Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Dmitri Novikov à propos des comparaisons insidieuses entre les États-Unis et l’ancienne URSS et des raisons pour lesquelles l’Union soviétique n’était pas fatalement condamnée à disparaître

Oui nous sommes dans des temps nouveaux, un alignement des planètes comme il n’y en a plus eu depuis une centaine d’années, depuis la révolution bolchevique qui a eu une portée immense mais dont la parabole a été freinée à partir de 1956, créant les conditions de la survie de l’impérialisme et de l’aggravation de son aspect destructeur. Ce moment permet non seulement de penser l’avenir mais aussi de lire le passé en fonction de ce qu’est aujourd’hui. Que signifient la gérontocratie, la médiocrité des politiciens aux Etats-Unis et dans les pays capitalistes peut-on comparer ce phénomène à celui qui a précédé la “chute” de l’URSS, ce sursis accordé au capitalisme (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/227602.html

Le capitalisme traverse une crise systémique profonde, mais il est trop tôt pour prédire l’effondrement des États-Unis, car ses élites ne se fixent pas un tel objectif. C’est ce qu’a déclaré D.G. Novikov, vice-président du comité central du KPRF, dans l’émission « Le Temps nous le dira » diffusée sur la première chaîne.

Un bloc spécial de l’émission intitulé « Le temps des souvenirs » a été consacré à l’avenir des Etats-Unis. Le débat a eu pour toile de fond les déclarations du publiciste britannique Niall Fergusson, qui a comparé les États-Unis à l’ancienne URSS. Selon lui, les deux pays auraient en commun des élites vieillissantes, une idéologie mensongère, un déficit budgétaire et un certain nombre d’autres phénomènes. Le présentateur Anatoly Kuzichev a demandé si de tels parallèles étaient vraiment pertinents.

Comme l’a souligné Dmitri Novikov, M. Fergusson n’est pas russophile. C’est pourquoi le Britannique compare les États-Unis modernes non pas à l’Union soviétique réelle, mais à l’Union soviétique diabolisée et mystifiée, à partir de laquelle l’Occident a constamment forgé l’image d’un « empire du mal ». Le porte-parole du KPRF a demandé que l’on en tienne compte, en notant : « Cependant, cette image est toujours présente dans la propagande américaine, et c’est une bonne chose qu’ils se comparent à cette Union soviétique diabolisée. Du genre ‘les choses vont mal pour nous aussi’ ».

« Les similitudes formelles peuvent nous mener dans une impasse », a poursuivi Dmitri Novikov. – Je voudrais vous rappeler que ce n’est ni sous Brejnev, ni sous Andropov, ni même sous Tchernenko que l’Union soviétique est entrée dans une période de destruction. Elle est entrée dans cette période lorsqu’un secrétaire général relativement jeune, plutôt qu’un secrétaire général âgé, s’y est engagé délibérément avec son équipe. Il semblait plein de vigueur. Beaucoup de gens ont d’abord apprécié Gorbatchev. Mais ses objectifs différaient de ceux de Brejnev. L’objectif de Brejnev était de préserver et de renforcer le pays. Sous sa direction, nous avons multiplié notre potentiel économique, social, militaire et culturel. Mais Gorbatchev, malgré sa vivacité et sa vigueur, a joué un rôle pervers dans notre histoire ».

Dmitri Georgievich a ensuite posé la question suivante : cela signifie-t-il que les États-Unis ne vont pas bien du tout pour la raison les personnes qui y sont au pouvoir ne sont pas jeunes et énergiques ? Si ces personnes ne dirigent pas délibérément leur énergie vers la destruction, alors c’est déjà bien pour le pays. Et ni Trump ni Biden n’ont entrepris de détruire les États-Unis.

« En outre, les forces extérieures ont joué un rôle important dans la destruction de l’URSS. Elles ont fixé des objectifs appropriés, investi d’importantes ressources, nourri la « cinquième colonne » à l’intérieur de notre pays. Je ne vois pas aujourd’hui que nous ou quelqu’un d’autre, par exemple la Chine, se soit engagé dans un travail comparable à grande échelle à l’égard des États-Unis, visant à pirater ce pays de l’intérieur » – a déclaré l’intervenant.

