Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Odessa serre les dents, mais n’ira pas jusqu’à l’émeute suicidaire

La semaine dernière j’ai rencontré deux hommes d’une quarantaine d’années, j’ai cru reconnaitre la langue russe, je les ai interpellés : d’où venaient-ils ? D’Odessa et ils ont ajouté dans un français relativement correct que cette ville ressemblait beaucoup à Marseille, ici ils se sentaient chez eux. Comme je connais Odessa, nous avons entamé la conversation après que je me sois étonnée de ne pas les voir sur le front pour y défendre la patrie ukrainienne… Ils ont rapidement compris que je ne me faisais pas d’illusion et ils ont confirmé fuir les combats, ceux-ci étaient menés par un oligarque comme Zelensky, un juif ont-ils précisé sans véritable antipathie mais sans illusion à la manière de Babel et des “contes d’Odessa”. On n’allait pas se faire trouer la peau pour un type qui pense d’abord à lui et qui escroque tout le monde. Odessa est russe tout le monde le sait mais Odessa ce n’est pas le Donbass, ces mineurs, ces taiseux qui se feront tuer pour défendre la patrie russe. Eux ils n’en pensent pas moins mais ils savent à qui ils ont affaire… Alors ils sont à Marseille où on pratique aussi l’art de la survie. Merci à Marianne grâce à qui ce blog peut dire la réalité celle des peuples qui sont un mélange d’héroïsme et d’une sorte de sagesse comme sait si bien les décrire Brecht. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/society/article/433186/

Texte : Dmitri Rodionov

Une habitante d’Odessa, arrêtée pour avoir accroché un drapeau russe au piédestal du monument démoli à la mémoire de Catherine II, est décédée dans le centre de détention provisoire local. Il n’y a pas encore d’information officielle.

« Cette jeune femme de la vidéo, selon des informations non confirmées, est décédée dans le centre de détention provisoire d’Odessa. La version officielle des forces de l’ordre fait état d’une mort par insuffisance cardiaque. En fait, après son arrestation et son transfert au centre de détention, elle a tout simplement été tuée » , a écrit Oleg Tsarev, ancien député de la Verkhovna Rada d’Ukraine et ancien président du parlement de Novorossiya, sur sa chaîne Telegram.

Selon ses informations, la femme s’appelle Elena Chesakova, elle vient de la ville de Beryozovka dans la région d’Odessa et a participé à l’« Anti-Maidan » à Odessa. M. Tsarev a néanmoins exprimé l’espoir que la femme soit en vie et, en cas de décès, il a promis d’identifier toutes les personnes impliquées.

S’il s’agit bien d’un meurtre, il est peu probable que nous obtenions une confirmation officielle de la part des autorités ukrainiennes. Il y avait une personne, puis elle a disparu. Nous ne savons pas, nous ne l’avons pas vue. Il faut bien comprendre que la communauté internationale et les défenseurs des droits de l’homme, qui aiment tant crier au monde entier l’oppression des « prisonniers politiques » en Russie, ne remarqueront pas cette histoire.

Elle est pourtant révélatrice. Tout d’abord, elle démontre que tous les habitants d’Odessa n’ont pas accepté le régime d’occupation mis en place par les autorités de Kiev et sont prêts à résister, même après les événements tragiques du 2 mai 2014. Lorsque, semble-t-il, la résistance a été complètement étouffée.

Deuxièmement, il est révélateur que le régime n’hésite plus à tuer ses opposants au grand jour (les décès dans les centres de détention provisoire ne peuvent plus être imputés à des « activistes » inconnus), ce qui signifie qu’ils ont soit complètement perdu les pédales, croyant en leur impunité, soit qu’ils ont une peur bleue des gens qui pourraient un jour venir les balayer.

– Il n’y a toujours pas d’informations exactes sur la mort de la femme désespérée d’Odessa qui a accroché le drapeau tricolore russe, mais il est tout à fait possible qu’elle ait été tuée dans le centre de détention provisoire d’Odessa », déclare Larisa Shesler, présidente de l’Union des émigrés politiques et des prisonniers politiques d’Ukraine.

– Mais même si cette femme a été assassinée, les autorités ukrainiennes ne craindront aucune indignation, tant dans l’opinion publique mondiale qu’à l’intérieur du pays.

Cette information sera noyée dans l’énorme bruit d’information diffusé par les médias ukrainiens.

SP : Dans le monde, bien sûr, personne ne le remarquera ? Comme d’autres meurtres politiques et des milliers de prisonniers politiques en Ukraine ?

