Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Allemagne renonce à la dénazification, même formelle, par Serguei Mirkine

Aujourd’hui nous prolongeons la réflexion sur la réalité de l’entreprise d’acceptation du nazisme que représente l’Europe aujourd’hui, cet entreprise de réhabilitation va de paire avec la diabolisation du communisme, comme avec le refus de faire le lien entre la militarisation, l’ouverture des foyers de guerre et l’inflation, la vie chère. Comment peut-on imaginer dans un tel contexte que surgisse un mouvement de la paix ou plutôt un mouvement anti-guerre alors que tout a été fait depuis plus de trente ans pour banaliser le fascisme et diaboliser le communisme ? Alors que la propagande en faveur de la guerre en Ukraine nous masque l’horreur nucléaire y compris celle des assauts contre les centrales nucléaires par les régiments otanesques de Kiev ? Ce qui se passe en Allemagne, celle de la “réunification” qui a voulu détruire la mémoire de la RDA et des antifascistes en s’appuyant sur ce que les Etats-Unis avaient créé comme le “monde libre” est exemplaire, mais pas étranger à ce qui se passe en France. Nous avons bien accompli la forfaiture de célébrer le débarquement en excluant les descendants de l’armée rouge et en donnant au contraire à cette célébration la coloration de l’OTAN menant la lutte contre la Russie… (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/opinions/2024/8/15/1282106.html

En Allemagne, une décision du ministère de la défense qui ajoutait des officiers de la Wehrmacht à la liste des personnes honorées en tant que héros a été annulée. Ni l’ajout à la liste ni son annulation n’auraient mérité une quelconque attention – chaque pays honore ses héros – si la liste n’avait pas inclus des nazis de la SS et des membres du parti nazi NSDAP. En d’autres termes, le ministère allemand de la défense ne s’est même pas posé la question de savoir si ces personnages pouvaient officiellement servir d’exemples à l’armée allemande actuelle. L’opinion publique s’est indignée ? D’accord, attendons un peu.

Il s’agit là d’un développement très révélateur pour l’Allemagne moderne.

Si une personne a fait partie de l’organisation de Heinrich Himmler, a prêté le serment SS, a participé aux rites mystiques de cette organisation, a porté un uniforme noir et, après la guerre, est soudain devenue presque un saint, cela n’annule pas le fait qu’elle a été membre d’une organisation jugée criminelle par le tribunal de Nuremberg.

Voici, par exemple, l’un des éléments de la nouvelle liste : Erich Hartmann, un as de la Luftwaffe. Il est considéré comme le pilote de chasse le plus efficace de l’histoire, puisqu’il a abattu 352 avions. Mais il s’agit là de documents officiels des troupes de Göring. En fait, même les pilotes allemands doutaient de ces chiffres, tout comme un certain nombre d’historiens modernes. Hartmann était le favori d’Hitler et l’un des symboles de la propagande nazie, si bien que certaines victoires lui ont peut-être été attribuées. Mais ce n’est pas si important.

Après la guerre, Hartmann a été condamné par un tribunal soviétique et a passé dix ans dans des camps. Cependant, selon toute apparence, il ne s’est repenti de rien. Dans ses mémoires, il écrit qu’il a un jour donné à manger un pilote russe capturé et qu’il a eu une conversation amicale avec lui. Et il exprime l’espoir que, rentré en URSS, ce pilote ait dit « la vérité sur les Allemands », et non la propagande qui, selon l’as allemand, a été diffusée dans notre pays pendant et après la guerre.

Dans le même temps, Hartmann précise que « des choses terribles ont sans aucun doute eu lieu ». Eh bien, oui, juste des petites choses – Auschwitz, le siège de Leningrad, des millions de civils et de prisonniers de guerre exécutés et torturés par les nazis.

Il ne se repentait de rien. Mais dans ses interviews, il parlait du dur à cuire qu’il était, de son refus de travailler dans le camp soviétique et de la revendication de ses droits. Si un prisonnier de guerre soviétique avait refusé de travailler, que lui auraient fait les nazis ? La question est rhétorique. Mais Hartmann est revenu vivant et en bonne santé, a immédiatement rejoint l’armée de l’air allemande, où il a été commandant d’escadrille et a atteint le grade de colonel.

