Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Jean-Claude Delaunay : le secteur international du PCF n’est pas près de comprendre et encore moins d’agir…

Le titre n’est pas de Jean-Claude qui se contentait d’un bref : Une note du Secteur International du PCF, mais puisqu’il s’agit d’un résumé du résumé d’une note assortie de commentaires dont je vous laisse la primeur de la découverte mais qui me paraissent déboucher sur le constat que ce texte qui prétend analyser “Les fractures et risques de guerre du monde contemporain de façon à bien asseoir le combat des communistes français pour la PAIX”, n’assied rien d’autre que la confusion et l’inertie. Il semble même conçu exprès pour cela comme le dit Jean-Claude, c’est un texte de petits bourgeois radicalisés, ayant peur à la fois de l’impérialisme et du socialisme, ce texte est la mise en scène de leur inaction pour la paix. Les quelques définitions et pistes que trace Jean-Claude frappent par leur cohérence et son texte devrait être distribué dans toutes les écoles du parti (on peut rêver et pourtant le rêve commence à se réaliser puisque de partout nous parviennent les échos de mise en route de formations à partir initiatives à la base sans relation nécessairement avec toutes “les commissions” qui encombrent les fédérations et parfois les couloirs du CN place du colonel Fabien) il y a dans le PCF une forte aspiration à comprendre pour agir… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

A PROPOS D’UNE NOTE DU SECTEUR INTERNATIONAL PAR JEAN-CLAUDE DELAUNAY

Le Secteur international du PCF vient de diffuser (novembre 2024) une note que je trouve intéressante à examiner du point de vue sociologique. J’ai fait un résumé de cette note. Je me contente ici de résumer ce résumé.

Le texte en question prétend décrire et analyser les fractures et risques de guerre du monde contemporain de façon à bien asseoir le combat des communistes français pour la PAIX.

Au départ de l’analyse, la puissance américaine. Cette dernière serait contestée par la Chine, qui voudrait être la première de la classe, et par la Russie, un empire en gestation. Le choc de ces trois puissances mettrait le monde en crise. Or cette crise serait dangereuse parce qu’elle prendrait place dans un contexte (la mondialisation fractionnée) qui loin de la calmer, l’amplifierait et la pousserait vers la guerre. Quatre facteurs d’amplification sont identifiés : 1) Les mécanismes de sécurité collective auraient été détruits, 2) De nombreux Etats seraient en situation de faiblesse politique interne et chercheraient à masquer leur faiblesse par la guerre, 3) Différents Etats aspireraient à devenir des puissances régionales, 4) Les idéologies de l’extrême droite et le fondamentalisme religieux séviraient.

Certes, le monde serait traversé par des aspirations contraires, celles d’un autre ordre mondial, pacifié, matérialisées par les BRICS. Mais les pays constitutifs de cette association seraient un ramassis de contradictions. Ils n’exerceraient donc aucun pouvoir compensateur du chaos mondial actuel.

Tel est le monde dans lequel les communistes seraient plongés. Une dizaine de recommandations et de principes (guides d’action en faveur de la paix) terminent ce texte.

Le contexte décrit est pessimiste. Cela ne relève pas de la responsabilité des rédacteurs du texte. Ce qui pose problème n’est donc pas ce pessimisme, s’il est justifié. Ce sont les analyses qui y sont présentées. Et là, je crois pouvoir affirmer qu’elles sont d’une faiblesse intellectuelle extrême. Ce qui veut dire que les recommandations de lutte pour la paix n’ont pas de fondement analytique solide.

C’est ce que je voudrais montrer ci-après en m’intéressant aux deux réalités suivantes (l’impérialisme et le socialisme) et à la façon dont elles sont présentes dans ce texte.

