Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les deux manières de traiter de Lénine épistémologue

J’ai dans un précédent compte-rendu sur un débat philosophique, mené durant l’université d’été du PCF de 2024 à propos de l’intervention d’un philosophe “Conscience de classe : un silence de Politzer ?” par Jean-Michel Galano, philosophe – j’ai noté que ce qui s’était passé dans le cadre de cette conférence relevait de deux types de critique : la première en considérant que nous ne sommes pas à l’université mais dans une “Université d’été du PC, dans laquelle des militants tentent d’acquérir un savoir qui leur permet de comprendre le monde pour le transformer est nécessairement un débat sur les enjeux philosophico-politiques. Derrière le cas Politzer, il y avait à ce titre une réflexion sous-jacente à savoir la manière dont un intellectuel brillant devient le servant d’une téléologie politique, celle d’un parti et au-delà la relation de Lénine à la connaissance, Lénine épistémologue. Le seul enjeu était là, dénoncer un faux marxisme asservissant la pensée à des buts politiques aliénants. Parce que comme nous l’avons noté, au-delà de Politzer d’une certaine “vulgarisation” du marxisme qui était critiquée, il y a aussi le Léninisme en ce qu’il annoncerait selon certains le stalinisme, Mao, et de fait toutes les expériences socialistes supposées donc ennemies de la science. Ce “procès”, lors de l’Université d’été du PCF – était sous-jacent y compris comme réponse à la demande de théorie des militants, et il méritait un débat “politique”…

Il y avait donc de ce fait deux manières d’aborder le contenu de cette conférence, la première que j’avais choisie était d’affronter le procès sous-jacent et d’en situer les enjeux non dans l’éternité mais bien dans le contexte politique actuel, dans lequel domine le capital et sa fascisation, son bellicisme avec la transformation de toute réalité socialiste en dictature, la violence d’un négationnisme qui n’a rien de scientifique et qui est une terrible contrainte pour la pensée. Il s’agit alors comme je l’ai esquissé de confronter la thèse philosophique avec le mouvement du réel y compris la réalité de l’apport des expériences socialistes, URSS et Chine au développement scientifique hier et plus encore aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il s’agit de sortir de la philosophie, outre ce bilan réaliste des avancées de sciences et d’éducation sous le socialisme réel, il convient également de noter à quel point cette dénonciation de la soumission de la science au “stalinisme” s’accommode aisément de la censure totale, y compris dans la presse communiste, de toute pensée critique visant à faire connaitre les dites expériences socialistes. De ce point de vue j’ose affirmer que l’on a rarement vu manière plus primitive, plus éhontée d’utiliser la philosophie, la théorie y compris celle de Paul Boccara par l’eurocommunisme et ses successeurs actuels comme l’instrument d’une répression s’appuyant sur un consensus a-théorique du capitalisme à son stade impérialiste et dans la débâcle théorique et intellectuelle qui est la sienne. De ce point de vue on peut accuser les organisateurs de cette université d’été d’avoir tenté de poursuivre cette entreprise de répression et de censure des savoirs qui a culminé dans l’intervention ignare et manipulatrice de Clémentine Fauconnier du dernier jour de l’université d’été. Cela ne peut et ne doit être toléré.

On ne peut pas non plus ignorer que la référence à “la théorie du reflet” a toujours été le signe du déclenchement d’une telle opération de censure et de répression comme celle que nous vivons depuis au minimum trente ans. Cette censure telle qu’elle s’exerce au sein du PCF, de sa presse est une censure mondaine, totalement arbitraire et diffamatoire qui de fait ne trouve ses justifications que dans le consensus bourgeois de ce qui est ou non “admissible”, elle est l’exact pendant de l’aspect libertarien qui permet tout à condition que cela génère du profit.

Cette censure est aussi celle qui réduit dans un espace de plus en plus marginal à l’université comme dans les médias, le débat nécessaire sur l’épistémologie et le Marxisme, l’histoire et la nature… heureusement qu’il existe des éditions comme Delga qui ont le courage de s’inscrire a contrario et dans ce cadre nous vous présentons une réflexion sur Lénine épistémologue qui ouvre le débat au niveau où le méritent les réflexions de Jean-Michel Galano. Grace à ceux qui ont eu le courage d’affirmer l’actualité du marxisme, il y a eu aussi des réfutations épistémologiques comme celle de Lilian Truchon qui a repris Lénine dans le cadre de la tradition philosophique à partir de Materialisme et Empiriocriticisme (1909) et a écrit un livre paru chez Delga et dont cet article résume le fond de la démonstration.

Sortir de l’aporie du matérialisme marxien


Lilian TRUCHON
Septembre 2017
Résultat de plusieurs années de recherche sur le matérialisme marxien, cet article part du constat inédit d’une aporie dans le matérialisme originel de Marx et de ses continuateurs dont Lénine fut un représentant éminent. Dans le marxisme, la « sortie de la philosophie » cohabite avec la conception du matérialisme historique comme « philosophie scientifique ». Avec comme fil conducteur la constitution d’un matérialisme intégral, je propose une voie de dépassement de ce conflit théorique interne.
Mots-clé : matérialisme, philosophie, science, Patrick Tort.
Matérialisme et empiriocriticisme
Publié en 1909, Matérialisme et empiriocriticisme de Lénine est un ouvrage traitant de la théorie de la connaissance qui paraît être sans équivalent dans toute la pensée marxiste. Dans Lénine épistémologue (Delga, 2013)1, j’ai voulu montrer la cohérence de la pensée que développe Lénine dans sa défense du matérialisme et, corrélativement, le caractère infondé des critiques adressées habituellement aux thèses de son livre. On reproche à Lénine une adhésion à la théorie du reflet qui se réduirait à la défense d’un « réalisme naïf », et serait ainsi l’héritière d’une philosophie pré-critique remontant au moins jusqu’au réalisme
aristotélico-thomiste. À ce titre, Lénine postulerait que le sujet cognitif, dans l’oubli de sa propre subjectivité, peut « refléter » ou « copier » complètement la réalité. Puisque Lénine prétendrait aussi qu’il existe une « chose en soi » connaissable, il défendrait dès lors une métaphysique essentialiste revenant à fétichiser une «matière » supposée exister objectivement et indépendamment des conventions et des enjeux sociaux qui conditionnent pourtant la représentation de celle-ci.
Or, à l’évidence, à la suite de Marx2, Lénine décrit un processus cognitif rationnel qui n’oublie ni l’objet (le reflété) ni le sujet (le reflétant) mais pense les deux en quelque sorte comme une unité des opposés. Pour lui, l’antériorité de l’être sur la pensée exclut toute possibilité de connaître a priori et d’une façon absolue la réalité matérielle. Le sujet cognitif doit s’affranchir délibérément de tout élément de spiritualisme et de toute idée de transcendance.
Par un effort de la raison, il fait abstraction de sa subjectivité en pratiquant une sorte d’une épochè, mais qui ne renoncerait pas à tout jugement a posteriori, ou encore une sorte d’« acatalepsie » réaliste qui exclurait la « projection intentionnalisante » 3 à quoi se réduit primitivement le finalisme.
Selon cette perspective, la connaissance objective doit être comprise comme l’analogue d’un processus asymptotique. En 1915, Lénine reprendra ce modèle, exposé initialement dans son ouvrage de 1909, décrivant une courbe de la connaissance humaine qui n’est pas une ligne droite, mais « une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale4». Dans le cadre de cette modélisation du savoir, il ne faut pas omettre que la droite asymptotique est en extension indéfinie puisque le temps et l’espace sont des formes nécessaires, coextensives de la matière, laquelle par conséquent ne peut être comprise que relativement à celles-ci. En bref, la matière est en perpétuel développement. Lénine conjugue
ainsi la relativité de la connaissance (sans tomber dans le scepticisme et le relativisme philosophiques puisque, dit-il, la vérité absolue représente la somme des vérités relatives) à une ontologie de l’imparfait qui s’accorde avec l’idée même d’évolution naturelle (car comme le rappelle de nos jours Patrick Tort, s’il y a évolution, c’est parce que la nature est souverainement imparfaite5). Finalement, la pseudo-sphère semble être le modèle géométrique le plus achevé pour décrire cette théorie de la connaissance6. Ce schème cognitif est le seul qui convienne véritablement à « l’unique méthode matérialiste, et donc scientifique » que reconnaissait Marx : non pas celle qui étudie des choses figées ou leurs concepts (selon un mode de pensée propre à la philosophie), mais celle qui dit la vérité matérielle des processus en examinant le « procès historique » de toutes choses, retraçant ainsi leur genèse et leur développement7. Ce continuisme matérialiste est donc la condition de possibilité de toute connaissance objective.

Une sortie de la philosophie

Les thèses de Lénine relient ainsi gnoséologie « réaliste » et ontologie « matérialiste » en affirmant l’unité des savoirs comme reflet de l’unité matérielle du monde. Dans ce cadre, Lénine défend la validité du matérialisme d’« en bas » (celui des sciences de la nature et de ses récentes découvertes en physique et en biologie), socle nécessaire au matérialisme d’« en haut » (historico-social). Cette démarche visant à constituer un matérialisme intégral rejoint le rêve de Marx dans L’Idéologie allemande (1846) – celui d’élaborer une théorie unitaire des processus immanents dans la nature et la société. Marx annonce ainsi : « Nous ne connaissons qu’une seule science, celle de l’histoire. L’histoire peut être examinée sous deux aspects : on peut la scinder en histoire de la nature et histoire des hommes. Les deux aspects ne sont pas séparables 8. » Cette idée d’une seule science n’est cependant pas réductionniste puisqu’elle n’est jamais portée à confondre les deux ordres, celui de l’histoire de la nature et celui des sociétés humaines. Il s’agit plutôt d’établir la connexion nécessaire entre ces deux sphères. Puisque, loin du relativisme sociologique, les « lois naturelles ne peuvent pas être supprimées absolument »9 , ce que l’on peut nommer « l’ordre des processus » doit être
respecté : « l’Homme historique n’ayant pas pour autant cessé d’être un organisme l’évolution englobe ou inclut l’histoire, et […] cette relation […] n’est pas inversable10. » En vertu de cela, Engels soulignera la successivité logique et scientifique des théories respectives de Darwin et de Marx11. En effet, lorsque Marx lit l’œuvre du naturaliste anglais, il le salue pour avoir démontré l’historicité de la nature. Darwin aurait ainsi, par l’autre bout (les sciences de la nature), porté un coup mortel à la téléologie12 ainsi qu’au fixisme, dont était jusque-là tributaire un certain « matérialisme abstrait13 ». Le naturalisme darwinien apparaît donc comme un complément à la sociologie matérialiste des deux révolutionnaires allemands, en tant que fondement historico-naturel nécessaire. Par conséquent, la célèbre sentence selon laquelle « l’essence humaine » est dans sa réalité effective « l’ensemble des rapports sociaux14 » doit être complétée par un ancrage naturaliste, introuvable chez Marx lorsqu’il rédige en 1845 cette 6e thèse sur Feuerbach, mais que Darwin fournit en 1859.
La primauté ontologique de l’être sur la pensée sociale à laquelle renvoie l’ordre des processus n’ignore pas le « conditionnement réciproque » 15 de l’histoire de la nature et de l’histoire des hommes dont parlait Marx. Sur ce plan, également, il y a compatibilité du marxisme avec le darwinisme. Encore faut-il pour comprendre, en suivant les explications de P. Tort, que chez Darwin, contrairement à une interprétation platement continuiste et sociobiologiste des rapports entre la nature et la culture, « la civilisation ne peut se définir que comme l’inversion continue du mécanisme sélectif qui l’a toutefois, évolutivement, précédée et produite » ; «L’espèce humaine doit en effet à son développement cérébral, lié lui-même à son fort degré de socialité, d’être la seule espèce vivante à pouvoir transformer son milieu en adjuvant de survie, ce qui renverse la logique sélective de l’adaptation au profit d’une évolution gouvernée principalement par l’instance rationnelle»16.
L’Étape de l’humanité parvenue à la maturité dans son projet prométhéen de conquête de la nature, le matérialisme dont il est question « se confond historiquement, de fait, avec l’élaboration de la science moderne17 » se libérant progressivement des dogmes de l’Inconnaissable et des Vérités révélées. Francis Bacon fait office de pionnier en tant que « […] véritable ancêtre du matérialisme anglais et de toute science expérimentale moderne18». Ce matérialisme implique le fait de reconnaître son caractère résolument moniste et conduit logiquement Marx à résoudre la différence science/philosophie en proclamant la nécessité de «quitte[r] le terrain de la philosophie19 » en raison de sa valeur foncièrement spéculative et idéaliste. Il n’y a pas de philosophie de la lutte des classes telle que le proposaient en Allemagne du temps du Manifeste du parti communiste (1848) les partisans du « socialisme vrai » et de « la philosophie de l’action ». Georges Labica rappellera que cette critique radicale de la philosophie, celle-ci n’étant plus qu’idéologie, i.e. usurpation et dévoiement de l’histoire, a rendu possible les énoncés de la science de l’histoire (le matérialisme historique), eux-mêmes produits à travers la « critique de l’économie politique », à laquelle Marx allait consacrer le reste de la sa vie20. En bref, « pour un marxiste, pas de philosophie » 21

Dans ce sens, la philosophie, dont fait partie l’ancien matérialisme critiquée dans les thèses sur Feuerbach par Marx, est une activité de pensée forcément contemplative, spéculative. En1888, Engels reprendra expressément le programme marxien de la « sortie » (en allemand : Ausgang)

Avec Hegel, dit-il, se termine la philosophie et s’ouvre un chemin, hors du « labyrinthe des systèmes », menant « à la véritable connaissance positive du monde23 ». C’est par le biais des textes d’Engels publiés dans le dernier quart du XIXe siècle que les marxiste (qui n’ont pas encore accès à cette époque à L’Idéologie allemande) prennent connaissance de ce projet. Car ce n’est pas la philosophie, mais l’expérimentation scientifique, la pratique industrielle et la lutte des classes qui permettent de dire la vérité du monde. Ces vérités pratiques offrent ainsi une réfutation concrète de l’agnosticisme et de l’idéalisme. D’une part, Lénine opère en toute logique une sortie de la philosophie en quittant le terrain de la spéculation et de la dispute académique. Ce n’est plus la philosophie qui permet de dire la vérité du monde pour le comprendre et le changer mais l’expérimentation scientifique, la pratique industrielle et la lutte des classes. C’est selon cette perspective que le critère de la pratique fonde la théorie matérialiste de la connaissance. Et c’est selon cette perspective « scientifique » que le critère de la pratique fonde la théorie matérialiste de la connaissance.
Un peu plus tard, Lénine reprochera d’ailleurs à A. Déborine son positionnement philosophique lorsque ce dernier déclare que le matérialisme dialectique, en tant que philosophie marxiste, donne une réponse à la structure de la matière alors qu’en fait, corrige-t-il, cela relève du domaine de la science dans sa connaissance du réel24. Pour interpréter et changer le monde, le marxiste doit se mettre à l’école des sciences, et non pas à celle de la philosophie.

