A propos du rapport de Ziouganov, le rôle du PCF face au fascisme, par Danielle Bleitrach

Certes nous devons partir des fondamentaux de la société française, sa “laïcité’ son refus de voir la nation confondue dans une Europe vassalisée à la puissance économique de l’Allemagne et plus que jamais aux intérêts des USA, et même comme le fait très justement le candidat de la “gauche unie” partir des intérêts populaires, pouvoir d’achat, emploi, avenir des enfants. A ce titre là oui, je continue à dire que la liste présentée par le PCF est celle dont les thèmes, les contenus sont les plus forts. Mais en ce qui concerne le PCF, colonne vertébrale de cette union cela ne suffit pas parce que le terrain français est profondément dégradé et qu’un combat encore plus politique est nécessaire, rien de tout cela ne pourra devenir concret sans un combat dont le but est le socialisme. C’est à ce titre que nous vous avons proposé hier d’étudier le rapport que GA Ziouganov a présenté au Comité central sur les conditions du rassemblement face au fascisme.

Nous avons deux axes pour étudier ce rapport et en quoi il peut représenter un apport. Le premier concerne la géopolitique, la relation avec le mouvement qui aujourd’hui bouleverse le monde et dans lequel la Chine communiste joue un rôle de leader et qui s’organise aujourd’hui autour du leadership du dollar, sa militarisation, nous insisterons sur cet aspect là demain. Le second axe concerne les conditions du rassemblement contre le fascisme dans le cadre national et international et c’est le fond commun de tous les articles d’aujourd’hui, sur quelles bases peut et doit se contruire ce rassemblement antifasciste.

Le leurre est dans les guerres de religion… Et pour rester marxiste, il faudrait voir à quel point Marx lie le fétichisme de la marchandise, l’équivalent monétaire au fétichisme religieux mais restons en à “l’opium du peuple”. Si l’on a suivi Ziouganov, on sait à quel point il a la réputation de cultiver une “foi” dans le communisme mais aussi dans une transcendance, qui le font accuser d’être religieux. Et de ce point de vue, son texte mérite également toute notre attention.

Les marxistes, léninistes n’ont jamais eu une vision timorée de la religion “opium du peuple” ils savent que comme tout opium c’est une panacée pour la souffrance humaine (1) et leur enseignement partait de cette évidence et leur implication dans l’humanité relève aussi d’une sorte de transcendance.

Si vous le pouvez, créez des conditions qui rendent la religion inutile. Alors on verra si elle survit ou pas. Si vous n’êtes pas en mesure de créer de telles conditions, alors vos attaques contre la religion sont non seulement inutiles, nuisibles, mais aussi dénuées de sens car la religion reviendra avec une vigueur renouvelée.

Ce n’est pas la religion qu’il faut attaquer mais ce que le fascisme capitaliste tente d’en faire …

Actuellement ce n’est pas un hasard si Ziouganov consacre l’essentiel d’un rapport au Comité Central à la définition du fascisme, il y a aujourd’hui en Russie comme partout face à la montée des revendications du peuple, à son regret de ce que fut l’URSS et à la découverte de la corruption de l’oligarchie (les limogeages et arrestations se multiplient dans le ministère de la défense) une volonté d’encourager un nationalisme d’extrême-droite dans lequel la religion est appelée à jouer un rôle … L’illustration ci-dessous témoigne y compris de la récupération des “icônes” bolcheviques pour récupérer la ferveur d’un peuple humilié. Le mépris de ce qu’a représenté “la démocratie”, l’idéologie mensongère sous laquelle l’occident masque sa capacité à humilier, torturer les peuples joue un grand rôle…

C’est pour cela que Ziouganov revient sur la définition du fascisme et propose l’alliance à tous ceux qui sont d’accord pour ne pas se tromper d’adversaires. Et c’est pour cela aussi que le KPRF a décidé de dénoncer la manière dont l’oligarchie au pouvoir veut profiter de la guerre contre l’assaut impérialiste pour renforcer son pillage. Il revient sur la formation des militants communistes à la vérité historique et le refus de confondre en mal mais aussi pour s’en attribuer les mérites comme le fait la monarchie, l’idéologie grand russe, le communisme, l’union soviétique avec ce négationnisme.