L’IMPÉRIALISME

Le concept global de description du monde actuel que ses auteurs utilisent est celui de «mondialisation capitaliste» ou encore, accessoirement, de «capitalisme néo-libéral», voire de «capitalisme libéral», sans oublier celui de «capitalisme financier». Cette diversité n’est pas bien maîtrisée, ce qui engendre une certaine confusion. Le mot impérialisme apparaît deux fois dans ce texte, mais seulement pour qualifier les Etats-Unis.
Le concept marxiste-léniniste d’impérialisme a donc été réduit à son usage idéologique ordinaire. Il caractériserait la volonté de puissance d’un pays au milieu de la mondialisation capitaliste. Ce ne serait pas une nouvelle étape de la vie du capitalisme venant après celle du capitalisme concurrentiel et ayant trait à TOUS les pays capitalistes développés. Ce ne serait pas un concept visant à décrire LA MATURITÉ des rapports de production capitalistes, la formation de nouveaux agents (le capital financier) et donc d’abord un concept ÉCONOMIQUE. Ce serait un concept de nature POLITIQUE et MILITAIRE (le pouvoir, l’Etat).

Si les rédacteurs de ce texte étaient marxistes, ils feraient reposer prioritairement l’analyse des sociétés actuelles sur le travail, son exploitation, la rentabilité du capital, les crises, et non sur la politique, les rapports de force, la culture, l’idéologie. Une fois dégagé le socle économique du monde contemporain, ils prendraient en compte ses autres déterminations.

Ici, dans un texte ou l’emploi des concepts est confus, ce sont les déterminations politiques, militaires et culturelles qui sont primordiales.

La Russie, par exemple, est analysée comme étant «un empire en formation», et donc, soyons clairs, comme un impérialisme en formation. En raison de «son nationalisme grand-russe», ce pays chercherait à surmonter sa faiblesse économique originelle, à savoir, disent les rédacteurs du texte, sa dépendance par rapport à l’exportation de ses hydrocarbures, par la recherche à tous prix de nouveaux débouchés. Son gouvernement exercerait en Afrique une politique insolente d’expansion. Tout cela viendrait du nationalisme grand-russe.

Il ne faut pas se forcer beaucoup pour comprendre que si, pour les auteurs de ce texte, la politique provocatrice de l ’OTAN à l’égard de la Russie est clairement indiquée, ce qu’ils appellent le «nationalisme grand-russe de Poutine» y serait pour quelque chose. Pourquoi, en effet, les Russes auraient-ils mis en route leur opération spéciale de 2022 si ce n’est sous la pression de leur impérialisme intrinsèque? Il y aurait «match nul» en quelque sorte. Voilà une intelligente manière de dédouaner l’OTAN, c’est à dire l’IMPÉRIALISME EN ARMES, de ses turpitudes mortelles et de la guerre qu’il mène en Ukraine contre la Russie et contre les populations russophones.

Si l’on en croit les auteurs de ce texte, la menace de destruction et de soumission pesant sur la Russie depuis 2014 ainsi que la guerre menée par l’Etat fasciste d’Ukraine contre la partie russophone de sa population, n’auraient pas dû donner lieu, de la part de son gouvernement, à la contre offensive de 2022. Auraient-ils dû écrire à l’ONU? Auraient-ils dû se rendre dans leur lieux de culte et prier avec ardeur, Poutine en tête ?

Voici cinq traits majeurs de l’impérialisme contemporain, l’un des oubliés de ce texte.

1) Ce système est celui de l’ensemble des pays développés, y compris la France. Le capital financier, dont la forme actuelle est celle des multinationales et des fonds de pension, y domine les sociétés et les Etats.
2) Ce système est dépendant d’une direction nord-américaine, dont les multinationales et les fonds de pension ont pénétré toutes les économies. L’impérialisme n’est plus un impérialisme de nations, comme à l’époque de Lénine. Il est globalisé et contraint par l’hégémonie nord-américaine ainsi que par des formes de plus en plus puissantes et transnationales du capital financier.
3) Depuis les années 1980, ce système est devenu prédateur. Il tend à ne plus produire et absorbe, par l’achat et la vente des marchandises, des entreprises, la plus value produite par ailleurs.
4) Cet impérialisme est donc monétaire (le dollar). Il est adossé à un impérialisme militaire, disposant d’environ 700 à 800 bases militaires dans le monde.
5) Les dirigeants de ce système croyaient avoir gagné le repos éternel et la fin de l’histoire en détruisant l’URSS et les démocraties populaires d’Europe, au début des années 1990. Il est aujourd’hui en crise profonde et générale.

