Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Au-delà de la « survie », il est urgent d’envisager le socialisme à la française et le choix du multilatéralisme, par Danielle Bleitrach

Sombre dimanche électoral : voici le combat qu’il faudrait mener, celui que nous tentons dans un livre – c’est notre seul arme et elle est bien dérisoire – au moins nous aurons essayé.

Sombre dimanche électoral, la France vit des problèmes comparables à ceux de l’UE, la vague d’extrême-droite, la disqualification de la gauche. Tandis que Macron va se faire acclamer à Colmar parce que « l’antifascisme de droite » lui permet de surnager en s’ouvrant toujours plus à la droite et à l’extrême. Dans les Hauts de Seine, à l’élection législative partielle de la 9eme circonscription, la gauche menée par une « EELV », candidature commune recueille 13,8 % des voix et est éliminée du second tour. En juin 2024, elle avait 21,4 % des voix et s’était qualifiée pour le second tour. A la municipale partielle de Villeneuve-Saint-Georges, la liste Boyard LFI reçoit 37,90 % des voix. LFI recule de 7,7 % des voix par rapport au total des deux listes de gauche au premier tour, 45,60 %. Pour rappel, dans la commune de Villeneuve, Boyard avait recueilli 61,1% des voix au deuxième tour des législatives 2024. La gauche était également majoritaire à la présidentielle et aux européennes avec 51,30 % des voix dans les 2 cas. La stratégie de la division de Mélenchon a fonctionné : il n’y a eu aucune dynamique à gauche. Mais on ne peut être que d’accord avec PAM quand il voit dans les divisions quelque chose de plus profond et qui est en bout de course du mitterrandisme et d’une conception de la gauche qui a trahi durablement le monde du travail.

Illustration : servir le peuple, calligraphie de Mao devant la cité interdite…

Il faut se parler franchement : il y a l’horizon proche des élections municipales avec le risque d’un raz de marée de l’extrême-droite. Si comme nous le voyons dans les Bouche du Rhône, dans des terres jadis communistes et socialistes, l’ancrage de l’extrême-droite se fait au niveau municipal, il sera difficile de résister, et ce que nous laissons s’installer aura de plus en plus de mal à être bousculé par les luttes. Le nazisme et le fascisme n’ont jamais réellement été éradiqués et encore aujourd’hui la reconquête des couches populaires est problématique. L’effort n’est pas à la hauteur. Les élections ne font qu’accentuer la difficulté parce que ce ne sont pas des « institutions », le monde politique dans lequel se trouve le ciment qui pourrait unifier les couches populaires dans leur combat. Telles que sont ces élections, les appareils sollicités, le clientélisme étroit, la seule manière d’y faire face est de tenter de jouer une union de la gauche antifasciste qui n’est absolument plus crédible, parce qu’elle est totalement en retrait par rapport aux vrais questions que Fabien Roussel a le mérite de poser, même s’il est pris dans la gangue des institutions.

Fabien Roussel tente de lui faire prendre une orientation nouvelle qui n’évite pas les enjeux réels de la période historique, mais il souffre incontestablement de l’état d’un parti communiste français qui depuis plus de trente ans est désormais totalement réduit à des pratiques électoralistes et n’a plus aucune autonomie par rapport à celles-ci. S’il n’est pas question de négliger le terrain électoral et les alliances politiques, les programmes que cela suppose, il est évident que ni sur le plan de la presse, de la formation, de l’organisation, il existe les bases indispensables à un parti qui pourrait mener le combat nécessaire.

Si ce parti existait, nous devrions impérativement avancer sur la question du socialisme à la française dans un contexte qui est géopolitique. Les Etats-Unis avec Trump ne ménageront ni l’UE, ni la France.

Trump est en train d’imposer des droits de douane sur les produits pharmaceutiques, les puces à semi-conducteurs, le pétrole, le gaz, l’acier, l’aluminium, le cuivre, etc. Non seulement notre économie est malade, mais elle sera parmi les premières sacrifiées et les prises de position de l’oligarchie sur qui n’ont cessé de ruisseler les « bienfaits » de Macron disent bien jusqu’où ira leur trahison et ce que le système français, européen, capitaliste, « libéral » permet.