La dichotomie science/philosophie pourtant maintenue

Or, la sortie de la philosophie est plus un idéal programmatique qu’une réalisation effective. En effet, à la lecture de l’ouvrage de Lénine, il devient clair que l’auteur conserve d’un bout à l’autre la fonction spécifique de la philosophie, puisque le marxisme selon lui dispose de sa propre philosophie, à savoir le « matérialisme dialectique ». Ce dualisme persistant au sein du marxisme entre une science « en haut » (le matérialisme historique) et une philosophie « en bas » (le matérialisme dialectique) rentre donc en conflit avec le monisme revendiqué par les marxistes eux-mêmes et dont fait partie Lénine. Chez ce dernier, on constate l’existence d’une étroite imbrication des deux conceptions antinomiques. C’est le cas d’une façon exemplaire lorsque Lénine désigne comme catégorie philosophique de la matière « la réalité objective existant indépendamment de la conscience de l’homme et reflétée par elle25 » – une caractérisation qui semble pourtant ne plus appartenir légitimement au domaine de la philosophie mais constituer la condition méthodologique de toute démarche de connaissance objective, requérant d’admettre le caractère uniquement matériel de la réalité et de l’ensemble de ses phénomènes26 –. Dès lors, extérieur à la science, le matérialisme dialectique est censé occuper une fonction d’intervention critique dans le champ scientifique.
Il est vrai, selon Lénine, que les savants sont obligés de penser en matérialistes dans leur pratique scientifique, quelles que soient par ailleurs leur philosophie personnelle et leur appartenance de classe. N’est-ce pas le cas du fondateur de l’empiriocriticisme, le physicien autrichien Ernst Mach lui-même, lorsque celui-ci admet dans son cabinet de travail le déterminisme et la réalité objective du monde matériel tout en combattant le matérialisme à l’extérieur pour défendre sa propre version de l’idéalisme philosophique (l’empiriocriticisme)27 ? Les savants peuvent même apprendre à penser dialectiquement. C’est le cas de Darwin avec le transformisme des organismes naturels, nous dit Engels28. Pourtant, poursuit de son côté Lénine, l’acquisition de cette pensée matérialiste ne serait pas le fruit d’une « conversion29 », mais l’expression d’une attitude « spontanée », « inconsciente30 », qui n’entraîne pas les savants à se prononcer dans le sens du matérialisme au-delà de leur strict champ d’étude, si ce n’est parfois pour estomper ou brouiller la question. Pour Lénine, cet agnosticisme méthodologique, ce « matérialisme honteux 31» parce qu’il n’excède pas le cadre professionnel, est un repli intellectuel qui n’est que concession au fidéisme et au spiritualisme, puisque c’est assurer à ceux-ci un point de repli pour l’invocation d’une transcendance32. Il est
contraire à « l’esprit de parti 33» qu’incarne le matérialisme dialectique lorsque celui-ci, par son discours philosophique, guide les sciences naturelles en élargissant par exemple le matérialisme jusqu’au domaine historique pour constituer un matérialisme achevé, ou bien intervient toutes les fois que les savants risquent de s’égarer dans l’idéalisme lorsqu’ils en viennent à aborder le domaine de la gnoséologie. Contre les savants qui énoncent seulement des vérités sectorielles et contre les effets idéologiques de leur origine de classe, la prise de parti en philosophie devient « la lutte des classes dans la théorie34 », pour reprendre une sentence bien connue d’Althusser. Ainsi, le progrès de la science et de la connaissance du monde serait subordonné en dernière instance à la lutte philosophique séculaire entre matérialisme et idéalisme. Cela consacre le caractère durable, voire indépassable, du clivage entre science et philosophie, ce dernier domaine étant à la fois en position de surplomb et d’extériorité. Cette prise de position, dualiste de fait, signe l’échec de toute tentative de construire un matérialisme intégral car la science a besoin de la philosophie, désormais érigée
en « philosophie scientifique », c’est-à-dire l’habituelle solution trouvée par ceux qui veulent donner l’apparence d’une fidélité au projet marxien (et aussi improbable que l’idée d’une « idéologie scientifique »).
Cette aporie du matérialisme chez Marx et ses héritiers se retrouve chez les commentateurs
de Marx, et pas seulement chez Lénine (sans pourtant être reconnue comme telle ceux-ci).
Ainsi, alors qu’il prend note du fait qu’Engels déclare la fin de la philosophie allemande avec
l’apparition de l’hégélianisme, c’est-à-dire de « la soi-disant science des sciences planant audessus de toutes les sciences particulières et en faisant la synthèse » 35, Pierre Macherey conclue néanmoins (en fournissant une argumentation convaincante) que la célèbre onzième thèse sur Feuerbach vise non à supprimer la philosophie en tant que telle mais la philosophie séparée des sciences particulières et de l’activité sociale.

On peut comprendre pourquoi, dans la situation de non-reconnaissance de cette aporie chez Marx et Engels eux-mêmes, une solution de dépassement semble impossible pour le marxisme. La dispute philosophique prendra toujours le pas sur la pratique scientifique. Le matérialisme historique devient ainsi une extension et une application du matérialisme dialectique, non l’inverse. Le caractère de classe de la science n’apparaît plus seulement quand il s’agit de connaître son application (quelle classe la dirige et le but social qu’elle sert), mais intervient d’emblée : l’idéalisme risque d’investir et de récupérer à tout moment les connaissances positives de la science. Ainsi, la science est dotée sui generis d’un caractère partisan, ce qui conduira logiquement à contester son objectivité. Relativisme sociologique extrême et utilitarisme militant rigide vont alors de pair. On peut noter qu’une telle orientation est pourtant contraire à la conception de Marx, lequel, comme le rappelle E. Renault, « constate qu’à l’époque de la grande industrie, les sciences sont enrôlées au service de la production, mais il n’en conclut pas pour autant que le savoir scientifique porte intrinsèquement la trace du capitalisme 37 ». Cela n’empêchera pas quelqu’un comme A.Gramsci d’élaborer sa philosophie de la praxis en expliquant notamment que « la matière ne doit pas être considérée comme telle, mais comme socialement et historiquement organisée […] ». Par conséquent, « […] toutes les hypothèses et toutes les opinions scientifiques sont des superstructures38». De même, le bolchévique A. Bogdanov, l’une des cibles de Lénine dans son ouvrage de 1909, déclarera ainsi qu’« Il n’existe pas de critère de la ‘vérité objective’ […] ; la vérité est une forme idéologique : une forme, organisatrice, de l’expérience » sociale39. En précurseur dans ce domaine de T. Lyssenko, Bogdanov en viendra à dire que « la science peut être bourgeoise ou prolétarienne par sa ‘nature’ même »40.
Dans le même esprit, A. Pannekoek déclarera en 1938 que le matérialisme de Marx concerne exclusivement la matière sociale, c’est-à-dire les relations et la pratique humaines. L’idée d’une matière existant objectivement, en dehors de la conscience humaine, relèverait alors d’un « matérialisme bourgeois »41 hérité des sciences de la nature du XVIIIe siècle que Marx aurait lui-même critiqué dans ses Thèses sur Feuerbach. Il est vrai que dans cet aphorisme sur Feuerbach, Marx reproche aux matérialistes de ne pas avoir augmentée la nature de l’activité humaine, c’est-à-dire d’accorder un intérêt unilatéral pour l’étude objective de la nature, au détriment de la prise en compte de l’aspect subjectif et actif. Il s’agit de la critique d’une orientation qui remonte en particulier aux matérialistes français des Lumières, notamment Diderot et son « interprétation de la nature » 42. Cela ne fait pas pour autant de Marx un subjectiviste et un relativiste du « tout social » qui penserait que la connaissance de la matière objective est une activité humaine « bourgeoise ». Au contraire, Marx souhaite atteindre une connaissance objective ») de l’humanité sociale (c’est le thème de l’ « activité
objective »43) jusque-là délaissée par le matérialisme des Lumières jusqu’à Feuerbach à cause d’un réductionnisme abusif imperméable à la spécificité de la sphère social et qui ramenait abusivement l’être social à sa réalité physique. Pourtant, de nos jours, certains vont même jusqu’à ôter toute portée ontologique au matérialisme ‘relationnel’ marxien, en reprenant pour l’occasion une formule bachelardienne jouant d’un paradoxe : un « matérialisme sans matière44». Pour Marx, il s’agit plutôt d’élever le matérialisme jusqu’au point de vue historico-subjectif : le sujet fait aussi partie de la nature bien qu’il connaisse néanmoins un
développement différencié et spécifique.
Le matérialisme marxien diffère donc du vieux matérialisme contemplatif, celui que Marx critique lorsqu’il explique notamment dans ses thèses de 1845 que « le principal défaut de tout matérialisme jusqu’ici (y compris celui de Feuerbach) est que l’objet extérieur, la réalité, le sensible ne sont saisis que sous la forme d’Objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine sensible, en tant que pratique, de façon subjective45». « Subjectif » équivaut ici à « activité ». Et cet intérêt de Marx pour l’activité humaine et la dialectique du social se rencontrait chez de nombreux idéalistes (Kant, Fichte, Hegel, etc.46), alors qu’il était
jusqu’alors négligé par le matérialisme des Lumières surtout réductionniste et réformateur. C’est ce qui fera dire à Lénine lui-même que « l’idéalisme intelligent est plus près du matérialisme intelligent que le matérialisme bête »

