Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le prix d’une erreur : les négociations ont définitivement plombé pour l’Europe le plan « Ukraine », par Kirill Strelnikov

Voilà un bijou comme Marianne a le don de les trouver dans la presse russe. Un article pince sans rire qui dit sur le mode « Gogol » sarcastique, dont les Russes semblent avoir le secret et qui rejoint bizarrement l’argentin Borgès, le Polonais Gombrowitz et l’écrivain yiddish Cholem Aleikhem, entre autres, toute une famille d’esprits qui ne peut que se réjouir de la description totalement absurde des interprétations occidentales de ce qui s’est passé à Istanbul… Cet éléphant qui traverse la pièce et que personne ne semble remarquer tant il est affairé à explorer ce qu’il croit connaitre est de l’ordre de cette ignorance massive, satisfaite d’elle-même qui est à la base de ce qu’il séant de dire et si l’on s’en écarte on devient un objet de scandale. Quand on en est à être soumis à l’index théologique de la pensée unique sur le « totalitarisme » supposé, il y a un moment effectivement où la réalité se révèle dans la parodie… (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20250518/peregovory-2017623702.html

Juste avant la fin de la rencontre entre les délégations russe et ukrainienne à Istanbul, un grand et magnifique éléphant peint aux couleurs du drapeau russe est entré dans la salle de négociation. L’éléphant a tranquillement fait le tour de la pièce, bu un peu d’eau dans les verres des Ukrainiens, serré la main de Medinsky avec sa trompe, puis est sorti sans un bruit.

À part notre délégation, personne ne l’a remarqué : ni la délégation ukrainienne, ni les responsables occidentaux, ni les médias, ni les experts.

Tout le monde s’est précipité pour discuter des résultats des négociations : qui a « plié » et humilié qui, qui doit rencontrer qui et quand, qui doit faire des concessions à qui, qu’en est-il du cessez-le-feu de 30 jours, combien de régions de l’ancienne Ukraine doivent finalement passer officiellement sous la juridiction de la Russie, qu’en est-il des soldats de la paix européens, comment se portent les sanctions, à quelle profondeur enterrer les projets d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, comment traiter Zelensky, combien de jours il reste à l’armée russe avant que les puces des machines à laver ne soient épuisées, et ainsi de suite sur une longue liste.

Mais personne de l’autre côté, à l’exception des observateurs les plus attentifs, n’a compris ce qui s’était réellement passé et n’a remarqué l’essentiel.

Voici ce qui s’est passé : avec le début des négociations, l’Ukraine bandériste a cessé d’exister. Elle était là, mais elle a disparu.

Les grands manipulateurs et stratèges du camp anti-russe et anti-Trump ont oublié un fait simple : le simple fait que les négociations, initiées de main de maître par Poutine, aient eu lieu, a réduit en miettes le fondement apparemment inébranlable de la politique (et de l’économie) anti-russe occidentale, où l’Ukraine occupe une place centrale et où la Russie est le mal absolu qui doit être vaincu collectivement, car on ne négocie pas avec le mal absolu, et cela n’est pas négociable, pour les siècles des siècles, amen.

Avant les négociations, l’Occident collectif observait avec satisfaction les inscriptions gravées dans l’or sur toutes les pierres, telles que : « L’Ukraine doit gagner, sinon ce sera la défaite de l’Occident », « Il ne peut y avoir de négociations avec la Russie avant sa capitulation », « La Russie doit être vaincue militairement », « La Russie est le mal absolu, contre lequel l’Occident doit lutter jusqu’au bout », tandis que les principaux jardiniers du jardin enchanté tentaient de surpasser la prophétesse Vanga [la Madame Soleil locale, NdT]. Par exemple, à cette époque, le ministre des Affaires étrangères britannique James Cleverly déclarait en 2023 que « Poutine ne peut pas gagner et ne gagnera pas », tandis que le secrétaire d’État Anthony Blinken sortait immédiatement le grand jeu : « Il ne peut y avoir aucune négociation sur la fin de la guerre en Ukraine avant le retrait complet des troupes russes du territoire ukrainien ».

