Prenons ce moment pivot, un parmi d’autres d’une histoire qui remonte à la deuxième guerre mondiale mais qui se conçoit aussi dans ce temps de l’impérialisme, celui d’une concurrence des empires capitalistes de ces guerres mondiales, impérialisme stade suprême du capitalisme … Ce moment pivot est celui de l’équivalent des premières révolutions de couleur que fut mai 68, dans laquelle des gauchismes liés à la CIA, dont l’exemple est Cohn Bendit, et les autres présents au meeting de Charlety ont fini par s’entendre pour porter au pouvoir Mitterrand. Celui-ci a eu pour mission de casser le danger communiste et une stratégie d’union qui pouvait conduire au socialisme. Mitterrand était l’homme adéquat dont l’anticommunisme et les sympathies pétainistes sont restées des constantes … je me souviens de ce que me disait alors Krasucki.
Classique… pas pour tout le monde, semble-t-il… mémoire sélective, tout ça… lisons Mitterrand le 13 mars 1942 : « J’ai vu le maréchal au théâtre […] il est magnifique d’allure, son visage est celui d’une statue de marbre. » Il en fut le ministre aux anciens combattants, décoré de la Francisque et sembla comme tant d’autres tardivement se repentie de ces errements mais conserva l’amitié de Bousquet l’homme du Vel d’Hiv jusqu’au bout comme la coutume de fleurir la tombe du maréchal, en revanche il se montra impitoyable contre Virgile Barrel et était ministre de la justice quand on executa le communiste Yveton coupable de lutter contre le colonialisme français… Lui qui ,avec opportunisme et en flattant les plaisirs secrets des pseudos socialistes africains qui aux Colonie installaient le système de la francafrique comme Houphouet Boigny, devint le leader deconsidéré de l’UDSR … Il prit l’union de la gauche préparée par Waldeck Rochet et Savary comme un fruit mur avec l’aide des “gauchistes” du CERES … la confusion est ontologique… Tout cela je l’ai raconté dans mes mémoires et le recul que m’inspirait une telle biographie…
Si une constante de ma propre vie me détermine c’est bien la haine viscérale du fascisme et tous les chemins qui y conduisent. Elle est née sans doute de mes ascendances juives, mais depuis longtemps elle a dépassé ces peurs enfantines de l’enfant gibier dont les parents sont sans cesse aux aguets et ne s’est pas fixé sur le seul antisémitisme, même s’il demeure… Ma répulsion pour le fascisme l’a dépassé s’est encore enflé de tous les crimes racistes prétexte pour apeurer les rebelles de classe.. Le signal demeure, mon échine se hérisse d’une manière animale devant la bête immonde comme je tremble à l’idée d’un enfant sous un bombardement, nous sommes tous cousus d’enfance mais nous sommes responsables de ce que nous faisons de ça hier comme aujourd’hui ne jamais être complice …
Je n’ai jamais pris Mitterrand pour un homme de gauche et encore moins pour un socialiste, le personnage et même ses goûts littéraires, tout en lui sentait le pétainisme de la bourgeoisie provinciale… Il représentait ce ralliement des anciens combattants et de la France profonde à la poignée de Montoire. Quand je l’ai rencontré en personne lors de la légion d’honneur d’Aragon, j’ai eu un rejet, j’ai adhéré pleinement à l’antipathie d’Aragon qui s’est alors penché vers Marchais en lui murmurant à haute voix : C’est parce que tu me l’as demandé que je suis ici! Aragon ne voulait pas voter Mitterrand et le méprisait profondément lui et ses pareils, je l’ai raconté dans mes mémoires, françois la colère ne pouvait pas blairer les gens de Vichy recrutés en 44 au titre de “la résistance”.
Il y avait également présent lors de cette légion d’honneur Henri Krasucki avec qui j’avais de fréquentes discussions… Nous dinions souvent ensemble après le comité central et il me racontait ses discussions avec Pierre Mauroy Il me rapportait ce que lui répondait Mauroy quand il le pressait au nom des salariés. Mauroy, le vieux socialiste du nord se défendait : ” tu sais bien que ni toi ni moi ne tahirons jamais nos petits gars, mais il y a le visiteur de la nuit”. le visiteur du soir qu’était le patron des patrons, Gattaz avait plus de poids que le premier ministre et le représentant de la CGT sur Mitterrand. Je me souviens encore de la manière joyeuse dont Henry avait salué la grève des travailleurs de Renault à Aulnay sous bois : “Quand les ouvriers se mettent en grève et que certains crient “Allah Akbar!” c’est irresistible!… Pour lui l’unité de la classe ouvrière se réalisait d’abord dans les luttes du monde du travail… Mais malgré de nombreuses luttes, dont j’assurais les reportages pour Révolution, de Lorraine coeur d’acier la mine du Ladrecht, le parti communiste n’apparaissait déjà plus comme l’avenir puisque l’URSS et le contexte international était en proie a un ressac… J’ai raconté aussi cette scène avec Walesa, cet antisémite haineux …
Ce Mitterrand qui avait promis aux USA de réduire l’influence du parti communiste, objectif qu’il a accompli au-delà de toute espérance. Je me souviens encore de cette phrase de Krasucki : “quand on est baisé on se tient tranquille parce que ça fait jouir l’autre quand on bouge en vain!”
