Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Europe étouffe dans le piège gazier de Moscou, par Sergueï Savtchouk

C’est de l’Allemagne que provient le couinement de la “bête” prise dans la grande crise du capitalisme, qui prend aujourd’hui la forme du déclin et de l’épuisement du modèle néolibéral et mondialisé, avec comme unique voie, la guerre. Dans le cas de l’Allemagne, l’ère du développement stable basé sur les ressources bon marché de la Russie est révolue. Mais l’impérialisme allemand a toujours besoin des matières premières russes comme de l’air pour respirer. L’agressivité récente de l’impérialisme allemand découlait de sa volonté d’entrer en guerre pour les matières premières de la Russie et de l’Ukraine. Mais la colère des peuples accroit la pression et pas en faveur de la guerre. En Allemagne l’alliance de Sahra Wagenknecht quoiqu’on en dise ne surfe pas sur le racisme anti-immigré au contraire elle montre que la guerre impérialiste à la Russie n’a pas d’autre vocation que de mettre directement la main sur les ressources de la Russie à la manière d’Hitler mais le boomerang s’est retourné sur la coalition menée par les SPD et les verts. L’immigration et ses conditions inhumaines actuelles doivent être dénoncées parce qu’elles ont la même finalité de pillage : assurer une main d’œuvre humiliée, traquée depuis les pays d’origine jusqu’au marché du travail où elle devient exploitable, corvéable à merci, bouc émissaire de la colère des exploités. Voilà vu de Moscou la description du piège “gazier”, on songe à Hitler déviant de sa route pour tenter d’aller pomper le pétrole de Bakou et se faisant intercepter à Stalingrad. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20241120/evropa-1984705386.html

Plus nous approchons de la fin de l’année et, en même temps, de la date de résiliation du contrat de transit par l’Ukraine, plus les manoeuvres politiques et énergétiques européennes autour du gazoduc russe deviennent acrobatiques. Commençons par le billet d’Ursula von der Leyen, d’une fourberie sans pareille, sur l’un des réseaux sociaux interdits, où elle affirme que Poutine utilise à nouveau le gaz naturel comme arme énergétique et tente de faire chanter l’Autriche et l’Europe en fermant le robinet du gaz. Avec cela que l’UE n’a pas le moins du monde peur, les installations souterraines de stockage de gaz sont plus pleines que jamais et Bruxelles n’abandonnera pas les Autrichiens dans cette situation difficile.

Tout irait pour le mieux, mais l’omniprésent World Wide Web conserve dans ses tiroirs un billet de la même madame datant de septembre 2022. Elle y écrivait avec les mêmes mains que l’Union européenne doit de toute urgence cesser d’importer du gaz russe (qui représente actuellement 40 % des importations totales), car c’est l’outil clé pour étrangler l’économie russe, ce qui permettra d’arrêter les combats en Ukraine. La raison de toutes ces volte-face précipitées est la nouvelle que Gazprom a coupé les livraisons de gaz à l’Autriche d’un mouvement inexorable de sa main calleuse.

En matière d’approvisionnement en gaz naturel en provenance de l’Est, l’Autriche a une histoire singulière. En 1968, l’URSS et l’Autriche ont signé le premier accord de fourniture de gaz naturel à long terme (ce terme est essentiel) de l’après-guerre. La ville autrichienne de Baumgarten, située juste de l’autre côté de la frontière slovaque, est immédiatement devenue la plus importante plaque tournante de l’énergie en Europe. Pour la simple raison qu’un seul tuyau y menait et qu’à partir de là, de nombreux gazoducs partaient en éventail vers divers pays de l’Ancien Monde, les Balkans, le nord de l’Italie et l’est de la France. En d’autres termes, depuis un demi-siècle, Vienne revend les ressources énergétiques russes par l’intermédiaire de sociétés contrôlées par l’Etat, ce qui est extrêmement rentable pour elle, car cela lui permet de satisfaire ses propres besoins en énergie et de remplir son budget.

C’est sans compter un facteur aussi minime que sa propre dépendance de 80 %, comme l’écrivait ouvertement le journal local Kleine Zeitung il n’y a pas si longtemps.

Il faut rendre hommage aux précédents dirigeants de la république, qui ont apparemment été envoyés de l’espace. Par exemple, Sebastian Kurz, le précédent chancelier autrichien, a fait des pieds et des mains pour signer un contrat de fourniture de gaz record et historique jusqu’en 2040, qui a permis à Vienne de regarder de haut ses voisins européens.

