Très brièvement et à chaud… A propos de la question “juive” aujourd’hui

Hier une abominable affaire de viol d’une enfant par d’autres enfants a exposé à l’incrédulité générale l’horreur de la haine raciale et de la manière dont on joue pour des raisons clientélistes avec ces monstruosités. Cette campagne électorale aura soulevé bien des couvercles mais il y a eu aussi plus encore la volonté d’exciter les passions pour que jouent encore les leurres les plus éculés. Permettez-moi de dire que la question juive une fois de plus est un raccourci commode pour bien des manipulations conscientes ou inconscientes. Il y a dans cette question une telle accumulation séculaire qu’elle devient un instrument aisé pour “les imbéciles” comme disait Bebel..

Dans ce blog il n’y a jamais eu la moindre complaisance face à l’antisémitisme, quitte à subir à mon tour les accusations les plus contradictoires et les plus intolérables. L’expérience d’avoir à naviguer parfois à la limite de la nausée dans ce marigot, me permet de vous dire que le malaise ne peut que grandir si l’on ne va pas plus au fond. En ce moment, il est de bon ton de blanchir Marine Le Pen de tout antisémitisme pour mieux accabler Jean-Luc Mélenchon et la quasi totalité de la FI, il faut oser dire qui est qui et le pourquoi des campagnes. Ce moment, celui d’une campagne invraisemblable née du caprice d’un président caricatural est celui qui nous interdit d’affronter en face, de dénoncer ce qui doit l’être et d’agir. Quand Attal propose de lancer une lutte contre l’antisémitisme je lui conseillerais de démissionner et pas de continuer à utiliser ce qu’ils ont sciemment entretenu. Le projet politicien est clair : il s’agit de faire éclater le bloc des gauches en vue de passer d’un front populaire très fragile et conjoncturel à un front républicain qui assure le maintien des mêmes.

Nous sommes en effet dans une logique assez proche de celle de la maison mère, les USA dont le système a été conçu pour empêcher que non seulement le peuple accède jamais au pouvoir mais qu’il s’unisse pour exiger le respect de ses revendications. Avec un aspect spécifique, qui combine l’UE, son absence de représentativité, ses alternances sans issue avec la constitution de la Ve faite pour détruire le PCF… Mitterrand a été celui qui a interprété ces données qu’il s’agisse de la cohabitation ou de l’art et la manière de s’assurer la permanence du pouvoir pour une gauche coupée de toute assise populaire et simple faction comme les démocrates ou la gauche européenne. Le piège du Front National repoussoir nécessitant une “union nationale” pour mieux continuer à mépriser le peuple a été poussé jusqu’à l’usure et au retournement des effets. Il est apparemment tenté de créer deux “repoussoirs” mais visiblement le choix reste celui du renforcement de fait de l’extrême droite et de son admission dans le camp des gens raisonnables pour mieux caricaturer le mécontentement populaire.

Il est tout de même extraordinaire sous prétexte que Marine Le Pen ne s’est pas montrée aussi haïssable en matière de stricte haine des juifs que son père et sa nièce Marion Maréchal ou le corps de ses élus, que l’on puisse exonérer celle-ci d’un racisme tout aussi exécrable qui concerne également nos concitoyens d’origine immigrée et les travailleurs immigrés. Pourtant c’est cela qui est à l’œuvre.

En effet, et là dessus il faut condamner totalement la dérive des Klarsfeld et d’autres visant à s’aveugler d’esprit partisan qui non seulement identifie les juifs et un gouvernement d’extrême droite qui dirige Israël mais invite, au nom d’une lutte que chacun respecte, à soutenir l’extrême droite en banalisant ce qui frappe le peuple palestinien et les citoyens français issus de l’immigration. Cela n’est pas nouveau et ceux qui ont mené la traque contre Barbie réfugié en Bolivie y créant une organisation nazie contre les indigènes, n’ont jamais vu que l’extrême-droite israélienne soutenait en fait dans toute l’Amérique latine les descendants des anciens nazis, partout… Nul n’est à l’abri de l’horreur et ce qui se passe en France le prouve quand tout est fait pour ne jamais mettre en cause le fascisme en tant que choix du capital à son stade monopoliste financiarisé et sa vocation à la guerre. C’est cette confusion qu’il importe de dénoncer, elle est profondément étrangère à ce qui est indispensable à savoir la condamnation de l’antisémitisme et du racisme. Ce sont ces confusions qui entretiennent la guerre de tous contre tous, qui refusent de voir que ta sécurité dépend de celle de ton voisin, pénètrent l’esprit des enfants et ceux qui les véhiculent sont coupables.