Contrairement à ce que pense Pannekoek, la théorie du reflet chez Lénine n’est pas « bourgeoise » (mécaniste et passive). Elle n’ignore pas le rapport d’échange réciproque entre sujet et objet, entre homme et nature.

Si chaque vérité scientifique contient, en dépit de sa relativité, un élément de « vérité absolue », d’objectivité, c’est donc que la nécessité naturelle peut être maitrisée, et donc modifiée en retour, par l’homme. Chez Lénine, c’est le thème évoqué plusieurs fois dans son ouvrage de 1909 d’une transformation progressive de la « chose en soi » en « chose pour nous » (il cite notamment l’exemple, repris d’Engels, de l’alizarine en chimie48). Pour le révolutionnaire russe, la seule façon réaliste de comprendre cette dialectique «activoobjective », sans concéder au supposé « lien indissoluble » sujet-objet énoncé en particulier par la philosophie classique allemande depuis Kant, c’est de prendre en compte « […] l’ordre de mieux en mieux reconstitué […] des successions et des engendrements 49. Cet axe historique, c’est-à-dire diachronique (ordre des successions), complète nécessairement l’axe synchronique (ordre des coexistences entre un sujet et un objet)50. Une autre façon de parler de cette relation de l’Homme avec le monde est de dire que « l’Homme se trouve en même temps face à la nature et en elle » comme Antonio Labriola, qui rejette pourtant ce terme, ne souhaite pas abandonner la philosophie et maintient son utilité au sein de la pensée marxienne pour sa fonction critique et auto-réflexive, notamment en vue de permettre une synthèse des résultats scientifiques.
Pourtant, celui-ci soulignait que « le matérialisme historique est en certain sens tout le marxisme65 » en prenant acte de la nécessaire sortie de la philosophie. C’est pourquoi il contestait l’idée même qu’il puisse exister une quelconque « philosophie scientifique66” comme résolution définitive de la dichotomie entre science et philosophie. Il faut rappeler le fait que Lénine a apprécié vivement les Essais sur la conception matérialiste de l’histoire de Labriola, souhaitant même sa traduction en russe, ce qui constitue un élément indiquant que le révolutionnaire russe, au contraire par exemple de Plekhanov, gardait un jugement critique sur la philosophie67.

La division entre science et philosophie n’est pas spécifiquement ‘engelsienne’68, comme on a aussi voulu le faire croire, puisqu’elle est déjà présente chez Marx. Même s’il n’a jamais utilisé l’expression « matérialisme dialectique », Marx s’est déclaré ouvertement partisan du matérialisme et de la méthode dialectique, cette réunion constituant même la singularité de sa pensée69. En outre, la correspondance entre Marx et Engels atteste le fait qu’ils ont des vues communes sur toutes les questions théoriques importantes, notamment sur l’existence d’une dialectique de et dans la nature70. En outre, le mode d’investigation dans les Grundrisse ou
dans ses manuscrits mathématiques est emprunté à la Logique de Hegel71. C’est Marx luimême dans L’Idéologie allemande qui maintient paradoxalement l’utilité de la philosophe à côté de la science positive, même si c’est sur un mode mineur comme « […] synthèse des résultats les plus généraux qu’il est possible d’abstraire » de cette science. Or, comme le rappelle de nos jours E. Renault, « ce moment méthodologique est maintenant constitutif de la science72 ». De même, tout en remplaçant la philosophie par la quête des vérités relatives accessibles par la voie des sciences positives de la nature et de l’histoire, les continuateurs de Marx réintroduisent l’importance fondamentale de la philosophie constituée en méthode globale de la pensée dont la tâche, par rapport notamment aux sciences de la nature, est d’offrir une synthèse dialectique des résultats de celle-ci. Contre toute attente, la philosophie est donc dotée d’un caractère de scientificité et devient la « science de la connexion universelle73 », c’est-à-dire celle des lois les plus générales de la nature, de la société et de la pensée. Et ce projet d’unifier les sciences concrètes sous l’égide d’une généralisation
philosophique abstraite inclut la métaphysique des « sauts qualitatifs» ou des « bonds », une idéologie de la rupture finalement bien peu dialectique malgré son inspiration hégélienne (puisqu’elle instaure des commencements absolus), stoppant d’autorité l’intelligence de la continuité des processus dans l’immanence74. Globalement, cela peut paraître comme une sorte de rechute consciente et systématique dans la démarche philosophique hégélienne, en contradiction avec les déclarations explicites de Marx qui vont dans le sens d’un changement de terrain par rapport au régime de pensée de la philosophie. Au mieux, selon une « perspective contextualiste et génétique », la critique de l’économie politique du Marx de la
maturité serait « solidaire d’une conception déflationniste de la philosophie75».
Rétrospectivement, l’idée avancée en 1846 d’une fin de la philosophe s’en trouve réaménagée pour devenir une sorte de programme de réforme de la philosophie (bien que l’intervention marxienne soit paradoxalement une critique d’un tel plan chez Feuerbach). En procédant au renversement matérialiste des catégories et des méthodes de la spéculation hégélienne, Marx et Engels auraient rompu non avec la tradition philosophique (c’est le thème du règlement de compte avec la conscience philosophique d’autrefois), mais seulement avec la philosophie classique allemande. Sur cette base, ils auraient donc fondé une nouvelle façon de philosopher qui correspondrait à l’instauration d’un nouveau matérialisme philosophique centré sur le primat absolu de l’activité sociale et débarrassé de l’essentialisme et du
naturalisme d’inspiration essentiellement feuerbachienne.

Qu’est-ce que le matérialisme ?

