Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le limogeage des gouverneurs de la région d’Arkhangelsk et de la République des Komis est une conséquence de leur refus d’entendre les gens

Le vice-président du Comité central du Parti communiste, le député de la Douma d’État Youri Afonine, a commenté le changement de direction des deux régions du nord. Dans le cadre du débat qui fait rage en Russie à propos de la décentralisation de la gestion de l’épidémie voulue par Poutine, voici la voix des communistes. Pour dénoncer les dangers d’une telle gestion ils partent de faits concrets et montrent comment les gouverneurs qui ont été “démissionnés” s’étaient montrés indifférents à la protestation populaire dans laquelle les communistes ont joué un rôle essentiel. Il s’agissait d’un problème de décharges installées sans l’accord des populations, mais bien au-delà les résultats économiques étaient mauvais. Dans le fond le problème que tous ces intervenants russes posent est peut-il y avoir souveraineté nationale, gestion collective des pandémies dans un système contrôlé par les oligarques? Poutine a une attitude gaullienne, habilement relayée par Lavrov, le ministre des affaires étrangères mais tout l’appareil d’Etat russe, celui qui est au plus près des problèmes de la population est complètement aux mains du capital qui ne peut que trahir l’intérêt national et ne pas protéger le peuple (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop).

Service de presse du Comité central du Parti communiste

04-04-2020

https://kprf.ru/party-live/cknews/192962.html

Je me suis rendu à Arkhangelsk à plusieurs reprises, y compris en août 2018, lorsque la protestation des «poubelles» commençait à prendre de l’ampleur. Nous, les communistes, avons immédiatement fait une évaluation ferme sur la situation, condamné publiquement les projets de transport de déchets solides municipaux [de la région de Moscou, NdT] par chemin de fer vers la gare de Shies du district de Lensky. Il était prévu d’y construire une grande décharge de déchets solides, avec des effets désastreux sur la situation environnementale non seulement dans la région d’Arkhangelsk, mais aussi dans la République voisine de Komi.

Les dirigeants de ces deux régions, Igor Orlov et Sergey Gaplikov, ont alors choisi une tactique très étrange. Au début, ils ont prétendu que rien ne se passait, puis ils ont essayé de convaincre les citoyens qu’il n’y aurait pas de détritus moscovites à Shies. Ils n’ont pas entamé de dialogue avec les opposants à la construction de la décharge (la grande majorité des habitants de la région d’Arkhangelsk et de Komi).

Les deux régions sont devenues le territoire de manifestations de masse qui, sous la direction des dirigeants locaux et des militants du Parti communiste de la Fédération de Russie, ont rapidement pris un caractère politique exigeant la démission d’Orlov et de Gaplikov. En juillet 2018, seules quelques dizaines d’habitants des villages environnants se battaient contre le site d’essai de Shies. Mais à l’hiver, il y avait déjà des milliers de rassemblements à Arkhangelsk, Severodvinsk et d’autres villes de la région – un total de jusqu’à 30 000 personnes! Leurs organisateurs et participants actifs étaient les communistes d’Arkhangelsk. Dans le village d’Ourdom, il y a exactement un an, le nombre de manifestants dépassait celui des habitants.

Dans la République voisine de Komi, les habitants non seulement des villes, mais aussi de nombreuses petites localités, se sont élevés contre la décharge de Shies. A Syktyvkar, des rassemblements avec drapeaux rouges ont rassemblé jusqu’à sept mille participants. Et cela malgré l’interdiction des manifestations dans le centre-ville. Au cours de ces deux années, le premier secrétaire du Comité de la République Komi du Parti communiste de la Fédération de Russie, le chef de la faction du Parti communiste au Conseil d’État de la République, Oleg Mikhailov, est devenu un véritable leader populaire. Comme de nombreux autres manifestants, il a été arrêté par la police, les tribunaux l’ont condamné à des amendes pour des “événements non autorisés” et autres prétextes farfelus, mais n’ont pas pu le faire reculer.

À la gare de Shies même, les gens ont organisé un camp de tentes, fonctionnant 24h / 24 et toute l’année. Les communistes y ont également participé. Au Comité régional d’Arkhangelsk du Parti communiste, une collecte de tout le nécessaire a été organisée pour assurer le séjour autonome des volontaires – lits pliants, générateurs diesel, imperméables, trousses de premiers soins, etc. Il y a eu des situations où des militants se sont tout simplement couchés au sol devant les engins de chantier afin de bloquer leur chemin vers le site du futur terrain d’enfouissement. Les manifestants ont également été soutenus dans d’autres régions – piquets de grève, rassemblements, publications dans les médias et les réseaux sociaux.