Aujourd’hui, la Chine a également des politiques protectionnistes, mais voici la différence entre la Chine et Trump :

Tout d’abord, premièrement, lorsque la Chine impose des droits de douane sur les importations, le gouvernement met également en œuvre une politique industrielle robuste pour s’assurer que les industries nationales peuvent atteindre les objectifs de production. Même les entreprises privées ont un contrôle y compris à travers internet qui reste largement aux mains du gouvernement. Alors que l’on parle beaucoup du « contrôle » sur les citoyens, celui qui existe réellement a trait aux investissements productifs.

Deuxièmement, Pékin invite les entreprises étrangères à ouvrir des usines en Chine qui sont libres de leur gestion mais qui acceptent néanmoins les codes de la nation chinoise. Ainsi, le marché n’est pas complètement fermé.

Cela ne peut exister que s’il existe une planification socialiste s’appuyant sur la maîtrise monétaire et financière qui impose sa logique aux seuls intérêts privés comme on l’a vu dans diverses entreprises y compris Ali Baba.

D’autre part, les tarifs douaniers de Trump n’offrent aucune de ces deux solutions. Les tarifs douaniers à eux seuls augmenteront le prix des matières premières.

Tous les tarifs douaniers au cours des huit dernières années n’ont rien fait pour réduire le déficit commercial des États-Unis. Les oligarques et les entreprises américaines ne sont toujours pas dans l’industrie manufacturière, les oligarques qui ont pris le pouvoir avec Trump sont tous liés à la spéculation financière et au numérique.

Depuis 1953, l’Etat socialiste édite tous les 5 ans un plan quinquennal. En 2021 a été fait le bilan du 13e et mis en place le 14e. Parmi les orientations nouvelles, l’accent est mis sur la recherche fondamentale dans la stratégie industrielle avec une politique industrielle « à double circulation » dans laquelle les objectifs du marché intérieur rencontrent ceux du marché extérieur et s’équilibrent. Là encore la première cible est l’entreprise et pas le contrôle du citoyen. Les entreprises étrangères doivent se conformer à des règles très strictes pour accéder au marché chinois. Il y a des restrictions aux prises de participation des investissements étrangers avec 12 secteurs clés où ils sont encore plus limités voire interdits. L’industrie minière (les terres rares) la distributions d’électricité, de gaz et d’eau mais aussi les technologies de l’information, l’éducation, la santé…

C’est à partir de ce contrôle que se construit la position de force dans les négociations internationales tout autant que « les exemples » qui sont fait sur les cadres du parti contre la corruption endémique mais par rapport à laquelle Xi est apparu comme celui qui prend réellement cette lutte au sérieux. En fait les châtiments assortis d’une large publicité sanctionnent le caractère asocial du délit ou du crime et donnent lieu à des débats dans les réseaux sociaux, et sauf dans des milieux très occidentalisés sont comme la plupart des formes de contrôle social bien acceptés. Ce ne sont pas seulement les entreprises étrangères qui subissent un cahier des charges très rigoureux en matière de contrôle de l’information, les entreprises chinoises sont également sanctionnées et nous avons tous en tête l’exemple de Jack Ma le tout puissant d’Ali baba.

Ces décisions prises à l’encontre des entreprises chinoises ne les ont pas affaiblies, bien au contraire elles agissent comme des accélérateurs d’un processus déjà inscrit depuis bien longtemps dans le récit collectif, qui constitue le socle des programmes industriels chinois.

