Au titre du retard accumulé par le PCF en matière de compréhension de la réalité de ce monde tel qu’il est, à savoir que comme l’a déclaré Lavrov le monde multipolaire est une réalité irreversible, il y a incontestablement la manière dont il a été (volontairement ?) coupé des analyses des partis communistes totalement impliqués dans cette construction multipolaire et qui en perçoivent donc les contradictions. Nous avons donc ceux qui croient que cette dynamique est un tapis rouge de gala et ceux qui subissent la propagande de la toute puissance occidentale. En revanche des articles comme celui de Novikov ci-dessous nous permettent de bien mesurer le sens de nos actions en faveur de la paix. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://kprf.ru/party-live/cknews/229899.html
Moscou pourrait accepter d’entamer un dialogue avec Kiev et l’Occident s’ils font des concessions significatives. Mais la Russie doit se préparer au fait que toute paix sera essentiellement une trêve temporaire. C’est ce qu’a déclaré D.G. Novikov, vice-président du comité central du KPRF, dans l’émission « Le temps nous le dira ».
L’édition du soir de l’émission animée par Artiom Sheinin a abordé diverses questions de l’agenda international. La question suivante a été posée aux experts présents dans le studio : quelle est la probabilité de nouveaux « accords d’Istanbul » entre la Russie et l’Ukraine ?
Dmitri Novikov a commencé par dire que beaucoup d’événements se sont produits dans le monde ces derniers mois. Ils n’ont pas permis de bouleverser l’ensemble de la situation internationale. Cependant, la dynamique des mesures prises par les différents acteurs de la scène mondiale d’avant-garde est telle que l’on peut dire que le mouvement vers un nouveau monde multilatéral, où il n’y aura pas d’hégémonie, est maintenant encore plus clairement fixé.
« Le sommet des BRICS à Kazan a été un événement important pour la création de ce nouveau monde. Non seulement plus personne ne sera disposé à se soumettre à l’hégémon, mais chacun comprendra clairement qu’il ne pourra pas non plus assujettir les autres. Même la Chine, qui, selon de nombreux experts, possède déjà la première économie du monde, ne prétend pas qu’elle dirigera un jour le monde entier. Au contraire, Pékin se fait de plus en plus le porte-parole des intérêts du « Sud global ». Elle assume le rôle de protecteur d’un grand groupe de pays et contribue à la création d’un monde multipolaire », a souligné le vice-président du comité central du KPRF.
Quant à d’éventuelles négociations avec l’Ukraine, Dmitri Novikov a noté que si Zelensky offre soudainement des conditions si étonnantes qu’elles nous seront favorables et que l’Occident peut les garantir, pourquoi ne pas signer de tels accords ? Par la bouche de ses médias, l’Occident admet de plus en plus la possibilité de négociations avec certaines concessions.
« Qu’est-ce qui pourrait garantir que Zelensky ou son remplaçant, avec la participation des pays occidentaux, serait prêt à signer de nouveaux accords d’Istanbul ? – a poursuivi M. Novikov. – Il ne faut pas oublier la phrase prononcée par le président lors de sa conférence de presse à Kazan pendant le sommet des BRICS : en définitive, la Russie tiendra compte de ce qui se passera sur le terrain. En d’autres termes, elle ne dépendra pas des promesses qui nous seront faites et de la manière dont elles seront formulées, car cela s’est déjà produit, et assez récemment. Je vois les choses de la manière suivante : d’abord, le respect de certaines conditions, puis la conclusion d’accords. Tout d’abord, le respect des conditions liées à la démilitarisation de l’Ukraine, à l’ajustement de ses positions, à son statut de neutralité – c’est la première étape. L’étape finale, avec la ratification des signatures, devrait avoir lieu lorsque les conditions seront remplies, lorsqu’il y aura un modèle constitutionnel approprié en Ukraine et tout le reste ».
