Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Medvedtchouk : sous Zelensky, l’Ukraine a introduit une russophobie d’Etat, lançant de fait un ethnocide sous la complicité active des dirigeants européens, interview première partie.

Leader de la principale force d’opposition ukrainienne, selon le magazine Omerta (numéro 4 mars-avril 2024) sous le titre la guerre des Mondes avec le sous-titre Poutine joue les blancs dans cette partie d’échec planétaire (1). Nous avons repris le long interview de Viktor Medvedtchouk, qualifié de prorusse, il a été arrêté à plusieurs reprises et finalement libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers. Nous avons déjà ici parlé de cet échange et les spéculations auxquelles il a donné lieu en Russie (2). Dans le magazine Omerta, il livre en exclusivité son analyse du conflit russo-ukrainien, du rôle des occidentaux dans le conflit, en particulier celui de Hollande et de la trahison de la parole aux négociations de Minsk dans cette première partie (de la page 42 à 46). Nous découvrons que son parti qui se prononçait pour la paix avec la Russie avait gagné les élections locales et menaçait de l’emporter aux élections nationales, ce qui n’a rien d’extraordinaire puisque c’est sur ce même programme que Zelensky avait été élu. Si l’on considère ce qui est dit de lui dans wikipedia france, où il y a une diabolisation du personnage avec des références à une histoire familiale que nous ne pouvons pas vérifier, mais tout ce qu’il dit dans la première partie de cet interview que nous publions ici correspond à ce que nous savons et avons pu constater sur le terrain, les résultats électoraux de son parti sont aisément vérifiables. Ce qu’il dit des dirigeants européens y compris de Hollande a été révélé par le dit Hollande. Nous publierons ultérieurement la seconde partie de l’interview qui porte sur ce qui peut être envisagé pour l’avenir et là aussi nous tenterons des comparaisons par exemple avec les propositions des communistes ukrainiens et l’impasse du bellicisme européen. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Omerta (charles d’Anjou intervieweur) : vous avez été arrêté par les services spéciaux ukrainiens le 12 avril 2022, de quoi vous ont-ils accusé ? Quelles ont été les conditions de votre détention ? La presse occidentale dit que vous aviez été échangé contre les officiers d’Azov capturés à Azovstal. Confirmez-vous ?

Viktor Medvedtchouk : En fait, la situation s’est déroulée de la manière suivante. Le régime actuel de Zelensky a commencé une persécution frénétique et anarchique de l’opposition et de la dissidence dans notre pays bien avant le conflit armé. En 2020, notre parti “Plateforme d’opposition-Pour la vie” a pris la première place aux élections locales, après avoir été deuxième aux élections législatives de 2019, et a commencé à être en tête dans tous les sondages du pays. Le chemin vers le pouvoir lui était complètement ouvert. Par conséquent, en février 2021, le régime zelensky a illégalement bloqué les activités de trois chaînes de télévision d’opposition: 112 Ukraine, NewOne et Zik. Puis le 19 février 2021, ma femme et moi avons été placès sur la liste des sanctions de l’Ukraine, bien que cela ne soit pas prévu par les lois ukrainiennes. En mars 2021, une affaire pénale de haute trahison a été illégalement ouverte contre moi et le 11 mai, j’ai été assigné à résidence sans aucun motif.

J’ai été chargé de défendre la nécessité pour l’Ukraine de coopérer avec la Fédération de Russie, ce qui a été proclamé par le programme de notre parti avec lequel nous avons emporté les élections. Les négociations avec les dirigeants russes que j’ai menées soit à la demande des autorités ukrainiennes, soit au nom de mes électeurs, en tant que représentant du peuple, étaient tout à fait légales. J’ai utilisé mon mandat de député pur parvenir à un accord sur une réduction de 25% sur le gaz pour l’Ukraine.

J’ai obtenu pour l’Ukraine un approvisionnement prioritaire en vaccin spoutnik au plus fort de l’épidémie de coronavirus, alors que nous n’avions pas encore de vaccin et la Russie a accepté de transférer sa technologie pour produire le spoutik 5 en Ukraine. J’ai négocié la levée des sanctions sur la foutniture de produits d’entreprises ukrainiennes à la Fédération de Russie, ce qui a permis de lever unilatéralement les sanctions imposées par des entreprises individuelles.

