Et là, dernièrement, je suis allée chez Bercoff, qui m’a dit qu’il n’avait jamais lu un livre comme ça. Pourquoi ? Parce que c’est un livre qui est à la fois savant, qui apporte des éléments de connaissance., mais qui le fait à partir d’un projet politique. Et ce projet politique, en gros, c’est le suivant. Nous les auteurs, nous pensons que la situation française est préoccupante. C’est une litote. Nous sommes dans une crise profonde et… si on continue à aller dans le mur, c’est le cas de le dire, c’est dangereux , donc nous proposons que la France change de roche et s’intéresse à ce monde alternatif qu’on baptise du nom des BRICS, mais ça va beaucoup plus loin que cet acronyme et ce qu’il représente déjà.
la première idée originale que nous avons, c’est que ce monde multipolaire n’est pas à venir. Il est déjà là. Et il est tout à fait contraignant pour l’occident auquel nous appartenons. .
Je te donne ce contexte avec des FAITS: … le livre est sorti le 25 avril… Et depuis cette date, je peux te dire en gros qu’il est intervenu plusieurs réunions qui ont pris des décisions de poids. Il y a eu le sommet de l’ASEAN avec la Chine et le Conseil de coopération du Golfe. Ce qui représente 18 pays, plus de 2 milliards d’habitants et 22% du PIB mondial. Et cette réunion qui n’est pas les BRICS mais se situe dans son orbite a créé une nouvelle architecture de coopération sud-sud. Il y a là l’essentiel des réserves énergétiques, plus la puissance industrielle de l’ASEAN, un marché de consommation de 700 millions, et le tout s’amarre à une puissance industrielle technologique, d’innovation, la Chine. Il est créé un écosystème industriel. Bon. Tu as eu en même temps à Rio de Janeiro le 28 et 29 avril, les ministres des affaires étrangères des BRICS + qui se sont réunis, pour établir un consensus international pour retrouver le principe de la Charte des Nations Unies, le rebâtir face à l’hégémonie occidentale qui l’a soumis à la seule force des Etats-Unis et de la coalition de puissances qui imposent leurs diktats.
Et enfin, tu as eu une affaire dans laquelle nous sommes directement mêlés, puisque les BRICS + affichent une ambition climatique, c’est la présidence des BRICS+ aujourd’hui, c’est Lula. ils ont préparé à Paris la COP 70 qui aura lieu en 2025 à Belém. Nous pourrions en parler longuement non seulement parce Trump de fait le boycotte mais parce que Lula a une vision qui fait partie de l’originalité des BRICS +. C’est un projet qui mêle des questions fondamentales sur la gestion de la forêt, les questions des peuples autochtones dans cette préservation, des financements. Il y a beaucoup d’éléments. Et notre président a voulu jouer les malins là au milieu.
Donc voilà, trois affaires depuis que le livre est sorti qui montrent que partout, la Chine est là avec un projet collectif dans lequel les BRICS génèrent des écosystèmes politiques, environnementaux, économiques; culturels.

Et aujourd’hui même, hier, lundi et mardi, on a eu le fameux sommet de Londres dans lequel la Chine et les États-Unis se sont rencontrés et ont préparé le terrain, pour la question tarifaire qu’a posé Trump, le problème qu’il a imposé à toute la planète. Donc, voilà, on pourrait intervenir là-dessus, rien que cette affaire est très importante, et dans cette affaire ce que nous pensons, c’est que Trump, c’est un syndic de faillite. C’est-à-dire un syndic de faillite qui aujourd’hui non content de piller le monde, de lui imposer sa loi militaire y compris du dollar, il s’en prend à ses alliés, ceux avec qui il chasse en meute. C’est-à-dire que sa seule solution, c’est de monter sur ses alliés et les ruiner, nous en l’occurrence, mais aussi les Japonais, etc. Les chiffres sont là. Bon, je ne vais pas vous accoubir de chiffres, mais ils démontrent que cette manière de sacrifier ses alliés ça date de bien avant Trump. Si on considère la division du continent européen à travers l’OTAN, cela part, y compris dès Clinton, dès… Mais cela s’accélère avec Obama et Biden qui sacrifient littéralement l’Europe, organisent la rupture avec la Russie et les ressources énergétiques bon marché qu’elle offrait à l’UE. Donc, nous pensons que nous n’avons aucun intérêt à rester dans cette affaire-là. Il y a une alternative géopolitique: ces BRICS, cette nouvelle architecture qui est déjà là
Alors, là-dessus, on fait ce livre. Pour faire connaître la Chine, et ce que le système dont elle est le leader nous propose. On va essayer de connaître cette Chine et en quoi ce qu’elle nous propose est crédible par rapport à ce qu’elle est, sa propre histoire, etc. Et donc, la partie que j’inaugure… s’intitule « La Chine fait partie de notre histoire ». Pour parler de la Chine par rapport au capitalisme et son évolution, nous sommes partis de textes méconnus mais extraordinaires de Marx, d’Engels et même de Lénine sur le déplacement du centre de gravité de l’impérialisme, le passage de l’Europe aux Etats-Unis et la confrontation que Marx annonce avec la Chine. Marx voit ce « déplacement » dès 1848, il dit : « ce qui se passe dans le Pacifique est plus important que ce qui s’est passé dans la révolution de 1848 ». Et il parle d’un déplacement du centre de gravité qui est lié à la ruée vers l’or. Et au fait qu’en même temps en Chine, il y a la destruction par la guerre de l’opium et l’obligation d’acheter les cotons de Manchester, ce qui ruine l’empire chinois. C’est une destruction, enfin on tente de détruire, on n’arrive pas à détruire la Chine. Il y a une chose qu’il faut dire tout de suite, l’impérialisme, le capitalisme occidental n’arrivent pas à faire en Chine et en Asie tout à fait ce qu’ils imposent à l’Afrique ou même en Amérique…

BG : Non, évidemment.
DB : On n’a jamais pu en finir avec les nations et les empires de l’Asie.
BG : Tout simplement parce qu’ils nous précédaient de très loin.
DB : Oui, mais on ne peut pas considérer,que l’empire Maya, les Incas ou même Tombouctou n’étaient pas d’antiques civilisations,et c’est toute la question du continent eurasiatique qu’il faudrait aborder. Donc, par rapport à ça, la Chine est un monde… qui à la fois fait partie du Sud, comme les pays qui ont été colonisés, humiliés, etc. Mais en même temps, elle est toujours restée forte et fermée et tenant son propre développement. C’est ce que nous avons présenté avec Marianne dans la première partie. par exemple nous abordons la Chine dans son rapport continental et de voisinage avec la Russie, à l’URSS, nous en montrons l’originalité millénaire mais aussi les histoires plus imbriquées que l’on ne le croit. La Chine et les États-Unis également. Et c’est-à-dire que nous montrons la Chine et nous, notre histoire si différente et pourtant commune. Et nous montrons que ce monde-là, aujourd’hui non seulement fait partie du nôtre, il est déjà là, il est incontournable.
Marx a dit encore une chose très juste. Il a dit que ce qu’en 1848, les révolutionnaires avaient gagné, c’est qu’ils avaient perdu leurs illusions sur la reproduction de la révolution française. Eh bien d’une certaine mesure en ce moment ce que nous sommes en train de gagner c’est la perte de nos illusions sur ce que représente notre monde occidental. Sur le libéralisme, sur l’Occident comme phare de l’humanité. Et nous ne sommes pas en train de perdre nos illusions sur le plan idéologique, mais très concrètement, nous tombons de haut. C’est-à-dire que nous sommes confrontés à des choses que nous n’avions pas imaginées. Quand on voit Trump… qui en fait se conduit comme un maquignon, il ne fait simplement que continuer ce qui a déjà été entamé par ses prédécesseurs. Simplement, il y met une sorte d’âpreté et je pense qu’on pourrait revoir… tous les aspects, si tu veux, de cette manière. certains s’imaginent qu’il suffira de voir revenir un démocrate américain pour que nous ayons un bon maître au lieu de Trump la brute, mais c’est un mythe… Et Il faudrait que nous réalisions à quel point , nos hommes politiques sont complètement paumés, perdus. Il y a quelque chose de navrant. dans ce spectacle, c’est bien du spectacle…
BG : Alors à ce propos d’ailleurs parce que je tique un peu sur quand la France s’éveillera à la Chine parce que j’ai quand même souvenir que c’est un certain Charles de Gaulle qui a dit à l’ONU et à la communauté des nations « il faudrait quand même que la Chine soit à l’ONU, la Chine populaire ». Donc la France là elle avait bien mis le doigt à l’endroit où il fallait en disant la Chine c’est la Chine populaire, c’est pas Taïwan.
DB: Mais il y a toujours eu… Il y a toujours quelque part des bourgeoisies nationales qui défendent l’intérêt national et l’imposent à leur classe… Mais le gros problème des bourgeoisies nationales, c’est que traditionnellement… Elles ont également les communistes en ligne de mire et résultat, elles installent après elles un système qui noie les acquis de l’intermède de la bourgeoisie nationale. C’est le cas de De Gaulle. De Gaulle a eu des presciences sur l’équilibre des alliances face aux USA, aux anglosaxons, une vision, Mais il a installé la Vème République, pour détruire l’influence des communistes et de fait, il a installé les conditions de destruction de son propre système. Donc, c’est un peu le problème parce qu’il n’y a pas qu’en France, tu retrouves le problème dans toute l’Asie centrale. Tu retrouves ça avec l’Iran. Tu retrouves ça avec la Turquie. C’est-à-dire qu’il va y avoir partout dans toute l’histoire de l’Asie au moment de l’URSS…. C’est l’histoire des bourgeoisies nationales qui cherchent une modernité. Comment, avec qui vont-elles la construire ? Et si tu veux, là, il faudra parler du rapport avec l’URSS qui à la fois émancipe mais à qui l’Angleterre, puis les USA créent y compris des forces réactionnaires pour attaquer les communistes. Donc, il y a tout ça. Mais c’est énorme.

