Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Peter Navarro : un homme qui calomnie la Chine sans savoir de quoi il parle, par Andrei Vlchek

S’il y a une chose d’évidente c’est que si nous avions eu au début de l’épidémie un peu moins d'”experts” dont la profession est de dénigrer la Chine et un peu plus de gens qui s’intéressent réellement à la manière dont les Chinois luttaient contre l’épidémie, nous n’en serions peut-être pas à l’état d’impréparation dans laquelle nous sommes, nous et nos parrains étasuniens. Il suffit de se souvenir de ces plateaux de télévision dans lesquels quelques scientifiques tentaient timidement de faire entendre leurs voix concernant leurs échanges avec leurs collègues chinois, tandis que des gens la bouche tordue de haine nous racontaient le péril jaune teinté de rouge. Une indignité intellectuelle dans laquelle l’Amérique de Trump se montre bien sûr indépassable. Ce n’est un secret pour personne que la CIA a directement la mainmise sur les rédactions de la presse occidentale, que des articles lui sont livrés clés en main et que des “experts” également financés ont toutes les portes ouvertes à des revues “prestigieuses” également financées. Les universités à la Marion Maréchal le Pen, les écoles de Soros ne sont que la partie visible de l’iceberg (note de Danielle Bleitrach, traduction de Catherine Winch).

Depuis de nombreuses années, en Amérique du Nord comme en Europe, la diffamation et la provocation de la Chine sont devenues un emploi à temps plein, voire une carrière, extrêmement lucrative. Il existe des “instituts” et des ONG entières qui se consacrent entièrement à ces activités, et où certains individus sont formés au métier de guerrier anti-chinois.

Peter Navarro, un néo-conservateur et militant de droite, est convaincu depuis des années qu’il sait précisément à quel point la République populaire de Chine est malfaisante. Il a écrit des livres et réalisé des vidéos sur ce thème. Il est intarissable sur la ” malfaisance ” du pays le plus peuplé de la planète.

Mais que sait vraiment M. Navarro de la Chine ?  Ses attaques constantes contre Pékin ne sont-elles qu’un simple boulot et une carrière bien rémunérée ?

De quels dégâts est-il vraiment responsable ?

En 2017, le magazine Foreign Policy (FP) [Politique Etrangère] posait déjà une question assez évidente  :

“Le plus grand spécialiste de la Chine de Trump n’est pas un spécialiste de la Chine. Peter Navarro ne parle pas chinois et connaît très peu le pays. Est-ce que c’est important ?”

Oui, est-ce que cela a une quelconque importance, de nos jours ? Ou est-ce que le fait de haïr publiquement la Chine est un critère suffisant en Occident pour occuper des postes de haut niveau au sein du gouvernement, du monde universitaire ou des médias ?

Une de mes connaissances européennes, qui vit au Japon et enseigne dans une université de Tokyo, m’a un jour avoué (avec une certaine fierté) qu’à l’époque où les Occidentaux (y compris les universitaires) étaient accueillis à bras ouverts en Chine, il avait passé un an à Pékin et avait commencé un jour son cours en posant la question suivante :

“Savez-vous que l’un de vos responsables est un pédophile ?”

Voyant mon air choqué, il m’a expliqué :

“C’était une pure invention. Le but était de provoquer et de semer le trouble parmi mes étudiants chinois”.

Le but de qui? Me suis-je demandé. Qui payait pour de telles provocations ? Les lecteurs devront s’en remettre à leur imagination.

A l’inverse, on sait très bien qui paie Peter Navarro pour ses attaques grotesques contre Pékin : ce sont les contribuables des États-Unis d’Amérique.

***

Peter Kent Navarro, assistant du président Donald Trump et directeur de la Politique Commerciale et Industrielle, avait auparavant été assistant adjoint du président et directeur du Conseil National du Commerce de la Maison Blanche.

Il s’agit sans aucun doute de postes très respectables et de haut niveau. Surtout pour un dilettante.

Après que la réaction scandaleusement inepte à la propagation de Covid 19 en Europe et aux États-Unis a commencé à détruire des économies entières en Occident et ses néo-colonies, il est apparu que l’administration Trump était encline à ne plus respecter l’accord commercial qu’il avait signé à Pékin, en décembre 2019.