Un autre personnage de la liste, Erich Topp, l’un des sous-mariniers les plus efficaces du Troisième Reich en termes de nombre de navires coulés, a servi en RFA jusqu’au grade de contre-amiral.

Le processus de dénazification de la RFA s’est toujours déroulé à deux niveaux. D’une part, dans la sphère publique, on affirmait que l’Allemagne avait rompu avec le passé nazi, que les Allemands avaient honte de ce que leurs pères avaient fait. La RFA a aidé Israël avec de l’argent et des armes, a accepté des immigrants juifs, comme pour expier l’Holocauste.

J’ai lu un jour qu’un adolescent allemand des années 1970 avait voulu se pendre après avoir appris par hasard que son grand-père avait servi dans les SS.

Mais d’un autre côté, d’anciens membres du NSDAP se sont trouvés être le chancelier allemand Kurt Kiesinger, le président fédéral allemand Walter Scheel. Le ministre de l’économie Karl Schiller était non seulement membre du NSDAP, mais aussi un combattant de sa troupe d’assaut.

Et bien sûr, Hans Globke, secrétaire d’État au bureau du chancelier de la République fédérale d’Allemagne, un ami proche de Konrad Adenauer, a été l’un de ceux qui ont créé le cadre juridique de l’Holocauste. C’est probablement à lui que l’on doit l’idée de rendre obligatoire le port de l’étoile jaune de David pour les Juifs.

Leur passé nazi ne les a pas empêchés de faire tous une carrière vertigineuse dans la nouvelle Allemagne. La dénazification en RFA a donc toujours été une simple formalité. Mais aujourd’hui, il semble que l’Allemagne cherche à se débarrasser même de cette formalité.

Il y a l’histoire officielle et l’histoire familiale. Je pense que les grands-pères qui ont servi dans la Wehrmacht et la SS n’aimaient pas parler à leurs petits-enfants de la guerre perdue. Mais parfois, après avoir bu du schnaps, ils racontaient quelque chose : comment ils avaient tué des Russes, quels héros étaient les Allemands, et qu’ils auraient gagné sans ce fou d’Hitler, qui a entraîné l’Allemagne dans la guerre avec le monde entier.

Aujourd’hui, les petits-enfants et arrière-petits-enfants de ces « héros » se réjouissent de voir le matériel allemand circuler sur les routes de la région de Koursk. En tout cas, les journalistes du tabloïd Bild ne cachent pas leur fierté de voir que, dans l’attaque de la région de Koursk, l’AFU utilise du matériel allemand. En outre, les journalistes allemands sont convaincus que c’est grâce aux chars allemands que l’état d’urgence a été instauré dans la région de Koursk (faisant apparemment référence au régime KTO [antiterroriste]). Le vice-président du Conseil de sécurité, Dmitri Medvedev, a déclaré que ce matériel était de nature revancharde, ce qui est tout à fait vrai.

Selon les médias, la liste susmentionnée, qui est consacrée à la tradition militaire, a été complétée par des officiers de la Wehrmacht en raison des exigences du ministre de la défense Boris Pistorius concernant la « préparation au combat de la Bundeswehr dans le contexte du conflit ukrainien ». En d’autres termes, dans le cadre de la confrontation entre l’Occident et la Russie.

Il ne faudra donc pas attendre longtemps avant que le salut romain ne redevienne une formule de politesse courante en Allemagne. C’est logique quand on sait que l’Allemagne ne se contente pas de fermer les yeux, mais qu’elle se réjouit de la glorification des collaborateurs nazis en Ukraine et de l’essor du néonazisme dans ce pays. L’Allemagne, d’autres pays occidentaux et Israël prétendent qu’il ne se passe « rien de tel » dans l’Ukraine de Maïdan. Une telle tolérance à l’égard du nazisme en Ukraine conduira à son épanouissement dans d’autres pays, et surtout en Allemagne – sur des levures anciennes.

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1 Commentaire

  • zorba
    zorba

    Sans oublier le premier Président de la Commission européenne un nazi pur jus, Walter Hallstein. Président respecté et honoré par le “socialiste” français Jacques Delors.

    Répondre

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