L’économiste américain Jeffrey Sachs appelle le gouvernement allemand à œuvrer pour des négociations en Ukraine. Voici l’interview en allemand et un extrait qui résume bien la démonstration sur laquelle désormais de plus en plus d’experts s’entendent et qui a été la nôtre dans histoireetsociete à partir d’une confrontation avec le terrain. On ne comprend rien à la montée de l’extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis si l’on refuse de comprendre ce qu’a été la politique réelle des USA et de leurs vassaux. Il n’y a pas que la guerre, il y a eu le choix délibéré de politiques sacrifiant l’emploi, le pouvoir d’achat avec la rupture voulue avec la Russie et le monde multipolaire, alors que nous ne récoltons que le mépris des USA. Quand Musk joue l’extrême-droite, fait des salut nazis on peut s’indigner mais quand la plupart des experts comme ici Jeffrey Sachs qui sont considérés comme des experts internationaux dénoncent Baerbock (la ministre des affaires étrangères « verte ») son choix de la guerre y compris nucléaire, étonnez-vous du discrédit et de l’audience préoccupante de cette extrême-droite. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Interview
02.02.2025 Mis à jour le 02.02.2025 – 13:45 heures
Le président américain Donald Trump a annoncé qu’il mettrait fin à la guerre en Ukraine. Peter Zay/AFP
Jeffrey Sachs est un expert célèbre dans le monde entier. Le Times Magazine l’a classé parmi les 100 scientifiques les plus influents au monde. L’économiste a des relations influentes, puisqu’il a conseillé les trois derniers secrétaires généraux de l’ONU, les institutions internationales les plus importantes et de nombreux gouvernements.
Il vient de rentrer de Hong Kong et s’est installé dans un hôtel de Francfort-sur-le-Main pour une interview, où il présente son dernier livre « Diplomatie ou désastre. Zeitenwende in den USA – ist Frieden möglich ? », qui a été publié par Westend-Verlag. Le Berliner Zeitung s’est entretenu avec lui sur la guerre en Ukraine, les plans du président Trump et la responsabilité du gouvernement allemand.
M. Sachs, Donald Trump a été réélu président des États-Unis. Il a annoncé vouloir mettre fin rapidement à la guerre en Ukraine. Le croyez-vous ?
Oui, je pense que la guerre sera bientôt terminée. Je ne pense pas que les Etats-Unis continueront à armer ou à financer l’Ukraine. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’Amérique. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’Ukraine et ce n’est pas dans l’intérêt de l’Europe. Cette guerre devrait être terminée. Elle aurait pu être évitée.
AFP
[À propos de la personne
Jeffrey Sachs (70 ans) est économiste et directeur du Centre pour le développement durable de l’Université Columbia à New York et président du Réseau des solutions de développement durable des Nations Unies. De 2001 à 2018, il a été Conseiller spécial des Secrétaires généraux de l’ONU, Kofi Annan, Ban Ki-moon et António Guterres, ainsi que des institutions mondiales que sont le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE et l’OMC. Son livre le plus récent, publié par Jeffrey Sachs, s’intitule : « Diplomacy or Disaster. Turning Point in the USA – La paix est-elle possible ? », Westend-Verlag, 176 pages, 20 euros]
Vous avez affirmé un jour que Trump n’avait pas réussi à s’imposer contre le soi-disant État profond au cours de son premier mandat. Pouvez-vous m’expliquer ce que vous entendez par là ?
Prenez le cas de l’Ukraine. Cette guerre est le résultat d’un projet à long terme de l’État sécuritaire des États-Unis. Et par là, nous entendons le complexe militaro-industriel, y compris le Pentagone, la CIA et les autres institutions de sécurité. Leur objectif était d’étendre l’OTAN, d’encercler la Russie, de l’affaiblir et éventuellement de provoquer un changement de régime ou de diviser le pays.
L’objectif officiel de l’administration Biden était pourtant de défendre l’Ukraine contre l’invasion de l’armée russe.
Les Etats-Unis poursuivent l’objectif de déstabiliser la Russie depuis la fin de l’Union soviétique. Nous nous souvenons tous qu’en 1990, Hans-Dietrich Genscher et James Baker, respectivement ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et des États-Unis, avaient promis à l’Union soviétique que l’OTAN ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’Est. Mais les États-Unis ont décidé de rompre cette promesse. Dès la fin de l’Union soviétique, l’OTAN s’est d’abord étendue à la Pologne, à la Hongrie et à la République tchèque, puis encore plus à l’est, aux pays baltes, à la Roumanie, à la Bulgarie, à la Slovaquie et à la Slovénie. Lors du sommet de l’OTAN de 2008 à Bucarest, la promesse d’accueillir l’Ukraine et la Géorgie a finalement été faite. La chancelière allemande de l’époque, Angela Merkel, savait que c’était une très mauvaise idée et une provocation. Merkel a essayé de s’y opposer. Mais elle a fini par céder. Elle a bloqué le projet de s’engager sur une date précise, mais a accepté de déclarer que l’OTAN s’élargirait à l’Ukraine et à la Géorgie en 2014.
Quelle est la part de responsabilité des Etats-Unis dans l’escalade de la crise ukrainienne ?
L’idée que les États-Unis puissent encercler la Russie ou provoquer un changement de régime était absurde et vouée à l’échec. L’approche agressive aurait pu conduire à une guerre nucléaire. Mais l’État profond aux États-Unis n’est pas très raisonnable, et il a décidé de prendre le risque. Pendant longtemps, les responsables allemands ont su que c’était imprudent. Mais même le chancelier Olaf Scholz a fini par se ranger entièrement du côté des États-Unis. Cette attitude est malheureusement répandue parmi de nombreux politiciens allemands.
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