Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Chine et la Russie remontent à la surface à l’unisson tout en gardant une certaine distance

Militaire

La Chine et la Russie dévoilent simultanément de nouveaux sous-marins pour défier la puissance américaine dans le Pacifique et l’Arctique, mais restent réticentes à entrer dans une alliance complète. Nous avons ici encore une illustration de ce qui se met en place au niveau des relations internationales. Si l’hostilité de l’occident et la tentative d’imposer sanctions, coalitions et surarmement à leurs “alliés” oblige les pays soucieux de leur souveraineté à agir ensemble, ce qui se met en place est d’une tout autre nature que ce que promeut l’hégémonie occidentale et en particulier laisse à chacun son autonomie et sa souveraineté stratégique. C’est une dynamique, un processus que l’on retrouve à l’œuvre aussi bien dans les BRICS qu’à l’ONU. Y compris quand il s’agit du partenariat stratégique le plus avancé que représente la relation Chine Russie. Il faut également souligner, ce que ne fait pas l’article, mais que traduit la photographie, ce qui a trait à l’aspiration des peuples à l’unification de la lutte des classes et son pouvoir émancipateur qui pousse à renforcer l’unité d’action en partant de la résistance aux politiques impérialistes au plan intérieur et extérieur. (note et traduction de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

par Gabriel Honrada 15 octobre 2024

Des gens agitent des drapeaux chinois et russes lors d’une cérémonie de départ des navires de guerre chinois et russes qui se dirigent vers la participation aux exercices navals et aériens conjoints Nord/Interaction-2024 dans la mer du Japon et la mer d’Okhotsk, à Vladivostok, le 21 septembre 2024. Crédit photo : VCG

Alors que des différends territoriaux agitent la mer de Chine méridionale et qu’une éventuelle guerre de Taïwan se profile, la Chine et la Russie font étalage de leurs prouesses sous-marines respectives dans le Pacifique.

Ce mois-ci, Naval News a rapporté qu’une nouvelle image du sous-marin d’attaque à propulsion nucléaire (SSN) chinois de type 09IIIB a fait surface sur les médias sociaux chinois, révélant plus de détails sur le navire avancé. Naval News affirme que la photo, prise depuis un endroit côtier, montre un design simplifié qui améliore les variantes précédentes.

Le Type 09IIIB, produit au chantier naval de Bohai à Huludao, est doté d’un système de lancement vertical (VLS) et d’un propulseur à pompe. Le sous-marin fait partie de l’effort plus large de la Chine pour moderniser sa marine, le chantier naval étant capable de produire deux à trois SNA par an.

Selon les images satellites, le chantier naval a lancé entre trois et six Type 09IIIB depuis 2022. Naval News rapporte que le sous-marin chinois de type 09IIIB sera remplacé par le SNA de type 09V de nouvelle génération dans les années à venir, soulignant l’engagement de la Chine à améliorer ses capacités de guerre sous-marine dans un contexte de tensions régionales croissantes.

Dans le même temps, Naval News a rapporté ce mois-ci que les chantiers navals de l’Amirauté de la Russie à Saint-Pétersbourg ont lancé le « Yakutsk », le sixième et dernier sous-marin diesel-électrique du projet 636.3 pour la flotte russe du Pacifique. Le navire, qui fait partie de la classe Kilo II améliorée, est achevé à 90 % et subira des essais en usine avant son premier voyage en mer d’ici la fin de l’année.

Les sous-marins du projet 636.3, connus pour leurs systèmes avancés et leurs capacités de missiles Kalibr-PL, sont une itération moderne du projet 877 Paltus de l’ère soviétique. Naval News note que le « Yakutsk » rejoindra la 19e brigade de sous-marins, renforçant ainsi la force navale de la Russie en Extrême-Orient.

Ce lancement conclut le deuxième lot de six sous-marins contractés en 2016. Le rapport de Naval News souligne également l’importance de ces sous-marins pour les opérations navales de la Russie, y compris leur utilisation dans le conflit en cours avec l’Ukraine.

Les progrès simultanés de la technologie sous-marine de la Chine et de la Russie ne sont pas seulement des démonstrations de leur modernisation navale respective, mais aussi des mouvements stratégiques pour contester la domination navale des États-Unis dans des régions critiques.

Dans un document d’octobre 2023 pour l’Association navale du Canada, Edward Feltham mentionne que la modernisation de la flotte de sous-marins de la Chine est devenue un pilier clé de sa stratégie navale dans le Pacifique, axée sur la projection de puissance et le contrôle de la mer.

Feltham note que la marine de l’Armée populaire de libération (PLAN) a construit sa stratégie autour de sous-marins avancés, y compris les SNA, les sous-marins diesel-électriques (SSK) conventionnels et les sous-marins nucléaires lanceurs de missiles balistiques (SNLE).