– Nous pouvons clairement voir comment l’ONU et les militants occidentaux des droits de l’homme couvrent avec diligence toutes les informations sur la monstrueuse répression politique qui a englouti l’Ukraine.

Personne en Occident n’écrit ou ne parle du fait qu’environ 30 % de tous les prisonniers en Ukraine sont des personnes accusées de délits politiques.

Personne en Occident ne dit ou n’écrit que 90 % de toutes les personnes condamnées au titre de l’article « justification de l’agression russe » ont été condamnées pour des commentaires et des « likes » sur les réseaux sociaux, que les articles politiques entraînent la confiscation des biens.

C’est pourquoi je suis sûre que la mort (si elle est vraie) de cette Odessite dans le centre de détention provisoire ne fera pas irruption dans le champ d’information de l’Europe et de tout l’Occident.

SP : A votre avis, qu’est-ce qui a dicté l’acte de cette femme ? Le désespoir ? Ou au contraire le désir de montrer que les habitants d’Odessa sont prêts à résister ? A-t-elle mesuré les conséquences de son geste ?

– Il nous est difficile d’imaginer la forte pression de la russophobie et du déni de l’histoire russe que subissent aujourd’hui les habitants du sud-est de l’Ukraine, régions traditionnellement russes.

Cette pression provoque le désespoir, la douleur et l’envie de leur dire en face tout ce qui s’est accumulé. Je pense que son acte n’est pas une démonstration de la volonté de résistance des habitants d’Odessa, mais une démonstration de l’attitude des habitants d’Odessa face à cette politique néfaste des autorités.

SP : À votre avis, combien d’habitants d’Odessa ont soutenu son acte ? Même si ce n’est pas publiquement… Y en a-t-il qui sont prêts à la soutenir publiquement ?

– Nous savons tous que la majorité des habitants d’Odessa sont liés à la Russie et ont des liens familiaux et mentaux avec elle. Naturellement, ils ont une attitude très négative à l’égard de la politique d’ukrainisation grossière, qui efface les noms et l’histoire de la ville.

Des milliers de personnes partagent dans leur cœur les paroles et les actions de cette femme d’Odessa, mais nous ne devrions pas attendre des gens qu’ils commettent un suicide collectif au nom de leur position politique.

SP : Peut-on dire qu’Odessa est en train de surmonter les conséquences du traumatisme du 2 mai ou les gens sont-ils encore plus terrorisés ? Combien de temps faudra-t-il et que devrait-il se passer pour qu’Odessa se révolte ? Ou bien ces émeutes solitaires sont-elles la seule chose à laquelle on puisse s’attendre ?

– Il me semble cruel et ridicule d’attendre un quelconque soulèvement ou une révolte de masse de la part des habitants d’Odessa, tout comme des habitants de Kharkov ou de Nikolaev.

Des millions de prisonniers de guerre soviétiques se trouvaient dans les camps de concentration d’Hitler, mais Moscou ne s’attendait pas à ce qu’ils se révoltent à Sachsenhausen ou à Buchenwald.

Les habitants d’Odessa, de Kharkiv, de Kiev ou de Nikolaev vivent sous une pression terrible, le niveau de répression politique n’a pas de précédent dans l’Europe moderne.

Des personnes sont emprisonnées et condamnées à de lourdes peines avec confiscation pour une conversation téléphonique sur écoute, pour des félicitations à l’occasion de l’anniversaire d’une fête soviétique, pour un ruban de Saint-Georges trouvé par hasard dans le coffre de la voiture.

Avec les moyens numériques d’écoute et de surveillance d’aujourd’hui, il est en principe impossible d’organiser une action publique, un piquet ou une manifestation sans que des personnes soient saisies bien avant la tenue du piquet de grève, dès le stade de la discussion.

Les pays d’Europe ont été libérés de l’occupation hitlérienne non pas par des soulèvements de partisans, mais en brisant la Wehrmacht allemande. Il n’y a pas d’autre moyen dans l’histoire du fascisme ukrainien.

– Il n’y a aucune preuve que la femme d’Odessa qui a brandi le drapeau russe ait été réellement tuée », déclare Valentin Filippov, un habitant d’Odessa.

– Il me semble que dans cette situation, c’est peu probable. Les rumeurs varient, mais la version la plus probable est que la femme sera déclarée folle et envoyée en traitement obligatoire. Peut-être sera-t-elle condamnée à 5-7 ans de prison.

SP : S’agissait-il d’une « émeute solitaire » ou de « l’expression d’une opinion collective » ?

– C’était la révolte d’un individu exprimant une opinion collective. Je dirais que c’était une émeute solitaire. Ses nerfs avaient lâché. L’opinion de cette femme est partagée par la majorité.