BG : Donc je posais cette question parce qu’effectivement, après De Gaulle, on a quand même chargé un premier ministre qui ne l’était plus, Raffarin, de travailler uniquement sur les relations de la France et de la Chine. Donc il y avait bien une curiosité, qui était une curiosité bourgeoise, faire des affaires avec la Chine, les comprendre, mais qui a été un peu particulière par rapport à d’autres pays.
DB : Je suis d’accord, mais il faut voir aussi que tu as partout, toute la bourgeoisie, tout le capital, tous les investisseurs, le terme est « les investisseurs », actuellement… sont tous intéressés par la Chine… Par exemple, moi, je lis beaucoup Asia Times. C’est la position politique des investisseurs de l’Asie. Ils font des des analyses tout à fait remarquables sur le fait qu’il vaudrait peut-être mieux aller se protéger derrière la Chine qu’attendre la chute de l’empire state building, le dollar. Et c’est le cas, par exemple, actuellement, même le Yen, même les Japonais, etc., qui passent leur temps à se dire, dans le fond, il faudrait peut-être regarder ce côté-là, c’est plus sûr. Que du côté de Trump.
BG : Bien sûr.
DB : Ce n’est pas simplement les attitudes de Trump, c’est des faits. C’est-à-dire que le dollar baisse, ce qui est très bien pour la résorption de la dette, mais d’habitude… Quand le dollar baisse, les bons du trésor et les obligations montent. C’est-à-dire qu’on achète. Mais là, non. C’est-à-dire que les grands investisseurs, en particulier les Japonais et les Chinois, n’ont pas acheté cette fois-ci les bons du trésor.
BG : Ils en revendent.
DB : Ils en ont vendu. Le krach est proche. Et donc, tu as partout, tout au long d’histoire, les capitalistes qui raisonnent d’une manière logique à partir de leurs intérêt… Moi, j’aime bien lire les capitalistes. Ça m’intéresse souvent plus que les gauchistes. Parce que les capitalistes te disent la réalité du capital loin des illusions moralisantes des idéologues du « libéralisme » ou d’une voie intermédiaire. Et là, je pense… on va parler du socialisme chinois et de ce que ça donne et comment. Mais il faut comprendre ce qui intéresse les capitalistes et que nous sommes en retard d’époque pour le mesurer… Tu as dans la Chine à la fois un marché énorme. C’est-à-dire qu’on pense toujours la Chine en train de fabriquer. Mais la Chine, c’est devenu un marché énorme. Et les capitalistes sont intéressés par ce marché.
BG : D’ailleurs, les capitalistes français, j’en connais quelques-uns de nom, n’ont pas hésité, quand Deng Xiaoping a ouvert la porte dans les zones économiques spéciales, à venir investir, y compris en n’ayant pas la majorité du capital. Raffarin, il se bat pour ça. Raffarin, il servait à ça, oui, tout à fait.
DB : Donc, tu vois, il faut voir, d’ailleurs, là, bon, on est devant des alternatives, mais là, plusieurs, d’ailleurs. Mais nous, on propose d’aller vers les BRICS. On propose de rentrer dans ce système-là. Mais pratiquement, il y a déjà des capitalistes qui y sont… Alors, ça serait important qu’on le fasse nous. Et on verra pourquoi par rapport à l’attitude de la Chine. Ça serait très important que les travailleurs, ceux qui se battent, etc., s’intéressent à la chose pour qu’on ne leur fasse pas un enfant dans le dos. C’est-à-dire que nos capitalistes continuent à nous trahir et à nous vendre, etc., et après disent « c’est la faute à la Chine ». Non ! Donc on en est là. Et je pense qu’on aurait l’occasion de beaucoup discuter là-dessus.
BG : C’est vrai. Tu faisais, écoute, alors une espèce de changement d’alliance. En disant, tournons-nous vers les BRICS, après tout, la Chine et les BRICS. Mais en fait, est-ce que c’est politiquement possible aujourd’hui avec les carcans dans lesquels la France s’est mise et s’est enracinée ? Je veux dire, l’Union Européenne et l’OTAN, ça fait deux carcans.
DB : Alors, je pense que ce que tu… On ne voit pas… que la Chine ne demande pas et les BRICS rien ne demande un changement d’alliance politique.
BG : Oui, mais il y a zéro OTAN dans les BRICS.
DB : Oui, certes. il y a deux questions dans la tienne… Alors pour moi, il est évident qu’il faut sortir de l’OTAN.
BG : C’est évident. C’est ça la question.
DB : Mais il faut aussi mesurer que la Chine ne nous le demande même pas.
BG : Non, non.
DB: Elle n’a jamais demandé à personne de changer d’allié. Elle ne fait pas comme les États-Unis qui exigent que leurs alliés agissent contre leurs intérêts. Non, c’est du gagnant-gagnant. Et si tu rentres dans les BRICS, tu acceptes simplement des choix communs, etc. Il faudra expliquer à fond ce qu’est chacun des systèmes proposés. Parce que tu peux ne pas être dans les BRICS et rentrer dans la BRI, c’est-à-dire la route de la soie. Tu as différents moyens de te retrouver dans des échanges et tu as des alliances y compris qui peuvent se nouer de pays à pays. Chacun est libre. C’est un système d’une extraordinaire souplesse.
BG: C’est pour ça que j’insistais à l’inverse de celui dans lequel on se lit. Absolument. Je rappelle le référendum de 2005 quand la France a dit je ne veux pas être encore plus contraint.
DB: Mais c’est pour ça qu’il faut y aller. Je dis que vous avez tous les avantages pour y aller.
BG: Tout à fait.
DB: C’est-à-dire que si vous allez là… Ça vous permettra de négocier dans ces marchés, par exemple l’ASEAN. Ça vous permettra de négocier dans le cadre des pétroles, parce qu’ils sont arrivés à rassembler aussi par le biais de la Russie et d’autres pays partenaires comme l’IRAN, l’OPEP +. Ça vous permettra de négocier avec, y compris… tout un monde dans lequel la France a perdu pied et qui était jadis le monde de l’Afrique, dans lequel elle sert désormais de supplétif aux États-Unis. Eh bien elle pourrait nouer des rapports gagnants-gagnants nouveaux, d’échanges, etc., etc. Si elle rompait avec le carcan, de l’OTAN, de l’UE, de ces carcans qui exigent de leurs adhérents, si elle repensait sa relation avec l’Afrique… Ce qui force à la sortie non seulement de l’OTAN, mais de l’UE, ce n’est pas la Chine, ni les BRICS. C’est le caractère non démocratique de ces instances. Le cas de l’UE est extraordinaire, puisqu’il y a une discipline qui n’est même plus en train de respecter les adhérents. Il y a quatre gusses qui se réunissent et qui choisissent, et derrière une commission européenne qui n’est élue par personne… de prendre des dispositions qui sont à contrario des intérêts des peuples, sans les avoir consultés. Donc c’est quand même un truc aberrant.
Donc tout ça fait que l’idée, que porte le livre, c’est que c’est déjà là comme une alternative à la guerre et à l’asphyxie. Et ça s’est réalisé dans un fait… Quand Trump a décidé qu’il montait les tarifs douaniers à 145%, et tout le monde cédait, à les négocier, etc., ce qui est une catastrophe, même s’il augmente à 10 ou 20%, c’est grave. La Chine était la seule à dire non. Et tout a changé à partir de ce moment-là. C’est-à-dire que tout s’est recomposé à cause du non de la Chine. Et Trump a été obligé de négocier. Là, par exemple, on pourrait parler… Dans notre livre, on parle… C’est très marrant parce qu’on parle des États-Unis et de la Chine à partir de deux catastrophes, Los Angeles et ce qui s’est passé en Chine. Et on montre la différence d’attitude.
BG: Je souris parce qu’il y a une autre catastrophe en cours à Los Angeles, qui n’est pas celle dont vous parlez.
DB: J’annonce ce qu’est Los Angeles. C’est-à-dire qu’attention, je suis persuadée, je vais te le dire, que c’est une entreprise de diversion dans laquelle Trump tente de faire oublier ses résultats catastrophiques sur divers plans, le fait qu’il n’a rien obtenu, Et le fait qu’il n’arrive même pas à avoir une politique de l’immigration contre les gangs, alors il attaque les travailleurs. C’est-à-dire qu’il a mis en prison quand même le responsable du syndicat des personnels de service de Los Angeles Et si tu veux, il n’arrive pas à attaquer. Il attaque les travailleurs. Il n’attaque pas les gangs. Les gangs sont déjà imbriqués dans leur système. Donc c’est tout ça qu’il faut voir.
BG: Je voudrais, pour fermer ce chapitre-là, bien dire, vous avez l’idée que… il faut prendre le large, et moi je rappelle, oui mais il y a des amarres à couper, je ne voulais pas dire autre chose. Prendre le large c’est bien, effectivement c’est votre idée. Mais les amarres à couper, elles ne sont pas inexistantes.
