Le nouveau président taiwanais ne fait pas l’unanimité ni à Taiwan ni sur la planète

L’aspect intéressant de la situation et cela va être pareil pour toutes les élections qui vont se dérouler en 2024, dans le sillage officiel de la “démocratie” occidentale, elles vont nous permettre de mesurer y compris en France et en Europe à quel point les procédures adoptées sont de plus en plus en rupture avec une issue pacifique et progressiste. Combien ces caricatures médiatiques ne servent qu’à justifier les guerres de l’empire. Mais elles permettent aussi de nous initier à une nouvelle géographie totalement ignorée des Français et qui pourtant risquent d’entraîner des conséquences imprévisibles pour la vie quotidienne du citoyen français ordinaire. Ainsi l’élection taiwanaise et le choix d’un président très minoritaire inféodé aux Etats-Unis a provoqué la réaction d’un petite nation du pacifique qui comme d’autres en a ras le tasse du néocolonialisme pacifique. Mais il y a aussi l’exaspération des conflits du côté de l’Éthiopie, quelques lueurs sur la situation réelle d’un monde en pleine transformation… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

illustration : Hargeisa.

Zone Pacifique et Polynésie française

Ce lundi 15 janvier, Nauru, petite nation du Pacifique, a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec Taïwan et son intention de reconnaître la Chine, une décision aussitôt confirmée par Taipei. Le choix de la petite île de Nauru de rompre ses « relations diplomatiques » avec la région de Taïwan, qui a été annoncée lundi dans la foulée des élections régionales dans l’île, reflète l’adhésion de plus en plus marquée de la zone pacifique à une politique indépendante à celle des Etats-Unis mais aussi de la France. Le groupe communiste et des élus républicains a pu être constitué grâce à la Polynésie française, une surprise électorale avec la victoire des candidats indépendantistes. Moetai Brotherson est réélu. Il sera accompagné par Steeve Chailloux et Tematai Le Gayic. Ce dernier est d’ailleurs devenu, à 21 ans, le plus jeune député élu de la Cinquième République. Un certain nombres d’élus reflètent la même volonté d’indépendance, l’exigence de décolonisation et le refus de voir leurs pays transformé en base militaire et d’essai nucléaire comme ils n’ont cessé de l’être. Donc ce mouvement de la zone pacifique dans lequel prend place Nauru concerne la France et notre Assemblée Nationale/ Nauru était l’une des 12 entités qui avait reconnu Taiwan et ce nombre tend à se raréfier. La Chine note à juste raison que le principe d’une seule Chine est un consensus dominant au sein de la communauté internationale. La décision est également considérée comme une gifle à certaines mesures mal intentionnées prises par très peu de pays occidentaux dirigés par les États-Unis visant à transformer la question de Taïwan en un sujet international et à continuer à jouer « la carte de Taïwan » pour contenir la partie continentale de la Chine, ce qui est le cas de la France.

Amérique latine :

Le Nicaragua et la république de Chine Taiwan entretenaient des relations diplomatiques depuis 1930.

Le 25 octobre 1971, le Nicaragua se prononce contre la résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui sera néanmoins adoptée, actant l’intégration de la république populaire de Chine aux Nations unies aux dépens de la république de Chine. En décembre 1985, le gouvernement du président nicaraguayen Daniel Ortega rompt ses relations diplomatiques avec celui de la république de Chine au profit de celui de la république populaire de Chine. Cinq ans plus tard, alors que la représentante de l’opposition Violeta Barrios de Chamorro l’emporte contre les sandinistes d’Ortega aux présidentielles de février 1990, le Nicaragua et la république de Chine rétablissent leurs relations diplomatiques le 6 novembre 1990. En 2006, bien qu’Ortega réaccède à la présidence du Nicaragua, son gouvernement ne modifie pas ses relations dans l’immédiat. Quinze ans plus tard, le 10 décembre 2021, il rompt à nouveau toute relation avec celui de la république de Chine, au profit de la république populaire de Chine, déclarant cette dernière comme « unique gouvernement légitime représentant toute la Chine, et [que] Taïwan est une partie inaliénable du territoire chinois ». Cette nouvelle perte d’un allié diplomatique de Taïwan en Amérique latine succède à celles du Panama survenue en 2017, ainsi que celles du Salvador et de la République dominicaine en 2018.

Afrique : Ethiope :

Mais il n’y a pas que dans le Pacifique voire en Amérique latine que les choix nord américains provoquent des remous, dans la Corne de l’Afrique, l’élection présidentielle à Taïwan est l’occasion d’un nouveau bras de fer diplomatique entre la Somalie et le Somaliland. Ils sont à couteaux tirés depuis quinze jours, depuis la signature d’un accord entre le Somaliland et l’Éthiopie, qui accorde un accès à la mer Rouge à Addis Abeba, en échange de la reconnaissance du gouvernement d’Hargeisa. L’élection taiwanaise ravive les alliances de chacun.

Avec notre correspondante régionale, Gaëlle Laleix

« Le Somaliland soutient votre quête de prospérité, de liberté et (…) de démocratie », écrit le ministère des Affaires étrangères de ce pays (à l’indépendance autoproclamée en 1991), dans ses félicitations au nouveau président taïwanais. De son côté, la Somalie, rapidement suivie par l’Érythrée, rappelle dans un communiqué, « son inébranlable soutien à la politique d’une Chine unique ». La Somalie et la Chine entretiennent des relations autour des « routes de la soie ».

Stratégique

Point d’entrée sur la mer Rouge, avant d’emprunter le canal de Suez, la Somalie est aujourd’hui stratégique pour Pékin. « La Chine sait qu’elle a besoin de cette interface pour mener à bien ses projets des “routes de la soie” numériques » explique Mathis Laurier de l’École de guerre économique. Somaliland et Taïwan sont quant à eux liés par un destin similaire : celui de deux républiques autoproclamées pour satisfaire les visées de l’impérialisme états-unien et celle de ses vassaux dont la France qui se fait virer de partout en Afrique et se permet de féliciter le taiwanais en provoquant l’ire de Pekin et un peu plus de mépris africain.

Un axe diplomatique

Aujourd’hui, Taïwan est le principal partenaire économique du Somaliland dans bien des domaines, y compris celui de l’exploitation pétrolière. Cet axe diplomatique aurait pu sembler anecdotique, mais pas aujourd’hui, alors que la tension monte entre l’Éthiopie et ses voisins de la Corne, et que le conflit yéménite s’étend en mer Rouge, on mesure à quel point avoir placé un “amateur’ comme Séjourné à la tête du ministère des Affaires étrangères est là encore le symptôme d’une gouvernement “titanic” sans canot de sauvetage pour ceux qui s’embarquent dans l’aventure.

Danielle Bleitrach