Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La stratégie de Trump vise la Chine…

Alors que la presse occidentale en général, qui n’a pas encore rompu avec des années d’allégeance à l’atlantisme libéral incarné par Obama et Biden, se gargarise de la ‘trahison’ de Trump, et que l’Europe ‘valeureuse’ se pose pathétiquement en chevalier blanc de la ‘pauvre’ Ukraine, l’article de Muraviev vient rappeler les faits essentiels. Non, Trump, aussi impulsif qu’il soit, n’est pas seulement ‘déjanté’. Il représente en réalité une tactique différente de l’impérialisme états-unien menacé de perdre son hégémonie mondiale, comme déjà mentionné il y a quelques jours dans ce blog

Ce qui est intéressant dans l’article de Muraviev, c’est qu’il montre qu’une partie de l’établissement occidental -et au-delà- commence à comprendre l’ampleur des changements en cours. Il faut rapprocher cet article d’autres parutions récentes, dans CNN ou le Wall Street Journal par exemple, ou encore en Biélorussie

Les préparatifs à la ‘normalisation’ vont déjà bon train, devançant même les négociations en cours entre les équipes russes et états-uniennes. Poutine entrevoit déjà les premières retombées positives en termes de desserrage du nœud coulant économique que l’Occident cherche à passer au cou de la Fédération de Russie

Mais…. comme l’écrit si bien Muraviev, il reste peu probable que Trump ait les moyens du jeu de poker menteur qu’il a lancé. Ses promesses  de revenir à la dénucléarisation et à la réduction des dépenses militaires ne valent qu’autant qu’elles soient capables de retarder la dédollarisation et l’avènement du monde multipolaire.

Et il est malheureusement plus que probable que nous retournions rapidement à la situation antérieure avec, cette fois, des risques encore accrus de glissement vers un conflit généralisé, voire thermonucléaire….

Note et tradution de Jean Luc Picker

Xxxxxxxxxxxxxxxx  traduction article Muraviev

« C’est la Chine qui est visée » :
le rapprochement entre Trump et Poutine est une tentative audacieuse d’opposer Beijing et Moscou

Les efforts de Trump pour mettre un terme à la guerre en Ukraine ne sont qu’une étape du conflit géopolitique avec le principal concurrent de la supériorité occidentale.

Traduction d’un article publié dans Sky News Australia par Dr Alexey Muraviev de l’université de Perth, Australie.

La semaine qui se termine restera dans les annales de l’histoire comme un des jalons de la décennie, et sera l’objet de bien des discussions dans les années à venir.

Le 12 février, le président Donald Trump a réduit en bouillie la règle auto-imposée de Washington de ne pas avoir de contacts avec Moscou et a rétablit le dialogue officiel entre les deux pays. Dans une conversation téléphonique de 90 minutes, décrite comme polie, constructive et pleine de respect mutuel, il a jeté les bases d’une reprise des relations bilatérales. Un revirement qui a conduit à toutes sortes de discussions sur la fin du conflit sanglant en cours.

Le même jour, le ministre de la défense Pete Hegseth a stupéfié les alliés européens et ukrainiens en déclarant que le retour de l’Ukraine à « ses frontières d’avant 2014 est entièrement irréaliste », confirmant ainsi la victoire de la Russie au bout de ses trois ans de guerre contre l’Ukraine.

Dans la foulée, le vice-président JD Vance se fendait d’un discours ahurissant délivré devant le gratin des dirigeants européens et ukrainiens lors de la conférence de sécurité de Munich. Tout en minimisant la menace que poseraient la Chine et la Russie au vieux continent, il a vilipendé vertement les pratiques des élites libérales au pouvoir en Europe.

La réaction criarde des leaders européens et ukrainiens ne s’est pas fait attendre. Proportionnelle à leur paralysie stratégique, elle n’est en rien une tentative crédible de s’opposer à la seconde administration Trump.

Le débat qui a suivi a continué à se concentrer sur les conséquences que ces revirements extraordinaires auront pour l’Ukraine et sa guerre contre la Russie. Mais je pense que ce débat sur le « qu’est ce que tout ça signifie vraiment » passe à côté d’un point essentiel. Car la guerre en Ukraine n’est qu’un élément de ce qui compte vraiment, juste derrière l’horizon.

« La Paix par la Force » ? Oui, mais pour qui ?

Le vieux slogan des années Reagan refait surface. Remis à l’ordre du jour par Trump au cours de son premier mandat à la Maison Blanche, il était alors généralement interprété comme désignant la stratégie visant à forcer Poutine à accepter les conditions de l’Europe et de l’Ukraine pour obtenir la paix.

Mais bien sûr, ça, c’était l’approche de Biden, pas de Trump.

Trump’s push to end the war in Ukraine is a stepping stone to a geopolitical stand-off with the “ultimate challenger” to Western superiority, writes Dr. Alexey Muraviev. Picture: AP Photo/Evan Vucci

Photo : AP / Evan Vucci

Même s’il a fait de l’arrêt de la guerre une de ses promesses électorales, Trump sait trop bien qu’il a besoin d’établir une relation forte avec Moscou pour régler des problèmes au-delà de la tragédie à l’est de l’Europe.