Crise existentielle, avec la présence, en son sein de cinq pays socialistes stables (la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Laos, le Viet-Nam);
Crise économique, qui dure depuis 2008 (16 ans);
Crise politique, les pays industriellement sous-développés tendant à se détacher de son emprise. C’est, notamment, ce qu’a fait la Russie avec Poutine, son Président. C’est aussi ce que fait l’Afrique, un continent de 1 milliard d’habitants et de nombreuses ressources.
Crise idéologique. Comment ses dirigeants peuvent-il prétendre défendre la démocratie et la liberté individuelle alors qu’ils sont les soutiens ouverts de régimes criminels et fascisants. La barque des droits de l’homme commence à être vraiment chargée.

L’impérialisme est en crise profonde. La guerre est le produit le plus évident de cette crise. Voici un récapitulatif rapide des guerres qui furent ouvertement menées par ce système depuis 35 ans, soit par les Etats-Unis seuls, soit par des coalitions impérialistes : Yougoslavie (1991), Somalie (1993), Afghanistan (2001), Irak (2003 et 2011), Libye (2011), Syrie (2011). Aujourd’hui, une coalition impérialiste intervient contre la Russie (2022) et les Etats-Unis financent et arment les dirigeants israéliens pour écraser définitivement les Palestiniens (2023). Il faut y ajouter le blocus de Cuba, qui est une forme de guerre, et qui dure depuis 62 ans.

La note produite par le secteur international du PCF devrait désigner clairement les responsables de l’état de guerre dans lequel est plongé le monde contemporain en raison de l’impérialisme en crise. Au lieu de cela, ses rédacteurs «noient le poisson». La composante française de l’impérialisme, par exemple, est totalement absente de leur note. Comment peuvent-ils prétendre donner aux communistes français des outils pour lutter pour la Paix en faisant un tel oubli ?

LE SOCIALISME ET LA CHINE

Le socialisme est un système favorable au développement et à la paix. Il est contradictoire de l’impérialisme, fauteur de guerres, car c’est un régime visant à satisfaire les besoins de tous et non ceux de quelques uns. Étant absent de cette note, le socialisme serait-il absent du monde?

La Chine y est mentionnée. Mais il est clair que, pour les auteurs, ce pays n’est pas socialiste. Ce serait seulement une grande puissance. Depuis 2008, elle serait devenue plus offensive à l’égard des Etats-Unis, mais ce serait surtout «pour investir résolument les règles du capitalisme commercial». Elle serait «aspiratrice de plus-value» (cela voudrait-il dire qu’elle serait impérialiste et de qui aspirerait-elle la plus-value?) et enfin elle serait en crise (immobilier, consommation des ménages, chômage des jeunes).

L’approche de la Chine par les rédacteurs de la note est en grande partie biaisée. Il me semble que, comme le disent les Chinois, ils l’observent avec des lunettes de couleur. Le biais qu’ils introduisent nuit à la cause de la paix.

1) Prenons l’exemple de leurs relations internationales. Les Chinois sont convaincus que leur pays est socialiste et ils sont peu sensibles à ce que peuvent en penser la commission internationale du PCF ou le NPA. Mais ils considèrent que le commerce et les échanges ne doivent pas être perturbés par des préoccupations politiques, idéologiques ou religieuses. Ils considèrent les questions de régime et la politique comme étant l’affaire intérieure des peuples ainsi que de leur gouvernement et d’eux seuls.

Pour le reste, «business is business», avec cependant deux différences énormes avec la conception américaine du business, à savoir : 1) que les affaires doivent donner lieu à des rapports de coopération et non à des rapports de forces et que 2) les partenaires de l’échange doivent être «gagnant-gagnant». Ils sont donc hostiles aux rugissements américains, à leurs menaces, à leurs sanctions et à leurs vols purs et simples.

