Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Straub et Grémillon : le 6 juin ou l’Amérique colonisatrice

Jusqu’où ira l’oubli du malheureux peuple français ? Et jusqu’où nous qui n’avons rien renié, rien oublié, devrons-nous subir la médiocrité de ceux qui nous gouvernent et de leurs complices. Comme en 1944, la cible désignée, celle qu’il faut frapper de censure faute de les assassiner (mais ça viendra) tous ceux qui partout dénoncent l’escalade des collaborateurs vers la guerre, “Jamais on ne vit s’étaler aussi impunément une trahison aussi monstrueuse”… disait Duclos en 1944 en ajoutant “ils ne sont pas mus seulement par un sentiment de lâcheté, mais aussi par la haine du peuple” celle qui leur fera toujours oublier l’ennemi pillant et martyrisant pour ne penser qu’au maintien de l’ordre, leur “ordre”…

illustration : Amerika rapports de classe 1984 de Straub et Huillet. Le film est une adaptation du roman inachevé de Franz Kafka, L’Amérique (titre original : Amerika ou Le Disparu). Il est considéré comme l’une des plus belles adaptations d’une œuvre de Kafka. C’est une adaptation fidèle du texte et de l’univers de l’écrivain.[

“Colère : ce que Jean-Marie Straub nous disait du 6 juin 1944, après la projection du film de Jean Gremillon : le PLAN Marshall et la colonisation de l’Europe. Et aujourd’hui, en 2024, pas de doute, l’Europe colonie américaine, ça continue !”

Rares sans doute sont les Français qui connaissent non seulement Straub mais même Jean Grémillon, cet immense cinéaste communiste que l’on a pu considérer comme “maudit” alors qu’il n’y a pas de cinéaste maudit, simplement des artistes que le capital interdit de tourner ce qu’ils souhaitent dire. Un communiste comme Grémillon ne peut pas à l’époque ignorer ce qu’aujourd’hui les secteurs internationaux du PCF, de la CGT et de l’Humanité, (mais même le très léger Roussel qui n’a aucun goût pour l’histoire et la culture) font tout pour occulter à savoir l’appel du PARTI COMMUNISTE DU 6 JUIN 1944 rédigé par Jacques Duclos, avec l’accord de Benoit Frachon,Tillon, Grenier et d’autres, un appel qui dénonce l’attentisme face au débarquement et qui invite partout les FFI, les soldats sans uniforme à se soulever partout :”que dans les usines, les mines, les chantiers, les dépôts de chemin de fer, les travailleurs doivent intensifier non seulement le sabotage et les destructions, mais aussi les actions revendicatrices de masse et s’organiser de toute urgence en milices patriotiques, de façon à pouvoir mener avec succès leurs actions revendicatives et de façon à se mettre en mesure de participer aux plus amples combats de l’insurrection nationale à laquelle il importe de se préparer”

Ce qui face au débarquement à grand spectacle qui comme le dit Duclos dans ses mémoires est déjà vaincu depuis Staligrand, l’offensive victorieuse de l’URSS se déploie sur l’immensité du Front et s’avance vers Berlin : “C’est donc face à un ennemi affaibli, ne pouvant disposer de forces suffisantes pour tenir les fronts de bataille et les fronts de l’intérieur, face à un ennemi qui compte encore pouvoir retarder l’heure de son effondrement en se servant des traîtres et en s’efforçant de conserver les possibilités de déplacement de ses unités, pour parer aux attaques le menaçant de partout, que le peuple de France peut et doit jouer un rôle énorme dans le développement de la lutte libératrice aux côtés des Alliés”.

Si ni De Gaulle, ni les communistes ne sont dupes à savoir que le 6 juin va être le début de la colonisation de l’Europe et le point d’appui de la poursuite de l’anticommunisme en s’appuyant sur les collaborateurs du nazisme, Straub découvre devant le film de Grémillon, nous sommes un certain nombre à le vivre aujourd’hui dans la douleur face aux complicités pour que ce leurre continue ses effets.

