Nous avons choisi de mener un combat pour que la France s’éveille à la réalité de ce que représente la Chine. Et au-delà de la Chine cette réalité géopolitique qui tente d’inaugurer une nouvelle réalité internationale faite de coopération et de respect des souverainetés, par la reconnaissance d’un monde du sud qui prétend surmonter le néocolonialisme, les échanges inégaux, la militarisation du dollar, les expéditions punitives, les sanctions. La France demeure combattive, sa classe ouvrière, ses intellectuels, sa jeunesse mais faute de cette perspective elle est enchaînée à un monde de guerre, de concurrence, de destruction par une propagande et une censure digne de l’extrême droite et qui favorise celle-ci. Histoireetsociete a choisi de publier des textes qui sont des antidotes et de cibler en particulier le PCF qui est de par son ancrage populaire, son antiracisme, refus de l’antisémitisme, lutte pour la paix, le plus apte à reconquérir cette opinion sur des bases françaises, celles d’un “socialisme à la française”… Grace aux traductions de Marianne Dunlop voici un texte russe qui éclaire la nécessité d’une nouvelle approche et d’un réveil de la France à la Chine au monde multipolaire. (note de DB traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)
https://vz.ru/world/2024/11/24/1299372.html
En France, les contestataires ont commis un sacrilège : les employés du célèbre producteur de cognac Hennessy se sont mis en grève. La raison ? La Chine a augmenté de 35 % les droits de douane sur le cognac en bouteille importé, et Hennessy, selon BFMTV, est une marque « extrêmement dépendante des exportations ».
Les temps sont déjà durs pour la holding LVMH (Louis Vuitton Moët Hennessy). Au troisième trimestre de cette année, le chiffre d’affaires de l’entreprise, qui regroupe un grand nombre de marques de mode (« Dior », « Guerlain », « Givenchy », etc.) et de producteurs d’alcools d’élite, a baissé de 4,4% et s’est élevé à moins de 20 milliards d’euros. Cette tendance ne date pas d’hier : le premier semestre 2024 a également enregistré une baisse dans presque tous les segments, les ventes de boissons alcoolisées chutant même de 12 %.
Pour comprendre la situation, il faut tenir compte du fait que la Chine est le pays qui représente un quart de toutes les exportations françaises de cognac. C’est le deuxième marché le plus important pour les producteurs, et c’est avec la Chine, pour tout arranger, que l’UE mène aujourd’hui une guerre commerciale larvée.
Le 4 octobre, la Commission européenne a annoncé que les pays de l’UE avaient approuvé l’imposition de droits de douane sur les voitures électriques chinoises. Ces droits pourront désormais atteindre 36,3 %, en fonction du fabricant. En réponse, la Chine a, d’une part, annoncé qu’elle assemblerait désormais des voitures en Europe et, d’autre part, porté un coup au brandy et au cognac, dont une part importante est produite en France, en augmentant ses droits de douane. Mais ce n’était qu’un début.
La direction de Hennessy a décidé qu’il serait littéralement désastreux de perdre le marché chinois et a réagi à la manière typiquement française. Après avoir étudié attentivement les conditions d’application des droits, la holding s’est aperçue qu’ils s’appliquaient au cognac importé en bouteilles.
Par conséquent, si le cognac est livré en Chine non pas en bouteilles, mais, par exemple, en tonneaux, les droits ne s’appliquent pas. Pas de bouteilles – pas de paiements excessifs.
Dans le passé, bien sûr, il ne serait pas venu à l’idée de la direction de Hennessy d’expédier ses produits dans des tonneaux, comme au XVIIIe siècle, mais si l’on veut éviter de payer un supplément, tous les moyens sont bons. La solution au problème semblait être la suivante : livrer le cognac en Chine dans de grands conteneurs (tonneaux ou cuves spéciales) et organiser l’embouteillage sur place. Mais les représentants des syndicats locaux ont senti le vent tourner et ont décidé qu’ils ne laisseraient pas les choses en l’état.
Frédéric Merceron, représentant du syndicat Force ouvrière de Hennessy, raconte: « La direction nous a informés qu’elle allait faire des tests avec les conteneurs parce que l’embouteillage se ferait désormais en Chine… On imagine les licenciements que cela va entraîner ».
« C’est la première fois qu’une entreprise aussi connue agit de la sorte », renchérit Mathieu Devers, cadre de la CGT. Il ne cache pas qu’Hennessy n’est que la première hirondelle et que d’autres producteurs suivront bon gré mal gré pour minimiser les coûts.
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Un « test d’exportation » devait être effectué d’ici la fin de l’année 2024 pour déterminer si la qualité des produits ne s’altérerait pas lorsqu’ils seraient transportés, pour ainsi dire, dans leurs nouveaux conteneurs. Selon M. Devers, les travailleurs ont été informés que les « matériaux connexes », c’est-à-dire les bouteilles, les étiquettes, les bouchons, les cartons d’emballage, seront également envoyés en Chine, où seront effectués l’embouteillage et tous les travaux qui n’avaient lieu auparavant qu’en France.