Et si le récit du roman national n’y suffit pas, la maîtrise du crédit y pourvoira : le programme industriel est fortement soutenu par l’État. La Banque populaire de Chine (banque centrale chinoise), transmet aux banques commerciales des « instructions aux guichets » pour orienter les prêts en coordination avec la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), de la Commission de régulation de la banque et de l’assurance (CRBA) et de la Commission de régulation des marchés financiers (CRMF), lançant en mars 2017 « une initiative conjointe pour financer le programme Made in China 2025 via le crédit bancaire et les marchés de capitaux ». Huawei aurait ainsi bénéficié de ces directives, avec 41 milliards d’euros de prêts et crédits émanant de banques publiques et privées pour financer ses activités.

Toujours dans le cadre du marché et de la planification vu soit depuis la dictature du prolétariat ou celle du capital, il est à noter que les multinationales américaines ne seraient pas hostiles à un tel soutien direct à l’entreprise comme à la mobilisation de la science dans la production, simplement elles ne veulent pas l’assortir d’une planification, ni d’ailleurs encourager la science fondamentale sinon par une philanthropie marginale.

Le paradoxe est que dans cette apparente contradiction entre marché et planification, telle qu’elle est gérée en Chine, semblent se résoudre des problèmes que nous avons déjà esquissés dans lesquels se débat l’Europe et ses Etats, mais aussi les USA vis à vis des multinationales, celles du numérique en particulier qui deviennent dominantes. Le cas d’Elon Musk venant dicter leurs politiques aux Etats européens est caricatural, mais il dit aussi la situation de dépendance face à ces secteurs et le fait que les Etats sont empêchés de négocier avec d’autres pays ou entreprises à cause du poids de ces « monopoles » qui ne sont atteignables ni par la loi, ni par la force.

Pourtant des menaces pèsent sur le développement scientifique, sur l’apport qu’il pourrait représenter pour l’humanité.

Actuellement, essentiellement sous la pression des Chinois et de la communauté scientifique, malgré un contexte de tensions accrues entre les Etats-Unis et la Chine, les deux pays ont signé un accord bilatéral sur la science et la technologie le 13 décembre 2024. L’événement a été présenté comme un « renouvellement » d’un pacte vieux de 45 ans visant à encourager la coopération, mais comme le notent bien des commentateurs en fait il y a une restriction de l’ouverture initiale, les sujets pouvant être étudiés ensemble sont circonscrits et les possibilités de coopération se ferment, un nouveau moyen de règlement des conflit va dans le même sens.

Les Etats-Unis ont fait pression pour que les pays vassaux, L’Union européenne, le Canada, le Japon adoptent la même attitude. Résultat : la relation connaît une évolution négative, elle est passée successivement d’un transfert de connaissances à une véritable collaboration qui a été l’âge d’or des échanges, celui où le génome du covid se transmet en quelques jours et favorise une parade à une véritable concurrence qui risque de produire des conséquences très négatives pour tous et en priorité pour l’hégémonie impérialiste.

Dans un article du Global Times du 3 janvier 2025, la Chine officiellement a tenté une fois de plus d’en appeler à la poursuite d’une collaboration entre la Chine et les USA. Au nom des perspectives alors que l’année 2025 a été déclarée « Année internationale de la science et de la technologie quantiques » par les Nations Unies assortie d’une série d’événements interactifs tout au long de l’année. Jeudi 31 décembre 2024 une nouvelle règle destinée à empêcher les personnes et les entreprises basées aux États-Unis d’investir dans le développement d’une gamme de technologies avancées en Chine est officiellement entrée en vigueur. L’optimisme inspiré par les potentialités de la technologie quantique s’est heurté à la guerre froide technologique inspirée par des politiciens ayant une vision étroite qui est en rupture avec celle des autorités scientifiques. Là encore, le discours officiel chinois est un appel à la raison et à l’intérêt général : nous sommes devant l’évidence de l’intérêt de la collaboration entre la Chine et les USA, donc la nécessité pour tous de ne pas alimenter l’antagonisme. Il est largement admis que dans les trois principaux domaines de la technologie quantique, les États-Unis et la Chine ont chacun leurs avantages et sont à peu près à égalité. « S’il est normal que deux nations innovantes soient comparées par le monde extérieur, considérer le développement technologique de ces pays uniquement à travers le prisme de la concurrence et de la rivalité est trop étroit » et contre productif. Une saine rivalité, une émulation favorise le progrès mutuel mais la coopération est plus indispensable encore pour aller plus vie et plus loin. C’est cela la responsabilité des grandes puissances. Il y a des groupes aux États-Unis (et en Europe) qui défendent pour les États-Unis une « hégémonie quantique » et créent autour des performances chinoises un filtre de guerre froide et ils utilisent l’Etat contre le marché pour mener des « stratégies d’obstruction » qui répriment, encerclent, contiennent la Chine.