Ce que le PCF a conservé et qui motivera sans soute mon vote c’est ce que décrit Grémillon en concordance avec cet appel du 6 juin : le peuple français doit se libérer lui-même et il le fera grâce aux petites gens qui uniront leurs revendications à mieux vivre avec ce patriotisme. Mais quelle tragédie a vécu ce parti depuis trente ans et plus pour avoir oublié complètement ce qu’est réellement le fascisme et ses liens avec l’impérialisme des Etats-Unis, cette campagne des Européennes clôturée par la comédie sinistre de l’exclusion des Russes au profit de Zelensky ce descendant affirmé de Bandera et des collaborateurs qui n’ont dû leur survie qu’à l’arrivée des Etats-Unis… Pendant que la FI la haine incarnée, la division des travailleurs non pas en défendant les Palestiniens mais en prétendant exporter un conflit au sein même de notre pays pour mieux occulter leur volonté de ne pas affronter le capital.

Grémilllon c’est tout le contraire, c’est le cinéaste français par excellence, lumineux et clair comme du Diderot, le réalisme socialiste, le réalisme avec la magie en plus… J’ai un ami Armand Paillet qui a fait un travail énorme dont avant de mourir il m’avait confié l’achèvement sur Gremillon, sa famille me l’a interdit et jamais ce travail ne sera publié, pourtant c’était une ode à tout ce que représentait de lucidité, de courage, d’ancrage dans la terre de France, ce communiste.

Jean-Marie Straub auquel il faut ajouter le nom de sa collaboratrice Danielle l’huillet, c’est un autre cas, plus proche du désespoir de la bande à Baader, joint à la beauté artisanale du classicisme celui de Corneille, de Cézanne… un très grand cinéaste, refusant tous les compromis et les conforts du système.

Je commente mais la parole de Jean-Marie Straub est assez forte par elle-même et Laura Laufer qui m’a confié cette vidéo ajoute : nous sommes quelques-uns (pas assez) à voir la continuité de la colonisation américaine en Europe avec la guerre en Ukraine et ses effets. J’ai également partagé le film de Grémillon qui existe en ligne. Je suis catastrophée, dans la section PCF de Montreuil : nous n’avons pas eu un SEUL débat sur l’Ukraine, et j’ai demandé il y a un an et demi que nous nous investissions dans le mouvement de la Paix, mais je n’ai pas eu le feu vert et le mouvement de la Paix local à Montreuil est branché sur la Palestine… Rien sur l’Ukraine car après discussion avec sa présidente (qui n’est plus au PCF depuis plusieurs années) j’ai senti que la diabolisation des Russes marche à plein. Et j’en ai assez de jouer les trouble fête à chaque fois en réunion de section… quand j’entends dire qu’ “il faut aider les Ukrainiens … en leur livrant des armes, tout en défendant la paix !!!!”

On marche sur la tête. il n’y a pas que Macron qui fait du en même temps ! Je voterai malgré tout Gauche unie car sur la question sociale et du travail c’est tout autre chose que LFI.

Moi aussi probablement mais j’éprouve une sorte de nausée, Laura notre amour du cinéma n’a jamais été simplement du cinéma, il a été ce souci de l’histoire.

Danielle Bleitrach

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2 Commentaires

  • Falakia
    Falakia

    Parfois on se pose des questions .
    Qu’est ce qui dérange certains politico – médiatiques et capitaliste militaro industriel occidental envers la Russie .
    Est ce le style russe , la révolution russe ?
    A l’heure d’aujourd’hui les dirigeants Américain , Russe , Français nous parlent de guerre nuclėaire et non de dénucléarisation .
    Et nous ne sommes ni équipés d’anti abri et
    ni non plus de masques .

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  • Yannick LB
    Yannick LB

    Une pensée pour Straub & Huillet. Grâce à eux, dont je n’ai hélas toujours pas vu l’adaptation de “Othon”, j’ai lu avec émerveillement cette pièce de Corneille, qui met en scène avec une crudité quasi brechtienne le cynisme politique. Juste un échantillon :

    Et qu’importe à tous deux de Rome et de l’État ?
    Qu’importe qu’on leur voie ou plus, ou moins d’éclat ?
    Faisons nos sûretés et moquons-nous du reste.
    Point, point de bien public, s’il nous devient funeste,
    De notre grandeur seule ayons des coeurs jaloux
    Ne vivons que pour nous, et ne pensons qu’à nous.

    Au lycée (je parle des années 60 !), nous a-t-on assez bassiné avec la “psychologie” des personnages, en poussant sous le tapis la dimension politique. J’aime entendre J.M. Straub (dans une émission de Michel Field qu’on trouve sur Youtube) défendre les dernières pièces de Corneille, à l’inverse de la doxa littéraire. J’aime la fureur et la gouaille avec laquelle il parle de leur conception du cinéma.

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