Ces problèmes vont de la stabilité stratégique (et partant de la limitation des armes nucléaires stratégiques) à la montée en puissance de la Chine, en passant par : la crise au Moyen Orient (y compris les ambitions nucléaires de l’Iran), l’Arctique, la Corée du nord, la coopération (ou la compétition) économique, les flux de ressources énergétiques, la coopération spatiale, la cybernétique, l’intelligence artificielle, le contre-terrorisme et l’application de la loi, la libération de prisonniers nationaux, les droits de l’homme, la restauration des liens diplomatiques (y compris diverses questions de patrimoine)… et la liste continue.

Et puis, bien sûr, il y a aussi l’Ukraine…

Quant à la question principale qui a été débattue lorsque Trump a finalement pris le téléphone pour appeler Poutine, il est clair que ce n’était pas l’Ukraine….

Quel est donc l’objectif de l’équipe de Trump ? A leurs yeux, la guerre en Ukraine ne leur appartient pas, c’est un bébé de Biden, qui a tourné au conflit global entre superpuissances nucléaires à cause de la fausse idée qu’il était possible de vaincre la Russie.

Alors que la guerre vient d’entrer dans sa quatrième année, le but initial apparaît de plus en plus inatteignable et Trump veut en finir. Il n’abandonne pas l’Ukraine, mais il veut limiter ses pertes. Et il cherche un retour sur investissement pour tout l’argent dépensé depuis le début de la guerre.

Trump voudrait circonscrire ce conflit global et le réduire à une guerre régionale à l’est de l’Europe, en attendant qu’elle se termine. Il ne cherche plus à ‘soumettre’ Poutine et il veut obliger l’Europe à prendre la responsabilité de son futur et de sa sécurité. Si l’Europe veut continuer à affronter la Russie en Ukraine, qu’elle le fasse seule ! Et étant donné le prix de l’opération – 3,1 billions de dollars selon les calculs de Bloomberg -, il est douteux qu’elle puisse s’offrir ce luxe.

La Chine en ligne de mire

Alors, quelle est la stratégie de Trump pour l’Ukraine ?

C’est la Chine.

Trump cherche à résoudre l’équation pour ‘endiguer’ la Chine sans risquer un conflit nucléaire. Le but recherché est de décapiter la croissance économique de la Chine, qui continue à tirer profit du modèle de globalisation économique mis en place par l’élite libérale de gauche états-unienne sur laquelle se sont alignées les élites de l’autre côté de l’Atlantique. C’est la globalisation et l’interdépendance économique qui tirent la croissance chinoise et Beijing veut l’étendre encore à travers l’initiative dite de ‘la ceinture et la route’.

La politique commerciale de Trump « L’Amérique d’abord », faite d’auto-suffisance et de tactiques protectionnistes agressives est une attaque frontale contre le modèle globaliste de gauche de ces élites démocrates des deux côtés de l’Atlantique. Ce sont ces idéaux qui ont été mis à mal par Vance à Munich.

En réalité, les USA cherchent à mettre en ordre leurs propres troupes avant d’aller à l’affrontement avec leur rival-clé. Mais pour vaincre la Chine, il faut l’isoler et couper ses canaux d’approvisionnement en ressources naturelles.

Et c’est là que Trump a besoin que Poutine l’aide. C’est dans cet esprit qu’il lui offre, en contrepartie :

  • De faire de l’Ukraine une zone tampon neutralisée entre l’OTAN et la Russie
  • De lever certaines sanctions (si Poutine accepte de mettre en pause l’avancée de son armée en Ukraine)
  • La réintroduction de la Russie dans le G7 – une proposition qui rejoint les intérêts de Trump, Poutine ayant mis l’accent lui aussi sur l’auto-suffisance[i].

Mais…..

Il n’y a aucune garantie que l’audace commerciale de Trump paye avec Poutine, aucune garantie que l’administration en place à la Maison Blanche puisse rééditer l’exploit de Richard Nixon[ii] en 1970, cette fois en détachant la Russie de la Chine.

D’abord parce que le Kremlin a perdu toute confiance dans l’Occident.

Ensuite parce que la Chine est bien plus importante pour les Russes que tout ce que Trump pourrait offrir.

Enfin parce qu’il n’est pas certain que Poutine accepte de suspendre les opérations en Ukraine alors que son armée est en position victorieuse. Il n’est d’ailleurs même pas certain que Zelensky lui-même serait d’accord car accepter une trêve signifierait probablement perdre encore plus de son territoire.

Cette semaine marque le début des négociations en Arabie Saoudite. Préparons-nous à d’autres informations sensationnelles.

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Le Dr Alexey Muraviev est Assistant Professeur au centre des études stratégiques et de sécurité nationale de l’université de Curtin, Perth, Australie Occidentale.

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