J’ai toujours négocié la paix et la détente, j’ai tout fait pour empêcher les conflits, pour tout résoudre par la diplomatie, les négociations et l’accord. Comme le montrent les résultats des élections, cette position politique a trouvé un large écho parmi les citoyens ukrainiens. Mais le régime de Zelensky a déclaré que de telles activités constituaient un crime. Toutes mes actions et tous mes accords l’ont mis personnellement en colère, lui et son entourage proche. Tout cela n’a conduit qu’à encore plus de répression contre mes collègues et moi-même.

Zelensky a donc tout fait pour attiser les braises du conflit. Pendant ce temps, des enquêtes ont été menées dans une affaire criminelle, qui s’est accompagnée de perquisitions à mon domicile, chez mes collègues du parti, chez certains membres de ma famille. Alors que j’étais assigné à résidence, une deuxième procédure pénale a été ouverte sans aucun fondement juridique. Tout a été fait pour ne pas me libérer et pour m’isoler autant que possible de toute lutte politique future. Lorsque les hostilités ont commencé, cette arrestation a pris fin mais j’ai été à nouveau illégalement arrêté le 12 avril 2022 et placé dans les cachots du SBU, ce qui a été utilisé par la propagande du régime. J’étais constamment sous une forte pression psychologique, je subissais constamment des menaces de représailles. J’ai traversé tout cela en pensant à ma famille, à ma femme, à mes enfants, à quel point c’était important d’être à nouveau avec eux. J’étais soutenu par un sentiment de confiance dans la justesse de la ligne politique que j’avais choisie.

J’ai toujours eu des principes et j’ai toujours été cohérent dans ma position tout au long de ma carrière politique, que j’ai commencé à la fin des années 1990. J’étais contre le conflit militaire entre l’Ukraine et la Russie, mais trop de forces politiques, y compris en Europe, le préparaient et y investissaient des sommes énormes.

En ce qui concerne mon prétendu échange avec des militaires d’Azov, la situation n’est pas telle que vous la décrivez. En fait, j’ai été échangé contre des étrangers qui ont combattu aux cotés de Zelensky et qui ont été capturés par l’armée russe. L’échange qui a abouti à ma libération a été un processus en plusieurs étapes. Les listes d’échange générales comprenaient des militants d’Azov, d’autres militaires et des étrangers.

J’ai été échangé contre dix étrangers de la liste générale, mais les médias ont diffusé des informations selon lesquelles j’aurais été échangé contre les combattants d’Azov, ce qui n’est pas vrai. Je n’ai appris les détails des accords d’échange que lorsque j’étais déjà à Moscou.

Omerta: L’ancien président français François Hollande a récemment expliqué qu’il avait signé les accords de Minsk II avec la chancelière Angela Merckel, permettant à l’Ukraine de se réarmer contre les Russes. Qu’en pensez-vous?

V.M . C’est un aveu terrible, car il s’avère qu’au lieu de régler un conflit en Europe, ils préparaient une nouvelle guerre, ils y préparaient une nouvelle guerre. Avec cette déclaration, Hollande a admis que Poutine voulait la paix, et que Merkel et lui-même l’ont trompé. Toutes les activités européennes de maintien de la paix se sont résumées à truffer l’Ukraine d’armes, augmentant l’ampleur d’un futur conflit.

A l’époque, il n’était pas difficile de forcer Zelensky à régler ses différends avec la Russie, d’autant plus que c’est ce que les électeurs attendaient de lui lorsqu’ils l’ont élu président. Mais les politiciens européens n’ont pas suivi cette voie, ce qui signifie que la guerre était déjà planifiée à l’époque, que les dirigeants de l’Allemagne et de la France en avaient besoin puisqu’ils n’ont pas honte d’en parler aujourd’hui. Il s’avère que même à l’époque la Russie était une ennemie pour l’Europe et que tous les traités signés n’avaient aucune valeur. Ce match aura de très grandes conséquences pour la suite des événements, y compris pour l’Europe, qui se font déjà pleinement sentir aujourd’hui.

Omerta: Soutenez-vous l’intervention russe en Ukraine ?

V.M. Est-ce que je soutiens la guerre ? Non, je ne l’ai jamais fait. J’ai tout fait pour qu’elle ne se produise pas. Les dirigeants de la plupart des Etats européens soutiennent-ils la guerre ? Il ne fait aucun doute qu’ils ne se contentent pas de paroles, mais qu’ils fournissent des armes et une aide d’une centaine de milliards d’euros. A cause de l’argent des contribuables européens des centaines et des milliers de personnes meurent chaque jour.