DB: Oui, mais elles se coupent en même temps. Alors là, c’est le choix du livre. C’est-à-dire que si tu veux, on est des marxistes et on pense que c’est en luttant qu’on a besoin de l’histoire. C’est-à-dire qu’on a besoin de la véritable histoire et de changer la vision du monde, géopolitique. À partir du moment où les types refusent la politique qui leur est imposée, ils sont appelés à ne plus croire aux histoires qu’on leur raconte sur leur propre vie. C’est un processus dialectique. Pour le moment nous en sommes à la perte des illusions mais sans perspective donc là, je pense que nous sommes dans une fenêtre. Et c’est très important. Parce que soit on termine comme aux États-Unis, totalement, avec une classe ouvrière tellement divisée, tellement éclatée, qu’il ne reste plus que le fascisme. Soit on arrive à unifier le combat.. Et à ce moment-là, on aura besoin de véritables alternatives. Et on aura besoin de s’unir tous pour arriver à imposer un autre chemin.
Parce que… La phase 1, alors je termine là-dessus, la phase 1, ça a été, ça date, moi quand j’étais à Cuba, Fidel Castro l’avait déjà annoncée en 1983, cette phase-là. La phase 1, c’est la mise en place de ce monde multipolaire, avec de nouveaux rapports sud-sud. La phase 2, celle dans laquelle on est, c’est un affrontement de classes à un niveau beaucoup plus élevé. Et dans cette phase 2, l’affrontement de classes est à la fois un affrontement sud-nord, mais aussi à l’intérieur du nord et partout contre nos propres capitalistes. Donc nous sommes dans la phase 2.
BG: Et nous sommes avec des gouvernements qui sont objectivement contre-révolutionnaires. Quand la politique de Macron consiste à dire « Je suis faible au niveau national et je reporte ça sur la Fédération européenne, je mets ma bombe atomique à la disposition de l’Europe qui n’en veut peut-être pas. », C’est la fuite, c’est-à-dire que dans la mesure où le cadre national n’obéit plus, ne répond pas, on va ailleurs, mais on va dans la contre-révolution.

DB: C’est une catastrophe. Je te donne un exemple celui des guerres… les Chinois et tout le monde nous regardent comme des fous. Quand tu as comme logique… L’art et la manière occidentale de provoquer des guerres militairement, sans penser le moins du monde à l’issue politique que l’on cherche, c’est de la folie. Et pourtant, c’est ça ce qu’ils font. Là, par exemple, ils sont en train de se lancer dans une guerre contre l’Iran et ils partent en aveugle simplement pour tenter de retenir les USA comme principal acteur… Ils envoient des guerres par procuration. Après l’Ukraine, qui était une guerre par procuration, on a travaillé ce peuple pour diviser le continent européen. Ce que nous dit la Chine aussi, très clairement, c’est tant que vous lutterez, vous serez un continent européen divisé et se battant l’un contre l’autre, vous n’avancerez pas et vous serez dominés. Comme elle dit d’ailleurs à l’Inde, elle lui dit tant que vous resterez soumis aux Anglais et que vous ne cesserez de transiger, vous n’avancerez pas. Xi Jinping a dit clairement à l’Inde, le facteur humain, vous ne le voyez pas. Or, ce facteur humain, il faut que vous vous débarrassiez des Anglais et de votre soumission. Eh bien, nous, c’est pareil. Nous sommes divisés. Nous avons un continent qui a été éternellement divisé. Le nazisme, ça consistait justement à aller… vers une partie du continent et de l’attaquer. Et tant que nous en serons à cette division, comme les États-Unis sont actuellement dans une division, tant que nous en serons à cette division, nous ne pourrons pas nous en sortir et régler les problèmes très importants que nous avons devant nous, les problèmes climatiques, environnementaux, les problèmes de tout ce que nous avons. Ça suppose que nous dépassions notre subordination. Voilà. Et notre division multiple, notre art de nous diviser et de nous battre entre nous, au lieu de construire ensemble, comme il le propose, une communauté de destin. En respectant nos souverainetés et nos différences.
BG: C’est bien que tu le rappelles parce que la Chine à aucun moment ne regarde le régime politique. Elle dit je passe des accords, on fait des choses ensemble.
DB: C’est ça d’ailleurs, elle va plus loin que ça. C’est pour ça qu’il faut qu’on s’en mêle. Si on faisait les BRICS avec la Chine actuellement… Il faudrait qu’on s’en mêle parce que la Chine a une règle. Elle respecte partout les lois et le code du travail des pays en question. On pourra donner des exemples de ce que ça donne avec les ports. Mais, si elle a devant elle un pays comme le nôtre, où les droits syndicaux sont de moins en moins respectés, où on licencie, etc., elle laissera faire. Ce n’est pas son rôle. Elle n’intervient pas à ce titre-là. Donc, par rapport à ça, quand je dis que nous devons rentrer dans les BRICS dans ce système-là, nous ne devons pas y rentrer en faisant confiance. Nous devons y rentrer en ayant un projet politique. Et on pourra discuter de ce projet politique. En particulier, Franck Marsal travaille sur ces questions-là.
BG: On pourra. Donc, s’éveiller à la Chine, c’était déjà fait, mais c’est de plus en plus nécessaire. Est-ce qu’on la connaît bien ? Là, on parle des auditeurs, à une opinion plus générale. Est-ce qu’il n’y a pas des idées toutes faites ou fabriquées sur la Chine ?
DB: Totalement.
BG: Est-ce que ce n’est pas la première marche de la démarche longue marche ? C’est-à-dire bien comprendre ce que c’est que ce pays aujourd’hui et comment il fonctionne.
DB: C’est-à-dire que d’abord, on ne mesure pas le rôle… suzerain, le rôle de la Chine. Et je vais te donner l’exemple par rapport à ça que j’emprunte à l’écriture. L’écriture chinoise est une écriture qui date, dont l’origine, c’est la seule qui en continu, vient de 4000 ans. Et donc je donne le signe 人« ren » C’est-à-dire l’homme qui marche. On dirait un dessin de Giacometti. Il marche et ça veut dire l’être humain. Et c’est un des signes les plus anciens. Ce qui prouve un certain humanisme d’ailleurs. Et la Chine part d’une langue. Mais cette langue, suivant les provinces, est prononcée totalement différemment. C’est l’écriture. Et il y a autre chose. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c’est une langue diplomatique et de civilisation. Et, par exemple, quand tu vois le Japon… Le Japon, pourquoi il s’appelle Pays du Soleil Levant ? À l’Est. Pourquoi il est à l’Est ?
BG: De la Chine ?
DB: Évidemment. C’est-à-dire que le pays suzerain, le grand pays qui a régné sur toute l’Asie, etc., c’était la Chine.
BG: Bien sûr.
DB: Et elle a connu des modes de production, des modes… Alors, il y a quelque chose qui m’amuse beaucoup, par exemple, il faut savoir que Confucius, par exemple, il est contemporain de Socrate. Et on connaît tous les descendants de Confucius. Et ensuite… il y a un pricipe fondamental en Chine qui se rapproche un peu de la Révolution française. La Révolution française, dans l’an 2, disait le droit à l’insurrection. Eh bien, Mencius. qui date aussi de l’époque de Socrate, des Zhou. Mencius a mis au point ce qu’on appelle le mandat divin. C’est-à-dire que l’empereur est le fils du ciel, donc il est quelque chose comme le droit divin. Mais si il est mauvais, l’empereur, si ça ne va pas, on a le droit de le balayer. Oui, mais ça va encore plus loin. C’est-à-dire qu’on peut, s’il y a une catastrophe physique, etc., on peut considérer que le ciel est en colère et qu’il faut virer l’empereur. Il y a vraiment , le paysan citoyen qui joue un rôle. C’est-à-dire que, par exemple, c’est lui qui va construire la Grande muraille. Ces citoyens paysans soldats vont construire cette grande muraille en 1700 ans. C’est-à-dire que pendant 1700 ans, on construit la grande muraille. Et avec des paysans, des soldats paysans qui sont des citoyens. Ce n’est pas l’Inde. C’est un autre monde. Et c’est un monde avec une grande laïcité. On n’a pas idée, par certains côtés, alors ça a été tellement de changements, etc. Ça aussi, il faut le comprendre. C’est-à-dire que les Chinois vous disent, en gros, ils vous disent, écoutez, Nous, on a 4000 ans derrière nous. On a tout essayé. On a une histoire, tout ça. On est une très vieille civilisation. On sait ce qui est bon pour nous. Et on sait comment notre rêve de rajeunissement actuel doit fonctionner. Alors, laissez-nous gérer. Et nous, nous respectons votre souveraineté. Respectez la nôtre. Et donc, c’est toute une autre vision.

BG: C’est ce qui ouvre le nouveau chapitre, c’est-à-dire le choix du communisme par ce pays, qui a tant d’histoires et qui a essayé, comme tu le dis, tellement d’autres régimes. Il dit maintenant, c’est ça qu’il faut que nous fassions. Et nous le faisons. On a un régime communiste.
DB: Oui, mais attends, c’est extraordinaire. Là, je voudrais dire quand même… Sur mon blog, il y a eu une interview superbe qui correspond au débat qui a lieu à Londres en ce moment.
BG: Oui, oui.
DB: Alors, c’est le PDG de Huawei.
BG: Alors, je précise, principale firme de construction de téléphones chinois.