Deux personnages proches idéologiquement de Trump – Peter Navarro et Steve Bannon – ont commencé à faire campagne pour une politique étrangère et économique extrêmement agressive à l’égard de la Chine.

Au lieu d’essayer de dénouer la crise, et de coopérer dans les domaines médical et économique, Navarro et Bannon ont tous deux ouvertement poussé à la confrontation.

Le magazine en ligne Politico a publié un rapport le 18 mars 2020 :

“Le conseiller au commerce de la Maison Blanche, Peter Navarro, a lancé une campagne visant à réduire la dépendance des Etats-Unis par rapport à la Chine pour les composants essentiels des médicaments et les fournitures comme les masques et les gants.

“Le problème auquel nous sommes confrontés est que chaque fois que nous avons une urgence de santé publique, les gens se réveillent et réalisent la situation d’extrême dépendance dans laquelle nous nous trouvons envers l’étranger”, a-t-il déclaré. “Et une fois la crise passée, ils se rendorment aussi vite”.

Steve Bannon, ancien haut conseiller et chef de la stratégie de la Maison Blanche qui a longtemps mis en garde contre les dangers que représente la montée en puissance de la Chine, a déclaré que toute bonne volonté acquise suite à la conclusion de l’accord commercial initial est désormais en doute. Il accuse la Chine d’avoir “métastasé” la pandémie par ses premières mesures, quand on l’a accusée d’essayer de dissimuler la crise et de refuser l’aide extérieure.

“Maintenant, vous pouvez voir qu’ils se lancent dans une offensive de propagande pour rejeter la faute sur l’Occident, en particulier les États-Unis, et cela va conduire à une nouvelle confrontation. Il y a une confrontation à venir”, a déclaré M. Bannon.

Selon lui, une confrontation impliquerait probablement une escalade “dans la guerre de l’information et la guerre économique”.

Les étincelles se sont mises à voler. Washington a insulté la Chine, à plusieurs reprises, en déformant à la fois la logique et l’information. La Chine a répondu.

Lijian Zhao, porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, a partagé des articles et émis des hypothèses suggérant que l’origine de la maladie serait les États-Unis. Le 12 mars, Zhao a tweeté, faisant écho aux conclusions de nombreux experts dans le monde entier :

“C’est peut-être l’armée américaine qui a amené l’épidémie à Wuhan. Faites preuve de transparence ! Rendez publiques vos données ! Les États-Unis nous doivent une explication !”

Le 19 mars, CNBC déclarait  :

“Navarro, connu pour ses positions bellicistes sur la Chine, a déclaré à CNBC en début de semaine qu’il allait présenter à Trump un décret visant à réduire la dépendance des États-Unis vis-à-vis des fabricants de médicaments étrangers. Environ 72% des fabricants d’ingrédients pharmaceutiques fournissant les Etats-Unis sont situés à l’étranger, dont 13% en Chine, selon le témoignage au Congrès en octobre de Janet Woodcock, directrice du Center for Drug Evaluation and Research de la Food and Drug Administration”.

Le danger est que des néo-conservateurs tels que le président Donald Trump et Peter Navarro n’auraient pas en vue de produire des médicaments essentiels pour le bien de l’humanité, sauvant des vies et améliorant la santé dans toutes les régions de notre planète, loin de là ! Au début de ce mois, Trump essayait de convaincre une grande entreprise pharmaceutique allemande de s’installer aux États-Unis, de trouver le remède pour COVID-19 et de commencer à produire le médicament exclusivement pour les citoyens des États-Unis. De telles tentatives ont réussi à dégoûter même le gouvernement du proche allié de Trump – l’Allemagne.

La Chine, qui a vaincu COVID-19 en un temps record, aide maintenant des pays du monde entier, dont l’Italie, la Serbie et les Philippines, leur envoyant des médecins, du personnel et du matériel médical, par avion et par train. La Chine montre sa véritable nature, compatissante, internationaliste et rationnelle, et se fait des amis en Asie, en Europe et ailleurs.

Ceci représente, pour les guerriers anti-chinois comme Peter Navarro, rien de moins qu’un désastre total, un cauchemar. Leur rhétorique agressive ne va donc que s’amplifiant.

Peter Navarro est un propagandiste ouvertement anti-chinois. Son livre le plus célèbre, ou plutôt le plus notoire, s’intitule “La mort par la Chine” : Confronting the Dragon – A Global Call to Action” devenu par la suite un ‘documentaire’.

