Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Guennadi Ziouganov parle de la rentrée des classes

Il y a des choses auxquelles ici dans ce site qu’est Histoireetsociete, nous ne pouvons pas nous résigner: la première est la manière dont on détruit le système éducatif en France et comment on ignore l’apport incontournable du programme de la résistance et des enseignants communistes dans ces réalisations. Nier ou ignorer cet apport et y compris ce qu’il doit à l’expérience de l’URSS, qui elle-même s’inspire des “communards”, c’est se résigner à l’insoutenable situation actuelle. Parce qu’au-delà du cirque politicien, c’est ce genre de mémoire qui est détruite et c’est l’intervention populaire que l’on brise. Ziouganov, le dirigeant du KPRF (héritier d’une dynastie d’enseignants) n’a jamais cessé de se battre pour que l’héritage de l’URSS soit vivant et pour exiger un enseignement de haut niveau qu’il nous décrit ici non sans humour. L’autre indignation est le refus d’accepter que le PCF, sa section internationale, sa presse organise la censure sur les combats des communistes russes allant jusqu’à nous infliger systématiquement les article pro-Otan de Vadim Kamenka et l’incroyable prestation sur “où va la Russie?” de Clémentine Fauconnier à l’université d’été… comme s’il n’existait pas en Russie aujourd’hui sur les Brics, sur l’OTAN, contre les oligarques, un parti communiste qui va aux prochaines élections de dimanche affronter la popularité du “commandant en chef” qu’est Poutine, en continuant à exiger d’autres orientations. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

https://kprf.ru/party-live/cknews/228516.html

Entretien avec le journaliste Alexandre Gamov de « Komsomolskaya Pravda »

…- Gennady Andreevich, c’était le dimanche 1er septembre. Les enfants allaient à l’école, et les adultes, bien sûr, seulement le 2. Nous nous demandons comment s’est déroulée la rentrée scolaire pour vous personnellement. Après tout, vous êtes avant tout un enseignant, un représentant de la dynastie familiale des enseignants….

– Oui, nous avons dix enseignants dans notre famille, notre expérience totale dépasse les 350 ans.

C’est la principale fête pour nous, avec le Nouvel An, le 1er mai, le 7 novembre et le Jour de la Victoire.

Nous achetions toujours des livres la veille du 1er septembre et les distribuions aux élèves de CP.

Je me souviens de mon enfance, lorsque, avec mon père, j’étalais les manuels sur les bureaux. Ils sentaient la merveilleuse encre d’imprimerie, avec des belles photos, des images intéressantes….

Il est probable que ce sentiment demeure toute la vie de chaque personne qui a franchi pour la première fois le seuil de l’école.

– Oui, tout à fait !

– D’une manière générale, même si le dimanche tombait le 1er septembre, je faisais classe quand même. D’ailleurs, les parents seraient heureux de venir avec leurs enfants. J’ajouterais ce jour de congé à la semaine suivante.

– Etes-vous allé à l’école aujourd’hui ?

– Oui – à Moscou, l’école № 950. C’est dans le district d’Otradnoe.

L’école est très grande, près de 4000 élèves [L’école en Russie va du CP à la Terminale, NdT]. Il y a beaucoup d’élèves de première et de terminale.

– Y a-t-il eu un rassemblement dans la cour ?

– Oui. Ensuite, j’ai donné une « leçon de courage. Pour notre victoire ». J’ai parlé aux lycéens dans la salle des fêtes de l’école.

– Comment les enfants vous ont-ils accueilli ?

– Je dois dire qu’il y a eu beaucoup d’intérêt. Les lycéens comprennent déjà ce qui se passe, ils ont envie de choisir un chemin digne dans cette vie.

J’ai également parlé à des élèves de CP….

– Sérieux ?

– J’ai essayé de leur expliquer qu’ils commençaient une vie complètement nouvelle. Ils trouveront certainement à l’école, tout d’abord, leurs amis les plus loyaux, les plus fiables et les plus désintéressés. Plus tard, ils en comprendront le prix.

Et la première maîtresse d’école est comme une deuxième maman, elle va enseigner, raconter, éduquer. Après tout, un enfant doit savoir lire, écrire, courir, sauter et nager. Il doit être un athlète multisports.

– Vous avez enseigné vous-même…

– Oui – la physique, la littérature…

Et à la faculté où l’on forme les instituteurs. Et je dois dire que ce sont des gens très talentueux, généralement des femmes.

Pour devenir instituteur, il faut connaître la langue russe, la littérature, les mathématiques et être très doué.

Il faut aussi être un professeur d’éducation physique, de musique et de dessin, c’est-à-dire un universaliste de haut niveau. Il faut aussi comprendre la psychologie de l’enfant. Lorsque les garçons et les filles viennent pour la première fois, l’enseignant doit pouvoir parler leur langue. Et – créer une atmosphère telle que l’enfant se rende à l’école avec beaucoup de plaisir et de joie, et qu’il reparte chez ses parents – fier d’avoir acquis chaque fois de nouvelles connaissances, de s’ouvrir à un monde merveilleux.

En pensant à cela, j’ai regardé aujourd’hui les élèves de CP et je me suis réjoui. Ils sont tous venus avec des fleurs. Les élèves de Terminale ont pris les enfants avec eux et les ont emmenés dans leurs classes. C’est une bonne tradition qui a pris racine depuis l’époque soviétique et qui est mise en œuvre aujourd’hui.

– Que manque-t-il à notre école aujourd’hui ?

– Il est très important d’avoir des enseignants talentueux. Tout d’abord, en langue russe, en mathématiques, en littérature, en physique, en chimie et en biologie.

