Effectivement la question monétaire mérite encore beaucoup d’approfondissements et devrait nous occuper mais il faut aussi poser cette question face à ce qu’elle traduit en particulier la financiarisation, un capital devenu disons parasitaire par rapport à la production matérielle, Marx certes a à peine entrevu le problème mais il y a pas mal de ses analyses qui nous parlent conceptuellement. Paul Boccara a eu le mérite de remettre en avant la baisse tendantielle du taux de profit dans le prolongement des travaux entre autres de Boukharine, mais son mode de régulation était marqué par le choix d’une certaine mondialisation à laquelle il paraissait vain de résister. Que sa démarche ait été utilisée par des « liquidateurs » ne doit pas nous faire oublier qu’il est resté avec le secteur économique parmi ceux qui ont continué à tenter de centrer le parti et la gauche vers le travail et l’entreprise. Si je dis cela c’est qu’il me semblerait utile aujourd’hui où le politique reprend ses droits ou tente de reprendre ses droits, ce qui me parait le plus intéressant dans le débat tel que le lance Roussel (hier soir sur la 5 c’était tout à fait passionnant), il faut reprendre cette question de la monnaie en relation avec la réindustrialisation centrée sur l’innovation, les bassins dans lesquels les entreprises sont à la fois fournisseurs et clients, l’importance centrale de la force de travail et l’articulation des investissements avec la coordination des capacités humaines et des ressources nécessaires. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Il devient clair que les relations mondiales entrent dans une nouvelle phase. Mais, il me semble peu probable de voir émerger rapidement une nouvelle monnaie mondiale, sur la base d’un consensus international.
D’abord, ce n’est pas l’urgence. Ce qui est urgent et qui est aussi en cours d’abolir le contrôle des états impérialistes occidentaux sur les transactions financières internationales. Cela aboutira à la levée de facto des régimes de sanctions par lesquels ces états ont imposé leur volonté politique au reste du monde durant des décennies. En particulier, c’est tout l’enjeu de la survie de Cuba, du respect de sa souveraineté et de sa libération socialiste.
Concernant la question monétaire proprement dite, de facto, un autre système monétaire est déjà en train de voir le jour, avec le développement du commerce en monnaie bilatérale, l’accroissement de la valeur de l’or, qui redevient la valeur de référence au niveau international. Passer a la création d’une nouvelle architecture financière et monétaire mondiale nécessitera encore des clarifications importantes, notamment, l’acceptation par tous les pays d’une égalité commune dans l’accès au commerce et aux transactions internationales. Quand on voit l’énergie de nos dirigeants soi-disant européens à poursuivre la guerre contre la Russie, on imagine que cela va encore prendre un peu de temps.
Ce qui est en train de se produire pourtant, c’est la fin du statut d’exception du dollar. La politique de Trump, au delà des effets d’annonce, aller et retour, acte la fin de cette exception. Au fond, Trump dit qu’il vaut mieux (pour le capital US) renoncer de lui même a ce statut d’exception avant de le perdre sans contrôle du processus ultérieur. En renonçant a ce statut, les USA restent une très grande puissance. Ils restent (de loin) les premiers détenteurs d’or au niveau mondial, les premiers détenteurs de capitaux internationaux, dans les tous premiers producteurs de pétrole, le premier fabricant et marchand d’armes etc. Et, dans une politique impérialiste totalement décomplexée, ils ont autour d’eux quelques proies faciles, le Canada, le Groenland mais aussi l’UE, dont les excédents commerciaux peuvent être facilement drainés pour ouvrir un large marché et qui est prête a s’endetter massivement pour acheter le coûteux matériel militaire étatsunien.
Quelle nouvelle mondialisation dans un tel contexte ?
Pour le comprendre, il faut revenir aux aspects matériel de la production. Les forces productives sont des forces matérielles, au sens marxiste du terme, c’est a dire en considérant que l’énergie est elle même une force matérielle. De ce fait , l’intelligence, quelle soit naturelle ou artificielle est toute aussi matérielle. Ce qui produit le sens, le savoir, le langage et autres formes d’intelligence, ce sont des organisations particulières de la matière, organisations qui requièrent d’ailleurs, des quantités considérables d’énergie pour se produire et s’entretenir. Le cerveau humain consomme dit-on 20% de l’énergie corporelle. Un data center moderne consomme autant d’électricité qu’une grande ville.
Donc, la nouvelle mondialisation suivra le cours dicté par l’évolution des forces productives.
Nous avons déjà noté et expliqué ici que l’avance prise par la Chine dans la presque totalité des secteurs de la production ne pourra pas être rattrapée.
En particulier, la Chine va disposer d’une infrastructure énergétique et de transport sans comparaison possible dans le monde. Elle produit 50% de l’acier mondial, et transforme cet acier dans la plupart des produits modernes, machines , navires, trains, voitures et désormais avions. Elle détient l’amont et l’aval indispensable pour produire des marchandises sur une échelle à laquelle personne ne peut aujourd’hui rivaliser.