Depuis cette date, hélas toutes les formes d’union de la gauche n’ont été que ce viol dans lequel ceux qui en étaient conscients devaient bouger le moins possible, le contraire du Front populaire imposant les accords Matignon en occupant les usines.
Pour faire court, je caractériserais le règne de Mitterrand comme ce viol de toute intervention populaire en ayant utilisé de manière originale la Constitution de la Ve, qu’il qualifiait pourtant de “coup d’État permanent”. Et on ne comprend pas la logique de la situation présente qui veut que notre agitation antifasciste nous rapproche toujours plus de celui-ci si on ne mesure pas ce qui a été accompli à ce moment-là et qui n’a pu l’être que dans le cadre de la vassalisation atlantiste de l’Europe et du monde imposée aux lendemains de la deuxième guerre mondiale.
La France avait hérité d’une situation originale alors qu’elle avait largement collaboré et réservé toutes ses ressources à la guerre de l’Allemagne nazie, elle s’est appuyée sur une résistance communiste intérieure et sur une résistance sans réelle force sociale au départ qui peu à peu s’est jouée sur l’empire colonial et ses réserves d’hommes qui sont venus libérer la “patrie” de gré ou de force. Le Gaullisme a fait appel idéologiquement à une sorte de féodalisme chevaleresque qui au fur et à mesure des victoires de l’URSS trouvait des alliés dans les milieux patronaux, surtout s’ils étaient juifs. Une force qui s’affirmait à la fois progressiste puisqu’elle avait une part du peuple français résistant admirateur des communistes et de l’Union soviétique, des “élites” africaines, mais aussi totalement réactionnaire et beaucoup plus proche du franquisme que ce qu’on pouvait l’imaginer.
La Constitution de la Ve osons l’avouer est franquiste et elle est faite comme le franquisme pour une monarchie anticommuniste qui lui succèderait et empêcherait que le jeu électoral porte au pouvoir les communistes en vue du socialisme.
Mitterrand représente celui qui dans le cadre de l’UE et de sa vassalisation aux USA va recréer l’union du capitalisme français en le faisant passer à travers les nationalisations et leurs reprivatisations d’un capitalisme industriel familial à un capitalisme bancaire intégré à la vague de monopolisation financiarisée mondialisée sous la domination du dollar et du militarisme. Il va être celui qui unifie ce capital en créant les conditions de l’intégration des factions politiques qui jusqu’ici opposaient au sein du patronat un pétainisme rallié à l’atlantisme à un nationalisme qui demeurait largement un colonialisme.
Nous en sommes là, parce que Mitterrand (Jospin en passant au quinquennat a poursuivi l’œuvre) a créé une nouvelle interprétation de la Constitution en particulier dans les passes d’armes des cohabitations qui n’étaient pas prévues initialement .. Il a surtout inventé le piège du “fascisme” limité à un petit parti caricatural qui casserait la droite dans ses velléités gaulliennes et qui interdirait l’accès au pouvoir à la gauche et singulièrement aux communistes. Il est vrai que ceux-ci lui ont facilité le travail avec l’eurocommunisme et leur rupture avec toute l’histoire réelle du communisme ; ce qui s’accomplissait en même temps que les “forteresses ouvrières” étaient attaquées par la politique de désindustrialisation de Mitterrand. Qui a tout de même accompli l’exploit d’imposer une politique de Reagan et Thatcher avec des ministres communistes au gouvernement, alors qu’en Amérique latine, au Chili, en Argentine, il fallait l’imposer sous la torture. Et chaque fois que Le Pen grandissait on en appelait au Front populaire sans même se souvenir de sa fin : l’acceptation du franquisme, l’exode des républicains et l’interdiction du PCF.