Certes en France, il semble que l’extrême-droite ne s’attribue pas Staline, elle se contente d’utiliser le repoussoir largement entretenu par l’UE, ses financements, des votes et la complaisance active de la gauche et des liquidateurs communistes pour qu’une telle équivalence puisse être osée de la part des descendants de Pétain. Et dans le même temps, cette extrême-droite est la seule qui revendique d’aller jusqu’au bout de la souveraineté française comme l’ont fait les communistes durant la Résistance. Et elle le fait en véritable fasciste c’est-à-dire en soutenant partout la politique du capital contre les travailleurs mais en créant la haine, la division et elle ne craint pas d’attiser une véritable guerre des religions.

Est-ce un hasard si les moments où Léon Deffontaines est apparu le plus percutant sont ceux où monte à la surface de débats soporifiques cet enjeu-là ? C’est bien de citer Manouchian, de ne pas se contenter d’en faire un “républicain” mais il faut récupérer l’ensemble de l’héritage, ses ombres comme son éclatante lumière…

On peut se plaindre de la faiblesse du mouvement de masse qui assortira l’exigence de paix à la sortie de l’OTAN, mais il faut mesurer qu’il existe au moins une relation dialectique entre ce mouvement et l’existence d’un parti communiste capable de mettre en lumière l’adversaire impérialiste et le but le socialisme.

Ne nous faisons pas d’illusions la situation est trop dégradée, on ne peut pas se contenter des timides revendications de la liste “gauche unie” même si elles vont dans le bon sens, on doit aller au fond de ce qu’est le fascisme qui nous menace et qui étend de plus en plus son emprise sur la France et sur l’Europe. Ce ne peut pas être le travail d’une liste qui se présente aux élections européennes, ce doit être le travail d’un parti communiste conscient de son rôle face à la montée du fascisme parce que c’est le seul dont la mission est le socialisme, la fin du capitalisme.

Danielle Bleitrach

Puisque nous sommes confrontés en tous domaine à ce qui devrait fonder notre engagement, je voudrais rappeler aux communistes cet aveu d’Aragon qui pour moi a toujours symbolisé la difficulté et la force, l’intelligence autant que la sensibilité, l’exigence du beau et du vrai à la racine matérielle et le tout comme une lutte au quotidien:

“Je connais des gens qui sont nés avec la vérité dans leur berceau, qui ne se sont jamais trompés, qui n’ont pas eu à avancer d’un pas de toute leur vie, puisqu’ils étaient arrivés quand ils avaient encore la morve au nez. Ils savent ce qui est bien, ils l’ont toujours su. Ils ont pour les autres la sévérité et le mépris que leur confère l’assurance triomphale d’avoir raison. Je ne leur ressemble pas. La vérité ne m’a pas été révélée à mon baptême, je ne la tiens ni de mon père ni de la classe de ma famille. Ce que j’ai appris m’a coûté cher, ce que je sais je l’ai appris à mes dépens. Je n’ai pas une seule certitude qui ne me soit venue autrement que par le doute, l’angoisse, la sueur, la douleur de l’expérience. Aussi ai-je le respect de ceux qui ne savent pas, de ceux qui cherchent, qui tâtonnent, qui se heurtent. Ceux à qui la vérité est facile, spontanée, bien entendu j’ai pour eux une certaine admiration mais, je l’avoue, peu d’intérêt. Quand ils mourront, qu’on écrive donc sur leur tombe : il a toujours eu raison…, c’est ce qu’ils méritent et rien de plus.”

ARAGON, “Il faut appeler les choses par leur nom”, Les Lettres françaises, avril 1959

(1) la citation exacte est : La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l‘opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel.