Histoire et société

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La guerre en Ukraine s’intensifie et la Russie met en garde contre une guerre nucléaire en cas d’échec des pourparlers de paix

Est-ce que nous mesurons bien la situation réelle et la manière dont partout les « Européens », enfin les dirigeants de quelques pays, jouent partout la politique du pire avec l’assentiment du suzerain étasunien qui ne voit que des avantages à l’épuisement des camps. On assiste à une véritable « ukrainisation » des guerriers par procuration et c’est par rapport à un tel enjeu que la réponse doit être de masse et de classe (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Andrea Peters il y a 16 heures
Une explosion est observée après une frappe aérienne russe sur Kyiv, en Ukraine, le vendredi 6 juin 2025. [AP Photo/Evgeniy Maloletka]

La Russie a lancé une série d’attaques aériennes à grande échelle au cours des derniers jours, en réponse à la récente tentative de Kiev de faire sauter le pont reliant la Crimée au continent russe et aux attaques lancées contre des aérodromes à des milliers de kilomètres de la frontière russo-ukrainienne et très loin en territoire russe.

Depuis dimanche soir, plus de 800 drones et missiles ont été lancés contre l’Ukraine. Bien que Kiev affirme que la plupart ont été abattus, des frappes ont eu lieu dans tout le pays, y compris dans la capitale et sur la base aérienne de Dubno, à l’ouest, où sont stationnés des chasseurs F-16 de fabrication américaine. La Pologne a indiqué avoir fait décoller des avions à réaction dans l’ouest de l’Ukraine dans la nuit de dimanche à lundi, en réponse à cet assaut aérien.

Sur le terrain, les troupes russes ont repris Sumy dans le nord-est de l’Ukraine, annulant les gains réalisés par Kiev il y a trois ans. Moscou affirme également avoir pénétré dans l’oblast de Dnipropetrovsk, dans le centre de l’Ukraine. Kiev dément ces informations, affirmant que Moscou diffuse de « fausses informations ». Si cela est vrai, cela « créera de nouveaux problèmes pour les forces très sollicitées de Kiev », a noté CNN dans un article dimanche.

Pendant ce temps, le gouvernement Zelensky poursuit son assaut. Le week-end dernier, des drones ont endommagé un aérodrome russe à Nijni Novgorod et une usine de fabrication de matériel de guerre à Tcheboksary, ce qui a entraîné la suspension de sa production. Tous deux sont situés loin à l’est de Moscou. Mardi, une installation chimique de l’oblast de Toula a pris feu après avoir été touchée pour la deuxième fois. Les vols dans les aéroports desservant les première et deuxième plus grandes villes de Russie, Moscou et Saint-Pétersbourg, ont été brièvement interrompus ce jour-là en raison d’attaques de drones. Des bombardements ont lieu tous les jours à Belgorod, oblast [unité administrative] russe frontalier de l’Ukraine.

En avril, le président Zelensky avait indiqué que ses soldats opéraient sur le terrain à Belgorod, un fait reconnu à l’époque par des sources russes non officielles. Il s’agissait de la deuxième incursion de l’Ukraine sur le territoire russe, après la tentative désormais infructueuse de Kiev de s’emparer de la région de Koursk en 2024.  

L’escalade des combats, voulue par l’OTAN, risque de déclencher une guerre nucléaire. Les puissances européennes sont farouchement opposées à tout accord de paix dirigé par les États-Unis entre l’Ukraine et la Russie, qui risque bien de briser l’alliance euro-atlantique et d’être conclu à leurs dépens.

Dans le même temps, l’administration Trump n’est en aucun cas gênée par les promesses du président de mettre fin à la guerre « dans les 24 heures » suivant son entrée en fonction. Elle a ses propres calculs sur ce qui est profitable à l’impérialisme américain et sur les concessions, le cas échéant, qu’elle est prête à faire sur le front russe afin de pouvoir se concentrer sur le front chinois. Malgré les ouvertures faites à Moscou, la Maison-Blanche pourrait se retirer des efforts visant à régler le conflit.

Le 5 juin, après une rencontre avec le chancelier allemand Friedrich Merz, Trump a déclaré que l’Ukraine et la Russie ressemblaient à « deux jeunes enfants qui se battent comme des fous ». « Vous feriez mieux de les laisser se battre pendant un certain temps et puis de les séparer », a-t-il déclaré. Dans son style grossier habituel, le leader de la Maison Blanche a clairement indiqué qu’il voyait un avantage stratégique à permettre à la Russie et à l’Ukraine de s’épuiser par la guerre.

Trump a simultanément menacé de punir Kiev et Moscou de sanctions. « Nous serons très, très, très durs, et cela pourrait bien toucher les deux pays pour être honnête », a-t-il déclaré.

Peu de temps avant que Trump ne fasse ces déclarations, la Russie et l’Ukraine s’étaient rencontrées en Turquie pour une deuxième série de pourparlers de paix sous l’égide des États-Unis. La discussion a duré une heure et a abouti à un accord pour échanger des prisonniers et des morts de guerre, mais à rien d’autre. Après des retards au cours du week-end, le processus a commencé lundi.

