Si nous sommes pris dans le spectaculaire extrêmement dangereux de l’hégémon, le monde fort heureusement ne se limite pas à cet Apocalypse now. Le monde multipolaire, ses partenariats stratégiques s’emploient à créer des barrières d’endiguement et à provoquer y compris au sein des alliés des Etats-Unis, effrayés, des liens destinés à favoriser le dialogue. Ici l’exemple du partenariat stratégique avec la Corée du nord, alliée (le seul) avec la Chine qui à la fois a l’arme nucléaire et noue des relations avec la Corée du sud, dans un monde plus complexe qu’il n’y parait. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://svpressa.ru/war21/article/469020
Sur la photo : visite du secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie, Sergueï Choïgou, à Pyongyang (Photo : TASS/collage)
Texte : Mikhail Zoubov
Pyongyang va envoyer un millier de sapeurs en Russie pour déminer les territoires « truffés » de mines par les nationalistes ukrainiens. Il s’agit en premier lieu de la région de Koursk, que des soldats nord-coréens ont déjà aidé à nettoyer.
Tels sont les premiers résultats officiels des négociations qui ont eu lieu entre le secrétaire du Conseil de sécurité russe Sergueï Choïgou et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
Cette rencontre s’est déroulée à Pyongyang le 17 juin. Il est important de noter que la visite de Choïgou à Kim Jong-un était déjà la deuxième en un mois. Le chef du Conseil de sécurité avait déjà rendu visite au dirigeant de cette république amie le 4 juin.
Selon certaines informations, la RPDC (outre les sapeurs) enverrait environ 5 000 à 6 000 ouvriers dans la zone de la zone de sécurité spéciale afin de reconstruire les installations détruites par les nazis ukrainiens.
Entre-temps, les résultats officiels de la conversation entre Shoigu et Kim ne sont que la « partie émergée de l’iceberg ». De quoi d’autre ont pu discuter le représentant de confiance de Poutine et le dirigeant de la RPDC ? Evgueni Kim, chercheur principal au Centre d’études coréennes de l’Institut de Chine et d’Asie moderne de l’Académie russe des sciences, s’est confié à Svobodnaya Pressa.
« SP » : Evgueni Evguenievitch, un millier de sapeurs, c’est bien sûr très important, mais ces questions auraient pu être discutées à distance. Il n’est pas difficile d’imaginer que d’autres sujets ont nécessité une discussion en personne entre Shoigu et Kim, avec un vol à travers la moitié du globe. De quoi ont pu discuter le dirigeant d’un pays ami et l’émissaire de Poutine à Pyongyang ?
— Shoigu étant un homme de confiance de Poutine, il est tout à fait naturel qu’il ait transmis un message important au président russe. Il s’agit des formes de coopération entre nos pays dans le domaine de la sécurité.
En matière de coopération militaire et technique, ce n’est un secret pour personne que la RPDC dispose de systèmes de lancement rapide d’engins volants (SLEV) dont la portée est deux à trois fois supérieure à celle de nos SLEV (et de ceux des États-Unis). La présence de tels systèmes dans notre arsenal nous permettrait de mener des tirs de barrage contre les combattants ukrainiens sans craindre de riposte. Il y a peu de chances que les systèmes ukrainiens de lutte contre les batteries puissent atteindre et détruire des MLRS ayant une telle portée.
Une autre question se pose : deux soldats nord-coréens grièvement blessés ont été faits prisonniers par les combattants ukrainiens. Ils seront très probablement remis à la Corée du Sud à des fins de propagande.
Bien sûr, le nouveau président sud-coréen Lee Jae-myung a déjà fait savoir qu’il ne souhaitait pas de confrontation avec la RPDC, mais Séoul a des partenaires qui le souhaitent, et il existe également une opposition conservatrice.
SP : Est-il possible que Kim Jong-un considère la Russie comme un médiateur potentiel dans le règlement des relations avec la Corée du Sud ?