C’est l’écrivain et journaliste américain John Derbyshire qui a le mieux décrit le revirement irréversible qui a suivi Istanbul : « Le refus de négocier avec les Russes était le pilier central du projet « Ukraine ». C’était un élément clé pour soutenir ce projet, et ce pilier s’est maintenant effondré. Même si les négociations ne donnent pas de résultats immédiats, le simple fait que cette rencontre ait eu lieu change tout. (Pour Trump. — N.d.r.) tout accord qui empêchera l’arrivée des chars russes à Kiev sera une victoire pour lui. Tout cela annonce le début de la phase finale du projet « Ukraine ».

Cependant, la Russie ne se précipite pas et espère toujours que l’instinct de survie l’emportera en Ukraine, à commencer par la délégation ukrainienne.

Quelques semaines avant Istanbul, le site américain Responsible Statecraft a publié un article tout à fait raisonnable, dans lequel il était indiqué que « les négociations futures seront déterminées par la réalité sur le terrain. La partie qui aura l’avantage dictera les conditions. Le temps joue en faveur de la Russie et, à moins qu’ils ne parviennent à un accord de paix dès maintenant, ils sont sur la voie d’une victoire qui aura des conséquences dévastatrices pour l’Europe ».

Apparemment animés par les mêmes craintes vagues, les experts de la Fondation Carnegie* ont remarqué que « le choix des membres de la délégation russe indique une absence totale de sentiment d’urgence. Il n’y a ni précipitation ni crainte d’un échec. <…> Pendant que les diplomates russes font pression sur leurs homologues ukrainiens autour de la table, l’armée russe continue d’avancer sur le front ».

En d’autres termes, la Russie a non seulement réussi à briser la position inflexible de l’Occident et à semer la discorde dans les rangs de ses adversaires, mais aussi à imposer le rythme et le format des négociations qui nous conviennent : un processus de travail progressif, en plusieurs étapes, avec un examen approfondi de toutes les nuances importantes. Nous sommes contre le cirque et les cris devant les caméras : Istanbul a prouvé qu’une discussion calme et objective peut fonctionner et donner des résultats concrets.

Il est très intéressant de noter que la délégation ukrainienne (probablement après un coup de fil à un ami à Washington) a fait preuve de bon sens, tandis que Zelensky et ses amis européens ont montré au monde entier leur incapacité à négocier et leur volonté obstinée d’attiser la guerre.

Hier, le célèbre média occidental The American Conservative est arrivé à la même conclusion : « La priorité de Washington doit désormais être d’encourager la poursuite des négociations entre les parties belligérantes, malgré la poursuite des hostilités. <…> Les évaluations positives des délégations russe et ukrainienne contrastaient fortement avec la réaction négative de Zelensky lui-même et des principaux dirigeants européens. <…> Depuis l’élection de Trump, les dirigeants européens ont tenté de le convaincre que Poutine ne chercherait jamais à parvenir à un règlement stable en Ukraine. Alors que Trump et son équipe cherchaient des moyens de mettre fin à cette guerre sanglante, l’Europe s’est immiscée et a même sapé les efforts des États-Unis.

Apparemment, Washington a également vu l’éléphant. Hier, à l’initiative de la partie américaine, une conversation téléphonique a eu lieu entre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, au cours de laquelle ce dernier a salué l’accord sur l’échange de prisonniers de guerre et la préparation par chacune des parties de sa vision des conditions nécessaires à un cessez-le-feu, et a souligné la volonté de Washington de continuer à faciliter la recherche de solutions, tandis que M. Lavrov a salué le rôle positif joué par les États-Unis, qui ont contribué à ce que Kiev accepte finalement la proposition du président russe de reprendre les négociations d’Istanbul.

Hier, des informations ont également été publiées selon lesquelles un entretien téléphonique entre Vladimir Poutine et Donald Trump aurait lieu dès demain.

Le projet « Ukraine » touche à sa fin, et il faut décider de ce qui va lui succéder. Au minimum, un zoo avec un éléphant.

* Reconnue comme organisation indésirable en Russie.

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