N’oublions pas non plus que la quasi-totalité des découvertes exceptionnelles ont été faites sur la base des sciences exactes au cours des 200 dernières années. Et là, même à Moscou, il y a déjà des problèmes. Les réformes de l’enseignement ont conduit à cette école « Baba Yaga » [jeu de mot intraduisible sur le nom de l’examen de fin d’étude – qui n’existait pas à l’époque soviétique – à base principalement de QCM, NdT] et américanisée, qui n’a pas besoin de personnes au développement harmonieux et à la pensée systématique.

Nous avions près d’une centaine d’universités pédagogiques dans tout le pays. Beaucoup d’entre elles ont été rattachées à des universités. En conséquence, nous avons anémié l’école.

Aujourd’hui, il est très difficile de trouver un bon professeur de mathématiques, de physique ou de chimie, un biologiste talentueux ou un littérateur. Ou des historiens, en général.

Nous devrons travailler ici, et ce n’est pas par hasard que nous avons élaboré la loi « Éducation pour tous ». Ses fondements ont été préparés par notre lauréat du prix Nobel, Alferov, et aussi Melnikov, Kashin, Afonin, Novikov, Smolin, Ostanina.

Dans notre Douma, la moitié des députés ont travaillé dans des écoles et des universités, et une personne sur trois est un scientifique.

J’en ai parlé aujourd’hui, d’ailleurs, et les enfants m’ont écouté avec plaisir, se rendant compte que nous parlions la même langue.

– Vous leur avez donné des exemples de votre vie scolaire ?

– Bien sûr ! Je leur ai dit que c’est ma mère qui m’a enseigné pendant les quatre premières années. Elle m’a dit : « Je serai ton professeur ». A l’école, je suis Marfa Petrovna pour toi, quand tu rentres à la maison, je suis maman.

– C’est très intéressant !

– La seule fois où j’ai oublié en 4 ans, j’ai accidentellement dit en classe : « Maman », et toute la classe s’est mise à rire.

Et j’ai aussi eu un cas très curieux. Je voulais avoir un A. Eh bien, comme n’importe quel garçon. J’ai appris le poème par cœur, je l’ai récité, tout allait bien. Mon voisin a eu un A, mais j’ai eu un B+.

J’ai décidé de « régler les choses » à la maison. J’ai dit : « Maman, comment ça se fait ? J’ai répondu aussi bien que l’autre. (Ma mère m’a regardé très attentivement et m’a dit : « Ma tâche est de t’apprendre à travailler, à aimer les gens et tous les êtres vivants. À partir de la cinquième année, tu seras un excellent élève ». Dès le CM2 (après l’école primaire – A.G.), je suis devenu un excellent élève et j’ai terminé l’école avec une médaille.

Aujourd’hui, je regarde, il y a beaucoup de professeurs talentueux dans cette école. Mais la meilleure chose que l’humanité ait inventée, c’est l’éducation gratuite. Et la première fois que la planète a montré qu’il fallait enseigner gratuitement, c’était le génie Confucius, il y a deux mille cinq cents ans. Un enfant de n’importe quelle province de Chine venait le voir, il lui enseignait gratuitement et le nourrissait. Il pensait que c’était rentable.

L’enseignement n’est pas une faveur. C’est un bien public. Et s’il y a des enfants talentueux, intelligents et bien éduqués, alors il y aura des travailleurs exceptionnels, des ingénieurs, des commandants talentueux et des soldats patriotes.

Et maintenant, pour vous, une dernière chose, pour que vous, Sash, compreniez.

Lorsque l’on a interrogé les généraux nazis qui ont perdu la Grande Guerre patriotique, leur réponse m’a frappé. Ils ont dit (je l’ai lu moi-même) : « Nous savions combien de chars, d’avions, de canons, combien de soldats vous aviez. Mais nous ne soupçonnions même pas que l’école soviétique, l’enseignant soviétique, pendant dix ans avant la guerre, avait préparé des soldats et des commandants aussi courageux, intelligents, disciplinés et en même temps très intrépides et talentueux. Et nous avons surtout perdu à cause des enseignants soviétiques, des ingénieurs soviétique et des scientifiques soviétiques ».

– Fantastique ! Merci beaucoup, camarade secrétaire général !

– Bonne année scolaire à tous !

– Hourra !

– Et une bonne anecdote pour vous en guise d’apéritif.

– Allez, on y va !

* * *

Une anecdote de Ziouganov.

Une mère réveille son fils le 1er septembre : « Mon fils, cours, cours à l’école, à l’école, à l’école ! ».

Il répond : « Je ne veux pas aller dans cette école, avec ces tests débiles, avec cette Baba Yaga, avec les cours à distance. Toi, maman, donne-moi une raison pour laquelle je devrais aller dans cette école. »

Elle dit : « Je vais t’en donner deux. Premièrement, tu as 40 ans et deuxièmement, tu es le directeur de l’école ».

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1 Commentaire

  • Franck Marsal
    Franck Marsal

    Je partage un commentaire d’un collègue, le jour de la rentrée : avec un gouvernement démissionnaire, cette rentrée est finalement nettement plus sereine que celle de l’an passée qui avait été gravement polluée par les polémiques et le chaos créé par Gabriel Attal autour des fameuses abayas.
    J’ai trouvé cette remarque tout à fait juste, et on se rend compte a quel point ces gens sont nuisibles dès qu’ils se taisent un peu. J’ajoute que par contre, c’est très inquiétant au niveau des profs manquants, plusieurs dans la plupart des collèges…

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