Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le russe coincé entre l’anglais et le tatar, par Sergueï Aksionov

Il n’y a pas que la dédollarisation, le débat se poursuit en Russie sur le snobisme qui a longtemps voulu qu’il soit élégant de parler français et qui s’est transféré sur l’anglais alors même que ces pays n’ont cessé de mépriser la Russie, oui mais voilà la Russie a toujours été la reconnaissance des peuples qui l’ont constituée avec un respect des cultures et des langues qui a caractérisé l’URSS et dont au sommet de Saint-Pétersbourg, le président Poutine a encore renouvelé la définition de la culture comme union de la diversité, cela me fait souvenir de cette rencontre à Saint-Pétersbourg aussi, à l’institut Plekhanov organisée par la fondation allemande Rosa Luxembourg dont les buts réels m’étaient apparus plus que suspects et je ne cessais de les dénoncer à Marianne, à mi-voix, jusqu’au moment où je me suis aperçue que les participants parlaient tous un excellent français, anglais et autres langues. Quant au Tatarstan dont il est question ici, j’ai découvert lors du même voyage qu’après être devenus les fidèles sujets d’Ivan le terrible, loin d’être sous-estimés, ils jouissaient d’un statut de noblesse de sang dans l’aristocratie russe qui elle était plutôt une noblesse de robe, ce qui n’était d’ailleurs pas le statut des peuples d’Asie centrale sous le tsarisme et auquel l’URSS a élargi l’intégration égalitaire qui avait déjà une base sous le tsarisme. Est-ce un hasard si cette défense de la langue russe est portée par un Comte Tolstoï qui intervient d’ailleurs quelquefois dans nos médias en manifestant dans nos médias dans un excellent français un hautain mépris de notre vassalité aux Etats-Unis. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/culture/article/396157/

La russification de l’espace linguistique russe par le rejet des anglicismes a rencontré des obstacles inattendus. Le Tatarstan craint que “la lutte contre les emprunts étrangers… n’affecte le droit des peuples à préserver leur langue maternelle, garanti par la Constitution de la Fédération de Russie”.

Le Conseil d’État de la plus grande république nationale souhaite compléter le projet de loi préparé à la Douma d’État par une option sur la possibilité d’utiliser les langues nationales des républiques et les langues des peuples de Russie pour les noms des complexes résidentiels et des infrastructures. Les amendements doivent être soumis à Moscou avant le 1er décembre, et un orateur de la région a déjà été nommé.

Sur la carte de Kazan, les lotissements “Altyn Yar”, “Yaratam”, “Yanalif”, etc. attirent l’attention. Mais il existe aussi des noms étranges pour des bloca d’immeubles : “Manhattan”, “Dubrava” (en alphabet latin), “cottage settlements Bright Park”, “Highline” et même “Little Tokyo”. Les “Trois Bogatyrs” et “Port de la Volga”, plus familiers aux oreilles des Russes et des Tatars, sont minoritaires.

Faut-il que Kazan renonce à sa saveur locale en russifiant tous les toponymes à la suite, anglais et tatars confondus ? La question se pose… Mais de quoi s’agit-il, d’un désir naturel de préserver le code national ou d’un front politique, ou encore d’une préparation à l’expansion ? Il serait bon de demander l’avis du ministre russe de la construction Faizullin et du vice-premier ministre Khusnullin.

À Moscou, il y a aussi beaucoup de noms en anglais comme Life Time, City Bay, Titul, Hide, Cult, ou encore Slava (en alphabet latin et non en cyrillique). Il y a aussi River Sky, Bristol, Vidnoye Club, Lucky, Paveletskaya City, VoxHoll. Où vivons-nous ? A Londres, New York. Sydney ? Des personnes éduquées semble-t-il à Oxford complotent contre la Russie, et ici, ils se donnent à fond.

“Un mélange de français et de patois de Nijni Novgorod”, disait le grand Alexandre Griboïedov, se moquant de la passion de ses compatriotes pour un vocabulaire étranger qu’ils comprennent à peine, élevant prétendument l’aristocratie provinciale au rang de “ville de Paris”. Aujourd’hui, l’époque où le français jouait le rôle de langue mondiale se répète avec l’anglais.

D’ailleurs, la loi sur le rejet des anglicismes concerne non seulement les toponymes, mais aussi la publicité extérieure, les enseignes, tout l’espace visuel urbain. Les termes “sale”, “shop”, “coffee”, “open” seront supprimés. Toutes les informations qui s’y rapportent seront uniquement en russe. L’exception concerne les marques déposées. Et effectivement, comment traduire “Adidas” en russe ?

Se débarrasser de la langue anglaise dans les transports n’est pas sans susciter la controverse. A Moscou, les annonces sonores “dans la langue de l’occupant”, et pas seulement dans le métro, sont vraiment agaçantes – la densité d’information est trop élevée. Dans le même temps, la duplication des panneaux, des schémas et des horaires en anglais semble raisonnable.