Que retenir de cet aperçu du matérialisme marxien à la lumière des rapports problématiques entre philosophie et science ? La sortie programmée de la philosophie coexiste d’une façon aporétique avec la récupération de la fonction spécifique de la philosophie qui semblait pourtant être devenue une option illégitime au nom de l’unicité du matérialisme (synonyme de science).
On retrouve en France cette même dualité problématique entre science et philosophie dans les études marxiennes d’après-guerre jusqu’à nos jours. Ainsi, l’idée althussérienne d’une « coupure épistémologique76 » entre le jeune Marx d’avant 1845 et celui de la maturité s’articule autour de cette échappée du registre philosophique pour fonder une nouvelle

L’histoire des sciences ne peut se réduire à un plat exposé dogmatique des positivités nouvelles, mais doit intégrer le fait que ce dont elle rend compte est d’abord l’« affranchissement progressif et contrarié96 » de chacune de ces positivités nouvelles par rapport à la philosophie et à toutes les idéologies qui se sont jusqu’à elle affrontées autour de son objet. La science progresse en s’émancipant de l’idéologie. Il a fallu à peu près trente ans pour que s’impose l’idée de Tort selon laquelle la science et idéologie ne sont pas la même chose et que, par conséquent, en aucun cas, une science active ne peut, elle-même et par elle
seule, produire une idéologie. Autrement dit, la science, contrairement à la philosophie, produit des positivités nouvelles universellement partageables à un moment donné, ce qui n’exclut nullement que les grandes rections (le terme est de P. Tort) qui orientent le choix de ses modèles fondamentaux puissent être, à l’origine, « philosophiques ». Prenons l’exemple du privilège quasi exclusif encore accordé de nos jours par les savants au « réductionnisme explicatif » issu des premiers atomistes (Leucippe, Démocrite, etc.), malgré les difficultés que ce schéma limitatif occasionne dans la démarche scientifique, singulièrement en biologie.

En considérant ce modèle comme unique, les porteurs de science respectent ainsi à leur insu, en matière de connaissance, « le contrat de parole » passé avec l’idée d’un Inconnaissable permettant de fait de « […] garantir le maintien du mystère autour des phénomènes de l’autonomie et de la conscience, points traditionnels de repli pour l’invocation par les Églises d’une transcendance nécessaire dans l’explication causale des phénomènes “élevés” qui paraissent caractériser irréductiblement la souveraineté de l’homme 97».
Parler de « philosophie des sciences » revient finalement à légitimer la cohabitation de la science avec l’idéologie. C’est par exemple accepter l’idée que l’évolutionnisme philosophique de Spencer puisse habiter le darwinisme (selon cette opinion, Darwin serait donc bien un peu « darwiniste social », ce que démentent l’œuvre et les choix de vie assumés de Darwin). Or, « aucune idéologie ne peut, en droit comme en fait, ‘naître’ d’une science » 98.

Pour autant, cela n’interdit pas de reconnaître la valeur, dans la démarche scientifique, d’« un usage de la philosophie », à condition de comprendre que « cet usage n’est pas philosophique 99 », comme le montre le rapport de Marx avec Hegel, ou de Darwin avec Malthus100. Et de comprendre que « l’effet réversif de l’évolution » (la logique à l’œuvre dans l’anthropologie darwinienne, et découverte par Tort)101 n’est pas une notion philosophique. Si cet effet réversif s’inscrit dans le champ d’une dialectique de la nature, c’est « en un sens beaucoup plus rigoureux, car plus réellement débarrassé de toute ‘philosophie’, que celui qui sera illustré par Engels102».
Comme le dit Tort, « si un concept ‘dialectique’ est un concept à travers lequel s’exprime un mouvement de transformation immanente d’une réalité qui à la fois conserve l’antérieur et le nie à travers un engendrement de nouveauté, alors le concept d’émergence en biologie, à la condition de lui assigner un contenu, est lui aussi éminemment ‘dialectique’ 103 ». Il en va de même pour le concept d’effet réversif de l’évolution, bien que cela ne revête à ses yeux qu’une importance franchement secondaire. L’essentiel demeurant pour Tort que, répondant profondément au vœu de Marx, ce concept, qui est celui d’un processus de la réalité, « rend
possible et assure la cohérence du matérialisme ».

  1. Voir aussi l’édition électronique revue et augmentée en 2015 de l’ouvrage papier : https://hal.archivesouvertes.fr/hal-01232102
    2. Voir Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, Paris, Les Éditions sociales, 1976, 2012, p. 25 (« I.Feuerbach) », sur le primat de la nature extérieure, et Karl Marx, Le Capital, livre I, Paris, PUF, « Quadrige », 1983, 1993, p. 17 (« Postface à la deuxième édition allemande »), sur la théorie du reflet.
    3. Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ? Introduction à l’Analyse des complexes discursifs, Paris, Belin, 2016, p. 48.

4 Vladimir Lénine, Cahiers philosophiques, Moscou/Paris, Éditions du progrès, Éditions sociales, 1973, p. 347
(« Sur la dialectique »). Louis Althusser a défendu l’idée qu’il existait une coupure épistémologique dans les
écrits de Lénine entre Matérialisme et Empiriocriticisme et les Cahiers philosophiques rédigées pour l’essentiel
en 1914-1915. Un point de vue similaire, moins connu, provient du marxiste allemand Karl Korsch, lequel pense que le Lénine de 1909 s’oppose à celui de 1894 où a lieu la polémique contre la sociologie « objectiviste », soidisant au-dessus des classes, de Pierre Strouvé. Au contraire notre ouvrage montre l’unité fondamentale de la pensée léninienne. Louis Althusser, Lénine et la philosophie, suivi de Marx et Lénine devant Hegel, Paris,
Maspero, 1972 ; Karl Korsch, « V.I Lénine : Sur le matérialisme historique », La Critique sociale, n° 7, janvier
1933, p. 34-35.
5 Cf. Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., 2016, p. 470.
6 C’est une surface de révolution engendrée par la rotation d’une tractrice (la courbe tangente constante) autour de son asymptote (c’est-à-dire son axe de rotation). Par conséquence, il y a une extension indéfinie de la surface le long de son axe. Cf. Lilian Truchon, Lénine épistémologue, op. cit., p. 119.
7 Karl Marx, Le Capital, op.cit., p. 418 (note 89).
8 Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 14.
9 Karl Marx/Jenny Marx/ Friedrich Engels, Lettres à Kugelmann, Paris, Editions sociales, 1971, p. 103 (Lettre de Marx à Kugelmann datée du 11 juillet 1868).

10 Patrick Tort, Sexe, Race et Culture. Conversation avec Patrick Tort par Régis Meyran, Paris, Textuel, 2014, p.

  1. « […] le monde ne doit pas être saisi comme un complexe de choses achevées mais comme un complexe deprocessus […] » (Engels Friedrich, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Paris, Éditions sociales, 1969, p. 61). Pour sa part Althusser tombe dans les années 1960 dans le complet relativisme sociologique en ôtant toute pertinence épistémologique à l’ordre des processus. En effet, à partir du constat d’un « passage du biologique dans le culturel », il en conclut qu’en réalité la culture précède la nature. Cf. Louis Althusser, Psychanalyse et sciences sociales. Deux conférences, Paris, LGF, Livre de Poche, 1996.
    11 Cf. Friedrich Engels, « Discours d’Engels à l’enterrement de Karl Marx » (22 mars 1883), in Marx/Engels, Lettres sur les sciences de la nature, Paris, Éditions sociales, 1973, p.114-115.
    12 Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, in Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 3. Cf. Lettre d’Engels à Marx, 11 ou 12 décembre 1859, et Lettre de Marx à Engels, 19 septembre 1860, in Karl Marx et Friedrich Engels, Lettres sur les sciences de la nature, op. cit., p. 19 et p. 20 respectivement.
    13 Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 418 (chap. XIII). Cette critique d’un matérialisme qui ignore le développement historique dans la nature peut être rapprochée de celle, antérieure, concernant Feuerbach et son anthropologie naturaliste qui dissocie le mouvement historique de la nature. « Dans la mesure où il est matérialiste, Feuerbach ne fait jamais intervenir l’histoire. » (Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 26).
    14 Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, in Karl marx et Engels Friedrich, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 3.
    15 Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 14 (I. « Feuerbach »).
    16 Patrick Tort, Lettre lu à la soutenance du doctorat de Lilian Truchon, 19 janvier 2017. Cf. aussi Patrick Tort,Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit, p. 585-586 et p. 884.
    17 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., p. 4 de couverture.
    18 Karl Marx, La Sainte Famille, Paris, Éditions sociales, 1972, p. 153-154.