DB: Qui est Ren Zhengfei, qui vient de faire une interview superbe, dans laquelle il explique, je n’arrive même pas à comprendre tout ce qu’il raconte, il explique pourquoi des algorithmes mathématiques ont remplacé des points qu’ils n’arrivaient pas à trouver dans les semi-conducteurs. Alors, il fait une ode complètement à la recherche fondamentale. Il dit laissez le temps. Quelquefois, il faut 25 ans pour donner les moyens d’une telle recherche, et il ajoute c’est ça le socialisme. Le socialisme peut se permettre d’accorder 25 ans de recherche à des gens qui apparemment s’occupent de choses dont personne ne voit l’intérêt, et il dit, nous devons comprendre et soutenir ceux qui font un travail théorique. Il faut comparer ce que dit ce PDG à la manière dont Trump, au contraire, attaque à la fois Harvard pour deux raisons. La première, c’est qu’il en a après les Chinois. Ce n’est pas à cause des affaires de contestation des campus à propos de la Palestine, etc. C’est d’abord parce qu’il veut foutre dehors les Chinois. Et le deuxième aspect, c’est parce qu’il pense que tout ce qui est université d’élite, c’est mauvais, c’est gauchiste.
BG: Ça conteste…
DB: Voilà. Donc, tu as au contraire en Chine, actuellement le PDG du Huawei, qui a réussi réussi à vaincre le problème des semi-conducteurs. Et résultat, maintenant, quand les Chinois se retrouvent à discuter à Londres, parce qu’ils ont cet acquis sur les semi-conducteurs, ils n’ont plus à céder comme ils ont cédé au premier Trump. C’est fini, ils ont gagné et l’innovation est là. Et si tu veux, tu as tout ça qu’il faut comprendre. On peut te donner des exemples fascinants de ce qu’ils arrivent à mettre actuellement en place. Ils sont passés du stade où ils imitaient…
BG: C’est passé depuis longtemps.
DB: … au stade de l’innovation la plus percutante.
BG: Tout à fait. C’est vrai en matière d’énergie nucléaire, c’est vrai en matière de réseau électrique, c’est vrai en matière d’aciérie. Est-ce qu’on sait qu’aujourd’hui la Chine est le premier producteur d’électricité au monde ? largement devant tous les autres.
DB: et en écologie ce qu’ils arrivent à faire … on pourra en parler. mais si tu veux c’est fascinant parce que par rapport à ça tu t’aperçois de quelque chose. C’est là où le monde bascule où on n’a pas idée que ce monde bascule dans les forces productives dans l’innovation dans tout ça. Et l’intérêt, c’est qu’on a encore en France des capacités qui restent en général de ce qu’on appelle la Libération. Et tu as encore des capacités, des bassins d’emploi, des bassins, tu vois, par exemple, quand ils sont en train de détruire du côté de l’Isère, alors qu’il y a tout ça. Et il faut valoriser tout ça. Et il faut qu’on crée les conditions d’un échange.
BG: Voilà, donc cette Chine. Alors on va faire appel maintenant à un des contributeurs qui est donc Jean Jullien qui va nous l’expliquer, on va l’avoir en ligne, qui va nous expliquer comment ça fonctionne cet appareil d’État chinois avec tous les gens qui pensent, qui pensent scientifiquement, qui raisonnent. Mais je sais qu’il y a aussi des congrès de philosophie où des occidentaux viennent en nombre, où il y a un expert chinois sur Kant qui est d’une taille au-dessus des autres.
DB: C’est Marianne qui a traduit un livre… d’ailleurs on en parle. elle a traduit un livre du chinois où les gars connaissent toute la littérature française infiniment mieux que ce que nous savons.
BG: Dernière chose si on l’a en ligne, parce que tu parlais de la Libération, je dois insister sur le fait qu’il y a quelques décennies, la Chine a décidé de se doter d’un système de sécurité sociale qui est la copie conforme du système d’Ambroise Croizat. C’est-à-dire, ils l’ont mis au point après avoir abandonné le système des communes populaires. Ils ont dit « Bon, il n’y a plus rien ». Et donc, on n’avait plus, effectivement, plus rien. Et aujourd’hui, il y a des caisses de sécurité sociale en Chine qui sont sur le modèle de 1945. Le nôtre est en train de se dégrader.
DB: Oui, le nôtre est attaqué.
BG: Voilà, donc on est en ligne avec Jean Julien qui va nous expliquer comment ça fonctionne. Allo, allo ?

JJ: Oui, bonjour, bonsoir.
BG: Bonsoir, merci d’être avec nous. On a un peu… un peu plus que ça abordé le sujet, mais je voulais te demander, parce que j’ai lu la partie que tu as fait dans ce livre, qui démontre ce que tu sais, c’est-à-dire qu’à travers des versions anglaises, je précise, parce que ça ouvre le champ à d’autres curieux que toi, de voir tout ce qui se publie, que ce soit dans l’appareil d’État, ministère par ministère, au comité central, au conseil d’État, ce qui se publie dans les universités, ce qui se publie, c’est là, dans les Think tank, parce qu’il y a des Think tank en Chine. Et donc, tu es certainement un des personnages français qui a une lecture la plus régulière, si ce n’est quotidienne, tu nous le diras, de tout ce qui se publie en Chine et donc tu es exactement au courant du niveau et de l’activité intellectuelle de ce peuple entier sous ses différentes forme. Voilà, donc explique-nous.
JJ: Oui, mais il ne faut pas m’envoyer tant de lauriers.
BG: Non, non, mais moi, je ne connais pas de travaux de cette taille-là et de cette largeur de vue, si tu veux. Parce qu’il y a effectivement des gens qui sont à l’affût des décisions.
JJ: C’est beaucoup dire. Je ne suis pas un grand sinologue. Ce qu’il y a, c’est que c’est depuis longtemps.
BG: Oui, voilà.
JJ: C’est depuis longtemps que je m’y suis intéressé. En 68. Je me suis intéressé à la Chine en 68 parce que j’allais passer mon bac et je passais un bac de philo, et puis j’ai lu les quatre essais philosophiques de Mao Tse-tung. C’est-à-dire de la pratique, de la contradiction, de la juste solution des contradictions au sein du peuple et d’où viennent les idées justes. Alors, de la pratique et de la contradiction, c’est le matérialisme dialectique. Donc, à la chinoise, je dirais. À la chinoise. Parce qu’en France, il y avait Politzer qui a donné des cours aussi. C’était à peu près à la même époque. D’ailleurs, Politzer cite Mao Tse-tung dans ses cours français. Et les cours de Mao Tse-tung, ils s’adressaient à des ouvriers, des paysans de l’armée de libération. Ce n’est pas des intellectuels au départ. Donc, ce sont des textes qui sont très clairs, très faciles à lire. Et il y a une particularité, c’est que chez Politzer, il parle beaucoup, enfin dans son cours, il critique la métaphysique et l’idéalisme. Pourquoi ? Parce que dans notre culture, ça prend énormément de place. Je dirais même que ça existe dans notre pensée courante, c’est l’idéalisme et la métaphysique qui dominent. La dialectique et le matérialisme, c’est très rare. Si on a, par exemple, Diderot dans des lettres à Sophie Volant, je crois que c’est ça, il parle de la vie et de la mort et il explique la dialectique entre la vie et la mort. Il n’y a pas beaucoup de textes philosophiques comme ça qui sont aussi clairs, qui sont dialectiques et aussi clairs. Et elle a été très combattue, par exemple dans c’est un physicien qui avait fait un bouquin sur je ne me rappelle plus… c’est un biologiste qui avait écrit là-dessus qui faisait une attaque en règle contre Engels et très malhonnête d’ailleurs. Et moi, je n’ai plus son nom, mais ce n’est pas important [il s’agit de Jaques Monod, nous dit Jean Jullien]. Et alors, qu’est-ce qui se passe entre les textes de Mao et ceux de Politzer ? C’est que finalement, la philosophie chinoise, elle est déjà un peu dialectique et matérialiste, pragmatique on dirait. Et Mao a repris ça, mais évidemment en s’inspirant du marxisme-léninisme, et il l’a porté un niveau supérieur, c’est-à-dire que la dialectique de Mao Zedong est marxiste-léniniste, ce n’est pas juste l’opposition de deux contraires, c’est la transformation des choses à partir de cette contradiction. C’est la spécificité des aspects de chaque contradiction et de chaque contradiction. Pourquoi ? l’eau, elle bout à 100 degrés à 1013 millibars ? C’est parce que c’est de l’eau. Maintenant si on veut chauffer un caillou à 1013 millibars et 100 degrés, il ne se passera pas la même chose. Donc c’est la spécificité des éléments de la contradiction. Et la Chine a donc des spécificités qui lui sont propres et qui ne sont pas les nôtres. Ça, c’est une chose importante parce que la Chine, elle est née, sa révolution, elle a commencé à l’époque du féodalisme. À l’époque du féodalisme, la révolution bourgeoise avait à peine commencé avec Sun Yat-sen et puis surtout à l’époque du colonialisme et puis après de l’occupation japonaise qui a coûté des dizaines de millions de morts au peuple chinois. Ça, c’est des choses qui sont très importantes parce que la Chine, elle est partie de rien. C’était une feuille blanche, comme disait Mao Tsétung, on peut y écrire le plus beau poème. Eh bien, elle est partie de rien. Donc, il faut bien voir le trajet qui a été parcouru en 76 ans, sans compter les années de lutte, 20 ans et plus de lutte armée. Et alors, qu’est-ce que c’est que le matérialisme dialectique ? C’est le pragmatisme, c’est partir des faits, et un des premiers textes de Mao Zedong, le premier même, c’est l’analyse des classes en Chine, il a commencé par ça. Il a étudié chaque classe et il a défini à partir de là quelles étaient les classes alliées et celles qui étaient hostiles, celles qui pouvaient éventuellement, la bourgeoisie nationale, les industriels chinois, qui n’avaient jamais pu s’épanouir, l’industrie chinoise n’avait jamais pu s’épanouir sous le colonialisme et l’occupation, eux, ils étaient susceptibles d’aider la révolution. C’est à partir de là qu’il a eu l’idée du Front uni, et du front uni anti-japonais qui comprenait le Kuomintang. Mais le Kuomintang ne voulait pas faire un front uni japonais contre les Japonais, il voulait écrabouiller le parti communiste, comme on en a parlé tout à l’heure, écrabouiller d’abord les communistes. Bon, ils ont fait des campagnes d’encerclement et d’anéantissement, ce qu’ils faisaient le Kuomintang, mais finalement, Chiang Kai-shek s’est fait arrêter par ses propres officiers qui l’ont livré aux communistes. Et les communistes lui ont dit qu’il faut faire le front uni contre le Japon.

