Il ne faudrait pas sous prétexte que nous vivons dans un pays soumis à une aliénation si massive, si terroriste que cela nous oblige à ne contempler le monde qu’en lui imaginant des barreaux de prison qui sont nôtres. Il y a partout, en particulier dans le sud, en Asie, en Afrique, en Amérique latine un renouveau « culturel » … C’est une nouvelle ère qui s’annonce et la création humaine découvre de nouveaux possibles. Il seraiit vraiment navrant de les rater, alors nous allons ouvrir ces possibles y compris dans l’actualité. Une fois de plus notons à quel point la distinction si étanche aujourd’hui en France entre l’art d’élite et les industries du divertissement sont beaucoup moins cloisonnées en Chine et souvenons- nous du temps où il existait autour d’Aragon grandissime poète, écrivain et organisateur politique une telle vision liée à la « conscientisation » des masses, empruté à l’expérience soviétique et si typiquement français… Voilà de quoi j’ai envie de parler d’une civilisation qui est déjà là et qui vaut mieux que ce triste spectacle qui begaie entre nous j’aimerais être surprise, je n’attends rien du festival de Cannes. Mais nous en reparlerons. En attendant voici une artiste qui nous parle de quelque chose de très actuel, de frontières… »Mon souhait est d’utiliser la culture chinoise, avec son mode d’expression, son esthétique et ses concepts philosophiques, pour interpréter des émotions qui nous sont communes à tous » exactement ce qui me préoccupe dans un monde qui « retrecit ».. et qui se donne l’univers pour domaine.(note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

2025-05-06 10:17 China News Yang Chen, Tu Lisha
Wang Chaoge, pionnière des spectacles immersifs en Chine, révolutionne le tourisme culturel en mêlant théâtre, musique et paysages naturels pour sublimer l’âme de la culture chinoise. Entretien exclusif avec la réalisatrice et scénariste.
En 2004, Impression Liu Sanjie, a ouvert la voie aux spectacles en plein air en Chine. En 2013, des œuvres comme Encore Pingyao, ont introduit le concept novateur de spectacle immersif scénographique. Depuis 2019, notamment avec Only Mount Emei : Fantasy Theatre City, la fusion des formats de théâtre classique et de spectacle en plein air, ont créé une nouvelle forme de représentation itinérante. Wang Chaoge, qui a participé à ces œuvres, s’est imposée comme l’une des pionnières et praticiennes de l’art du spectacle immersif touristique en Chine.
Comment la création chinoise de spectacles immersifs dépasse-t-elle sans cesse les frontières de la scène ? Comment raconter des histoires chinoises capables de faire résonner les cultures orientales et occidentales ? Entretien exclusif avec la réalisatrice et scénariste.

Quels principes fondamentaux sont communs à ses spectacles ?
Dans ma trajectoire artistique, le mot « improvisation » me semble particulièrement pertinent. Je me laisse guider par mon instinct, comme si je créais des spectacles en plein air au cœur des paysages naturels. Je me suis souvent demandé pourquoi les montagnes majestueuses et les rivières imposantes ne devraient être que des décors, plutôt que des éléments centraux, des « acteurs » à part entière, porteurs de sens et de contenu. C’est ainsi que j’ai entamé cette exploration.
Pour moi, la définition même du « spectacle en plein air » importe peu. Ce qui compte, c’est l’atmosphère que l’on ressent, de l’intérieur vers l’extérieur, dans le cadre où l’on se trouve. Plus tard, je me suis demandé : la réalité brute suffit-elle pour être qualifiée de « réelle » ? Non, il faut en faire le tour, littéralement, pour atteindre cette réalité. C’est en suivant cette logique que nous avons conçu des gradins tournants, permettant au public de vivre une expérience à 360 degrés et de s’immerger pleinement dans la scène.
Je pense que le théâtre, l’art et la culture ne sont pas des plateformes pour servir d’autres objectifs, mais des destinations en elles-mêmes. Les spectateurs viennent spécifiquement pour elles, pour l’art, et ce qu’ils en retirent est une expérience riche et profondément satisfaisante.
Pendant les représentations, j’observe attentivement les réactions du public. Ils entrent souvent avec étonnement, et en ressortent en disant que l’impact émotionnel est fort, qu’il leur faut du temps pour digérer ce qu’ils ont ressenti. Cela m’encourage énormément. Que vais-je faire ensuite ? Je suis tout aussi curieuse que vous. Je ne sais pas à quoi ressemblera ma prochaine création, mais je continue à travailler avec passion.

