Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La savoureuse histoire derrière cette photo

C’était un monde où l’on croyait réellement que tout était possible. Le fascisme avait été vaincu une fois et il le serait à jamais. Il n’y aurait plus de barrières entre les pays, les individus de bonne volonté. Qu’on le veuille ou non ce possible avait un nom, l’URSS. Dans le hall immense de l’hôtel Rossia, j’ai rencontré pour la première fois Gabriel Garcia Marquez. Il était en train de lire un exemplaire de l’Humanité réservé à la clientèle. A cette époque l’Humanité m’était nécessaire alors qu’aujourd’hui je ne la lis plus jamais pour ne pas subir les décharges électriques de certains articles de reniement de ce temps là. Je lui ai demandé de me réserver le journal à la fin de sa lecture, il m’a souri et nous avons échangé quelques mots. Il m’a tendu l’Humanité et rien alors ne m’est apparu plus important que cette lecture. C’était ainsi il n’y avait pas de hiérarchie, un camarade était un camarade et nous avions un langage commun qui devenait peu à peu celui d’un grand nombre de gens qui parlaient partout communiste. Il y avait des gens qui le jargonnaient et l’on a très vite oublié, mais pour la plupart de ceux qui ont vécu ce temps-là il reste le seul lien qui ai jamais eu un sens aussi universel. (note de Danielle Bleitrach pour Histoireetsociete)

Robert De Niro était à Rome pour le tournage de Il était une fois en Amérique, le chef-d’œuvre de Sergio Leone. Un soir, il m’appelle :

— Gianni, comment vas-tu ? Que fais-tu ce soir ?

— Je dîne, lui répondis-je. Je suis avec Muhammad Ali.

À l’autre bout du fil, De Niro s’exclame :

— Avec qui tu es ? Attends… tu vas dîner avec Muhammad Ali et tu ne m’as rien dit ? C’est mon idole absolue. Ce soir, je dîne avec vous, Gianni.

Peu après, Sergio Leone me téléphone à son tour, un brin contrarié. Il m’annonce que Robert ne peut pas sortir : ils ont une réunion capitale pour finaliser certaines scènes du film.

Je lui explique que je n’ai rien à voir là-dedans, que je vais simplement dîner avec Muhammad Ali, et que Robert veut se joindre à nous.

Un silence. Puis Leone s’écrie :

— Quoi ? Toi et Robert allez dîner avec Muhammad Ali et vous ne m’avez rien dit ?

Sergio, à son tour, décide de se joindre à nous.

J’étais sur le point de quitter la maison lorsque le téléphone sonne encore. Cette fois, c’est Gabriel García Márquez, de passage à Rome. Il devait dîner avec Leone et De Niro… mais il vient d’apprendre que la réunion a été annulée, remplacée par un dîner avec Muhammad Ali.

Morale de l’histoire ?

Nous avons tous fini réunis autour d’une table au restaurant Checco il Carettiere. Toute la soirée, nous avons bombardé Muhammad Ali de questions sur sa vie, ses combats, sa légende. Il nous a tout raconté.

Et nous, De Niro, Márquez, Leone et moi, étions redevenus des enfants, les yeux grands ouverts, suspendus à ses mots.

Gianni Minà (journaliste italien)

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