La direction d’Hennessy a officiellement déclaré qu’elle « démentait catégoriquement le projet de délocalisation de la production de la ville de Cognac », dans le département de la Charente. Mais Hennessy a tout de même dû admettre qu’elle envisageait d’embouteiller et de conditionner une partie de sa production en Chine : « L’étude à venir ne concernera que le service d’embouteillage, qui pourrait être temporairement externalisé auprès d’un prestataire basé en Chine, en fonction des résultats des études qui seront menées… L’objectif de la maison est de se battre sur tous les fronts pour trouver des solutions qui protègent ses intérêts et l’ensemble de l’écosystème du Cognac ».
Le Bureau National Interprofessionnel du Cognac a publié un communiqué sur ce qui se passe. Il y stipule d’une part qu’il n’a pas pour mission de « commenter les décisions stratégiques individuelles des entreprises », et d’autre part qu’« il n’est pas exclu que, face à la dégradation de la situation, certains producteurs soient amenés à utiliser tous les moyens possibles pour conserver leurs positions sur le marché chinois ».
« Nous voulons que le cognac reste à Cognac », a lancé l’un des centaines d’employés de Hennessy en grève, dans un style typiquement français. – Nous sommes ici parce que nous ne voulons pas être licenciés ».
Un autre gréviste a ajouté qu’ils se battent non seulement pour leurs emplois, mais aussi pour les autres habitants de la ville et de la région, car la décision prise par la direction de Hennessy affectera inévitablement non seulement les employés directs, mais aussi les fournisseurs, les transporteurs, les vendeurs de produits. « Déplacer ne serait-ce qu’une partie de la production signifie que demain nous perdrons des centaines d’emplois », a déclaré le délégué syndical Patrick Monnier.
Selon la chaîne TF1, l’usine d’embouteillage de cognac de La Vignerie, qui produit des dizaines de millions de bouteilles chaque année, pourrait fermer. Rien que dans cette usine, 300 personnes pourraient perdre leur emploi d’un seul coup.
Au total, 80 000 personnes vivent dans la région directement ou indirectement de la production de cognac. Le Bureau National Interprofessionnel du Cognac estime que 14.500 personnes sont directement impliquées dans la production, et si l’on inclut les emplois indirects, on arrive à 72.500, et pas seulement dans le département de la Charente. Il ne s’agit pas seulement de Hennessy, mais aussi d’autres producteurs de cognac, il ne faut pas se leurrer. Si l’expérience de la délocalisation de l’embouteillage et du conditionnement en Chine s’avère concluante, l’exemple d’Hennessy sera tôt ou tard suivi par d’autres.
Conscient de la gravité du problème du cognac, le président français Emmanuel Macron a annoncé qu’il avait convenu avec Xi Jinping de « tenter de trouver un compromis mutuellement bénéfique » et que le Premier ministre Michel Barnier se rendrait à Pékin à cette fin au début de l’année 2025. Mais, comme toujours, les bureaucrates sont en retard sur la réalité.
Selon des publications locales, le premier conteneur de cognac pour la Chine, d’une capacité de 1.000 litres, devrait partir à la mi-décembre. Sur le lieu d’arrivée, sa qualité sera contrôlée et s’il est jugé conforme aux normes, il sera mis en bouteille. D’autant qu’aucune clause de la réglementation sur la production de cognac ne prévoit que la célèbre boisson alcoolisée doit obligatoirement être embouteillée là où elle est produite – ce qui libère largement les mains des propriétaires de marques.
Certains grévistes réclament une révision des normes de production, et Mathieu Devers, déjà cité, a directement indiqué que plus rien n’empêcherait désormais les Chinois de « vendre des copies de nos bouteilles et de nos produits les plus prestigieux ».
Mais Cécile, une autre gréviste, a été encore plus directe : « Ici, tout le monde vit du cognac et pour le cognac. Si on enlève le cognac, la vie de la ville s’arrête ». Telle est la principale motivation des grévistes – mais la motivation de la direction est tout autre : ne pas perdre sa position sur le marché, et ce à n’importe quel prix.
Jusqu’à présent, la presse a appris qu’une décision tacite avait été prise de délocaliser environ 10 % de la production de Hennessy en Chine. Et bien que Mathieu Devers fasse craindre à ses concitoyens que « nous finirons par voir du brandy chinois dans nos rayons », personne ne semble prendre sa déclaration au sérieux.
Il semble que les amateurs de cognac devront bientôt regarder de plus près les étiquettes pour savoir où telle ou telle bouteille a été embouteillée. Il est probable que les lots produits et embouteillés de manière fiable en France verront même leur prix augmenter, tandis que les cognacs embouteillés en Chine resteront limités au marché local. Quoi qu’il en soit, les chiffres de vente montreront dans quelque temps si la stratégie de la direction de Hennessy était justifiée. Et si l’expérience du transfert d’une partie de la production en Chine est reconnue comme réussie et surtout rentable, elle sera développée. Et ce ne sont pas les grèves des salariés en France qui y changeront quelque chose.
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