Mais ce n’est pas seulement la peur, c’est l’inutilité d’exprimer une opinion. Elle mènera à la prison ou à la tombe sans aucun bénéfice. C’est ce dont les habitants d’Odessa ont été bien souvent convaincus.

SP : L’« ombre du 2 mai » plane-t-elle toujours sur Odessa ?

– En fait, il n’y a pas d’« ombre du 2 mai » qui plane sur les habitants d’Odessa. Le 2 mai, dans ces conditions, est un événement du passé, sur lequel se superpose une nouvelle réalité cauchemardesque. Les gens ne sont pas intimidés, ils ont simplement certaines réactions. Elles sont basées sur l’instinct de conservation.

SP : On sait que beaucoup d’Odessites normaux ont été forcés de partir, mais beaucoup d’Ukrainiens occidentaux sont arrivés. Dans quelle mesure pensez-vous que cela a modifié l’équilibre des forces dans la ville ? Notre peuple est-il toujours majoritaire ou non ? Ou bien la majorité est-elle, comme d’habitude, « silencieuse », des gens qui ne se soucient pas du type de pouvoir qu’ils subissent ?

– De nombreux occupants se sont en effet installés dans la ville. Il ne s’agit pas d’une figure de style. Il y a toujours eu beaucoup de nouveaux arrivants à Odessa. Mais cette nouvelle vague des dix dernières années se comporte comme un contingent d’occupation.

Si, auparavant, les gens se rendaient à Odessa pour faire partie de cette ville-phénomène, aujourd’hui, Odessa est considérée comme un espace conquis, qui doit être refait pour eux, pour leurs idées sur le monde.

Cela ne change en rien la situation sociologique… Comme toujours, nous sommes plus nombreux… Ils n’ont tout simplement pas de point de rassemblement, ils n’ont personne derrière eux, et toute expression d’opinion est dangereuse pour eux.

Les nazis eux-mêmes pensent qu’« il y a plus de 60% de Moskals à Odessa ». Je pense que ce serait plus proche de 80 %.

Et la « majorité silencieuse »… elle est toujours majoritaire. Dans toutes les communautés. Les gens en général sont comme ça. C’est peut-être pour ça que l’humanité ne s’est pas encore autodétruite.

Ces gens, qui forment la majorité, pensent qu’il est plus important de sauver leur khata [maison ukrainienne, NdT] que d’exprimer une opinion… C’est pourquoi toutes nos khatas n’ont pas encore brûlé.

Dernière minute :

https://ria.ru/20241014/odessa-1978041350.html

23h10 14.10.2024

MOSCOU, 14 octobre – RIA Novosti. Elena Chesakova, qui a tenté d’accrocher un drapeau russe sur le piédestal de la statue (détruite) de Catherine II à Odessa, est assignée à résidence, a déclaré sa mère Nadezhda Chesakova dans un commentaire publié sur la chaîne Telegram de RT.
« Lena est chez elle, mais elle n’a pas le droit de sortir. <…> Elle est assignée à résidence jusqu’au procès. Il y aura encore un procès. Nous essayons de la faire sortir d’une manière ou d’une autre. Nous verrons ce que cela donnera pour nous », a-t-elle déclaré.

Selon la femme, l’avocat a exhorté sa fille à s’excuser et à déclarer qu’elle avait changé d’avis.

« Elle a dit à l’avocat : « Je ne change pas d’avis. Ce que j’ai dit – je continuerai à le dire. L’avocat a répondu : « Alors ce sera très difficile » », a ajouté la mère de Mme Chesakova.
Elle a précisé que sa famille était originaire de Perm.
« Nous sommes tous originaires de Russie et le destin nous a amenés en Ukraine. Mais au fond, nous sommes tous des Russes », a-t-elle ajouté.
Lundi dernier, le quotidien ukrainien Strana.ua a écrit qu’une femme d’Odessa avait tenté d’accrocher un drapeau russe au piédestal du monument démoli de la Grande Catherine. Le lendemain, une procédure pénale a été ouverte à son encontre. Les actions de la femme ont été qualifiées de « justification, reconnaissance de la légalité et déni de l’agression armée de la Russie ». Après l’incident, le maire d’Odessa, Gennady Trukhanov, a annoncé le déploiement d’une patrouille près du piédestal.
Le démantèlement des monuments associés à l’histoire soviétique, ainsi que le changement de nom des rues, ont commencé en Ukraine en 2015, lorsque le pays a adopté une loi sur la « décommunisation ». Récemment, les autorités de Kiev ont commencé à lutter non seulement contre l’histoire soviétique, mais aussi contre tout ce qui est lié à la Russie.

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