BG: C’est l’incident de Xi An.
JJ: Ils ont vaincu les Japonais. Ça a été des luttes terribles, où Mao a déployé tout son travail intellectuel et théorique sur la lutte armée de partisans, etc. Je ne vais pas en parler. Il a écrit des pages et des pages là-dessus. Et… Et l’autre aspect, le pragmatisme, partir des faits. Et d’autre part, c’est l’esprit, comme on dit à Montpellier, c’est l’esprit raboussié. Tu connais l’esprit raboussié ?
BG: Non, non, non, on écoute. Dis-nous. Allô ? Non, non, non, je ne connais pas, mais on t’écoute. Ah, on a perdu le fil.
DB: Ah.
BG: Oui, on va le rattraper en route. Donc voilà, une belle prise, une clarification disons au niveau de la philosophie qui n’est pas que la métaphysique, il y a effectivement le matérialisme.
DB: Il y a le pragmatisme, il y a les faits.
BG: Voilà, il y a les faits, la réalité vécue et puis la volonté maoïste de faire partager la réflexion centrale sur l’évolution d’une société à la base. C’est le paysan qui s’approprie le débat. C’est l’ouvrier qui s’approprie le débat. Ce n’est pas le comité central qui a compris tout et que les autres ne font que suivre. C’est ça la grosse différence. L’approche maoïste, elle est là. On retrouve Jean Julien.
JJ: Allô, allô ? Oui, excuse-moi. Je disais, la dialectique, c’est un peu l’esprit raboussié. Tu connais ça, c’est ce qu’on dit dans le midi. Le raboussié, c’est le contrariant. Tu lui dis blanc, il te dit noir.
BG: C’est un peu ça. C’est côté occitan, ça. Non, je ne connaissais pas. Vas-y.
JJ: Et alors, la dialectique, c’est un peu ça. C’est-à-dire que tu as une pièce de monnaie, mais tu regardes le côté face, et puis il y a le côté pile. Les deux, ils sont attachés ensemble. Ils sont attachés ensemble, mais ils s’opposent. C’est ça qui est un peu mystérieux pour nous, c’est que les contraires peuvent être identiques, d’une certaine façon. Et Lénine en parle à propos de Hegel, il reprend les textes de Hegel, il dit « c’est l’identité des contraires ». Ça, c’est quelque chose qu’on a du mal à admettre. On n’admet pas l’identité des contraires. Mais l’identité des contraires, ça veut dire quoi ? Par exemple, on est dans un pays capitaliste, démocratique, mais c’est une dictature. Donc il y a une identité, une contradiction entre la démocratie et la dictature. La démocratie, c’est qu’on peut parler ici, à Radio Galère, ça c’est la démocratie, mais il y a en même temps les lois scélérates, on les a aussi, les balles dans les yeux des gilets jaunes, ça c’est le côté dictatorial. Ce n’est pas le fascisme. Le fascisme, c’est la dictature terroriste, ouverte, des éléments les plus réactionnaires du grand capital. C’est très particulier. Ce que nous vivons, c’est une dictature démocratique de la bourgeoisie. Et du côté du socialisme, je ne dirai pas le communisme, dans un pays socialiste, c’est aussi une dictature démocratique, mais c’est celle du peuple contre la bourgeoisie. C’est l’inverse. Mais il y a l’identité entre les deux, parce que toutes les deux de ces sociétés sont des dictatures démocratiques, dans une certaine manière, mais opposées. Et une remplace l’autre, c’est-à-dire que ce n’est pas figé, mais la transformation des choses, les contradictions font que les choses se transforment, c’est-à-dire que ce qui est nouveau, ce qui est en train de naître, finira par l’emporter sur ce qui est en train de mourir. Comme le disait Staline à propos de la contradiction, lui aussi a fait un texte sur le matérialisme dialectique, il explique ça, c’est que l’ancien disparaît au profit du moderne. Et c’est aussi ce qui se passe avec les BRICS et avec l’hégémonie des USA. C’est aussi cet aspect-là. C’est la disparition de l’ancien et l’apparition du nouveau qui est déjà là, d’une certaine manière. C’est ce qu’on dit. Par exemple, tu m’as envoyé un texte très intéressant sur la division et l’unité, qui dit que l’unité entraîne la division et la division entraîne l’unité. C’est bien ça ?

BG: Oui, exactement.
JJ: Et bien, par exemple, on pourrait se poser des questions nous-mêmes sur l’unité de la gauche avec des gens qui s’appellent socialistes, mais qui n’ont jamais été pour le socialisme. Mitterrand était contre le socialisme, Hollande est contre le socialisme. Il y en a qui veulent renverser la table et ils ne veulent pas du socialisme. Ils n’en ont jamais parlé. Donc là, l’unité, elle est bizarre parce qu’on m’a même dit à une époque qu’il ne fallait pas faire le jeu de la droite et donc pas les critiquer. C’est-à-dire qu’on n’accepte pas l’unité avec la critique. On n’admet pas que l’unité puisse se dérouler avec la critique. Donc on n’admet pas les deux. Alors qu’en fait, si, c’est indispensable. Et à l’inverse… À l’inverse, on fait la critique absolue, on sépare les choses, alors qu’on n’admet pas qu’il y ait l’unité aussi entre les choses différentes. Par exemple, comment se fait-il qu’on ait neuf syndicats et organisations professionnelles pour s’opposer à la réforme des retraites, alors qu’un seul syndicat suffirait ? Quand est-ce qu’on a obtenu des revendications ? C’était en 1936, pratiquement il n’y avait qu’un seul syndicat.
BG: Allo, allo ? Non, c’est un petit peu haché, mais continue.
JJ: Ah bon. Excusez-moi. Excusez-moi. Alors, ça, c’est quelque chose qui est important, c’est le matérialisme dialectique dans la pensée de Mao Tse-tung et qui a été conservée. La question de partir des faits, c’est quelque chose qui a toujours été conservé. Et puis, et puis, deuxièmement, il y a un grand texte aussi qui s’intitule « De la juste solution des contradictions au sein du peuple ». Juste avant ça, je voulais citer un petit exemple à propos de la critique et de l’unité et de la division. Quand il y a eu le Covid, on se souvient tous qu’au début, la presse, la télé, tout ça, on parlait de ces hôpitaux qui ont été construits en 10 jours. Ça a stupéfait tout le monde, parce qu’ici, on a des cliniques qui ferment, les mamans, elles vont accoucher dans la voiture. C’est vrai, ça s’est réalisé. Alors, quand c’est arrivé, ces hôpitaux construits si vite, les hôpitaux provisoires, tout le monde était estomaqué. Puis alors, en particulier, les capitalistes, ça leur a fait mal au foie, parce que les gens, ils ne sont pas fous. Tous les collègues, les retraités syndicalistes ont dit « Mais dis-donc, la Chine… ». ça les avait surpris, et puis enthousiasmés même. Aussitôt, le bashing anti-chinois a commencé. Ils ont eu une aubaine, c’est que Li Wenliang, l’ophtalmologue chinois, le jeune ophtalmologue, il est mort du Covid. Et alors ici, on a eu partout les photos de Li Wenliang, comme si c’était un scoop extraordinaire qui aurait été caché par les Chinois. Ils n’ont pas du tout caché la photo de Li Wenliang. Au contraire, Global Times, le jour de sa mort, a publié sa photo en l’appelant le lanceur d’alerte réprimé par la police. C’est le texte qui est écrit dans Global Times. Je crois qu’on peut le voir encore sur Internet. Je l’ai signalé dans notre livre. Ils ont dit le lanceur d’alerte réprimé par la police de Wuhan. Ça, ça a été écrit dans la presse chinoise, pas dans le Figaro. Ils l’ont été au courant bien avant nous. Et ce n’est pas trois Chinois, c’est 900 millions de Chinois qui étaient sur Internet à l’époque. Maintenant, ils sont un milliard. Et puis, la police de Wuhan a été obligée d’enlever sa plainte, évidemment, de retirer sa plainte et de s’excuser auprès de la famille de Li Wenian, de présenter ses excuses. Li Wenliang, il a été décoré de l’ordre du 4 mai. Il y a eu un musée, en son honneur, qui a été créé dans l’hôpital de Wuhan. Voilà ce qu’a fait la Chine. Alors ici, on l’a présenté presque comme un opposant. Ça y est, on a trouvé l’opposant. Mais non, ce n’est pas un opposant. Il était membre du Parti communiste chinois. Voilà. Alors voilà, donc ça c’est sur la question de la critique et de l’unité. Le peuple chinois, il est uni autour du parti communiste, mais il a le droit de critiquer, contrairement à ce qu’on prétend ici, il a le droit de critiquer. Et la censure, elle est beaucoup moins en Chine qu’ici, parce qu’ici on n’a jamais dit tout ça, ce que je viens de dire. Personne ne l’a dit. Personne n’a dit que dans la presse chinoise, il avait été dit ces choses-là et qu’il avait été décoré par le gouvernement. Et ce n’était pas pour récupérer quoi que ce soit, puisqu’il était déjà membre du Parti communiste. Ce n’est pas lui qui avait découvert le Covid. D’ailleurs, c’est une pneumologue qui l’a découvert à toute fin du mois de décembre. Donc, je clos cette petite parenthèse pour parler « de la juste solution des contradictions au sein du peuple ». Ça, c’est un