Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Plaidoyer pour un destin commun avec la Chine

Je vous laisse méditer l’introduction de notre livre. Celle-ci a été écrite avant l’élection de Trump et tout le vaudeville tragique de cette semaine bien sûr. Sans en changer la moindre virgule, puisque le livre est déjà chez l’éditeur. Que vous dire de plus sinon que je le jette comme une bouteille à la mer en sachant que désormais personne ne lit plus de trois lignes et encore faut-il qu’il en soit l’auteur ou qu’il parle de lui. Pourtant vous devriez réfléchir au fait que ce texte a été écrit avant l’arrivée de Trump au pouvoir, non pas parce qu’il était visionnaire mais parce que tout était déjà là et que par paresse, conformisme, notre société française, notre gauche et même nos communistes refusent à la fois les leçons du passé et l’anticipation du théorico-pratique qui permet le nécessaire changement à partir des défis du présent. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Quel est notre but ? Qui cherchons-nous à convaincre ? Vous, avec une préférence pour ceux qui veulent agir. Nous sommes inquiets pour notre pays, la France. Le monde auquel nous appartenons est en train de s’autodétruire. Reconnaissez qu’il y a quelques mois une telle affirmation aurait rencontré un total scepticisme, mais tout s’accélère à un point tel que notre proposition d’entendre ce que la Chine a à nous dire peut au moins inciter à se demander : « Qu’avons-nous à perdre ? ».

 Ce livre propose de constituer un dossier autour du projet chinois d’un nouvel ordre international, basé sur une « communauté de destin ».

ll y a urgence : les dangers exigeant coopération environnementale, climatique, économique, etc.… s’accumulent. Et la plupart des situations ont une dimension locale, nationale et internationale. La Chine, devenue deuxième et peut-être première puissance de la planète (comme ce monde multipolaire dont elle est un des principaux leaders), est une réalité incontournable. Mieux, pourquoi le cacher, elle a la force et la puissance qui parfois nous font défaut. Le plus logique est de tenter, puisque cela nous est proposé, de faire le pari de voir en quoi les coopérations peuvent être conçues sur le mode gagnant-gagnant, et non sur celui d’affrontements, dont chacun sortirait perdant dans le monde d’interdépendance qui est le nôtre.

Nous défendons de ce fait une position politique : celle de prendre place en tant que nation française dans ce monde multipolaire, et donc pourquoi pas d’aller jusqu’à répondre à la Chine en revendiquant notre place dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, plus nombreux les autres pays qui les ont rejoints). Et en réfléchissant à ce qu’est être une grande nation : Être une grande nation, c’est assumer de plus grandes responsabilités dans le domaine de la paix et du développement au niveau régional et international (citation de Xi Jinping).

Sommes-nous toujours une grande nation ?

La Chine a été et reste le plus grand pays en développement du monde et à ce titre elle nous parle d’une expérience, celle des souffrances inutiles infligées par l’hégémonisme. Être une grande nation, c’est refuser l’hégémonisme mais en assumer la responsabilité.

Un des éléments clés de la crise que nous traversons est l’engagement financier et humain de la France dans la guerre en Ukraine, qui a déjà coûté près de 30 milliards d’euros aux contribuables français et dont on soupçonne de plus en plus qu’elle eut pu être évitée. Ce soutien à l’effort de guerre a été financé par l’emprunt, alors que d’autres secteurs vitaux étaient et sont encore dans une situation d’abandon total par l’Etat. Ces choix politiques ne font que renforcer la colère et la frustration des citoyens, qui se sentent dépossédés de leur pouvoir démocratique. Mais le choix de la guerre comme réponse à la concurrence ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Son but ultime est la Chine.

C’est à cet effet qu’est entretenue l’image d’une Chine pratiquant une sorte de concurrence déloyale, qui s’approprierait les emplois et les savoir faire que nous perdons.

Parler d’égalité, de destin commun est bien. Mais qu’en est-il de notre relation en réalité ? La Chine se développe tandis que nous perdons pied. La véritable angoisse est là : ce qu’il reste de notre industrie accélère sa destruction, c’est une violence inouïe infligée au travail, c’est une déperdition qui livre des zones entières à la désertification, au sous-développement.