L’Occident, selon le représentant du KPRF, comprend que toute paix est une trêve. La vie continue toujours, et demain il y aura un nouveau jeu. Mais si l’OTAN a besoin d’une pause aujourd’hui pour résoudre la situation au Moyen-Orient, ou en rapport avec les querelles internes aux États-Unis, ou en rapport avec la situation autour de la Chine et de Taïwan, elle peut faire une pause dans le conflit ukrainien.
« Bien entendu, l’Occident n’acceptera pas que la Russie prenne le contrôle de l’ensemble du territoire ukrainien, et la Russie pourrait aborder ce sujet à un moment donné. Mais en fin de compte, il faut savoir que demain, l’Occident révisera tous les accords », a conclu Dmitri Novikov.
Afin de mettre les points sur les i, Artiom Sheinin a demandé à son interlocuteur de trancher : la Russie a-t-elle besoin d’une pause maintenant, ou n’en a-t-elle pas un besoin critique, et une telle pause pourrait-elle avoir des conséquences négatives ? Le parlementaire communiste a choisi la deuxième option. Selon lui, c’est précisément maintenant et précisément parce que l’Occident a besoin d’une pause que la Russie doit la retarder et développer son offensive.
La conversation a ensuite porté sur les prochaines élections américaines et sur la question de savoir s’il existe des différences fondamentales entre Donald Trump et Kamala Harris. Un extrait d’une interview de Trump a été diffusé, dans lequel il affirme avoir détruit Nord Stream 2 pour causer un maximum de dommages à la Russie. Dans le même temps, le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a déclaré que de telles déclarations ne devaient pas être prises au sérieux.
Selon la remarque de Dmitri Novikov, dans le kaléidoscope des événements d’aujourd’hui, il est très facile d’avoir la mémoire courte : « C’est bien qu’un rappel ait été fait ici. En fait, Trump était déjà président. Et s’attendre à ce qu’il mène cette fois des politiques qui nous plairont énormément est bizarre. » Malgré cela, la communauté des experts russes a de nouveau, comme lors de la dernière élection, une attitude relativement plus positive à l’égard de la figure de Trump.
Il existe un fond rationnel dans certaines « préférences » russes à l’égard de Donald Trump, a admis le vice-président du comité central de la CPRF. Le fait est que l’élection de Harris signifierait un déclin incroyable de la culture politique mondiale, ce qui est dangereux en soi. Mais ce qui rend Trump dangereux pour la Russie, c’est que, contrairement à Kamala Harris, il devra se justifier et expliquer qu’il n’est pas pro-russe. Et il a déjà commencé à le faire dès maintenant, en démontrant : « Je ne suis pas pro-russe, je suis prêt à attaquer la Russie. » Cela signifie que son arrivée ne nous promet rien de positif.
« Je voudrais vous rappeler qu’en Union soviétique, y compris pendant la période stalinienne, il était d’usage d’annoncer de temps à autre des discussions sur diverses questions importantes. Mais nous ne pouvons pas imaginer une situation où, quelque part en 1943, la Pravda, le journal Oktiabr et le secrétaire général lui-même se seraient engagés dans une discussion sur le thème « Si Hitler meurt, qui est le meilleur pour nous – Himmler ou Goebbels ? ». Ce serait une discussion ridicule, car la réponse à une telle question n’aurait aucun sens ! » – a expliqué le vice-président du comité central du KPRF.
Au final, souligne Dmitri Novikov, le président américain n’annoncera que des décisions qui seront prises par « l’Etat profond ». Et celui-ci les prendra en fonction des intérêts nationaux des États-Unis et des siens. En même temps, la complexité et la « mobilité » de la situation dans le monde les affecteront également. Si demain Washington annonce des décisions concernant l’Ukraine qui nous plaisent, elles peuvent être annoncées par Kamala autant que par Trump. L’important n’est pas de savoir quel personnage se tiendra à la tête de la Maison Blanche, mais ce que l’« État profond » décidera. Ou, comme on disait à l’époque soviétique, les « cercles impérialistes ».
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