Alors que certaines sources d’information affirment que le nombre de personnes, vivantes ou non, qui ont changé de mains est inconnu, le Guardian britannique a rapporté que 1 200 membres des forces armées de chaque camp rentrent chez eux, à savoir les blessés et les jeunes de moins de 25 ans. Le conseiller présidentiel russe Vladimir Medinsky a déclaré à la presse lundi que son pays était prêt à restituer les corps de 6 000 soldats à l’Ukraine, mais que le gouvernement Zelensky refusait de les accepter parce qu’il ne voulait pas reconnaître l’ampleur de ses pertes.

Alors que son armée est confrontée à une situation catastrophique et que son gouvernement d’extrême droite craint la perspective d’un accord de paix conclu à ses dépens, Zelensky oscille entre l’obséquiosité à l’égard de Washington et la pression pour obtenir davantage d’armes.

Le 8 juin, il a accordé une interview à ABC News dans laquelle il a zigzagué entre insinuer que la Maison-Blanche sapait l’effort de guerre, exiger une extension du conflit avec le soutien des États-Unis et déclarer que l’Ukraine était prête à déposer les armes.

Dans son échange avec Martha Raddatz d’ABC, Zelensky a déploré que les États-Unis aient renié leur promesse d’envoyer à Kiev 20 000 missiles capables d’éliminer les drones russes. La Maison-Blanche les avait envoyés au Moyen-Orient à la place, a-t-il dit.

Zelensky a insisté pour dire qu’il c’était là une erreur. « Nous ne pouvons contrer » la Russie « que par la force », a-t-il déclaré. « Nous pouvons arrêter [la Russie] dans son élan, et probablement alors elle sera prête pour une sorte de diplomatie et de pourparlers. Nous devons préparer de tels plans, et nous ne nous arrêtons pas ».

« Je suis convaincu que le président des États-Unis a tous les pouvoirs et suffisamment de poids pour intervenir », a-t-il déclaré, insistant pour dire que Trump devait exercer une « forte pression ».

Zelensky a encore affirmé que Kiev était prêt à déposer toutes ses armes, si Moscou le faisait aussi. Les bombardements de la semaine dernière sur les aérodromes russes montrent clairement que l’Ukraine et surtout l’OTAN et les États-Unis sont prêts à risquer une guerre nucléaire s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent.

Le jour même de l’interview de Zelensky, plusieurs représentants du gouvernement russe ont exposé la position de leur pays. S’exprimant sur les récents gains territoriaux de Moscou dans le centre de l’Ukraine, le vice-président du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, a déclaré que les forces armées de son pays avaient lancé leur dernière offensive après que l’Ukraine a refusé de reconnaître le contrôle territorial russe lors des récents pourparlers de paix.

« Quiconque ne veut pas reconnaître les réalités de la guerre dans les négociations recevra de nouvelles réalités sur le terrain », a menacé Medvedev sur le réseau social Telegram.

Dans le même temps, le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, a déclaré à la presse que la paix dépendait de « mesures pratiques visant à éliminer les causes profondes des contradictions fondamentales entre nous dans le domaine de la sécurité », entendant par là l’arrêt de l’expansion de l’OTAN.

Sans cela, a-t-il dit, « il est tout simplement impossible de résoudre le conflit actuel dans la région euro-atlantique ».

Selon Reuters, Moscou exige un engagement écrit que l’OTAN ne s’étendra pas plus à l’est.

Identifiant les États-Unis et l’OTAN comme les instigateurs de la guerre, Ryabkov a déclaré que les pourparlers de cessez-le-feu testaient « le sérieux des intentions de Washington de redresser nos relations ». Il a en outre déclaré à l’agence de presse TASS que la guerre ne s’arrêterait pas tant que les troupes de l’OTAN ne seraient pas retirées de la Baltique.

Montrant quelles étaient les positions de l’Alliance, l’Allemagne a déployé fin mai 4 800 soldats dans le pays balte de Lituanie, dans le cadre d’une mission permanente, première du genre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les implications de ce qui se passerait si un accord de paix ne tenait pas compte de la revendication centrale de Moscou ont été clairement explicitées le même jour par Vladimir Medinsky, le négociateur en chef de la Russie dans les pourparlers avec l’Ukraine.

« Si vous arrêtez le conflit le long de la ligne de front et ne concluez pas de paix véritable, si vous faites simplement une sorte de trêve, alors ce sera – vous savez, une région comme celle contestée par l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le Karabakh – alors cette région se transformera en un immense Karabakh. Après un certain temps, l’Ukraine, l’OTAN, avec des alliés qui rejoindront l’OTAN, tenteront de la récupérer, et ce sera la fin de la planète, ce sera une guerre nucléaire », a déclaré Medinsky.

Lors d’un briefing au Kremlin également prononcé le 9 juin, le porte-parole de la présidence, Dmitri Peskov, a déclaré que la Russie se réservait le droit de déployer des missiles à courte et moyenne portée si l’agression de l’OTAN à ses frontières ne cessait pas.

(Article paru en anglais le 11 juin 2025)

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