Beaucoup de choses qui sont mises en avant pour nous inciter à la méfiance envers la Chine sont de pures inventions, et l’on s’épuise à les réfuter. Le paradoxe de la propagande est que plus elle est outrancière, plus sa répétition sous des formes différentes, venant de canaux apparemment divers, sa transformation en dogme devient l’ultime rempart de sa crédibilité. C’est un mode d’inculcation de type théologique puisque cela se termine toujours par l’idée que contester serait une atteinte aux valeurs les plus sacrées de notre société.

L’Observatoire Banque Populaire Caisse d’Epargne révèle que 66 500 entreprises françaises ont fait faillite en 2024, un chiffre inédit depuis 2009. L’étude attribue cette hausse à l’inflation, aux taux d’intérêt élevés et à l’incertitude politique, avec des conséquences majeures sur l’emploi. La tendance pourrait s’aggraver en 2025, avec des prévisions de 68 000 faillites. Aucun pouvoir ne paraît prendre la mesure de la situation, et contester les politiques qui mènent là serait encourager la déstabilisation, inquiéter plus encore ceux qui « notent ». Notre salut est toujours plus lié à l’UE et son bras armé l’OTAN qui constitueraient une forme de garantie de ladite notation alors que là encore, les politiques deviennent bellicistes, chaotiques. Jusqu’à quel degré de négation de nous-mêmes faut-il aller pour rester dans un tel système ?

Le reproche fait à la Chine est injuste, d’abord parce qu’elle n’est pas à l’initiative des délocalisations qui en ont fait l’usine du monde, cela convenait aux capitalistes occidentaux selon une logique qui a toujours été la leur : non seulement trouver une main d’œuvre à un moindre coût mais également un marché pour leurs crises de surproduction endémiques. A ce titre, la Chine mais aussi le démantèlement de l’URSS livrée avec les pays du pacte de Varsovie aux appétits des grands secteurs monopolistes a représenté un sursis, aujourd’hui ils en voient les limites et donc le recours à la guerre comme phase ultime de leur conception du commerce. Mais loin de renoncer à leurs délocalisations boursières ils les accélèrent y compris dans l’espace européen. Cette mise en accusation de la Chine est une parodie qui devrait être jugée du plus haut comique si les Français avait la moindre vision claire de ceux qui les ont grugés et qui continuent et amplifient le mouvement, en l’assortissant d’une course aux armements. Roussel, le responsable du PCF a raison de vouloir empêcher les fermetures par intérêt boursier en proposant une nationalisation, fût-elle temporaire, mais il fait là une sorte de pari de Pascal, en appeler au peuple alors que celui-ci paraît anéanti.

Nous avons été grugés par ceux qui nous gouvernent, leur mansuétude à l’égard des stratégies monopolistes commandant des bassins d’emploi, pendant que les Chinois de leur côté ont travaillé comme des forcenés pour sortir du sous-développement dans lequel nos « colonialistes » les avaient plongés. 

C’est aussi simple que cela.

Ne pas l’accepter empêche d’entendre l’invite que nous adresse la Chine : « Nous sommes un très vieux pays, nous avons tenté bien des expériences et nous savons ce qui est bon pour nous : le socialisme à la chinoise. Nous sommes prêts à vous expliquer ce choix sans vous demander de l’adopter. Mais sachez qu’il nous contraint à penser ce qui est bon pour nous en relation avec le bien de tous, ce destin commun. Notre rajeunissement nécessaire en dépend, c’est notre rêve d’avenir, très concret, celui que nous planifions sur cinq, dix, cinquante ans. Ce rajeunissement est l’équivalent de ce que vous définissez comme une révolution, mais qui est le chemin qui trace l’avenir que nous devons accomplir ensemble ! » …

A ce stade de l’échange, vu l’état du peuple français, le mieux est de reconnaître qu’il y beaucoup d’énigmes dans la simplicité du propos.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, ce qui se passe en France est dangereux et grotesque, mais c’est la norme en Occident. Partout, on perçoit la volonté des « élites » de maintenir un pouvoir dont la base sociale a cessé d’exister et que l’on s’obstine néanmoins à considérer comme la seule démocratie digne de ce nom.

