Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

« Face à Trump, la seule issue est de construire une autre mondialisation », estime l’économiste Frédéric Boccara

On va pouvoir arriver à se parler enfin tous… Et je ne suis pas en désaccord avec Frederic Boccara, simplement je suis un peu étonnée qu’il fasse comme si tout restait à construire et si la nouvelle mondialisation qu’il appelle de ses vœux n’était pas déjà là, comme si la Chine ne menait pas un combat, face auquel Trump tente une manœuvre désespérée qui est de sauver son hégémonie dont le dollar effectivement (en tant que système militarisé) est le fondement. Il joue sa peau et comme le disent les Chinois: marchander avec Trump c’est marchander sa peau avec un tigre. Un des problèmes de la plupart des analyses de la gauche fut-elle la plus intéressante comme ici réside bien dans la conscience non pas de ce qui peut advenir mais de ce à quoi nous devons ou non participer en sachant ce que nous peuple français nous voulons et qui n’est pas nécessairement ce que veut l’UE. Nous ne décidons plus, nous sommes un protagoniste parmi d’autres et il serait temps de le voir. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Comment composer avec la nouvelle donne imposée par les droits de douane de Donald Trump ? Pour l’économiste Frédéric Boccara, l’heure est à la bataille pour un nouvel ordre économique mondial qui mettra en commun les forces afin de relever les défis partagés du codéveloppement, du climat et de la paix.

Hayet Kechit

Des conteneurs sur le port de Jersey, face à Manhattan, le 8 avril 2025. © CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Selon Frédéric Boccara, chercheur associé au Centre d’économie de l’université Paris-Nord (CEPN), la guerre commerciale lancée par Donald Trump « pour sauver le dollar » montre l’urgence d’un nouvel ordre économique international. La gauche doit s’en emparer, affirme l’économiste.

Rejetant l’alternative entre protectionnisme et libre-échangisme renforcé, il trace une autre voie, celle d’une mondialisation libérée des lois de la finance, fondée sur les besoins des peuples, avec pour visée les défis cruciaux des services publics, de l’emploi, du climat, d’une autre industrialisation.

Quel regard portez-vous sur la guerre commerciale lancée par Donald Trump et sur la réaction de l’Union européenne ?

Frédéric Boccara, chercheur associé au Centre d’économie de l’université Paris-Nord (CEPN)

Trump cherche à imposer une nouvelle relation entre son pays et le reste du monde. Avec une obsession majeure : sauver la domination impérialiste du dollar. Contrairement à ce qu’affirment certains experts, ce président n’est pas un fou car il y a une rationalité dans ses décisions. Il est un peu le caïd qui met des coups dans la cour de récré et voit ce qui se passe après. Il prend un risque, mais dès que le dollar et le capital sont menacés, il corrige et voit quelle rationalité s’impose.

Sa guerre commerciale est un bras de fer à trois dimensions : amener les entreprises à venir investir chez lui ; faire peser un chantage en menaçant le reste du monde de l’entraîner dans une récession ; sauver le dollar en imposant aux autres pays de financer le déficit des États-Unis, comme l’a formulé son chef économiste Stephen Miran. C’est là l’enjeu le plus important.

« Il faut créer un rapport de force. »

Face à cela, la réponse de l’UE est de capituler. « Baissons nos droits de douane »« rétablissons les règles du libre-échange » et « amplifions l’austérité », surenchérissent ses dirigeants. Ils refusent d’admettre que c’est ce libre-échangisme fou qui nous a menés là.

La seule vraie issue aujourd’hui est celle d’une autre mondialisation fondée sur de nouvelles règles et principes : non pas la guerre et les monopoles (Gafam, etc.) pour s’approprier un même gâteau, mais le développement en commun d’un gâteau plus ample, avec une tout autre recette, écologique et sociale, basée sur l’expansion des capacités humaines.

Pensez-vous que nous sommes entrés dans une nouvelle ère ?

Le monde tangue, nous sommes à la croisée des chemins. Une nouvelle phase s’ouvre dont on ne sait encore quelle sera l’issue. C’est là tout l’enjeu des luttes. On ne peut se contenter d’être observateurs. Il faut créer un rapport de force : résister et construire, voilà un mot d’ordre pour la gauche.

Cela passe par un rejet des impasses du souverainisme, du nationalisme et de l’austérité, qui mènent vers une récession mondiale. Nous savons depuis les années 1930 que, lors d’une récession, répondre par davantage d’austérité, comme le fait François Bayrou, accroît les difficultés et pave la voie à l’extrême droite.

Laisser les entreprises attaquer l’emploi sous prétexte que leurs profits sont menacés par Trump, regonfler la Bourse et assécher les dépenses publiques et sociales, c’est miner le potentiel de développement.

Comment œuvrer à la fondation de cette nouvelle mondialisation ?

Cette mondialisation doit avoir pour visée de relever les défis communs que sont le climat, la santé, la pauvreté, les services publics, l’emploi. Il faudra pour cela réorienter nos économies en ouvrant le chantier des traités internationaux de maîtrise des échanges, en construisant des protections sociales et écologiques orientées « contenu » et non du protectionnisme orienté « pays ».

Relever ces défis exige plus de dépenses publiques et sociales et un autre type d’investissement pour les entreprises appuyant l’emploi et la formation, car les capacités humaines sont devenues décisives. Il faut un sommet financier international pour une monnaie mondiale vraiment commune afin de financer tout cela, en tendant la main au Sud global.

Des mesures urgentes doivent être prises, comme la taxation des exportations de capitaux ; des moratoires sur les plans de licenciement et la mobilisation des banques publiques pour soutenir les projets des travailleurs et des populations ; un changement des critères pour octroyer des aides publiques aux entreprises ; la création d’un fonds européen pour les services publics financé par la Banque centrale européenne et, en France, un véhicule de financement à 0 % des services publics et du budget.

Il est nécessaire de débattre et de faire converger ces exigences en montrant qu’elles sont le moteur et l’horizon d’une autre mondialisation. La perspective d’une grande manifestation nationale pour l’emploi et les services publics pourrait grandement y contribuer.

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