Le fait le plus alarmant est qu’un écrivain plus que mauvais, économiste de droite fondamentaliste et protectionniste, s’est vu attribuer un poste de conseiller en chef à la Maison Blanche.

Son travail “créatif” est en fait si mauvais que même les publications les plus conventionnelles aux États-Unis ne trouvent rien à en dire de positif.

Voici quelques critiques de “Death by China”, à la fois le livre et le film :

Neil Genzlinger du New York Times :

Le film “alarmant et alarmiste” “sape son argumentation par un langage incendiaire et des graphiques ringards… il est aussi résolument unilatéral et manque de perspectives”.

Sam Adams du Los Angeles Times :

“L’important argument politique au cœur du documentaire d’agitprop de Peter Navarro est noyé par l’hystérie xénophobe et les exagérations si fréquentes qu’il devient impossible de distinguer la lumière de la chaleur”.

Rotten Tomatoes donne au documentaire un score de 33% basé sur les commentaires de 12 critiques, ce qui est tout simplement humiliant.

Là encore, la tentative de Peter Navarro pour être reconnu comme un intellectuel aurait été oubliée depuis longtemps (son livre et son film remontent à plusieurs années), si ce n’était du fait qu’il occupe l’un des postes les plus influents de son pays, conseillant le président, qui l’appelle souvent “Mon Peter”, au moment d’une des plus grandes crises de ces cent dernières années.

Déséquilibré et xénophobe, M. Navarro a de nombreux ennemis, même à la Maison Blanche, mais il a aussi de puissants alliés, dont le président lui-même.

Le 26 décembre 2019, le New York Times a publié une analyse de Peter Navarro, dont les conclusions sont loin d’être flatteuses :

” Depuis trois ans, M. Navarro, 70 ans, est le grand défenseur du commerce de M. Trump, poussant le président à déchirer les accords commerciaux et à les réécrire de façon à ce qu’ils soient plus favorables aux travailleurs américains. Universitaire sans grande expérience du gouvernement ou des affaires, M. Navarro a réussi à exercer une énorme influence sur la politique commerciale des États-Unis en exploitant le mépris du président pour la mondialisation et en encourageant son opinion selon laquelle la Chine “nous vole impunément”.

Les spécialistes de la Chine ont tendance à considérer M. Navarro avec méfiance. Il ne parle pas le mandarin et n’avait visité le pays qu’une seule fois avant de s’y rendre en 2018 dans le cadre d’une délégation de la Maison Blanche. Certains universitaires ont ricané en octobre lorsqu’il est apparu que M. Navarro avait fait preuve d’invention en citant une source fictive – Ron Vara – dans plusieurs de ses ouvrages non universitaires. Même ses propres collègues sont agacés par son agressivité envers la Chine et ont parfois tenté de bloquer l’accès de M. Navarro au président”.

M. Navarro fait partie d’un club d’individus extrêmement dangereux. Ce club comprend des personnages tels que Steve Bannon, John Bolton et Mike Pompeo.

Ils propagent la haine, la désinformation et les dogmes fondamentalistes de l’impérialisme occidental. Et ils sont vraiment très proches du pouvoir. Certains diraient : ils sont vraiment le pouvoir.

La Chine essaie de garder son calme. Elle ne cherche pas la confrontation. Mais elle observe. Et elle analyse.

M. Navarro ne veut pas la paix. Il ne veut pas l’harmonie. Comme presque tous les hommes politiques occidentaux au cours des siècles, il veut la victoire. La victoire par tous les moyens. La victoire, même si la planète Terre entière devient enfer brûlant. Victoire et contrôle de la planète.

La Chine ne pense pas comme ça. La Chine essaie de construire un monde sans misère, un monde sans maîtres et sans esclaves.

L’ère des gens comme Peter Navarro devrait être, au moins théoriquement, terminée. Mais ils sont toujours là, ils sont dangereux ; ils menacent la survie même de l’humanité.

Andre Vlchek est un philosophe, romancier, cinéaste et journaliste d’investigation. Il est le créateur de  “Le monde de Vlcheck en mots et en images”, et a écrit plusieurs livres, dont China’s Belt and Road Initiative : Connecting Countries Saving Millions of Lives. Il écrit notamment pour le magazine en ligne “New Eastern Outlook”.

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