Cela ne signifie pas au contraire qu’il faille renoncer à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et tout ce qui les favorise y compris au sein de la gauche mais que de ce point de vue la critique et l’autocritique sont nécessaires.

Si l’on affirme que Marine Le Pen n’est pas censée être antisémite, il faut reconnaitre que Jean-Luc Mélenchon n’est pas non plus antisémite… Est-ce que cela n l’exonère lui, ni son mouvement de pratiques disons “imprudentes” pour ne pas en rajouter ? Ce qu’il peut y avoir de commun entre le Rassemblement National et la LFI est grave à savoir jouer la division… Mais l’opportunisme de certains membres de la FI n’a rien à voir avec le racisme affiché du Rassemblement national et son choix de classe.

Paradoxalement les dérives de la FI témoignent d’abord l’échec de la forme mouvement autour d’ambitions électorales, qu’il s’agisse de la France insoumise ou du macronisme. La tentative de détruire les partis pour créer des conglomérats de supporters atteint ses limites. Face auxquelles on ne peut que constater le rôle d’un parti comme le Rassemblement national qui a tenté comme souvent pour l’extrême droite de copier les partis communistes tout en se mettant au service du capital, mais en privilégiant la cohérence et l’ancrage dans le peuple sur les “alliances” opportunistes.

Les mouvements ne manquent pas d’avoir des dérives liées à leur électoralisme : à Marseille la LFI a joué avec un clientélisme suspect et elle n’est pas la seule. Quand dans les cités Marseillaises, ravagées par la drogue et le trafic d’armes, la FI se contente de mener campagne avec la photo de la déléguée palestinienne avec le numéro de la liste pour qui voter, je ne suis pas sûre que ce soit la base politique la meilleure. Surtout quand cela s’accompagne de ce que vit mon frère qui a son cabinet dentaire dans une de ces cités. Déjà son cabinet donnait sur les guetteurs du trafic de drogue mais en ce moment ceux-ci se sont mis devant la fenêtre du cabinet et hurlent sans s’arrêter Rafah, Rafah sale juif on te crèvera. Mon frère ne peut pas trouver de repreneurs pour son cabinet parce que personne juif ou non juif ne veut vivre là.. Il a soigné ces jeunes et leurs familles et il sait que beaucoup d’habitants ont peur comme ils ont peur des trafiquants d’armes géorgiens qui leur disputent le terrain… L’issue est claire elle renforce les pouvoirs mafieux comme la disparition de services et la police laisse faire dans des jeux de compromis, ceux qui voudraient agir autrement ne sont pas aidés.

Favoriser cela c’est la même chose que favoriser chez les juifs la montée du fascisme qui termine dans le choix affirmé de Klarsfeld et d’autres et certains ne s’en privent pas. Il faut reconnaitre et je l’ai dit et affirmé que le PCF est la force qui demeure moins susceptible de céder à ce genre de dérive…

Pourtant c’est peu dire que la faiblesse, pour ne pas dire l’opportunisme, au plan géopolitique du PCF a aussi ses effets et ce n’est pas seulement la campagne de la FI qui doit être mise en cause face à une gauche qui ne constitue plus un rempart face à l’extrême droite et à ce qu’elle porte de racisme et donc d’antisémitisme parce que cela ne se divise pas.