19 Voir Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 12 (I. « Feuerbach »). Ailleurs, Marx
parle de « sortir d’un bond » de la philosophie, en reprenant cette expression à Moses Hess dans « Les derniers philosophes » (1845) : Ibidem, p. 234 (III. « Saint Max »).
20 Georges Labica, « Marx Marxisme, Philosophie (quant au statut de la philosophie marxiste) », 1984 p. 52 :
https://ddd.uab.cat/pub/enrahonar/0211402Xn9/0211402Xn9p51.pdf Cf. aussi Georges Labica, Karl Marx. Les thèses sur Feuerbach, Paris, Syllepse, 2014, p. 122.
21Georges Labica, Le Statut marxiste de la philosophie, Paris, Éditions complexe, 1976, quatrième de couverture.
22 Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande (1888). Dans la traduction française, Ausgang est traduit de l’allemand par « fin ».
23 Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, p. 39 (chap. I, « De Hegel à Feuerbach »). Avec la science, « nous n’avons pas besoin […] de philosophie, mais de connaissances positives sur le monde et ce qui s’y produit, et ce qui en résulte n’est pas non plus de la philosophie mais de la science positive […] » (F. Engels, Anti-Dühring, Paris, Éditions sociales, 1977, p. 67). Et « si on n’a plus besoin de la philosophie en tant que telle, on n’a plus besoin d’aucun système […] » (Idem).
24 Cf. Vladimir Lénine, Cahiers philosophiques, op. cit., p. 441 (« Textes annotés : A. Déborine, « Le
Matérialisme dialectique » [rédigés au plus tôt en 1909]). La position de Déborine rappelle celle de Bruno Bauerpour lequel, nous dit Marx, il y a d’abord le concept de matière qui s’actualise ensuite dans la nature réelle, ce qui se ramène (à l’insu de Bauer) à « la théorie hégélienne de la préexistence des catégories créatrices » (Karl Marx, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 90

25 Vladimir Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., p. 255.
26 La définition de la matière donnée avec clarté par Lénine se retrouve de nos jours dans la plupart des manuels d’épistémologie, qui se gardent bien d’évoquer le nom du révolutionnaire russe. Leurs auteurs adoptent une attitude agnostique, puisqu’ils n’abordent pas les inévitables implications ontologiques d’une telle définition, celle-ci étant alors désignée de différentes manières : « matérialisme méthodologique », « réalisme scientifique », voire « réalisme métaphysique », etc.
27 Vladimir Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., p. 184-186.
28 Friedrich Engels, Anti-Dühring, op. cit., p. 52.
29 Cf. Patrick Tort, Darwin et la Religion. La conversion matérialiste, Paris, Ellipses, 2011.
30 Vladimir Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., p. 343.
31 Ibidem, p. 176.
32 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., p. 47 et p. 528.
33 Vladimir Lénine, Le contenu économique du populisme, in Vladimir Lénine, Œuvres, t. 1, 1893-1894, Moscou/ Paris, Éditions du Progrès/Éditions sociales, 1958, p. 433.
34 Louis Althusser, Réponse à John Lewis, Paris, Maspero, 1973, p. 41.
35 Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, op. cit., p. 57-58 ((IV. Le matérialisme historique) ; Pierre Macherey, Marx 1845. Les « Thèses » sur Feuerbach, Paris, Éditions
Amsterdam, 2008, p. 34.
36 Cf. Pierre Macherey, Marx 1845, op. cit., p. 236.
37 Emmanuel Renault, « L’histoire des sciences de la nature et celle de l’économie politique », in Eustache
Kouvelakis (dir.), Marx 2000, Paris, PUF, 1999, p. 263.
38Les Cahiers de prison de Gramsci, « Notes critiques sur une tentative de Manuel populaire de sociologie
historique (l’anti-Boukharine) », in Antonio Gramsci, Textes, (dir.) A. Tosel, Paris, Éditions sociales, 1983,p. 191. Cf. aussi l’« Introduction à l’étude de la philosophie et du matérialisme historique », in F. Ricci (dir.),
Gramsci dans le texte, Paris, Éditions sociales, 1975, p. 195 et p. 200.

39 Cité par Vladimir Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme, op. cit., p. 113. Voir aussi Alexandre Bogdanov,
La Science, l’Art et la Classe ouvrière, Paris, Maspero, 1977, p. 53.
40 Alexandre Bogdanov, La Science, l’Art et la Classe ouvrière, op. cit., p. 97.
41 Anton Pannekoek, Lénine philosophe (1938), Paris, Spartacus, 1970, p. 78.
42 Cf. Jacques d’Hondt, « Les prévisions selon Auguste Comte et Karl Marx », in O. Bloch (éd.), Épistémologie
et Matérialisme, Méridiens Klincksieck, 1986.
43 Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, op. cit., p. 1 (thèse 1).
44 Georges Gusdorf, « Matérialisme », Encyclopædia Universalis [en ligne] :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/materialisme ; Balibar Étienne, La Philosophie de Marx, Paris, La
Découverte, 1993, p. 24 ; Emmanuel Renault, Le Vocabulaire de Marx, Paris, Ellipses, 2001, p. 37. Voir aussi
Alfred Schmidt, Le Concept de nature chez Marx, Paris, PUF, 1994, sur la thèse du caractère non ontologique du matérialisme marxien.
45 Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, in Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, op. cit., p. 1.
46 Voir par exemple l’intérêt de Hegel pour la révolution française dans Jacques D’Hondt, Hegel philosophe de l’histoire vivante, Paris, Delga, 2013.
47 V. Lénine, Cahiers philosophiques, Paris/Moscou, Éditions sociales/Éditions du Progrès, 1974, p. 260
(« Résumé des Leçons d’histoire de la philosophie [de Hegel] »).

48 Vladimir Lénine, Matérialisme et Empiriocriticisme, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 90 ; Friedrich Engels,
Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, op. cit., p. 29 (Chap. II : « Matérialisme et
Idéalisme »).
49 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, p. 835.
50 Ibid., p. 847.
51 Cf. Patrick Tort, Sexe, Race et Culture, op. cit., p. 20. Cette posture sur l’Homme est mise à mal par la
conception marxiste des rapports entre l’histoire naturelle et l’histoire sociale en termes hiérarchiques de
succession ou d’étagement (par exemple le matérialisme d’ « en haut » et celui d’ « en bas » chez Lénine qui
s’inspire de la formulation d’Engels dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande à
propos de la pensée de Feuerbach). En effet, elle maintien de façon problématique une option rupturaliste qui implique un événement évolutif précis (en général c’est le travail) à partir duquel la science de l’homme cesse d’être naturelle. Marx adopte une méthode matérialiste plus conséquente (en terme de processus continu) lorsqu’il souligne la spécificité du travail humain tout en reconnaissant que « l’usage et la création de moyens de travail » sont « déjà en germe le propre de certains espèces animales » (Karl Marx, Le Capital, Livre I, op. cit., p. 202 (Chap. V. Procès de travail et procès de valorisation »). Cf. Patrick Tort, « Darwin, chaînon manqué et retrouvé du matérialisme de Marx », in Patrick Tort, Darwin et la Philosophie (Religion, morale, matérialisme), Paris, Kimé, 2004, p. 43-44 ; Lilian Truchon, « Quelle prise de position matérialiste et darwinienne aujourd’hui ? », in Sophie Geoffroy et Michel Prum (éd.), Darwin dans la bataille des idées, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 57 ; Du même auteur, « Lénine philosophe : l’enjeu du matérialisme », texte de la conférence organisée par le CUEM, Paris, le 8 décembre 2016 : http://www.cuem.info/?page_id=535
52 Ernst Bloch est le seul penseur important du « marxisme occidental » qui a évalué positivement la critique léninienne de l’empiriocriticisme. Cf. Ernst Bloch, Héritage de ce temps, Paris, Payot, 1977, p. 267-273 (« Relativisme en physique ») ; Das Materialismusproblem: seine Geschichte und Substanz [Le problème du matérialisme, son histoire et sa substance (inédit en français)], Frankfurt, Suhrkamp, 1972, p. 316-358.
53 Ernst Bloch, Le Principe Espérance, tome 1, Paris, Gallimard, 1976-300; Karl Marx, Manuscrits de 1844,
Paris, Éditions sociales, 1972, p. 87-89 (troisième manuscrit).
53 Liedman Sven Eric, « La Logique de Hegel et le matérialisme d’Engels », in Georges Labica et Mireille
Delbraccio, Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, Paris, PUF « Actuel Marx Confrontation , p. 299-300;
Karl Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Éditions sociales, 1972, p. 87-89 (troisième manuscrit).