Les progrès de la Chine ne sont pas une « menace ». Elle n’a pas l’intention de s’engager dans une « guerre froide technologique » avec un pays quelconque, ni de rechercher une prétendue hégémonie technologique. L’objectif de la poursuite de l’innovation technologique par la Chine est de bénéficier à son peuple, de permettre à la technologie de changer la vie et de répondre en permanence aux aspirations du peuple à une vie meilleure. Actuellement, les risques croissants de la guerre technologique sino-américaine suscitent de vives inquiétudes chez d’autres pays. La Chine et les États-Unis ont une plus grande responsabilité de prendre des mesures concrètes pour atténuer les risques de confrontation et stabiliser les attentes internationales. Les États-Unis et la Chine ont chacun leurs propres atouts technologiques. S’ils coopèrent, ils pourront tirer parti de l’avantage du 1+1>2 et accélérer la réalisation de la nouvelle révolution industrielle, dont le monde entier, y compris les deux pays, bénéficiera. Cependant, les actions actuelles des États-Unis ont largement entravé ces progrès. Il faut espérer que les États-Unis reviendront bientôt sur la bonne voie du 1+1>2. »

Mais même si la Chine continue inlassablement à défendre la coopération pour l’intérêt de tous les peuples et celui du peuple chinois comme celui du peuple américain. Dans la mesure justement où il ne s’agit pas seulement d’une joute idéologique mais bien d’une lutte anti-impérialiste, la Chine crée les conditions de son autonomie stratégique dans tous les domaines.

Le fait est que depuis 2013, la Chine est le principal collaborateur scientifique des États-Unis. Des milliers d’étudiants et d’universitaires chinois ont mené des recherches conjointes avec leurs homologues américains et l’argument de la médiocrité des publications doit être relativisé. Cela correspond à la manière dont des factions politiques représentatives des intérêts monopolistes tentent de retourner la tendance. La plupart des décideurs politiques américains qui avaient défendu la signature de l’accord bilatéral de 1979 pensaient que la science libéraliserait la Chine, mais avec la multiplication et l’essor des publications scientifiques chinois, le retour au pays d’imminents scientifiques, ils s’aperçoivent que la Chine est restée socialiste. Non seulement la Chine n’est pas devenue libérale mais ils l’accusent d’avoir utilisé l’échange scientifique et technologique pour renforcer le contrôle autocratique, celui lié à a gestion des flux mais aussi celui de la délinquance. Et surtout, elle en aurait profité pour construire une armée forte en vue de la puissance régionale et de l’influence mondiale. Le leadership dans les domaines de la science et de la technologie permet de gagner des guerres et de bâtir des économies prospères. La force croissante de la Chine, soutenue par un gouvernement contrôlé par l’État, est en train de déplacer le pouvoir mondial.

Nous ne nous prononçons pas pour la guerre, mais il faut être en mesure de contraindre à la paix et à la coopération et cela passe par des choix drastiques.

Si le socialisme à la chinoise n’est pas un modèle, et si l’invite au dialogue n’implique pas l’alignement, nous ne devons pas non plus nous montrer incapables de voir les solutions apportées ; plaider pour le retour d’une planification et d’une politique d’orientation des investissements mérite d’être développé, ce qui permettrait en particulier en liaison avec les usagers, les syndicats de travailleurs y compris de négocier avec la Chine.

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