Cet abrégé de l’histoire de France et de l’utilisation du mythe du Front populaire pour orchestrer l’avancée de tous les fascismes doit être lu en regard de ce qui se passe dans le monde et en Europe. Même si une des spécificités française est de totalement feindre de l’ignorer…
1) L’Europe de 2024 reprend à son compte le rôle de l’Allemagne nazie face au danger communiste et face à la Russie alliée de la Chine dans un monde multipolaire…
Parce qu’il y a là aussi plusieurs interprétations de la “libération” de l’Europe et même du fameux débarquement du 6 juin, qui notons-le, ce 6 juin 2024 a réellement fait tomber les masques en se présentant comme les troupes de l’OTAN sous la direction des USA et de la Grande-Bretagne libérant la France, en fait ralliant ses collaborateurs contre la Russie éternelle héritière de l’URSS mais en fait alliée de la Chine…
2) Qu’est-ce que l’Europe sous influence des USA, une base militaire et l’idéologie des droits de l’homme essentiellement dirigée vers le maintien du statu quo capitaliste et du pillage néocolonial, un antifascisme de façade qui crée de plus en plus un signe d’égalité entre communisme et fascisme.
Dès la “libération” du vieux continent, les Etats-Unis ont favorisé le maintien en place et la promotion des héritiers du nazisme. Le travail avait été accompli en Allemagne de l’ouest et poursuivi avec la chute de la RDA. Cette intégration massive avait laissé quelques repoussoirs réduits à leur plus simple et caricaturale expression. On a vu la manière dont Mitterrand a utilisé Le Pen. Mais le fond de la répression a touché les syndicats, les communistes avec une propagande digne du maccartysme, n’étaient tolérés que ceux qui apportaient leur contribution au négationnisme ambiant. Il parait effectivement aujourd’hui hors de portée tout changement vers le socialisme en Europe comme aux Etats-Unis et dans la plupart des pays dans lesquels domine l’occident.
Ce blocage est ancien et il faut bien voir qu’il est lié au rapport Khrouchtchev de 1956, à la division entre l’URSS et la Chine, résultat : le dernier passage au socialisme qui ne se termine pas par un fiasco est en 1959 la révolution cubaine.
Mais la ‘fin de l’histoire’ et la victoire de l’impérialisme n’est qu’un épisode, paradoxalement la contre révolution qui a suivi la chute de l’URSS a entraîné une aggravation des contradictions sociales et en particulier de nouveaux rapports sud-sud dans lequel la Chine communiste a pris le leadership. Je signale avoir écrit à cette époque un livre qui annonce tout cela en suivant simplement les pistes tracées par Fidel Castro en 1983. C’est peu dire que cette analyse était incomprise à l’époque y compris par mes co-auteurs. Pourtant elle commence aujourd’hui à être la base de la prise de conscience de ceux qui mesurent l’apparition des BRICS et la manière dont la Russie résiste à l’assaut de l’OTAN, à l’ukrainisation, ses relations avec la Chine et le reste du monde. Bref, malgré la propagande, le fait qu’en Ukraine les Etats-Unis et leurs vassaux se prennent une raclée et faute de s’y résigner nous conduisent à la guerre nucléaire et mondiale.
3) L’UE et les Etats-Unis n’ont plus que la voie de la fascisation sous ses multiples facettes :
Le capitalisme qui gouverne l’Europe a besoin de la mise en concurrence des forces de travail et l’immigration ça sert à ça. Ses marchands d’armes et ses “reconstructeurs des dégâts de la guerre” ont besoin de la guerre (en France ils sont à la tête de tous les médias) donc pas question d’arrêter l’immigration mais de le faire en entretenant les bas salaires. Le fascisme est déjà dans cette base même s’il avance masqué sous les flonflons de la 9e symphonie de Beethoven.
Mais le paradoxe est qu’après avoir détruit toute possibilité d’un parti communiste, ceux qui subsistent à l’état résiduel sont pris dans le viol permanent de l’union de la gauche tel que la décrivait Krasucki pour les “élites” diplômés le sociétal et pour les déclassés, le gauchisme communautarisé… Il ne reste plus au mécontentement populaire que le fascisme “repoussoir” que Mitterrand pensait contenu dans le cordon sanitaire du système électoral.
4) Percée du cordon sanitaire en France. Allemagne, préparez-vous.
voilà ce qu’on espère faire de la population française … comme bien d’autres...
Les deux seules puissances nucléaires du continent, celles donc porteuses d’une défense nationale non intégrées à la vassalisation atlantiste sont celles qui mènent au pas de charge la fascisation sous toutes ses formes. Celle qui, comme le Le Penisme vont s’emparer de l’exigence de paix et du pouvoir d’achat des masses pour négocier leur insertion officielle en Europe ou celle qui s’interroge sur la manière de continuer à leur faire jouer le même rôle tout en les interdisant.
Notez qu’il y a là un piège démocratique, un de plus et qui dit bien la réalité de ces tartuffes : ou l’on considère que ce parti a droit de cité, peut se présenter aux élections et à ce moment-là la campagne d’hystérisation du rempart est non “constitutionnelle” et une simple manœuvre qui conduira immanquablement à la victoire de ces fascistes-là. Le rendez-vous raté aux législatives sera gagné dans des meilleures conditions aux présidentielles, de toute façon il est déjà en train de se négocier en UE avec les efforts de la présidence Orban.