texte très important qui a été écrit par Mao Zedong au lendemain des événements de Hongrie en 1956, il a été publié en 1957, après de nombreuses discussions au sein du comité central et qui concernent les contradictions au sein du peuple dans la société socialiste. Parce que, bon, ce n’est pas ce qui s’est passé en Hongrie en 1956, mais en Chine, il y a eu des répercussions aussi parmi l’intelligentsia. Et alors, Mao Zedong explique qu’il y a les contradictions entre les ennemis et nous et les contradictions au sein du peuple. Et les contradictions au sein du peuple, disait-il, doivent se résoudre par la discussion et la persuasion et pas par la contrainte. C’est très éclairant parce que quand on parle de Mao Zedong maintenant, ce n’est pas dans les années 70. Dans les années 70, il était respecté partout. Mais maintenant, on dit que c’est un tyran sanguinaire. Ce n’était pas un tyran sanguinaire. Mao Zedong a lancé la révolution culturelle. C’est une erreur qui a été critiquée en 1981 et autocritiquée par le Parti communiste chinois. Et alors, qu’est-ce qui s’est passé justement ? C’est que pendant cette révolution culturelle, je pense qu’il y a un mot à dire là-dessus. À mon avis… et c’est écrit dans cette autocritique de 1981, la révolution culturelle n’a pas respecté la pensée de Mao Tse-tung, elle n’a pas respecté par exemple ce texte important de la juste solution des contradictions au sein du peuple, puisque les contradictions en Chine, au sein du peuple, elles ont été prises pour des contradictions avec l’ennemi. Les gardes rouges s’en sont pris à des professeurs parce que… Ils défendaient l’idéologie, la théorie positiviste, l’école de Copenhague, par exemple, des choses comme ça. Ils ont constitué des factions, des factions hostiles. Ils se sont armés. Zhou Enlai leur disaient, arrêtez, déposez vos armes, arrêtez de vous battre, etc. Mais ils ont continué, ils se sont armés, ils ont tué des gens. Effectivement, on ne sait pas. On a dit des chiffres abominables, mais on ne sait pas. Il n’y a que les institutions chinoises qui le savent. Et Mao Tse-tung lui-même a dit, à propos de certains gardes rouges, que c’était des méthodes fascistes. C’est Mao Tse-tung qui a dit ça. D’un côté, il a lancé la révolution culturelle, d’un autre côté, il a dit qu’ils utilisaient des méthodes fascistes. C’est une lettre qu’il a écrite à Zhou Enlai, qu’on peut trouver dans les œuvres de Zhou Enlai. Mais là, on peut dire aussi que les gardes rouges n’ont pas respecté non plus la question de l’unité, de la division et de… Et aussi, d’ailleurs, le Petit Livre Rouge lui-même, puisqu’on les a vus défiler sur la place Tian Anmen en brandissant le Petit Livre Rouge, des milliers et des milliers de garde rouges. Et sur le premier chapitre du Petit Livre Rouge, ce premier chapitre s’intitule « Le Parti communiste, c’est le noyau dirigeant de notre cause ». Le Parti communiste chinois est le noyau dirigeant de notre cause. C’est écrit en toute lettre dans le Petit Livre Rouge, dans le premier chapitre. Eh bien… les gardes rouges ont créé un pouvoir parallèle. Donc c’est la contradiction même de ce qui était écrit dans ce petit livre rouge qu’ils ont brandi eux-mêmes. Donc ça allait à l’encontre de la pensée Mao Zedong et c’est un texte dont j’ai donné les références, « Résolution sur quelques questions de l’histoire de notre parti depuis la fondation de la République populaire ». C’est un texte qui est en français, qu’on trouve en ligne et dont j’ai donné la référence. Après est arrivé Deng Xiaoping et ici, pareil, ça a été le bashing anti-chinois. Deng Xiaoping, c’était le capitalisme, le chat noir, le chat blanc, le chat gris, etc., Mais il y a des choses qu’on n’a jamais dites parce qu’on a encore censuré ça. Deng Xiaoping a défendu quatre principes fondamentaux : c’est la voie socialiste ; La direction du parti communiste, la dictature du peuple, c’est-à-dire la dictature démocratique du peuple dont je parlais tout à l’heure, et aussi le marxisme-léninisme et la pensée Mao Zedong. Donc il n’a pas du tout remis en cause, et même ce document d’autocritique de 1981 n’a pas déboulonné Mao Zedong comme Khrouchtchev l’avait fait avec Staline, pas du tout. Les Chinois ont laissé le portrait de Mao Zedong place Tian Anmen. Donc ce sont ces quatre principes fondamentaux qui ont été maintenus par Xi Xiaoping et que Gorbatchev a démoli en URSS. Il y a un livre très important qui s’intitule « Erreur ou trahison » sur Gorbatchev qui a été publié il y a quelques mois, qu’on a étudié d’ailleurs, et qui démontre, faits à l’appui, comment ces quatre principes-là, la voie socialiste, la direction du parti communiste, la dictature du prolétariat, ils disent en URSS, et le marxisme-léninisme, disent-ils aussi, mais ça a été complètement démoli, saboté par Gorbatchev, et volontairement. Très volontairement.
BG: Et c’est l’occasion de rappeler quand même que Gorbatchev est venu à Pékin pour dire qu’il avait raison.
JJ: Mais maintenant, Xi Jinping refait la révolution culturelle sous une autre forme. C’est-à-dire non pas… de façon un peu anarchique, comme ça, en disant, allez-y, libérez-vous, écrivez des dates, etc. Non, c’est une façon qui est organisée par le parti communiste lui-même, contre lui-même. Contre lui-même, c’est-à-dire qu’on demande au peuple de faire ses critiques, et Xi Jinping écrit que l’auto-révolution du parti… « Sur la base de la première réponse donnée par le camarade Mao Zedong, lors du laisser le peuple superviser le gouvernement », là il parle de la révolution culturelle, il n’est pas très critique dans ses paroles d’ailleurs, « Nous avons donné la deuxième réponse qui est de promouvoir continuellement l’auto-révolution du PCC », c’est-à-dire c’est le PCC qui fait lui-même son auto-critique en permanence sur la base des critiques de la population. Voilà, donc c’est la révolution culturelle, la critique de la révolution culturelle, et puis de nouveau, sous une autre forme, c’est huit règlements d’ailleurs dont il est question, sous une autre forme, la renaissance d’une révolution culturelle, mais dirigée par le parti communiste lui-même.
BG: Merci parce que ta contribution est extrêmement…
JJ: Je ne sais pas, tu m’entends toujours là ?
BG: Oui, je t’entends très bien. Est-ce que tu m’entends toi ? Non, il ne m’entend pas. Oui, je t’entends très bien. Est-ce que tu m’entends, Jean ? Non, tu ne m’entends pas. Alors on va…
JJ: …
BG: On va interrompre pour passer à la phase suivante, mais je voulais te remercier parce que… Oui, je t’entends, mais si tu ne m’entends pas, on va être obligé de couper. Non, coupe, coupe. Voilà. Parce qu’effectivement, on entendait bien Jullien, mais lui ne nous entendait pas. Donc, si je peux tenter de résumer ce qu’il vient de dire, bien comprendre qu’il y a en Chine un parti communiste au pouvoir… qui est conscient, et à travers l’exemple de l’Union soviétique qui vient d’être évoqué, qui est conscient qu’un parti communiste qui se coupe du peuple et qui ne continue pas à faire un travail sur lui-même et qui ne considère pas qu’il est, lui, dépositaire du pouvoir… C’est ça. C’est pas une nomenklatura, comme on disait, ou quelques personnes au comité central. C’est le dépositaire du pouvoir, c’est le peuple, et le peuple, il s’exprime à travers le parti communiste. Et il doit toujours s’exprimer à travers le parti communiste et pas en faisant appel à des dissidents.
DB: Oui, mais la grande contradiction telle que la pose Xi Jinping, c’est, dit-il, la grande contradiction du socialisme, c’est la contradiction entre les aspirations du peuple à bien vivre et à jouir de sa vie et les moyens de répondre… Donc le socialisme chinois est un socialisme de la jouissance, c’est-à-dire le peuple a le droit de réclamer le bonheur et la jouissance et on doit lui répondre.
BG: Tout à fait. Et c’est ça, l’objectif du gouvernement, ce n’est rien d’autre que ça.
DB: Le grand objectif, c’est ce que me disait Risquet, il me disait, si les Chinois oublient qu’ils ont un milliard trois cents millions de bouches à nourrir, ils ont perdu le mandat du ciel. C’est fini. Donc le rôle du parti communiste et de la dictature c’est arriver à obtenir cette tension, cette dynamique, chaque fois en gagnant de nouvelles bases en ne sacrifiant pas les intérêts du peuple. Tu le retrouves dans plein de phénomènes. Par exemple, les entreprises d’État… ne donnent pas beaucoup au gouvernement. Très peu d’impôts. Parce qu’il faut qu’elles soient les promoteurs d’autre chose, d’une autre dynamique, etc. C’est ce que dit Jean Julien, ça s’incarne à partir des conditions matérielles très réelles. Voilà.