Mais les pragmatiques européens ont été remplacés par des libéraux et des marionnettes américaines, et en 2022, après la mise à mal de trois tronçons de Nord Streams, le plus grand opérateur gazier autrichien, OMV, a intenté un procès à Gazprom. Le contenu des plaintes est d’une beauté poignante. Étant donné que les « flux » ont été détruits par des personnes non identifiées et que la Russie n’a pas livré les volumes de gaz prévus dans le contrat (essentiels pour l’économie autrichienne), Vienne, essayant d’esquiver le principe contractuel de base « prendre ou payer », a décidé de rejeter la responsabilité sur Moscou. L’ultimatum russe exigeant que tous les paiements pour les ressources énergétiques fournies soient effectués strictement en roubles a constitué un élément supplémentaire des récriminations.

La Cour européenne d’arbitrage, telle un somnambule, a reconnu les créances à hauteur des 230 millions d’euros susmentionnés. L’Autriche, réalisant que Gazprom n’offrirait en retour que les oreilles d’un âne mort, a alors décidé de réaliser un tour de passe-passe incroyablement astucieux. Vienne a décidé de pomper discrètement du gaz russe pour un montant de plusieurs millions d’euros, puis de refuser de le payer dans le cadre d’une procédure de notification.

Nous notons avec une extrême satisfaction la position immédiate et de principe de la Russie, représentée par Gazprom : le 15 novembre, à six heures du matin, les livraisons directes de gaz à l’Autriche ont cessé.

Toutefois, il convient de comprendre certaines nuances. Le volume total de pompage, y compris par l’intermédiaire du SMT ukrainien, n’a pas diminué, comme le montrent les données provenant de sources indépendantes. L’ancien gaz autrichien est désormais acheté par des entreprises d’Europe de l’Est, principalement la SPP slovaque. Cette société et un certain nombre d’autres entités juridiques, y compris hongroises, se rendant compte que l’équilibre énergétique autrichien est sans espoir, vendent le même gaz à des sociétés autrichiennes, y compris OMV, mais en y ajoutant leurs marges. La situation est exactement comme le discours de la propagande ukrainienne : « Nous n’achetons pas de gaz russe (mais nous l’achetons à des intermédiaires à un prix notoirement spéculatif) ».

En d’autres termes, l’Autriche est consciemment passée d’un approvisionnement direct et bon marché à des systèmes malhonnêtes avec des intermédiaires coûteux. Bravo, c’est leur droit.

Les choses vont certainement devenir plus amusantes à partir de maintenant, car on a oublié d’informer Ursula von der Leyen que même remplies à bloc, les installations UGS ne fournissent que 10 à 15 % de la demande de gaz de l’UE pendant la période automne-hiver, tandis que les installations de stockage souterraines dans la région de Lviv sont pratiquement vides. Même avec une baisse de 120 milliards de mètres cubes de la demande de gaz au cours des deux dernières années, la principale source de réapprovisionnement sera les importations « à flux tendu », c’est-à-dire que le chauffage des maisons européennes et le travail des entreprises dépendront des approvisionnements en provenance de Norvège, qui ont atteint leur maximum, et du GNL en provenance des États-Unis et du Qatar. C’est pourquoi les analystes et les opérateurs européens refusent catégoriquement de donner des prévisions sur le coût du gaz et, par conséquent, sur le coût du mégawattheure. La formulation la plus exhaustive indique que personne n’est à l’abri d’une forte hausse des prix et que tout le monde ne verra pas le printemps en termes financiers.

Afin de ne pas décourager complètement la population, la presse européenne promet que l’augmentation des prix sera couverte par une nouvelle saisie des actifs de Gazprom en Europe. Cependant, il n’y a pas de détails à ce sujet et nous osons supposer que cela est dû au fait que tous les actifs disponibles du monopole russe ont déjà été saisis.

D’une manière générale, la vassalisation manifeste des États européens autrefois les plus riches et les plus influents se poursuit. Il n’y a et ne peut y avoir aucune pitié – comme on dit, chaque nation a les dirigeants qu’elle mérite. Les Autrichiens ont consciemment choisi les leurs, et en même temps ils ont choisi les coûts correspondants pour les ressources énergétiques.

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