4 Sven Eric Liedman, « La Logique de Hegel et le matérialisme d’Engels », in Georges Labica et Mireille
Delbraccio, Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, op. cit., p. 264.
55 Voir pour un avis opposé au mien : Georges Labica, Le Marxisme-Léninisme, Paris, Bruno Huisman, 1984. De nombreux commentateurs, s’inspirant de l’idée trotskyste d’une réaction thermidorienne en URSS ou du
paradigme du totalitarisme, ont voulu faire de ce texte une opération idéologique de Staline au service d’un
contrôle social total et d’un culte de l’État dont il était le dirigeant suprême. Il est vrai que les idées d’un
« accord parfait » des rapports économiques et d’une victoire définitive du socialisme, semblent fondées chez
Staline sur une sorte de certitude absolue qu’il détiendrait dans la maîtrise des contradictions sociales, en rupture avec l’idée de lutte de classes (sous le socialisme). Mais le lancement par celui-ci, en novembre 1936, du projet d’une « nouvelle Constitution » anti bureaucratique, suivie en 1938 d’une directive « pour une formation bolchévique », contredisent l’interprétation totalitaire. L’historiographie montre que l’opuscule s’insère plutôt dans un vaste programme de modernisation des valeurs culturelles et éducatives (Kul’turnost’) visant à créer « l’Homme soviétique ». Cf. Stephen Kotkin, Magnetic Mountain: Stalinism as a Civilization, Berkeley, University of California Press, 1985 ; Vadim Volkov, « The Concept of Kul’turnost’: Notes on the Stalinist Civilizing Process », in Sheila Fitzpatrick (dir.), Stalinism: New Directions, London and New York, Routledge, 2000, p. 210-230 ; David L. Hoffmann, Stalinist Values. The Cultural Norms of Soviet Modernity, 1917-1941, Cornell University Press, 2003 ; Getty Arch, Practicing Stalinism: Bolsheviks, Boyars, and the Persistence of Tradition, Yale University Press, 2013.
56 Georges Plekhanov, « Pour le soixantième anniversaire de la mort de Hegel » (1891), in G. Plekhanov,
Œuvres philosophiques, vol. 1, Moscou, Éditions du progrès, 1959, pp. 373-398.
57 Voir notamment René Zapata, Luttes philosophiques en U.R.S.S., 1922-1931, Paris, PUF, 1983.
58 Nicolas Boukharine, La Théorie du matérialisme historique (1921), Paris, Anthropos, 1967.
59 Léon Trotsky, Défense du marxisme. Urss, Marxisme, Bureaucratie (1937-1940), Paris, EDI, 1972.
60 Karl Korsch, Marxisme et Philosophie, Paris, Allia, 2012, p. 69 et p. 141 ; Karl Korsch, Karl Marx, Brill,
Leiden, Boston, 2016, p. 166.
61 Georg Lukács, Histoire et Conscience de classe (1921), Nouvelle édition augmentée, Paris, Les Éditions de
Minuit, 1960, 2000, p. 39 (« Qu’est-ce que le marxisme orthodoxe ? », V).
62 Ernst Bloch, Sujet-Objet. Éclaircissements sur Hegel, Paris, Gallimard, 1977, p. 384 (« Marx et la dialectique idéaliste »).
63 Joseph Dietzgen, « Petits écrits philosophiques » (1903) in Dietzgen Joseph, L’Essence du travail intellectuel, Paris, Maspero, 1973, p. 191 à 230.
64 Karl Kautsky, « Friedrich Engels » (1887) :
https://www.marxists.org/archive/kautsky/1887/xx/engels.htm et, du même auteur, Ethics and the Materialist Conception of History (1906) : https://www.marxists.org/archive/kautsky/1906/ethics/preface.htm (édition électronique de l’édition en langue anglaise de l’ouvrage paru à Chicago chez Kerr en 1909).
65 C’est une phrase de la correspondance de Labriola du 24 avril 1897 (reproduite dans Discorrendo di
socialisme e di filosofia) et citée en français par G. Labica dans « Le matérialisme marxiste au XIXe
siècle. Remarques sur le débat Plekhanov-Labriola », Raison Présente, 51, 1979, p. 30 (note 24).
66 Antonio Labriola, Essais sur la conception matérialiste de l’histoire, Paris, Giard, 1897, p. 243.
67 Vladimir Lénine, « Perles de la planomanie populiste » [1897], in Vladimir Lénine, Œuvres, t. 2, 1895-1897, Moscou / Paris, Éditions du Progrès / Éditions sociales, 1958, p. 500. Sous l’influence théorique de Labriola, A. Gramsci fait exception parmi les grands théoriciens du marxisme puisqu’il ne semble pas avoir utilisé l’expression de matérialisme dialectique, contestant même l’usage du terme. Voir : « Introduction à l’étude de la philosophie et du matérialisme historique » dans le Cahier 11, rédigé en 1932-1933. Cf. Antonio Gramsci, Cahiers de prison, vol. 3 (Cahiers 10, 11, 12, 13), Paris, Gallimard, 1983, p. 223.
68 Cf. Georges Labica, « Friedrich Engels et la philosophie marxiste », in Georges Labica et Mireille Delbraccio (éd.), Friedrich Engels, savant et révolutionnaire, op. cit., p. 243-261, pour un aperçu de la critique antiengelsienne,
69 Karl Marx, Lettre à Kugelmann, 6 mars 1868, in Karl Marx et Friedrich Engels, Lettres sur les sciences de la nature, op. cit., p. 59-60 ; Karl Marx, Le Capital, Livre premier, op. cit., p. 17 (« Postface à la deuxième édition allemande »).
70 Cf. Friedrich Engels, Anti-Dühring, op. cit., p. 44 (« Préface » du 23 mai 1894) ; les lettres de Marx à Engels
du 16 et du 22 juin 1867, in Karl Marx et Friedrich Engels, Lettres sur les sciences de la nature, op. cit., p. 55-57 (sur la transformation de la quantité et qualité).
71 Marx utilise le principe de négation de la négation notamment dans le calcul différentiel (cf. Alain Alcouffe [dir.], Les manuscrits mathématiques de Marx, Paris, Economica, 1985, p. 115). Pour d’autres exemples en économie politique : Lefebvre Jean-Pierre, « Georges Labica: Le statut de la philosophie », La Pensée, n° 2136,1978/2, p. 136 ; Sève Lucien, « Althusser et la dialectique », in Pierre Raymond (dir.), Althusser philosophe, Paris, PUF, « Actuel Marx Confrontation », 1997, p. 121-125, pour d’autres exemples dans la critique de l’économie politique.
72 Emmanuel Renault, Marx et l’idée de critique, Paris, PUF, 1995 p. 106 (note 1).
73 Friedrich Engels, Dialectique de la nature, Paris, Éditions sociale, 1975, p. 25 ; « On se met en quête des
vérités relatives » et de la « synthèse de leurs résultats à l’aide de la pensée dialectique » (Friedrich Engels,
Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, op. cit., p. 19 ; « La dialectique n’est rien
d’autre que la science des lois générales du mouvement et du développement de la nature, de la société humaine et de la pensée » (Friedrich Engels, Anti-Dühring, op. cit., p. 170).
74Sur les sauts qualitatifs, voir notamment Hegel, Phénoménologie de l’esprit, Paris, Vrin, 2006, p. 64
(Introduction).
75 Emmanuel Renault, « Marx et sa conception déflationniste de la philosophie », Actuel Marx 2009/2 (n° 46), P. 200. L’auteur conteste autant l’idée défendue par Jacques D’Hondt d’une continuité philosophique après 1846 entre Hegel et Marx que la thèse rupturaliste d’Althusser. Voir aussi : Emmanuel Renault, « Qu’y a-t-il au juste de dialectique dans Le Capital de Marx ? » in Frank Fischback (dir.), Relire le Capital, Paris, PUF, 2009, p. 43- Néanmoins, J. D’Hondt « […] admet tout à fait que Marx a étudié la production objectivement,
scientifiquement » (Nicolas Tertulian, « Jacques D’Hondt interprète de Marx », Revue de métaphysique et de
morale, 2015/4, n°88, p. 527).
76 Louis Althusser, Lénine et la Philosophie, Paris, Maspero, 1968, 1972, p. 20