« Mais il y a un autre fait », a poursuivi Dmitri Novikov. – En tant que communiste, je pars du principe que le capitalisme traverse une crise systémique profonde. À cet égard, le modèle soviétique représentait un système socio-économique beaucoup plus progressiste et avancé. Le rôle des forces extérieures dans la destruction de l’URSS a été colossal. La société elle-même n’était pas prête à abandonner le socialisme. Souvenons-nous de 1991. Pendant six ans, Gorbatchev avait entrepris de détruire le pays, mais en mars, les gens se sont rendus à un référendum et ont voté en faveur du maintien de l’URSS. Aux États-Unis, la situation est différente. Leur système même est condamné. C’est pourquoi la Chine et le Vietnam connaissent un tel succès. Et la vieillesse de certains dirigeants américains ne fait qu’accélérer la crise ».

Une discussion s’est engagée entre Dmitri Novikov et le journaliste américain Michael Boehm. Ce dernier a tenté de ridiculiser les propos de son adversaire. Selon lui, Khrouchtchev a dit que le capitalisme était condamné et allait s’effondrer. Le représentant du parti communiste a affirmé qu’il en sera ainsi, et cela sous les yeux des générations actuelles, car les Etats-Unis n’ont obtenu un sursis que grâce à la destruction de l’URSS : « C’est nous qui avons prolongé votre vie en détruisant l’Union soviétique ».

Le vice-président du comité central du KPRF a évalué la position de Washington dans la politique mondiale moderne. Selon lui, les États-Unis ne tolèrent pas la concurrence, même s’ils défendent la démocratie et les droits de l’homme en paroles. Dès que ceux qui ont leur propre voix se manifestent, des pressions sont exercées. Bien sûr, reconnaît M. Novikov, le potentiel économique de la Russie est beaucoup plus faible, mais dès que M. Poutine a déclaré à Munich que nous avions nos propres intérêts nationaux, ils ont commencé à donner de la Russie une image d’ennemi, comme ils l’avaient fait autrefois pour l’URSS.

La même chose se produit avec la Chine. Dès que la Chine a atteint un haut niveau de développement économique, les attaques ont suivi. Mais les autorités chinoises, note le représentant du KPRF, n’ont pas fait de déclarations anti-américaines. Ce serait étrange, étant donné l’intégration bien connue des économies américaine et chinoise. Ce sont les États-Unis qui ont commencé la confrontation avec la Chine, et Pékin a simplement relevé le défi. Et le pays a eu la chance d’avoir une personnalité aussi forte que Xi Jinping au pouvoir pendant cette période de test.

Comme l’a dit Dmitri Novikov, il existe aujourd’hui une majorité mondiale qui comprend la menace d’une nouvelle défaite pour les adversaires de Washington : « Oui, les États-Unis ont applaudi quand le drapeau soviétique a été enlevé du Kremlin. Le reste du monde a versé des larmes. Plus le temps passait, plus on se rendait compte de tout ce que le monde avait perdu avec la destruction de l’Union soviétique, avec la disparition de l’équilibre des pouvoirs, avec la disparition de l’aide multiforme que notre pays apportait à une bonne moitié de l’humanité ».

« Aujourd’hui, la majorité mondiale ne souhaite pas que les ambitions américaines de créer un nouveau système colonial se réalisent. C’est pourquoi les BRICS se développent avec tant de confiance, la palette des relations internationales de la Russie est si large et il y a tant de contacts interétatiques réussis. Citons notamment les voyages de Poutine au Vietnam et en RPDC, la visite de Modi en Russie et la communication étroite entre Moscou et Pékin. Les États-Unis doivent donc faire correspondre leur potentiel économique aux ambitions politiques qu’ils tentent de réaliser. Le monde ne l’acceptera pas. Les coûts sont trop élevés, non seulement sur le plan politique, mais aussi sur le plan économique. La majorité mondiale sera toujours plus importante que les États-Unis, même avec leur grande économie », a souligné le député communiste.