Ou vous les interdisez mais ça vous ne le ferez pas parce que vous ne maitrisez plus rien du tout et que le fascisme est déjà là comme la guerre et toutes vos comédies sont un leurre qui va avec votre propagande.
Tant que les peuples resteront convaincus d’agir dans votre logique il en sera ainsi et tous leurs mouvements ne réjouiront que l’impérialisme qui les viole.
Je dois dire que dans le genre acceptant de se faire violer avec enthousiasme, il y a les gauchistes qui ne cessent d’appeler à voter contre le PCF et qui montent soit des listes alternatives pour s’assurer qu’il ne survivra pas, soit appellent à voter pour Mélenchon sous prétexte que Roussel est un “traitre social-démocrate” et qui s’enthousiasment pour le Nouveau Front Populaire et sont donc prêts à renforcer la tendance Macron, Glucksmann… Là aussi les masques tombent mais ça ne laisse pas grand chose à espérer… alors que l’on croyait qu’il pouvait exister un pôle de réflexion marxiste…
La tendance est simple : d’abord, une partie des “fascistes”, des marionnettes en faveur du capital et de la guerre sont déclarés « fascistes » et bloqués avec succès lors de diverses élections, ils sont chargés de défendre d’une manière caricaturale ce que la gauche et les communistes ont abandonné puis ils augmentent progressivement leur faction au parlement, et finissent par arriver au pouvoir, bien que dans le cadre d’une coalition.
En Europe occidentale, ce sont principalement les représentants de « l’extrême droite » qui ont accédé au pouvoir – peu importe à quel point ils ont effrayé les électeurs, la fatigue et l’indignation envers les politiciens systémiques ont conduit au fait que les gens n’avaient plus peur de voter pour des « extrémistes ». Il est clair que, ayant accédé au pouvoir, les radicaux d’hier sont obligés d’adoucir leur rhétorique, d’autant plus qu’ils doivent presque toujours se contenter non pas du pouvoir d’un seul homme, mais du pouvoir de coalition. Cependant, même sous cette forme, leur arrivée au pouvoir peut révéler une partie de la défaite des élites dirigeantes (pas au sens électif du terme) – elles doivent s’adapter et corriger le tir. Et en général, subir de grandes atteintes à la réputation – hier vous avez dit qu’il fallait tout faire pour empêcher les « dangereux extrémistes » d’arriver au pouvoir, et aujourd’hui vous êtes obligés de les nommer ministres.
Dans un tel contexte, je crains de ne pas vivre assez longtemps pour ne pas voir mon pays sortir de ce piège de la fascisation avançant sous le masque de l’antifascisme… Ma haine viscérale du fascisme, de ce dont je le sais capable me soumet au même piège que vous tous mes chers compatriotes : une fois de plus sans doute irai-je voter pour faire barrage au fascisme avec ceux qui le font grandir irrésistiblement.
Il est évident que l’espoir mis dans un parti communiste renouant avec la classe ouvrière et la classe ouvrière a reçu un coup très grave avec ces élections européennes et législatives. Il a rencontré ses propres limites comme le front populaire sur la question de la paix et il n’existe même pas le parti de Thorez du temps du Front Populaire. L’espoir de la reconstruction d’un parti communiste capable de lier la question de la paix et celle du pouvoir d’achat à la dénonciation du rôle des USA et de l’OTAN, capable donc de se situer dans l’alternative de ce monde multipolaire qui emerge, dans ses propres luttes des classes, avec le rôle des pays dirigés par des partis communistes, a fit long feu sur la destruction organisationnelle et idéologique du PCF. le peu qui s’était construit a succombé à la lutte des factions dont certaines directement liées à l’adversaire et franchement je ne vois pas grand chose qui s’organiserait en ce sens, en tous les cas pas une volonté massive des communistes eux-mêmes… J’espère que l’avenir me détrompera. Il reste ce travail d’information et de réflexion collective que nous tentons ici, c’est peu mais si vous permettez ce petit haut le coeur personnel, j’ai tout subi toutes les injures, toutes les diffamations et j’ai au moins le soulagement de me dire que moi je ne suis coupable de rien et que d’autres l’ont bien cherché …
Danielle Bleitrach
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Merci Danielle, et de la lucidité, et que cette lucidité ne t’amène pas, comme quelques intellectuels que la lecture de Marx détourne de toute perception sensible de ce qui se produit, à prôner l’abstention ou même pire.
Rien ne sera meilleur demain soir, mais si nous évitons l’etouffoir d’une victoire de l’extrême droite, rien ne sera pire non plus. Et nous continuerons à chercher comment changer les bases du monde.
Amicalement