77 Ibidem, p. 68.
78 Louis Althusser, Pour Marx, Paris, Maspero, 1965, p. 25.
79 Louis Althusser, Lénine et la Philosophie, suivi de Marx et Lénine devant Hegel, op.cit. p. 45 ; du même
auteur : Initiation à la philosophie pour les non-philosophes, Paris, PUF, 2014, p. 370; Georges Labica, Karl
Marx. Les thèses sur Feuerbach, p. 128.
80 Louis Althusser, Lénine et la Philosophie, op. cit., p. 43.
81 Louis Althusser, Réponse à John Lewis, Paris, Maspero, 1973, p. 55.
82 Louis Althusser, Lénine et la Philosophie, op. cit., p. 52.
83 Louis Althusser, Être marxiste en philosophie, PUF, 2015, p. 313.
84 Cf. Louis Althusser, Sur la philosophie, Paris, Gallimard, 1994, p. 35-38.
85 Voir la discussion avec P. Acot dans Patrick Tort (dir.), Misère de la sociobiologie, Paris, PUF, 1985, et
l’Introduction de P. Tort à son édition commentée d’Anton Pannekoek, Darwinisme et Marxisme, Paris, Arkhê,
2012.
86 Lettre de Marx à Engels, du 18 juin 1862 in Karl Marx et Friedrich Engels, Lettres sur les sciences de la
nature, op. cit., p. 21-22.
87 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., p. 313.
88 Idem.
89 Ibidem, p. 793.
90 Cette erreur de jugement de Marx qui entraîne un geste indu de fragmentation théorique du darwinisme,
réitérée notamment en France par les « althussériens » et leur prédilection en théorie pour la coupure
épistémologique. Il y aurait donc un Darwin savant (celui de 1859) et un Darwin idéologue (celui de 1871 et de la Filiation de l’Homme). C’est la thèse du « beau colloque » (dixit Althusser) sur Darwin (et désastre
épistémologique selon Tort), tenu à Chantilly en 1983 sous la direction d’Yvette Conry et de Dominique
Lecourt. Cf. Yvette Conry (dir.), De Darwin au darwinisme. Science et idéologie, Paris, Vrin, 1983 ; Louis
Althusser, « le courant souterrain du matérialisme de la rencontre », in Althusser L., Écrits philosophiques et
politiques, Paris, Livre de poche/Stock/IMEC, 1994, p. 581 (note 1).
91 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., p. 171.
92 Cf. Lilian Truchon, « Quelle prise de position matérialiste et darwinienne aujourd’hui ? », op. cit., p. 52.
93 Cf. Patrick Tort, Marx et le Problème de l’idéologie, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Lilian Truchon, « Luttes
idéologiques et conscience de révolution chez Lénine », Actuel Marx, n° 55, 2014, p. 128-131, pour un
commentaire.
94 Patrick Tort, Marx et le Problème de l’idéologie, op. cit., p. 108. On peut citer aussi Domenico Losurdo qui,
dans son livre Nietzsche le rebelle aristocratique (Paris, Delga, 2016), montre que Nietzsche est un philosophe réactionnaire qui n’est en aucun cas apolitique. Longtemps des commentateurs ont cherché à défendre l’adhésion de Heidegger au nazisme en l’expliquant par son dilettantisme en politique. Or, depuis la publication de ses « cahiers noirs », on sait que ce philosophe était un observateur et un commentateur attentif de la vie politique allemande. Cf. Maurice Ulrich, Heidegger et le golem du nazisme, Arcane 17, 2016.
95 Georges Plekhanov, « La conception matérialiste de l’histoire » (1897), in Georges Plekhanov, Œuvres
philosophiques, t. 2, Moscou, Éditions du Progrès, 1959, p. 261.

96 Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op. cit., p. 194.
97Ibidem, p. 47 et p. 528. Contre cette « imprégnation métaphysique persistante », celle des ruptures et des
commencements absolus, Tort souligne l’intérêt fondamental du clinamen d’Épicure, lequel, à l’opposé du
réductionnisme matérialiste leucippo-démocritéen, intègre la contingence à son modèle explicatif. C’est la «
seule voie alternative de dépassement des apories qui gênent aujourd’hui encore la cohérence du matérialisme scientifique face aux prétentions renaissantes des doctrines spiritualistes » (Patrick tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, op.cit., p. 47). Tort rejoint, en le réinstruisant sur des bases naturalistes, l’intérêt précoce de Marx (en 1839-1841) pour l’épicurisme contre Démocrite. Mais son matérialisme de la contingence n’est pas le « matérialisme spéculatif » de Ernst Bloch ni le « matérialisme de la rencontre » d’Althusser puisqu’il récuse l’idée d’un hasard essentiel et l’opposition entre cause et déviation. Cf. Louis Althusser, « le courant souterrain du matérialisme de la rencontre », in Louis Althusser, Écrits philosophiques et politiques, Paris, Livre de poche / Stock / IMEC, 1994, p. 553-594 ; Ernst Bloch, Experimentùm Mundi: question. Catégorie de l’élaboration, praxis, Paris, Payot, 1981, p. 130-131.
98 Cf. Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, p. 171.
99 Ibidem, p. 297.
100 Ibidem, p. 585.
101 Pour en rappeler brièvement la teneur, on dira que, comme l’explique Darwin en 1871 dans La Filiation de l’Homme, la sélection naturelle, en sélectionnant les « instincts sociaux » et leurs corrélats affectifs et rationnels, sélectionne la « civilisation », qui s’oppose à la sélection naturelle. Cf. P. Tort, L’Effet Darwin, Paris, Seuil, 2008


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1 Commentaire

  • Xuan

    Il est temps de reprendre le dessus dans la lutte théorique.
    Ce texte s’inscrit dans le fil de “L’esprit de la révolution” de Patrick Theuret, réfutant la thèse du “dépassement du capitalisme”, lui aussi fruit de longs travaux.

    Répondre

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