Michael Boehm, déjà cité, a une nouvelle fois décidé de « mettre son grain de sel » en affirmant que les Philippines ont beaucoup à dire sur l’ampleur de la « menace chinoise ». Ce à quoi Novikov a rétorqué qu’il s’est rendu aux Philippines il y a moins d’un an et peut nous en dire long sur l’attitude des Philippins face à l’entretien artificiel de la confrontation avec Pékin.

Le journaliste américain n’était pas le seul à tenter de vilipender l’Union soviétique. L’éditorialiste russe Dmitry Kosyrev a également lancé un certain nombre d’invectives contre le passé socialiste. Selon lui, l’URSS était condamnée à s’effondrer à cause de la crise. Dmitri Novikov a répliqué : « Vous pouvez parler de la crise de l’Union soviétique dans les années 1980 autant que vous voulez. Mais, premièrement, elle a été largement provoquée par la politique de Gorbatchev. Deuxièmement, de nombreux pays ont traversé de grandes épreuves au cours de leur histoire. Roosevelt par exemple a sorti les États-Unis d’une grave crise. Mais la Grande Dépression n’a pas détruit les États-Unis, parce que leur élite politique n’avait pas une telle tâche à accomplir ».

« Roosevelt a tout fait pour consolider l’élite de son pays et empêcher la destruction des Etats-Unis malgré la crise. Gorbatchev a joué exactement le rôle inverse, car son objectif était exactement l’inverse », souligne M. Novikov. – C’est pourquoi il est ridicule de dire que l’URSS était condamnée à cause de la crise. Regardez combien de crises différentes il y a eu dans tous les pays ! L’Union soviétique n’était donc absolument pas condamnée ».

Le vice-président du comité central du KPRF a précisé et approfondi sa position : « Gorbatchev était détesté parce qu’il avait détruit le pays. En mai 1991, les gens se sont élevés contre la politique de Gorbatchev et contre ceux qui appelaient directement à voter pour la destruction de l’URSS. La population voulait continuer à vivre dans son pays socialiste soviétique uni. Il s’agit d’un sentiment de masse, malgré la propagande de Gorbatchev, absolument destructrice. Le pays pouvait être préservé en surmontant avec succès les phénomènes de crise. Et dans une telle situation, dans le contexte d’une URSS en plein essor, je ne sais même pas ce qu’il resterait de l’influence mondiale des États-Unis aujourd’hui ».

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3 Commentaires

  • koursk
    koursk

    Sûr qu’avec un Poutine en premier secrétaire du parti communiste de l’Union Soviétique dans les années 80′, on aurait jamais entendu parler de gorbatchev, ni eu la fin de l’URSS, qui serait devenue très vite la première ou deuxième puissance économique et militaire mondiale vers l’an 2000, profitant et rentabilisant à fond les nouvelles technologies.

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    • Nicolas
      Nicolas

      Je viens de terminer de lire “Erreur ou trahison ? Enquête sur la fin de l’URSS”, d’A. Ostrovski, aux précieuses éditions Delga. A le lire, je ne suis pas certain que Poutine voulait la poursuite de l’URSS. Gorbatchev déclarait qu’il le connaissait depuis longtemps. Poutine, en apparence modeste officier du KGB en RDA, faisait-il en réalité partie du groupe top secret du KGB nommé “Loutch” et chargé de faire tomber le régime Honecker ? Très proche d’Eltsine, il reste à éclaircir son rôle dans la destruction de l’URSS.

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  • Etoilerouge
    Etoilerouge

    Bien vu sur le rôle espère d’une élite. Et particulièrement d’une élite pour le socialisme. Staline avait donc raison d’être très exigeant envers les cadres? De rappeler que la lutte des classes se poursuivaient même après la prise du pouvoir. Sur le plan international c’était vrai et la chute de l’URSS sur le plan interne c’était vrai aussi. Quel cadres pour le socialisme et qu’elle défense de la classe ouvrière vis à vis des hauts cadres susceptibles de trahir l’état socialiste? Cuba est intéressant puisque concrètement il a résisté à tout même au COVID 19

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