Et pas un centime n’a été investi pour régler et arrêter le conflit, parvenir à la détente et à la paix. Dans ce contexte de folie de la plupart des politiciens européens, je peux dire en toute confiance que OUI, je soutiens les actions de la Russie, parce qu’elle n’avait pas le choix. Nous venons de dire que Poutine voulait la paix, mais qu’il a été trompé par les accords de Minsk. Alors était-ce le seul mensonge ? Qu’en est-il des promesses de non expansion de l’OTAN à l’Est et la mise à bas du statut de neutralité de l’Ukraine ? Qu’en est-il du soutien au coup d’Etat en Ukraine en 2014 qui a causé de nombreuses victimes et du rejet de tous les accords sur cette question conclus auparavant ? Ce sont les premières choses qui me viennent à l’esprit et il y aurait encore beaucoup à dire.

Vous vous asseyez pour jouer aux cartes avec un tricheur, vous vous rendez compte que c’est un escroc et vous le frappez à la tête avec un candélabre. Le simple fait de frapper un partenaire à la tête est une agression, cependant comment pouvez-vous vous défendre contre le fait d’avoir été cyniquement trompé ? La Russie a été abondamment trompée ces derniers temps. Naturellement entrer en guerre n’est pas une bonne chose, mais parfois vous ne pouvez tout simplement pas faire autrement.

Regardez, l’Ukraine a rejeté les accords de Minsk, c’est-à-dire la paix avec la Russie, bien qu’ils aient prévu que le Donbass fasse toujours partie de l’Ukraine mais avec une réforme constitutionnelle. Mais le régime aspirait à rejoindre l’OTAN, qui a créé des bases sur son territoire sur lesquelles il ne manquait que l’emblème de l’alliance atlantique. Nous avons assisté à un processus de militarisation complète de l’Ukraine: il y avait des instructeurs militaires et leur équipement, la construction de zones fortifiées sous la direction de spécialistes occidentaux. Dans le même temps, un réseau de laboratoires biologiques a été créé sur le territoire de l’Ukraine, ce qui rendait sans équivoque possible le développement d’armes biologiques. La moitié de ses facteurs auraient été suffisants pour que les Etats-Unis lancent une invasion militaire sur un pays voisin. Ils pourraient le faire mais pas la Russie ?

Je soutiens donc ces hostilités parce que c’est le seul moyen pour la Russie de protéger ses intérêts nationaux. Et pour moi, en tant qu’Ukrainien – ainsi que pour tout Ukrainien normal -, c’est la seule façon de mettre fin à l’idéologie du nazisme qui a été activement promue au point de devenir la politique d’Etat ukrainienne, de mettre fin à la militarisation du pays, qui est passé d’un pays neutre à un pays militant, une menace militaire pour la Russie. Par conséquent, de telles actions sont les seules justes et je crois que c’est grâce à elles que nous pourrons assurer un avenir normal aux Ukrainiens, non pas pour les utiliser comme chair à canon, mais pour leur donner les conditions de vie qu’ils méritent.

En réalité, sous le règne de Porochenko et surtout de Zelensky, bafouant les intérêts des citoyens ukrainiens, les autorités ont refusé les pourparlers de paix qu’elles s’étaient engagées à tenir. Elles ont transformé le pays en tête de pont militaire, n’ont pas prêté attention à la destruction des infrastructures et ont tout fait uniquement pour plaire à leurs maîtres occidentaux et pour les aider à atteindre leurs objectifs. Et les Ukrainiens, comme n’importe quel peuple sur terre, ont besoin de paix et de ne pas être instrumentalisés dans des querelles géopolitiques. J’ai toujours été un politicien droit et mes convictions n’ont jamais varié. Quant au conflit entre l’Ukraine et la Russie, il est relaté au public occidental de manière très déformée. On lui donne l’impression que l’Ukraine, riche et prospère, a été attaquée sans raison par une Russie pauvre et dictatoriale. Mais bien avant le conflit, l’Ukraine était déjà le pays le plus pauvre d’Europe.

Sous Zelensky, l’Ukraine a introduit une russophobie d’Etat, lançant de fait un ethnocide. En Ukraine, non seulement la langue russe a été interdite dans les institutions d’Etat, dans l’éducation, et en pratique dans la vie quotidienne, mais les livres russes sont interdits et brûlés, les monuments aux poètes et écrivains russes aux soldats soviétiques qui ont libéré l’Ukraine du nazisme, sont démolis. La population russophone, qui est si nombreuse que l’on ne peut la qualifier de minorité nationale, a été privée de ses droits, elle a été déclarée de second ordre. Dans le cadre de cette politique le gouvernement a procédé à ue attaque en règle contre les entreprises, les investissements et les biens russes. Aujourd’hui selon le schéma nazi, leurs biens sont tout simplement confisqués sans aucune justification, comme ce fut le cas pour ceux des juifs sous le Troisième Reich.

