Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Ces 638 fois où la CIA a voulu se débarrasser de Fidel Castro

Il a eu toute sa vie le peuple cubain comme véritable protecteur, les Cubains en sont tout à fait conscients, ils vénèrent dans leur immense majorité Fidel, mais ils disent “sans nous il n’aurait pas pu faire grand chose”. Mais pour incarner le peuple cubain, il y aussi Raoul, son frère, il n’y eut jamais dans l’histoire deux frères qui se partagèrent le pouvoir et jamais ne se trahirent, c’est sans doute parce qu’ils se désincarnèrent pour mieux être leur peuple, le plus pauvre des Cubains, une conception internationaliste à partir de la solidarité à chaque moment. Mais pour dire “la sécurité” de Fidel, je voudrais rapporter une anecdote. Nous étions avec mon amie Carmen dans sa vieille voiture en train de rentrer chez elle autour de minuit. Tout à coup nous avons été arrêtées, il fallait laisser passer un convoi. Les rues étaient totalement désertes. Carmen m’a dit “C’est Fidel”. Quelques minutes après il est passé un motard, puis trois vieilles mercedes dans lesquelles, il y avait dans chacune Fidel et deux clones, visibles derrière les vitres de chacun des véhicules. J’ai demandé à Carmen : “mais comment tu savais!” Elle m’a répondu, je suis cubaine, je sens quand Fidel est là. Ce charisme était tel que chacun imaginait que “le régime” s’effondrerait à la mort de Fidel, mais c’était oublier à quel point ils avaient construit autre chose qu’un culte, une identité collective rationnelle et sans haine (note de Danielle Bleitrach).

Stylo et cigares empoisonnés, LSD, poison pour faire tomber sa barbe… La CIA a tout essayé pour tuer ou faire disparaître le dirigeant cubain.

Par François Bougon Publié le 26 novembre 2016 à 12h47 – Mis à jour le 27 novembre 2016 à 07h39

Des contre-révolutionnaires cubains financés par la CIA capturés par l’armée cubaine lors de l’échec de l’assaut sur la Baie des Cochons (avril 1961).
Des contre-révolutionnaires cubains financés par la CIA capturés par l’armée cubaine lors de l’échec de l’assaut sur la Baie des Cochons (avril 1961). MIGUEL VINAS / AFP

C’est une des plus grandes ironies de l’histoire. Le jour de l’assassinat du président américain John Kennedy, le 22 novembre 1963, un responsable de la CIA confiait un stylo empoisonné à une « taupe » cubaine pour qu’il l’utilise contre Fidel Castro, alors l’ennemi juré des Etats-Unis. Pourtant, au même moment, un émissaire de Kennedy rencontrait le numéro un cubain pour tenter de trouver des moyens d’améliorer les relations entre la grande puissance et son petit voisin.

Cette anecdote, révélée en 1975 par une commission du Sénat américain (la « Commission Church »), montre qu’après la prise de pouvoir par Castro et jusqu’en 1965, la CIA, la principale agence de renseignements américaine, a cherché à se débarrasser de lui en encourageant, voire en soutenant, des projets d’assassinat.

Avant de songer à l’élimination physique, la CIA a d’abord tenté de le discréditer en s’attaquant à son image, durant les dernières années de la présidence de Dwight D. Eisenhower, de mars à août 1960. Avec des projets rocambolesques : il y a eu l’idée de disperser un produit chimique aux effets similaires à celui du LSD dans un studio de télévision où Castro devait enregistrer un discours, ou bien d’imprégner une de ses boîtes de cigare avec le même produit…

Poison anti-barbe

Certains ont même pensé à s’attaquer à sa barbe, telle Dalila coupant les cheveux à Samson. N’avait-il pas dit lors d’une interview avec une télévision américaine juste après son arrivée au pouvoir : « Ma barbe signifie plein de choses pour mon pays. » Un projet baptisé « La Barbe » fut lancé : il prévoyait de saupoudrer les chaussures du « comandante » avec un produit chimique dépilatoire… L’idée était de mener cette action lors d’un voyage à l’étranger, dans l’hôtel où le dirigeant cubain descendrait. On comptait sur le fait qu’il mettrait ses chaussures dans le couloir pour les faire cirer. Des tests furent menés sur des animaux, mais le projet fut abandonné, car Castro annula son déplacement.

La commission Church a recensé au moins huit projets d’assassinat, avec le recours parfois à des membres de la pègre de Las Vegas et aux Cubains anticastristes exilés à Miami. En 1975, Fidel Castro remettait au sénateur George McGovern une liste de 24 tentatives d’assassinat à son encontre, accusant la CIA. Dans un documentaire de 2006, des anticastristes recensent jusqu’à 638 projets d’attentats…

La plupart n’ont pas été mis à exécution, mais les moyens auxquels ses auteurs avaient pensé sont dignes des meilleurs romans d’espionnage : des plus classiques, comme des fusils très puissants, aux plus élaborés comme des pilules empoisonnées, le fameux stylo ou des armes bactériologiques…

Début 1963, les services techniques de la CIA ont mené ainsi des tests pour contaminer une tenue de plongée, car Fidel Castro aimait pratiquer la plongée sous-marine. Les agents étudièrent même la possibilité de piéger un coquillage là où le dirigeant cubain aimait nager, mais aucun n’était assez grand pour abriter un explosif. Les renseignements américains avaient également un contact avec une « taupe » située au plus haut niveau du pouvoir cubain. Il lui fut remis un stylo empoisonné, puis on lui confia une cache d’armes, mais les relations furent rompues en 1965 pour des raisons de sécurité.

On imagina également d’empoisonner les cigares préférés du dirigeant cubain. Ces projets furent menés, à l’occasion, en impliquant des membres de la mafia de Las Vegas et des anticastristes cubains exilés à Miami par l’intermédiaire d’un ancien membre de la CIA, Robert Maheu.

L’échec de la baie des cochons

Les dirigeants de la CIA avaient-ils le soutien des présidents américains ? La commission n’a pas pu répondre à cette question. En tout cas, sous l’administration Eisenhower fut lancé le projet de renverser le régime cubain en envoyant des exilés cubains à Cuba. Le programme fut approuvé en mars 1959 par le président Eisenhower. Des camps d’entraînement furent mis en place au Guatemala. Peu après sa prise de fonctions, en février 1961, le président Kennedy approuva le projet. Le 17 avril 1961, 1 400 exilés cubains débarquaient dans la baie des cochons, sur la côte sud de Cuba. Mais ce fut un échec total. Peu après, les Etats-Unis lançaient l’Opération Mongoose (mangouste) pour tenter de déstabiliser le régime castriste.

Après les révélations de la commission Church, qui condamna ce genre de pratiques, certains anticastristes n’abandonnèrent pas leur espoir de tuer leur principal ennemi. En vain. Lorsqu’il s’est rendu aux Etats-Unis en 1979 pour donner un discours devant l’ONU, dans l’avion, les journalistes lui demandèrent s’il portait un gilet pare-balles. Fidel Castro ouvrit sa chemise sur son torse nu et lança : « J’ai un gilet moral. »

Fidel Castro est finalement mort de vieillesse vendredi 25 novembre, déjouant tous les pièges de ses ennemis.

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