BG: Alors, je ne sais pas si on a à nouveau Jean-Julien.
JJ: Oui, oui, j’entends là.
BG: Voilà. Donc, on a eu un petit problème. On t’entendait, tu ne nous entendais pas. Donc, on a essayé de synthétiser, aussi difficile que ce soit en si peu de temps, ce que tu nous as dit sur la place centrale du Parti communiste qui exprime, lui, les besoins du peuple. Ce n’est pas un échelon décentralisé du comité central. C’est exactement l’inverse. Le comité central, c’est le sommet.
JJ: Oui, oui. Oui, d’accord, oui. J’avais quelques ajouts à faire.
BG: Bon, alors, on y va.
JJ: J’avais quelques ajouts à faire. Oui, parce que, donc, Deng Xiaoping a maintenu les quatre principes fondamentaux. Contre vents et marées. Tout à fait. Et contre vents et marées, parce qu’il y a eu, et alors ça, c’est une question très importante, il y a eu Tiananmen. Tiananmen, ici, on en parle, c’est un massacre. Effectivement, ça a été assez grave, ce qui s’est passé à Tiananmen, c’est-à-dire qu’il y avait des milliers et des milliers de manifestants, ouvriers, étudiants, qui étaient pour la plus grande partie hostiles ou critiques face aux réformes de Deng Xiaoping. Mais au milieu de ces manifestants, il y en avait d’autres qui étaient beaucoup moins nombreux et dont l’objectif était complètement différent. Leur objectif, ce n’était pas de critiquer la réforme. Leur objectif, c’était de revenir à un autre système, de saboter, de détruire le système socialiste. De détruire la Chine socialiste. C’était ce qu’on appelle ici des pro-démocratie. Pro-démocratie bourgeoise, évidemment. Et ces manifestants-là, qui n’étaient pas les plus nombreux, d’abord essayaient de décrocher le portrait de la place Tiananmen. Les autres les en ont empêchés. Et puis… Lorsque la place Tiananmen a été vidée, ils sont partis, les manifestants sont partis, l’immense majorité des manifestants sont partis, il y a eu des affrontements. Non pas place Tiananmen, parce qu’on ne peut pas faire de barricade place Tiananmen, c’est comme si on allait faire une barricade sur la place du Trocadéro, il ne faut pas être idiot. Donc ils ont fait des manifestations, des heurts avec la police dans les rues environnantes, dans les faubourgs. Ils ne se sont pas contentés de taper sur les flics. Ils leur ont piqué leurs armes parce qu’ils étaient faiblement armés, les policiers. Ils leur ont piqué leurs armes. Les tanks n’ont pas roulé. D’ailleurs, Deng Xiaoping dit heureusement que vous n’avez pas envoyé les tanks directement rouler sur la population. Et ils ont piqué les armes des flics. Ils leur ont tiré dessus. Ils ont fait des prisonniers. Ils les ont lapidés. Il y a eu trois policiers. Ils ont brûlé les véhicules. Il y a eu trois policiers qui ont été brûlés vifs. Et il y a une photo d’un d’entre eux qui est brûlé et accroché à un car de police calciné. C’est ce qu’ont fait ces fameux manifestants pro-démocratie. Et puis il y en a, donc il y a eu plusieurs centaines de morts effectivement, parce que la police a tiré aussi. Et puis il y en a 400 qui ont été exfiltrés par la CIA et le MI6. Voilà, c’est ça qui s’est passé, Tiananmen. En fait, c’est un échec pour les bourgeoisies impérialistes occidentales. C’est un grave échec. Alors qu’au même moment, quelques mois plus tard, en URSS, l’inverse qui s’est produit, c’est qu’à l’initiative de Gorbatchev et puis de Yeltsine, c’est l’armée qui a tiré sur les communistes. Et ils ont démoli l’URSS. Ils ont fait exactement l’inverse de ce qui s’est passé en Chine. En URSS, on a rétabli, on a fait une restauration du capitalisme, comme on avait fait en France à trois ou quatre reprises après la Révolution d’ailleurs. Les royalistes ont refait des restaurations temporaires. En URSS, ils ont fait cette restauration. Alors qu’en Chine, au contraire, ils ont maintenu ces quatre principes fondamentaux. Alors, un autre texte que je n’avais pas lu en 68, mais que j’ai lu un peu plus tard, et qui, lui, ne date pas de 1956, mais de 1950, juste après la Révolution, c’est de la Démocratie Nouvelle. Et ça, c’est un texte qui a traversé les époques, parce qu’on peut le comprendre aussi aujourd’hui. La Démocratie Nouvelle, c’est une étude de Mao Tse-tung qui part de l’étude de Lénine sur les nations colonisées, qui part des études de Staline aussi sur les nations colonisées. Et ces nations sont en lutte contre l’impérialisme. Au début, c’était la guerre du Vietnam, c’était la guerre d’Algérie, c’est des choses comme ça. Et c’est ce que les Chinois ont rassemblé un peu dans les non-alignés. Parce que ce n’étaient pas des pays socialistes, c’était des bourgeoisies nationales. Et toutes sortes de classes, mais qui étaient opposées à l’impérialisme. Mao Zedong fait cette étude et dit que, étant donné que ces révolutions démocratiques et nationales, du même type au départ que la révolution de 1789, notre révolution bourgeoise, étant donné qu’elles sont en butte à l’impérialisme, elles ont un caractère nouveau. Parce qu’elles s’opposent à l’impérialisme, obligatoirement. C’est une révolution nationale, elles s’opposent à l’impérialisme. Et puis d’autre part, il s’est passé autre chose de nouveau entre la révolution de 1789 et 1950, ces années-là, c’est que l’URSS s’est levée. Il y a un grand pays socialiste. Donc on n’est plus à l’époque des révolutions bourgeoises, démocratiques et nationales. On est passé à un autre type de révolution, c’est ce que Mao appelle la révolution de démocratie nouvelle. Les bourgeoisies nationales, même si c’est des rois, des princes, même si c’est des empereurs ou des petits dictateurs, à partir du moment où ils s’opposent à l’impérialisme, ils jouent un rôle positif dans la révolution mondiale, parce qu’ils s’opposent à l’impérialisme. C’est une partie, disait-il, de la révolution mondiale. » Peu importe chez les peuples opprimés, quelle classe, quel parti ou individu participe à la révolution, et peu importe qu’ils soient conscients ou non de ce que nous venons d’exposer, etc. Il suffit qu’ils s’opposent à l’impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste, prolétarienne, et qu’ils en soient les alliés. Ce ne sont pas des socialistes prolétariens, mais ils en deviennent des alliés ». Et c’est ce qu’on voit avec les BRICS aujourd’hui aussi. C’est-à-dire que ce n’est plus des révolutions démocratiques nationales dont parlait Mao Zedong, des révolutions nouvelles avec des fusils, des pétoires contre les avions. C’est une révolution économique et technologique. C’est-à-dire qu’après avoir acquis leur indépendance, il leur faut obtenir l’indépendance économique et pouvoir se développer, ne pas rester à l’époque de la charrue… et de l’âne qui tire la charrette. Il faut qu’ils puissent se développer ces pays-là, mais ils ne peuvent se développer que contre l’impérialisme. Et parce qu’ils se développent contre l’impérialisme, y compris la Chine, mais aussi tous les autres, ils s’opposent à l’impérialisme, ils jouent un rôle positif dans la révolution mondiale, et ils sont nos alliés aussi, parce que nous avons le même ennemi. L’impérialisme, ce sont nos capitalistes, ce sont nos grands capitalistes. La Chine ne s’oppose pas à nous. La concurrence chinoise, elle ne se fait pas contre nous. Elle se fait contre nos impérialistes. C’est contre eux qu’elle se fait. Alors après, il se trouve que l’hégémonisme des États-Unis est devenu si puissant qu’il a dominé tous les autres. Mais il ne peut rester une hégémonie que s’il s’oppose à tout le monde, y compris les pays capitalistes, y compris les autres puissances impérialistes. Il doit les détruire aussi pour exister. Et ça n’est pas tenable. En fait, c’est lui-même qui a créé son propre exécuteur, puisqu’il a lui-même délocalisé, et tous les autres ont fait pareil, ont délocalisé dans les pays en voie de développement. Et maintenant, ces pays créent leur propre richesse. Ils créent leur propre richesse, ils en sont propriétaires. Et maintenant, les pays rentiers que nous sommes, les bourgeoisies capitalistes de ces pays, sont dans une situation inextricable. Oui. Et c’est la raison pour laquelle l’hégémonisme US n’est plus déjà une hégémonie. À partir du moment où il y a une concurrence qui s’élève venant de tous ces pays, il n’y a plus d’hégémonie, de fait. Mais c’est un processus qui ne se fait pas en l’espace de quelques minutes. C’est une lutte entre ce qui disparaît et ce qui naît, comme je disais tout à l’heure. Et inévitablement, ce qu’on appelle le sud global triomphe de l’hégémonie et l’hégémonie disparaîtra. Les États-Unis resteront une grande puissance, mais l’hégémonie doit disparaître. C’est la raison pour laquelle on doit rejoindre les BRICS. Voilà, c’est la conclusion que je voulais donner sur ces différents textes de Mao qui ont gardé finalement une grande actualité.