La Russie a estimé qu’elle devait intervenir et elle l’a fait. En même temps, on voit clairement qu’elle a été poussée à le faire. L’Europe n’était pas préparée à la tournure des événements alors que les Etats-Unis s’y préparaient et, comme nous pouvons le constater, ils en ont largement profité. Ils se sont traditionnellement enrichis dans les guerres en Europe. Comme on dit c’est du business, rien de personnel (à suivre dans une deuxième partie sur les perspectives )

(1) Cette revue très luxueuse regroupe des interventions venus d’horizons les plus divers mais sans un seul communiste. «Ukraine, Russie, Iran, Mali et, bien sûr, en France, nous serons sur tous les fronts de l’actualité.» Ancien de Paris Match et de RT France, le reporter Régis Le Sommier a annoncé sur Twitter le lancement d’un nouveau média : Omerta. N’en déplaise aux commentateurs qui ont tout de suite décrit ce magazine comme celui de l’extrême-droite “fan de Poutine”… Ce qui domine dans les interventions n’est pas Marine le Pen et les siens, même si les sympathies pour la Russie de Poutine ne se reportent pas nécessairement sur la Chine communiste, il y aussi des interventions qui prennent résolument le parti de la nouvelle configuration du sud, comme il y a une interview d’Arno Klarsfeld qui tout en dénonçant le bandérisme a sa propre vision de ce qui se passe à Gaza, et de la montée de l’antisémitisme dans le monde. Une intervention de François Fillon, une autre de Sapir l’économiste marque plus les contours de ce positionnement que ce que voudrait Macron: limiter le refus de la guerre avec la Russie au seul rassemblement national. Je doute que l’on trouve un interview de Ziouganov mais c’est nettement mieux informé factuellement que ce qu’est devenue la presse française, une annexe de LCI. En tous les cas quand 78 % des français ne veut pas de la guerre avec la Russie, c’est faire un cadeau à l’extrême-droite que de lui attribuer tout ce qui n’est pas communiste dans un spectre très large qui va effectivement d’un disciple de Bolsonaro qui voue Lula aux gémonies du wokisme à une intervention qui constate avec sympathie la fin de l’occidentalisation. C’est le choix politicien de Macron, il est aussi imbécile que sa provocation au conflit nucléaire. Et soyons aussi clairs que ce que la situation l’exige: quand on reprend les mensonges de Glucksmann, qui par ailleurs affirme être à 80% d’accord avec Macron pour argent comptant comme le fait Libération, le Nouvel observateur et toute la presse qui prétend créer l’index vatican, on est à 100% en train de diffuser la propagande de la CIA. CQFD… Les seuls qui peuvent légitimement se plaindre sont les communistes russes et ukrainiens qui n’ont aucune presse pour rendre compte de leurs positions.

(2) Viktor Medvedtchouk dit peu de choses sur l’échange et grâce à la traduction de Marianne, nous savions qu’une des interprétations de l’échange avait été le constat de la présence de mercenaires israéliens et le blocage de la livraison du dôme de protection.

En règle générale, tout ce qui est dit par Viktor Medvedtchouk y compris sur les laboratoires biologiques a été confirmé par la presse des Etats-Unis, même le New york times, y compris l’implication du fils Biden qui a préféré négocier une culpabilité globale plutôt que de mettre à jour ses liens et ceux d’autres membres du parti démocrate.

La seule réserve que je ferais sur la démonstration de Viktor Medvedtchouk est l’exemple choisi celui du tricheur systématique dont on se débarrasse par un coup de candélabre sur la tête, je ne suis pas sûre qu’il y ait là la meilleure démonstration de la nécessité de l’intervention. Peut-être faut-il y voir un reste de Tolstoï face à la Berésina de guerre et paix: le Russe a une infinie patience, mais quand il se met en colère devant tant d’exagération et d’arrogance, il frappe, frappe, jusqu’à ce qu’il éprouve de la pitié pour son adversaire. c’est bien sûr une plaisanterie… face à un interview qui est par ailleurs très démonstratif.

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