Il affirme que les SSK sont utilisés pour contrôler les mers autour de Taïwan, que les SSN protègent les routes maritimes et étendent la portée de la Chine dans l’océan Indien, et que les SSBN offrent une capacité nucléaire de seconde frappe, offrant à la Chine une polyvalence dans la protection de ses revendications territoriales et la projection de sa puissance au-delà de ses eaux voisines.

En ce qui concerne la stratégie sous-marine de la Russie dans le Pacifique, Nicholas Compton mentionne dans sa thèse de troisième cycle de mars 2021 que la flotte sous-marine de la Russie joue un rôle central dans sa stratégie du Pacifique, principalement par le biais de postures stratégiques.

Selon Compton, la marine russe a remplacé sa flotte de sous-marins vieillissants de l’ère soviétique par des sous-marins à propulsion nucléaire technologiquement avancés comme les classes de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Borei et de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Yasen (SSGN). Ces sous-marins remplissent de multiples rôles, notamment la dissuasion nucléaire et la projection de puissance dans le Pacifique.

Il a déclaré que la Russie visait à établir une forte présence navale dans les régions du Pacifique et de l’Arctique en déployant des sous-marins avancés pour affirmer son contrôle sur les zones contestées et protéger ses intérêts, en particulier dans l’Arctique riche en ressources.

En outre, il mentionne l’accent mis par la Russie sur la guerre hybride, qui comprend l’utilisation potentielle de sous-marins pour sectionner ou exploiter des câbles sous-marins, démontrant ainsi leur polyvalence dans les opérations conventionnelles et non conventionnelles.

L’accent mis par la Chine et la Russie sur l’importance des sous-marins conventionnels et à propulsion nucléaire avancés pour leurs stratégies navales dans le Pacifique suggère un potentiel de coopération dans la conception, la stratégie et la tactique des sous-marins.

Asia Times a rapporté en octobre 2023 que la Chine et la Russie collaboraient au développement du SNLE de type 096, un navire de nouvelle génération qui renforcera les capacités stratégiques de la Chine contre les États-Unis et leurs alliés du Pacifique. Cette coopération s’appuie sur l’expertise russe pour améliorer la furtivité et l’efficacité opérationnelle des sous-marins chinois.

La compétence de la Russie en matière de guerre hybride, qui comprend l’utilisation de sous-marins pour perturber les infrastructures sous-marines, pourrait profiter à la Chine alors qu’elle étend son influence dans l’océan Indien et au-delà. La capacité de mener des opérations navales non conventionnelles donnerait à la Chine un avantage stratégique.

Les deux pays ont des intérêts communs dans le contrôle de zones maritimes stratégiques, comme le détroit de Taïwan pour la Chine et l’Arctique pour la Russie. Leurs flottes de sous-marins leur permettent d’empêcher leurs adversaires d’accéder à ces zones contestées, grâce à des exercices collaboratifs qui améliorent leurs capacités à opérer dans ces régions et à étendre leur influence au-delà de leurs eaux.

Malgré leur coopération navale croissante, la Chine et la Russie font preuve de prudence en raison de tensions sous-jacentes sur le transfert de technologie et l’autonomie stratégique, qui les empêchent de s’engager pleinement dans une alliance formelle.

Dans un article de juin 2022 pour Trends Research & Advisory, Ash Rossiter mentionne que la Russie est préoccupée par la rétro-ingénierie de son équipement militaire par la Chine. Rossiter a déclaré que la Russie restait méfiante quant à la capacité de la Chine à copier sa technologie, réduisant ses ventes d’armes et potentiellement les surpassant.

Par exemple, il mentionne que le sous-marin chinois de classe Yuan, qui a été vendu au Pakistan, contenait sans aucun doute des éléments du sous-marin russe de classe Kilo.

Il note que cette dynamique complique le partenariat stratégique entre la Chine et la Russie, car la Russie doit concilier les avantages de la coopération et les inconvénients potentiels à long terme de l’autonomisation d’une Chine technologiquement compétitive.

Elizabeth Wishnick mentionne dans un article d’octobre 2022 de l’Institut d’études aérospatiales de Chine (CASI) que, malgré la rhétorique périodique sur des liens plus étroits, les responsables chinois et russes ont évité une alliance à part entière, craignant les limites qu’une telle relation pourrait imposer à leur autonomie stratégique.

Selon M. Wishnick, cette ambiguïté est renforcée par des points de vue divergents au sein de chaque pays sur les avantages d’une alliance officielle. Elle souligne que la Chine met l’accent sur « les partenariats plutôt que les alliances » dans ses documents officiels. Bien que la Russie se fasse l’écho de ce sentiment, note Wishnick, elle a parfois fait allusion à la possibilité d’une coopération plus approfondie.

Elle souligne que la collaboration stratégique entre la Chine et la Russie est dynamique mais prudente, évitant une alliance officielle pour sauvegarder l’autonomie stratégique de chaque nation.

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