Je n’exclurais pas cette possibilité. Lee Jae-myung a déjà interdit le lancement de ballons et de sondes vers le nord, et a même déclaré qu’il punirait ceux qui le feraient. Il a interdit les diffusions par haut-parleurs vers la RPDC. Kim Jong-un a répondu de la même manière, en cessant également ces activités.
On sait que les dirigeants de la Corée du Nord et de la Corée du Sud se sont rencontrés en 2000, puis en 2004 et à trois reprises en 2018. Mais on parle peu du fait que Poutine a joué le rôle de médiateur à chaque fois. Et c’est pourtant bien le cas.
Et il y a encore un détail. En Corée du Sud, il y a un homme très intéressant qui a étudié, obtenu un doctorat et travaillé à Saint-Pétersbourg. Aujourd’hui, le nouveau président du pays souhaite nommer cet homme à un poste très important.
Or, lors d’une conférence, cet homme a proposé l’idée de créer un aéroport international dans une ville située au carrefour des frontières de trois États : la Russie, la Chine et la RPDC. Un peu comme l’aéroport de Bâle, qui se trouve à la frontière entre l’Allemagne, la Suisse et la France. Grâce à cet aéroport, cette ville est devenue un lieu très prisé pour les réunions internationales et le développement des activités bancaires.
Un tel centre, situé à la jonction de nos frontières, sur le territoire russe, pourrait jouer un rôle similaire. C’est ce qu’a proposé un Sud-Coréen, je le répète, mais c’est quelqu’un qui pense stratégiquement. Et la RPDC n’a aucune raison de s’y opposer.
« SP » : Pouvez-vous donner son nom ?
— Non, j’ai peur de lui nuire. Je lui ai parlé hier, mais je ne peux pas encore le nommer pour que cela ne soit pas utilisé contre lui.
« SP » : Les services secrets britanniques ont publié un document indiquant que 6 000 soldats nord-coréens ont été tués dans la région de Koursk. Pyongyang n’a bien sûr pas pu passer sous silence cette publication, mais n’a fait aucun commentaire. Pourquoi ?
— Les sources de Kiev et de Londres elles-mêmes ont indiqué qu’environ 11 000 soldats nord-coréens étaient présents dans la région de Koursk. Qui parmi les gens sensés peut croire que plus de la moitié d’entre eux ont été tués ?
Et pourquoi Pyongyang commenterait-il ces absurdités ?
Il y a bien des Coréens qui ont péri dans la région de Koursk. Conformément aux accords interétatiques, un monument sera érigé en leur mémoire, sur lequel tous leurs noms seront inscrits. C’est alors que nous connaîtrons le nombre de Coréens qui ont péri.
Les noms de certains héros tombés au combat en RPDC seront donnés à des rues dans les localités de la région de Koursk. Mais cette question – celle de donner aux rues ou aux places les noms des héros tombés au combat – sera discutée par les dirigeants des deux pays. Les documents à ce sujet sont signés par les plus hautes autorités.
Il y a un autre sujet pour la visite de Shoigu. Ces jours-ci, on va célébrer le premier anniversaire de la signature du traité de coopération globale entre la Russie et la RPDC. Des conférences seront organisées dans les deux pays demain et après-demain sur ce thème. Il y aura aussi des contacts par vidéoconférence entre les dirigeants. Il fallait aussi discuter de leur format.
Je n’exclus pas non plus que l’Occident ait l’intention d’organiser une provocation en Extrême-Orient afin de détourner l’attention du Proche-Orient. Dans ce cas, la Russie et la RPDC doivent également disposer d’un plan d’action commun.
SP : Quel rôle peuvent jouer en Russie les constructeurs nord-coréens qui vont venir chez nous ?
— En Corée du Nord, la construction est traditionnellement assurée par l’armée. Il ne s’agit donc pas de simples ouvriers chargés de monter des coffrages, de poser des briques ou du linoléum, ou d’entretenir des grues. Ils ont tous une bonne formation militaire et, si nécessaire, peuvent intervenir pour défendre ou attaquer l’ennemi si l’ordre leur en est donné.
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