Vous repoussez constamment les frontières des scènes traditionnelles. Selon vous, qu’est-ce qu’une « scène » ? Et comment amener le public à accepter des formes nouvelles de scène ?
Qu’est-ce qu’une scène ? À mes yeux, tout peut être une scène. Il n’y a pas d’acteurs fixes, ni de scène immuable. Dans Only Henan : Fantasy Theatre City, le premier « théâtre » était pour moi un champ de blé, et le premier « acteur » était le blé lui-même.
L’idée que le théâtre repose sur des situations prédéfinies me semble être une fausse question. Si nous adoptons des idées figées, en donnant une définition à quelque chose et en exigeant que tout le monde l’apprenne et le respecte selon cette définition, nous créons des frontières. Ces frontières dictent de ne pas les dépasser, de rester dans le cadre.
Je pense que l’art ne devrait pas avoir de frontières. Les audacieux, même en sachant que le franchissement de ces limites peut mener à un précipice, avanceront sans hésitation. Peut-être reviendront-ils blessés mais continueront-ils à progresser et à explorer, ou bien laisseront-ils à d’autres le soin de poursuivre l’exploration. Pour moi, ce processus est au cœur du travail de l’artiste.
Repousser les frontières est un idéal, certes, mais je suis prête à y consacrer toute ma vie et mon énergie, en explorant les limites du théâtre à travers mes créations. Quant à savoir si cela réussit ou si le résultat est satisfaisant, ce n’est pas à moi d’en juger. Ce sera au public, à ces nombreux inconnus, d’en décider.
Je ne sais pas qui sont les spectateurs, ni quelle est leur culture ou leur état d’esprit en entrant dans une pièce de théâtre. Je ne peux pas créer une œuvre universelle qui plairait à tout le monde. Mais je m’efforce de comprendre le public et de toucher leur cœur à ma manière.
À l’ère de l’information, le simple fait de se retrouver dans un même espace, assis côte à côte, est une opportunité rare et précieuse. Le théâtre offre cette chance : respirer ensemble, se confronter face à face à une scène, à une réplique. Si mon œuvre parvient à émouvoir profondément les spectateurs, je ressens une immense fierté.