Il y a le rôle de la social démocratie, de l’alternance des mêmes politiques entre droite et PS, le rejet fondamental de ce qui a été créé comme destin pour les couches populaires. On peut noter deux effets directs pour expliquer la montée de l’extrême droite, le non respect du NON face à la Constitution, une UE qui est apparue comme le lieu de toutes les trahisons au point de nous amener aujourd’hui jusqu’à la guerre en Ukraine et à l’allégeance à l’OTAN, en même temps que l’acceptation de l’identification entre nazisme et communisme. Mais cela s’est combiné avec une attaque contre les services publics, qui a entrainé une diversification du territoire français, un abandon de ce qu’on considérait comme “l’espace républicain”. C’est sur un fond d’abandon matériel que l’abandon de l’analyse théorique celle de l’histoire des communistes comme celle de la réalité des bouleversements géopolitiques que l’on peut assister à une telle dérive. La destruction par la mutation de ce qui faisait la force du parti, son organisation dans les couches populaires avec un travail d’éducation a joué par rapport à une dégradation de la condition populaire et on ne regagnera pas le terrain par la seule idéologie et par un diagnostic qui relève du narratif groupusculaire. On ne pourra pas adopter un discours contradictoire sur la paix tout en justifiant la guerre et l’envoi d’armes par exemple. On ne pourra pas se contenter d’un plateau de télévision il faudra être présent non seulement dans les cités populaires mais sur les lieux de travail, partout favoriser le lien entre analyse et vie quotidienne.

C’est sur ce terrain d’abandon y compris par les services publics, que sont apparus des mouvements comme les gilets jaunes, une colère si forte que l’on n’entend plus et aujourd’hui on ne comprend rien au vote pour le RN si on en fait simplement un vote raciste, antisémite… C’est la seule manière pour des gens fous de rage et qui haïssent toutes les figures du pouvoir de dire ce qu’ils ont à dire…

Ce n’est pas si éloigné de la haine antisémite pour laquelle certains montrent de la complaisance ce qui leur parait une manière de lutter contre les dérives opportunistes du PCF et de son secteur international, des votes en faveur de l’OTAN. Et là il faut bien mesurer qu’il n’y a pas que la LFI. Les groupuscules ne valent pas mieux, très souvent ils portent les mêmes pratiques et les mêmes courte vues du clientélisme pas très regardant quand ils ne sont pas réellement antisémites par facilité. Après des années de solidarité avec Cuba j’ai été confrontée à la main mise à travers France Cuba d’une entente dont le fondement réel était l’antisémitisme masqué sous une volonté de soutien au peuple palestinien faite de caricatures immondes sur les juifs et de pratiques de fréquentation d’ambassades plutôt que de terrain, de compromis avec les “notables” que l’on prétend dénoncer et qui eux-mêmes sont en accord plein et entier avec les opérations de Macron… J’ai rompu en début d’année avec le groupe qui organisait à Marseille la solidarité autour de France Cuba. Confrontée à ce pourrissoir, Je me suis retirée et j’ai expliqué pourquoi et jamais je n’accepterai ces ententes clientélistes qui en fait correspondent à des compromis foireux. Cet art de diviser frappe tout le monde associatif et nuit en priorité aux causes qu’elle prétend défendre.

Tout cela est le produit de l’acceptation d’une politique qui est fondamentalement contre le peuple et la souveraineté française et on peut dire qu’il y avait dans la bataille menée autour du vote communiste de Fabien Roussel des aspects très positifs visant à dépasser ces divisions et ces luttes de petits chefs en vue de la reconquête des couches populaires. Ces aspects positifs ont été gâchés par l’absence de travail de formation, d’organisation et par l’étroitesse de la vision du PCF: reconstruire un rapport à la classe ouvrière, aux couches populaires ne relève pas d’une simple déclaration de campagne dans les passages dans les médias, c’est un travail de longue haleine où l’on ne peut que se heurter à la profonde dégradation du terrain politique français dont le racisme et l’antisémitisme sont les manifestations. Ce qu’il adviendra nécessitera une réflexion collective dans le parti mais à partir de là avec les alliés potentiels d’un rassemblement. Il y a en effet une volonté unitaire sur lequel on peut tabler y compris chez tous ces gens dont je viens de brosser le plus sévère des portraits mais cela suppose que l’on soit au clair sur les buts et les moyens et pour le moment je ne connais rien d’autre apte à le faire qu’un parti communiste.

Ces quelques remarques jetées à la hâte une fois de plus insistent sur la nécessité de la prise de conscience d’un processus historique et donc sur l’impossibilité de penser la permanence du fascisme dans des catégories en plein bouleversement.

Danielle Bleitrach