2) Un autre point de ce texte concerne les relations de la Chine avec les BRICS. Il y est écrit que la Chine étant «une économie centrale ascendante, aspiratrice de plus-value», il en résulte que «ce serait un facteur de tensions et de contradictions au sein des BRICS», qui eux seraient plutôt monoproducteurs et donc «semi-dépendants».

Voilà la conclusion à laquelle les rédacteurs voulaient arriver. Leur thèse est que «la mondialisation est fractionnée», d’où la dangerosité du monde. Or la Chine contribuerait elle aussi à ce fractionnement, tant avec les Etats-Unis, dont elle est rivale, qu’avec les BRICS, dont elle aspirerait la plus-value. Elle ne serait donc pas un facteur de paix ou d’apaisement.

Venons-en à quelques faits significatifs parmi les plus récents (2024). En septembre, s’est tenu à Beijing le 9e Forum de la Coopération sino-africaine (FOCAC). Ce Forum a réuni 53 Chefs d’Etat africains. La coopération sino-africaine se traduit par la construction d’infrastructures, matérielles (routes, chemins de fer, ports, centrales électriques) et financières, ainsi que par une coopération technologique approfondie. Ce fut un succès diplomatique considérable. A Kazan, en octobre, l’Inde et la Chine ont commencé à coopérer pour la solution de leurs problèmes himalayens. Ils ont accompli un premier pas, consistant à éviter que les patrouilles frontalières ne se tirent dessus. Cela peut sembler anodin. C’est en réalité très important et l’accord fut perçu comme tel. En novembre, la Russie et la Chine ont eu une nouvelle réunion de leurs Ministres des Affaires étrangères pour renforcer leurs liens, qui sont ceux d’une « coordination stratégique globale et d’une coopération mutuellement bénéfique». Une coordination stratégique, ce n’est pas rien.
La Chine est socialiste. Cela veut dire qu’elle défend les intérêts de son peuple et de son territoire national, non ceux de quelques-uns. Cela veut dire que, tout en laissant une place à l’initiative privée et au marché, elle s’efforce de gérer ses affaires de manière principalement sociale, avec son État et sa planification. Cela veut dire que ses relations internationales ont pour vocation d’être pacifiques avec tous les autres peuples et de construire avec tous, à la condition qu’ils le veuillent cela va de soi, mais quels qu’en soit la taille et le régime, «une communauté de destin». La Chine ne cherche pas à imposer son régime à qui que ce soit. Son socialisme est aux caractéristiques chinoises.

Les rédacteurs de la note ont cependant décidé que la Chine n’était pas socialiste. Ils ont une idée bien arrêtée sur ce que devrait être le socialisme des autres, contredisant ainsi leur propre aspiration à construire «un socialisme à la française». Car si l’on prétend construire un socialisme à la française, ce n’est pas pour juger haut et fort de celui des autres, sauf à être bien arrogant.

Mais veulent-ils construire le socialisme ? Le traitement de cette question pourrait être l’objet d’un autre texte. Dans l’immédiat, ce que l’on peut conclure relativement à la lutte pour la paix est qu’ils se privent, en traitant la Chine comme ils le font, d’un allié précieux.

CONCLUSION

Ma conclusion, après lecture de ce texte, est sa grande faiblesse, si on analyse le monde contemporain à l’aide la théorie de Marx. En revanche, si l’on considère qu’il fut écrit par des petits bourgeois radicalisés, ayant peur à la fois de l’impérialisme et du socialisme, il devient cohérent. Ce texte est la mise en scène de leur inaction pour la paix.

D’une part l’impérialisme n’y est pas analysé et dénoncé comme il se devrait, parce que l’impérialisme, et notamment l’impérialisme français, en sont absents. D’autre part la Chine socialiste, dont la lutte pour la paix est efficace quoique se déroulant sans bruit, est «oubliée». Les membres de la petite bourgeoisie intellectuelle française qui se sont emparés de certains secteurs de fonctionnement du PCF, nous montrent, par cette note, au milieu des bruits et des fureurs du monde, leurs véritables aspirations. Ils sont, comme Achille, immobiles à grands pas.

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