Une enquête du Levada Center a montré que 95% des habitants de la région d’Arkhangelsk s’opposent à la construction de la décharge. Mais les autorités ont obstinément refusé d’engager un quelconque dialogue avec la société civile, se permettant d’insulter les manifestants, essayant de les présenter comme un “groupe de marginaux”, des “mercenaires” de quelqu’un, etc. Les tentatives de la branche régionale du Parti communiste d’organiser un référendum sur l’interdiction d’importer des déchets solides dans la région d’Arkhangelsk en provenance d’autres régions ont été bloquées lors de la réunion régionale des députés. Cette décision a été annulée par le tribunal régional, mais la Cour suprême a pris parti pour le gouverneur et les “rois des poubelles”.

Et ce n’est que le 9 janvier 2020 que le tribunal arbitral de la région d’Arkhangelsk a mis un terme à cette affaire. Dans un procès intenté par l’administration du village d’Urdom, a déclaré illégale la construction du terrain d’enfouissement de Shies. C’était une décision très importante, comme le procès lui-même. Le chef du village a osé prendre le parti des habitants, et non des autorités supérieures, ayant en fait intenté un procès contre ces mêmes autorités.

Cependant, les protestations contre la décharge de Shies et la réticence des dirigeants régionaux à rechercher un compromis avec les citoyens sur cette question n’ont pas été les seules raisons des démissions d’Orlov et de Gaplikov. Ils n’ont pas réussi à renverser la situation socio-économique difficile de leurs territoires et à obtenir un succès significatif. Dans la région d’Arkhangelsk et de Komi, le taux de chômage reste au niveau de 6-7%. Dans ces deux régions, le taux de natalité a baissé de 28 et 32,4%, respectivement. La population de la région d’Arkhangelsk sous le règne d’Orlov a diminué de 100 000 personnes, à Komi sous Gaplikov – de plus de 44 000 personnes.

Il était clair depuis longtemps que le départ des chefs de deux régions, probablement les plus instables et parmi les moins prospères, approchait à grands pas. C’était une mesure attendue depuis longtemps. En outre, cette décision devait être prise impérativement dans le contexte de la pandémie de coronavirus, lorsque la stabilité et la cohésion sont indispensables au travail des autorités à tous les niveaux. Et d’ailleurs, comment maintenir en place un chef de république [autonome] quand 53 personnes y ont été infectées dans un hôpital en quelques jours? Et cela malgré le fait qu’un seul cas de CoVID-19 ait été précédemment détecté dans toute la région!

Je rappelle qu’à la fin du mois de novembre 2019 à Syktyvkar, un séminaire-réunion des dirigeants et militants du parti des branches régionales du Parti communiste du District fédéral du Nord-Ouest s’est tenu. Nous avons spécifiquement choisi la République Komi pour cet événement afin de soutenir nos camarades qui ont mené un combat juste dans l’intérêt de leurs compatriotes. En particulier, les premiers secrétaires des comités du Parti communiste régional d’Arkhangelsk et du Parti républicain komi Alexander Novikov et Oleg Mikhailov ont partagé leur expérience dans l’organisation et la conduite d’actions de protestation.

Alexander Novikov, en particulier, a alors noté que dans le district de Lensky, où se trouve Shies, la cellule locale du parti s’est récemment considérablement renforcée. Les gens savent que seul le Parti communiste adopte une position intransigeante concernant une éventuelle décharge dangereuse, ce qui signifie qu’il est du côté des intérêts de la population locale.

Dans la république voisine de Komi, comme l’a dit Oleg Mikhailov, en septembre 2019, des élections ont eu lieu dans deux des 20 municipalités. Dans le district de Knyazhpogost, où, lors de la précédente mandature, il n’y avait pas de députés communistes, les représentants du Parti communiste ont remporté 6 des 16 sièges, dans le district d’Izhma – 8 sur 20! En septembre de l’année prochaine, des élections auront lieu à Komi dans 17 autres municipalités, ainsi que des élections au Conseil d’État de la région, où jusqu’à présent le Parti communiste n’est représenté que par deux députés sur trente. Le succès de l’année dernière doit être développé et consolidé cet automne.

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