Diplomatie et promesses. Encore un article indispensable de liberté Actu signé Hervé Poly qui lui sait ce que l’on peut dire et ne pas dire encore… Ce qui n’est pas toujours mon cas… je vous signale le livre indispensable du moment en remontant un poil plus haut Vasil Bilak : Contre-histoire du printemps de Prague toujours chez Delga (note de Danielle Bleitrach histoireetsociete)
Illustration : on peut se dire que la rencontre manquait un peu d’éléments féminins, effectivement s’il s’agit de la présidente du Mexique mais à l’époque c’était madame Thatcher…
par Hervé Poly
Publié le 6 mars 2025 à 17:00 Mise à jour le 7 mars 2025
Temps de lecture : 6 minutes
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En 1990, alors que la réunification allemande devient réalité, les dirigeants occidentaux multiplient les assurances auprès de Mikhaïl Gorbatchev pour obtenir son accord.
Promesses verbales, garanties de sécurité et débats internes : voyons comment ces engagements ont façonné l’avenir de l’Europe, tout en semant les germes de tensions avec la Russie.
« Pas un pouce vers l’Est »
En février 1990, le secrétaire d’État américain James Baker rencontre Mikhaïl Gorbatchev à Moscou. Dans un échange devenu célèbre, Baker assure que l’OTAN ne s’étendra « pas d’un pouce vers l’Est ». Cette promesse, répétée à plusieurs reprises par les dirigeants occidentaux, visait à rassurer l’Union soviétique sur les conséquences de la réunification allemande. Pour Gorbatchev, il était essentiel que l’Allemagne unifiée ne devienne pas une menace pour la sécurité soviétique.
Hans-Dietrich Genscher, ministre allemand des Affaires étrangères, va plus loin en proposant la « formule Tutzing ». Il affirme que l’OTAN ne doit pas étendre son territoire vers l’est, c’est-à-dire vers les frontières soviétiques. Cette position, partagée par de nombreux dirigeants occidentaux, semblait exclure toute future adhésion des pays d’Europe centrale et orientale à l’OTAN.
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Les archives montrent que ces assurances n’étaient pas isolées. François Mitterrand, Margaret Thatcher et Helmut Kohl ont tous exprimé des positions similaires, en soulignant l’importance de ne pas isoler l’URSS. Ces promesses ont joué un rôle clé dans l’acceptation par Gorbatchev de la réunification allemande au sein de l’OTAN.
L’analyse de Vladimir Fédorovski
Selon le diplomate et écrivain Vladimir Fédorovski, l’échec de la diplomatie post-Guerre froide réside dans l’incapacité des occidentaux à saisir une opportunité historique d’équilibre des intérêts. Il affirme que l’expansion de l’OTAN vers l’est fut une « erreur fatale » qui a provoqué une rupture de confiance durable entre la Russie et l’Occident. Fédorovski rappelle que Vladimir Poutine, dès 2008, avait prévenu que l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN serait considérée comme un « casus belli » par la Russie. Il ajoute que l’attitude occidentale a renforcé l’alliance de Moscou avec l’Asie et les BRICS, contribuant à l’émergence d’un monde multipolaire.
Enfin, il met en évidence les effets contreproductifs des sanctions occidentales, qui ont permis à la Russie de réorganiser son économie et de rattraper son retard technologique. Pour Fédorovski, la solution passe par un retour à la diplomatie et à la reconnaissance des intérêts de sécurité russes.
Les divergences internes occidentales
Alors que les dirigeants occidentaux multiplient les assurances, des tensions apparaissent en coulisses. Le Département d’État américain, par exemple, s’oppose à l’expansion de l’OTAN, craignant de créer une « coalition anti-soviétique ». En revanche, le Département de la Défense est plus ouvert à une extension future. Ces divergences illustrent les dilemmes de l’époque : comment intégrer l’Allemagne unifiée sans provoquer une réaction hostile de l’URSS ?
L’expansion de l’OTAN et ses conséquences
Dans les années 1990 et 2000, l’OTAN a intégré plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, dont la Pologne, la Hongrie et les pays baltes. Cette expansion a été perçue par la Russie comme une violation des assurances données à Gorbatchev.
9 novembre 1989 | Chute du mur de Berlin, ouvrant la voie à la réunification allemande |
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Janvier 1990 | Discours de Hans-Dietrich Genscher à Tutzing, évoquant la nécessité de ne pas étendre l’OTAN vers l’est |
9 février 1990 | Rencontre entre James Baker et Mikhaïl Gorbatchev, avec l’assurance que l’OTAN ne s’étendra « pas d’un pouce vers l’Est » |
Juillet 1990 | Accord entre Gorbatchev et Helmut Kohl sur la réunification de l’Allemagne au sein de l’OTAN |
1991 | Dissolution de l’Union soviétique |
1997 | Signature de l’Acte fondateur OTAN-Russie, stipulant que l’OTAN ne stationnera pas de troupes permanentes dans les nouveaux États membres |
1999 | Première vague d’élargissement de l’OTAN avec l’entrée de la Pologne, de la Hongrie et de la République tchèque |
2004 | Expansion majeure de l’OTAN avec l’intégration des pays baltes, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Bulgarie et de la Roumanie |
2008 | Lors du sommet de Bucarest, l’OTAN affirme que l’Ukraine et la Géorgie deviendront membres de l’alliance, provoquant la réaction de Moscou |
Sources principales
— National Security Archive, « NATO Expansion : What Gorbachev Heard », 12 décembre 2017.
— Mémorandums de conversation entre Baker, Genscher, Wörner et Gorbatchev, 1990-1991.
— Documents diplomatiques occidentaux et soviétiques, 1990-1991.
— Vladimir Fédorovski, Russie, Ukraine, et l’Avenir de l’Europe, Balland, 2022
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