Comment vos œuvres parviennent-elles, tout en mettant en valeur la culture chinoise et son style artistique, à être comprises et appréciées par des publics issus de cultures aussi différentes que celles de l’Orient et de l’Occident ?
Je suis profondément convaincue qu’il n’y a jamais eu, ni dans le passé ni aujourd’hui, de différence aussi tranchée entre l’Orient et l’Occident. En réalité, en tant qu’êtres humains, nos qualités fondamentales – bonté, compassion, amour, haine – sont universelles. Mon souhait est d’utiliser la culture chinoise, avec son mode d’expression, son esthétique et ses concepts philosophiques, pour interpréter des émotions qui nous sont communes à tous.
Je suis chinoise. La nourriture que j’ai mangée, la langue que j’ai entendue, et la manière de vivre que j’ai apprise depuis mon enfance coulent dans mes veines, sans aucun effort conscient. Je viens d’un peuple ancien, fort de 5000 ans de civilisation, dont la place dans le monde est évidente. Personne ne peut l’ignorer ou le changer : il se dresse fièrement en Orient. En tant qu’artiste chinoise, il va de soi que mes œuvres traduisent les émotions et la vision du monde des Chinois à travers des moyens d’expression typiquement chinois.
Par exemple, j’ai créé auparavant Impression : Guoyue et Encore : Guoyue, deux œuvres dédiées à la musique traditionnelle chinoise. Dans ces créations, des instruments chinois tels que le guqin, le pipa, l’erhu, le xiao ou encore le ruan ne se limitent pas à un simple concert musical. Chaque pièce musicale est associée à un contexte scénographique et à une trame narrative. Les musiciens, à travers leurs répliques, leur langage corporel et d’autres expressions, révèlent la richesse culturelle et l’histoire derrière chaque morceau, permettant au public de saisir en profondeur la signification des compositions.
Lorsque les œuvres de musique traditionnelle chinoise ont été présentées pour la première fois au Grand Théâtre national de Chine, le public chinois a manifesté un immense enthousiasme, ce qui m’a profondément émue. Des morceaux classiques tels que Erquan Yingyue (La Lune sur l’Étang aux Deux Sources), Shimian Maifu (L’Embuscade des Dix Côtés) ou encore Gaoshan Liushui (Les Hautes Montagnes et l’Eau Courante) étaient déjà bien connus et appréciés de tous.
Lorsque Encore : Guoyue a traversé l’océan Pacifique pour être joué trois fois consécutives au Kennedy Center for the Performing Arts à Washington, il a également conquis le public local. The Washington Post lui a consacré une page entière, accompagnée d’éloges. L’affiche de Encore : Guoyue a été exposée aux côtés de celles de comédies musicales emblématiques comme Le Fantôme de l’Opéra et Les Misérables, sur le mur d’exposition permanent dans les coulisses de l’opéra du Kennedy Center.
Cette reconnaissance me remplit de fierté et renforce ma conviction : une bonne œuvre d’art ne dépend pas tant des méthodes utilisées ou des histoires racontées, mais de sa capacité à transcender les « barrières » culturelles grâce au langage universel de l’art, et à créer une résonance profonde chez les spectateurs.

Dans les échanges et confrontations entre les cultures orientale et occidentale, la combinaison harmonieuse de la tradition et de l’innovation a engendré une fusion culturelle unique. Selon vous, quels éclats d’inspiration cette fusion culturelle peut-elle apporter à la création artistique ?
Dans la création artistique chinoise, le liubai (littéralement « espace laissé blanc ») est une forme d’expression particulière. Lorsqu’un musicien pince délicatement les cordes d’un guqin, un son cristallin résonne, accompagné d’un écho prolongé. Ce vide apparent, cette tranquillité, recèle un potentiel infini et des possibilités innombrables, attendant que l’auditeur écoute avec son cœur, comprenne en profondeur et y projette toute sa sensibilité.
Cette expression sincère des émotions, combinée à une mise en scène soigneusement réfléchie, dépasse ce que l’on peut percevoir uniquement par l’ouïe. Pourtant, la beauté de ces sons résonne profondément dans l’âme, s’y installant durablement. Dans la vision chinoise, cette résonance prolongée évoque un espace infiniment vaste, niché dans les profondeurs de l’esprit ou de l’imagination, un lieu qui semble être le plus grand de tous.
Lors de notre création en Malaisie, Encore : Malacca, nous avons utilisé comme fil conducteur le concept de « navire du temps ». À travers plusieurs récits, nous avons retracé plus de 600 ans d’histoire, d’évolution culturelle et de métissage de Malacca, pour illustrer comment les hommes de cette époque ont façonné le monde tel qu’il est aujourd’hui.
Si l’occasion se présente, j’aimerais que davantage de créateurs étrangers viennent découvrir la culture chinoise, tout comme nous devrions aller explorer la richesse des cultures du monde. J’espère que chacun pourra utiliser le langage artistique pour exprimer sa perception de la culture, de la liberté et de la beauté.
Article traduit du chinois, initialement publié sur Chinanews.com.cn.
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