Mais il est indispensable d’établir la primauté de la langue russe pour la transmission d’informations dans différents types de médias. La télévision, la radio, la presse écrite, les ressources sur le web – tout s’exprimera et se montrera en russe. Il s’agit de créer un espace unifié dans le pays, tissé de langue russe (les langues des peuples vivant en Russie peuvent également être utilisées).

Et même si des changements seront apportés aux lois sur la culture, la publicité, la protection des consommateurs et les médias, la question est avant tout politique. La langue dans laquelle les gens pensent, la façon dont ils décrivent ce qui se passe, voilà ce qu’ils sont. Si la Russie est une civilisation construite par le peuple russe en coopération avec d’autres, la langue devrait être uniquement le russe.

Soit dit en passant, cela est parfaitement compris par nos adversaires civilisationnels anglo-saxons, qui promeuvent vigoureusement leur langue en tant qu’élément de la mondialisation dans des conditions favorables pour eux-mêmes. Et à la résistance naturelle et légitime des traditionalistes de tous les pays, se voilant modestement la face, ils répondent que ce n’est pas grave, “les accents seront préservés”. Astucieux !

Mais qu’attendre de l’ennemi ? C’est bien pire quand nos fonctionnaires de l’éducation sont pendus à ses lèvres, aidant pour une raison ou une autre à promouvoir leurs récits. Nous sommes alors surpris de constater que les écoles de Moscou possèdent des cartes de la Russie avec les noms des régions en anglais. Et il ne s’agit pas de classes spécialisées. Préparent-ils le pays à l’occupation ?

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Au niveau national, cela aboutit à un charabia que l’on peut entendre tous les jours dans la bouche des écoliers d’aujourd’hui. Tous ces “cringe”, “random”, “lag”. Et si on leur demande d’expliquer en russe ce que signifient ces mots, ils se taisent. Et ils ne savent même pas les écrire avec leur orthographe latine. En dépit de cela, la majorité des enfants russes sont toujours assez nuls en anglais.

Il s’avère que les fonctions utiles de la langue mondiale populaire – l’accès direct à certaines connaissances, aux sources primaires, la possibilité de communiquer avec d’autres nations – ne leur sont pas accessibles. En revanche, les fonctions inutiles et même nuisibles – la déformation de la langue maternelle, qui conduit à l’appauvrissement de la culture et à l’analphabétisme fonctionnel des jeunes – sont là, disponibles.

Les parents hésitent encore. Selon une étude réalisée par la plateforme éducative Skillbox, 42 % des Russes ont une attitude négative à l’égard des anglicismes, 20 % une attitude positive, soulignant “leur rôle important dans le remplacement des mots manquants dans la langue russe et la brièveté du discours”, et 40 % sont neutres. Mais les hommes politiques l’ont compris depuis longtemps : il est temps de tout changer radicalement.

“Pour que la production soit nationale et non délocalisée, pour que les enfants grandissent en étant patriotes de leur pays et reçoivent une éducation décente et, enfin, pour que tous les citoyens sans exception se sentent chez eux dans leur patrie, nous devons créer un espace linguistique commun”, notait à l’été 2022 le député de la Douma d’État Piotr Tolstoï.

Ce même Tolstoï qui parle brillamment le français, impressionnant Jacques et Joséphine par sa prononciation impeccable. Il s’est d’ailleurs disputé avec le parti du Nouveau Peuple, qui s’opposait à la russification du pays. “Après tout, le peuple russe n’est pas composé que de petits commerçants, et nous avons tous la même langue russe”, réplique alors le politicien.

La loi doit donc être adoptée. Le président a d’ailleurs promis de la soutenir. Et les camarades du Tatarstan, qui proposent de renforcer et d’approfondir son efficacité en respectant les petits peuples de Russie sur “un des” nombreux points (un point mineur, en fait) deviennent les alliés naturels du centre fédéral. Yakshi (1).

(1) Yakshi est un mot tatar qui signifie “c’est bien”.

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2 Commentaires

  • Roger
    Roger

    Je connais un vieil ancien étudiant sur Marseille qui en 1991 a utilisé le mot équilibré en russe (uravno quelque chose) dans sa discipline en le transposant de la chimie à sa discipline.
    Ce qui est la cas en français et expliqué comme tel.
    Quelle ne fut pas sa surprise de voir traduire ce terme (qui était un nouveau concept pour les russes dans cette discipline) par l’équivalent yankee balanced sans autre effort.
    Il est toujours fier de l’épigraphe de sa thèse qui correspond à une citation de Violet-Le-Duc et de la réaction de son directeur de thèse à l’ultime fin de la soutenance mettant en garde les autres memebres du jury sur le fait que cette citation n’avait rien à voir en fait avec sa discipline et son sujet tout en faisant croire le contraire.
    Il pensait évidemment à l’URSS d’alors qui allait s’effondrer et à cet étudiant qui était plus préoccupé par cela que son propre sort.

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  • Roger
    Roger

    la citation de Viollet le duc est : “Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné.”

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