Donc, la nouvelle mondialisation va se bâtir autour du centre industriel chinois, dont la base est une économie socialiste de marché, ce qui marque un saut qualitatif par rapport au néolibéralisme financiarisé de la dernière époque. Les plus grand spays du monde l’ont compris et c’est le sens du développement des BRICS.
Cela signifie que nouvelle structure économique, financière et diplomatique mondiale va émerger.
Quelle sera t’elle ?
La première étape du capitalisme impérialiste a été décrite par Lénine, dont nous venons de fêter le 155eme anniversaire. A ce stade, quelques pays capitalistes développés jusqu’au stade monopoliste se sont partagés le monde sous la forme de la colonisation. La colonisation est un premier stade, très arriéré et réactionnaire, de mondialisation capitaliste, mais c’est néanmoins une forme primitive de mondialisation.
Les contradictions atteignent un niveau critique et se transforment en guerre mondiale en 1914, guerre qui se transforme elle-même en révolution sociale et aboutit a la création du premier état socialiste, l’URSS, à la création d’une nouvelle internationale, l’internationale communiste et à la création de nouveaux partis, dont le PCF pour la France. Les contradictions principales du capitalisme impérialiste ne sont cependant pas encore résolues, elles aboutissent au fascisme et à une nouvelle guerre, avec l’attaque en particulier de l’URSS par les armées nazies.
Cette seconde guerre aboutit a une nouvelle extension de la révolution, à la création d’une nouvelle série d’états socialistes, dont la Chine Populaire, au renforcement considérable de l’URSS, des USA et à l’affaiblissement des empires coloniaux classiques. Il s’ensuit une libération considérable des capacités productives de l’humanité.
La libération du système colonial va se dérouler durant une trentaine d’années de luttes et de guerres terribles, dans lesquelles les pays socialistes, l’URSS, la Chine, Cuba notamment, joueront un rôle important.
Le modèle néolibéral mettra un coup d’arrêt a cette période d’émancipation, et même un vaste recul historique, avec la disparition d’une série d’états socialistes, le démantèlement de l’URSS et la mise au pas, notamment par le pouvoir monétaire et financier, de toutes les tentatives progressistes.
Le verrouillage impérialiste amène a une nouvelle montée des contradictions internes et mondiales, à la grande crise financière de 2008 et à l’émergence de la puissante industrie socialiste de marché de la Chine. C’est sur cette nouvelle base que de nouvelles relations internationales peuvent être établies.
Quelles sont les caractéristiques de la nouvelle mondialisation émergente ?
1. Elle marque la transition du développement du nord vers le sud, la fin de la domination des civilisations occidentales. C’est un changement historique et culturel considérable.
2. Elle appelle à la fin progressive des grandes inégalités de développement. Presque tous les pays sont désormais urbanisés, sortis de l’économie rurale de subsistance, dotés de systèmes scolaires, en voie d’électrification et d’industrialisation. Tout le monde va produire des biens industriels. Chaque pays (la plupart d’entre eux) va être amené à produire par lui même de quoi satisfaire une large partie de ses besoins. Les grands déséquilibres, qui font qu’aujourd’hui, certains pays produisent beaucoup et consomment peu, ou l’inverse, vont être amenés à se résorber. Le développement de l’Afrique est par exemple inéluctable. Globalement, l’économie basée sur la rente néocoloniale pourra subsister un temps, mais se dissoudra progressivement. Avec elle, s’éteindront les déficits commerciaux, les déséquilibres monétaires.
3. La mondialisation à venir sera donc une mondialisation sur des bases de niveau de développement harmonisés, non égaux, mais tous industrialisés, basés sur l’énergie et la production de masse, échangeant donc sur des bases cohérentes.
4. Il est probable que cela ne fera pas disparaitre les frontières, en tous cas, pas dans un premier temps. Au contraire, la régulation nécessaire des équilibres internationaux fait appel aux états, au cadre politique et culturel, là où la phase financiarisée de la mondialisation les avait placés en retrait. Cela va reposer différemment le cadre de la lutte des classes, a l’intérieur de ces états.
5. Un problème devra être réglé : que faire de l’immense montagne de créances et de titres financiers divers, accumulée durant la phase de mondialisation ? Que faire des institutions bancales et provisoires, bâties pour la phase néocoloniale, comme l’UE et l’Euro ? Que faire de ces outils du pouvoir du capital ? Quoi d’autre qu’un vaste coup de balai ?
La nouvelle phase de la mondialisation appelle une nouvelle communauté mondiale, une communauté de destin basée sur un stade de développement commun. Elle appelle aussi un nouveau degré de socialisation des forces productives, la généralisation des rapports socialistes de production.
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