Étant bien entendu que l’humanité a aujourd’hui la capacité de se détruire… Et que l’escalade actuelle nous conduit vers l’apocalypse nucléaire.

Oui ! Et c’est pour cela que la stratégie qui est la seule viable n’est pas la guerre, mais d’imposer la paix.

Ce qui mène à la guerre c’est une certaine conception de la concurrence, qui s’oppose aux coopérations pourtant indispensables si l’on veut résoudre les problèmes qui sont une menace pour la survie des êtres humains et de leur environnement. Cette concurrence qui interdit les coopérations ruine l’environnement, mais aussi le développement et l’économie dans un monde interdépendant. Elle conduit à la guerre, par des moyens militaires mais aussi par d’autres moyens.

C’est une stratégie suicidaire qui est celle de tous les gouvernements capitalistes occidentaux.

Le fond étant que l’impérialisme, grâce à la fin de l’URSS, a connu un répit avec des possibilités d’accumulation, mais la croissance réelle est restée poussive, les inégalités se sont creusées, tandis que se développaient la financiarisation, l’inflation, et la dégradation des conditions de vie réelle. On ne voit pas actuellement une évolution favorable, il y a atonie des luttes et fascisation.

Il n’y a pas grand chose à attendre de l’arrivée de Trump au pouvoir. Si ce n’est que la concurrence est elle-même dans un processus contradictoire qui finit par aboutir au fait que chaque initiative américaine, qu’il s’agisse d’alliés ou d’adversaires, se traduit immédiatement par un coup porté au dit pays avec un coût de plus en plus élevé pour les Etats-Unis eux-mêmes.

La Chine propose une modernité plus économe. C’est un grand espoir pour les peuples du sud qui sont tentés par une telle voie, sans que cela signifie une hostilité contre l’occident si celui-ci accepte d’être un protagoniste parmi d’autres.

Effectivement dans ce cas, la crise économique et la guerre ne sont plus les seules accoucheuses de l’histoire. Est-ce une utopie ? Le boomerang chinois, pour reprendre la formule de Marx, propose autre chose en matière de développement, de nouveaux rapports sud-sud, notamment.

Est-il possible de s’arrêter un moment et réfléchir ensemble à l’alternative à laquelle nous invite la Chine, tenter de comprendre ce que veut cet immense pays ? C’est le sens de ce plaidoyer pour que l’on entende la Chine, et pourquoi pas œuvrer pour que la France prenne position dans les BRICS. Et surtout considérer que l’issue réelle réside dans un socialisme « à la française » pour écarter définitivement la possibilité de la guerre.

Quelle que soit la diversité de leur approche de la Chine, les auteurs réunis dans ce livre ont deux traits communs : le premier c’est leur choix du socialisme pour la France, comme le disait récemment Jean Jullien : La question n’est pas d’être pour ou contre le capitalisme mais pour ou contre le socialisme. Mitterrand était contre le capitalisme, Hollande contre la finance, Mélenchon pour « renverser la table » et Hue pour dépasser le capitalisme. Aucun d’entre eux n’a jamais annoncé la couleur parce qu’ils sont tous sur le fond hostiles à une société socialiste. Être contre le capitalisme ça n’engage à rien mais ça fait genre « je suis avec vous ».

Le second trait renvoie au texte calligraphié de Mao Zedong que nous reproduisons en couverture et qui dit simplement « servir le peuple ». Pour des « intellectuels », pour d’honnêtes prolétaires, l’alternative est en effet « servir le peuple » ou devenir les domestiques des puissants. C’est sur ces bases que nous ouvrons le dialogue. Il s’agit de considérer que la Chine fait partie de notre choix d’un socialisme pour la France qui partira d’abord de notre peuple français.

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