BG: Grand merci pour cette synthèse qui était très bien placée à la quasi-fin de cette émission. Alors on avait prévu de faire parler Franck Marsal. Merci beaucoup, Jean, pour la synthèse que tu viens de faire, en rappelant, je le rappelle parce qu’il ne l’a pas dit, mais qu’il y a d’un côté, le Sud global, c’est 7 milliards et demi de personnes, et de l’autre côté, c’est ce qu’on appelle le golden million, c’est-à-dire le milliard de ceux qui croient qu’ils sont développés et en avance sur tout le monde, donc les bourgeoisies occidentales, avec la crise qu’il y a en plus entre elles, les États-Unis, le Japon, qui s’est toujours trompé de camp, j’allais dire, le pauvre. Et l’Europe, ce qu’il en reste. Est-ce qu’on l’a en ligne? Parfait. Tardivement, on s’en excuse. On donne la parole à Franck Marsal qui va essayer d’insérer cette problématique dans un cadre politique plus français puisqu’il est au…
DB: Il est membre du PC et en responsabilité dans le PC.

BG: Oui, je pense qu’il est au conseil national. Donc on écoute brièvement, désolé Franck, on a été… Bonsoir. Merci. Donc l’insertion de ce dispositif qu’on a essayé de brosser à très grands traits dans la politique française telle qu’elle est aujourd’hui avec les partis français tels qu’ils sont aujourd’hui. Voilà, merci encore.
FM: Je vais essayer de faire court et rapide. Je pense que beaucoup a déjà été dit, donc ça va être possible. La première chose que je voudrais dire, c’est qu’évidemment, ce qui est en train de se passer nous concerne. Il faut comprendre en quoi ce qui vient de se passer nous concerne. Ce qui vient de se passer ou ce qui est en train de se passer. C’est un changement radical des rapports mondiaux. Ce n’est pas le premier changement, puisque déjà la révolution russe d’octobre, la Révolution soviétique, elle avait induit, et je pense que c’est une contribution très importante qu’on ne souligne pas suffisamment, un premier changement des rapports mondiaux, puisqu’elle avait contribué de manière décisive à un certain nombre d’événements, à la fin de la première guerre mondiale, l’écrasement du nazisme, mais aussi et peut-être surtout à la fin du colonialisme. Voilà, ça c’était une étape très importante de changement des rapports mondiaux, permettant au peuple d’accéder à une indépendance politique, peut-être parfois formelle, mais néanmoins un changement très important par rapport à leur statut précédent. Au colonialisme a succédé en quelque sorte le néocolonialisme qui s’est développé ensuite sous une forme tout à fait catastrophique avec dérégulations, et ce qui s’est suivi et ce qui est en train de faire la Chine, c’est qu’elle est en train de clore aussi cette nouvelle étape des rapports mondiaux et d’ouvrir des rapports où non seulement les pays ont accès à l’indépendance politique, mais ils ont accès au développement. Parce que toute la politique du néocolonialisme et de l’impérialisme, ça a été de constituer un plafond de verre au développement, d’empêcher les pays de se développer, de se doter des infrastructures, des moyens de production qui étaient nécessaires. Et on voit l’état de l’Afrique, après toutes ces décennies, qui commence à peine, grâce à l’aide chinoise, à se doter des infrastructures électriques, des infrastructures de transport qui sont les plus essentielles au développement. On a prétendu aider au développement de l’Afrique pendant des décennies, mais on n’a pas construit un seul kilomètre de voies ferrées modernes. Et ça, ça nous concerne aussi parce que la France elle-même, dans des circonstances tout à fait différentes, connaît une sorte aussi de frein au développement et de tutelle. Puisque en 1945-1946, sous l’impulsion de la classe ouvrière, du parti communiste, de la CGT, la France entreprend une immense modernisation. Elle tire les leçons de la crise des années 30, de l’effondrement de 40, et très rapidement, en 47-48, l’impérialisme notamment états-unien, lié à la bourgeoisie nationale française qui se relève de ses collaborations avec les nazis, va mettre un terme à cette expérience de modernisation, en effaçant les ministres communistes, en reprenant le pouvoir, en envoyant l’armée sur les carreaux des mines contre les mineurs, etc. Et en divisant la CGT, bien entendu, qui a été une étape très importante aussi. Alors, il va rester des choses. Et je pense que ça, c’est important aussi de le retenir. C’est que la France, dans l’Europe en particulier d’aujourd’hui, a un rôle et une place extrêmement particulière parce que, du fait de cette histoire qui lui est propre, elle a des outils. La souveraineté, elle a des outils de modernisation de ses rapports sociaux, de ses rapports économiques qui sont encore ancrés dans ses bases économiques et sociales. On est l’un des seuls pays, grand pays d’Europe, à ne pas avoir de base américaine sur notre sol. On nous a fait revenir au commandement intégré de l’OTAN, mais on n’a quand même pas de base militaire états-unienne sur notre sol. On a su maîtriser de grandes industries et on a toujours ces savoir-faire. Et puis on a, je vais très vite, je ne développe pas tout, mais on a aussi un peu des travailleurs qui ont, peut-être plus qu’ailleurs, résisté à toutes les étapes du néolibéralisme et de l’empêchement du développement. Alors ça c’est le côté positif. Il y a un côté négatif, c’est que la France, et je développe un petit peu dans le bouquin, elle est aujourd’hui… quand même à la croisée des chemins parce qu’elle est en train de traverser une crise profonde de ses forces productives qui se traduit dans l’effondrement de la production automobile, dans la destruction progressive de notre capacité de production d’acier, dans la stagnation de notre production électrique, de notre production de logements, dans la dégradation majeure de nos services publics, notre système d’enseignement qui faisait de nous… on est un des pays qui formaient les meilleurs mathématiciens, les meilleurs ingénieurs, les meilleurs physiciens du monde. Aujourd’hui, malheureusement, on n’en est plus là. Et puis, on était un des derniers pays qui avait résisté avec une démographie positive et on a perdu plus d’un quart de nos naissances en une quinzaine d’années. Voilà, donc il y a une crise profonde. Et l’idée générale qui se développe, mais je vais peut-être… pas avoir le temps d’aller plus loin là maintenant, c’est qu’à cette nouvelle étape des rapports mondiaux peut et doit correspondre une nouvelle étape de modernisation de la France qui doit bien évidemment aller au-delà de ce qui a pu être entrepris en 45-46 parce que la situation a beaucoup évolué, les conditions sont radicalement différentes et qu’on voit bien aujourd’hui qu’on ne peut pas simplement reproduire, il va falloir aller plus loin, il va falloir effectivement poser la question d’établir la transition vers une société socialiste en France pour remettre le pouvoir aux mains des travailleurs et engager cette reconstruction et cette modernisation de notre pays.
BG: Voilà une conclusion magnifique et concrète parce qu’en fait, on ne peut pas bouger, nous, si on ne se rend pas compte que d’autres sont en train de bouger dans la bonne direction. C’est ça qui est le rapport mondial de classe. Il se joue aussi là-dedans. Comment on insère la classe travailleuse française dans ce rapport de classe mondiale qui se modifie profondément ?
FM: Tout à fait. Aujourd’hui, ce qui a bloqué, je pense, les perspectives révolutionnaires et progressistes depuis plusieurs décennies, c’est que tout pays qui faisait un pas sur le chemin d’une certaine sorte de souveraineté et de progrès était confronté à une guerre économique absolument terrible, à l’isolement, et donc à l’effondrement forcé de son économie. C’est ce qu’a vécu malheureusement Cuba, qui se bat toujours pour défendre son modèle socialiste. Je pense qu’ils ont en eux tout ce qui leur est nécessaire. Il faut qu’on les soutienne pour triompher de cette étape. Mais effectivement, aujourd’hui, les conditions sont changées. C’est-à-dire que la France, qui choisit un autre modèle, non seulement va pouvoir trouver des partenaires, mais elle va aussi créer les conditions pour sortir de l’ornière et relancer son développement.
BG: C’est exactement ce qu’il faut souhaiter et que ce livre que j’ai sous les yeux mérite la lecture parce que précisément il ouvre à ce type de réflexion. C’est un livre épais, important, non pas parce qu’il est épais mais parce qu’il pose les problèmes à l’échelle planétaire. Et je vais finir sur la constatation que fait le président chinois. N’oubliez jamais vous, 8 milliards d’habitants de la planète, que nous sommes tous sur le même bateau. Nous n’avons qu’une planète. D’abord, ne l’abîmons pas, ne la salissons pas et essayons de ne pas la faire couvrir de ruisseaux de sang. C’est ça la leçon fondamentale de Xi Jinping à la totalité de l’humanité. Il le dit et tous ses actes vont dans ce sens et il est porté par un pays qui partage tout à fait cette vision-là du monde et qui est en train de marcher devant pour montrer la voie à suivre à tous. Merci encore pour ce beau livre. Merci Danielle. Merci Franck. Désolé d’avoir été si bref. Merci Jean. Merci Sidi. Et puis on va finir par une petite musique chinoise que j’avais prévue qui est une ode à la mère patrie. Ce sont de jeunes soldats de l’armée populaire de libération qui chantent l’ode à la mère patrie. Ce n’est pas trop guerrier. Simplement, on est attaché à la Chine, vu son âge, vu tout ce qu’elle a apporté, vu ce qu’elle est en train d’apporter. Ça va s’ajouter au papier, à la poudre, à tout ce qu’elle a inventé, les caractères, etc. Et elle ajoute ça en plus, c’est-à-dire la façon de gérer, avec un parti communiste, un pays d’un milliard 400 millions d’habitants.
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