L’étude du conte de fées peut être comparée à bien des égards à celle de la formation organique dans la nature. Le naturaliste et le folkloriste s’occupent tous deux d’espèces et de variétés qui sont essentiellement les mêmes. Vladimir Propp Morphologie du conte populaire |
VLADIMIR PROPP (29. 04. 1895, Saint-Pétersbourg — 22. 08. 1970, Leningrad) — Philologue et structuraliste russe qui a analysé les éléments de base de l’intrigue des contes populaires russes pour identifier leurs éléments narratifs irréductibles les plus simples. Comme ses disciples Barthes, Greimas et Lévi-Strauss, il a essayé d’aborder la même tâche en recherchant les éléments narratifs les plus simples dans les récits quotidiens contemporains « de la chronique de journal au roman de masse » (Barthes. Mythologies, 1957) ou dans la sémantique des textes littéraires (Greimas. Sémantique structurale : Recherche de méthode, 1966) ou l’analyse des contes des peuples primitifs (Lévi-Strauss. Anthropologie structurale, 1958) et leur structure élémentaire de parenté (Lévi-Strauss. Les Structures élémentaires de la parente, 1949). La monographie mondialement connue de Propp, Morphology of the Folk Tale (1928), a eu une influence sur la pensée structurale européenne, tant sur les études littéraires que sur l’anthropologie et la sémiologie. Umberto Eco considère que « Saussure + Lévi-Strauss + Hjelmslev + Propp ont créé la méthode unifiée qu’est le structuralisme » (La structura assente. Introduzione alla ricerca semiologica, p. 348). Propp est connu pour être l’un des pères du structuralisme. Propp a appliqué la méthode formaliste à la recherche de la structure narrative. Selon les formalistes, les structures d’une phrase dans le récit peuvent être décomposées en éléments analysables, c’est-à-dire des « morphèmes » et Propp a utilisé cette méthode par analogie pour analyser les contes populaires. Son système comprend les notions modales d’« interdiction » et de « manque », qui génèrent respectivement les histoires de transgression et de quête. En 1966, son disciple A.J. Greimas a formulé l’idée de Propp comme principe des études narratives : « Une catégorie modale prend en charge le contenu du message et l’organise en établissant un certain type de relation entre les objets linguistiques constitutifs » (Sémantique structurale, p. 133). Propp ignore les aspects verbaux du conte populaire, tels que le ton, le rythme, le temps et l’humeur de la narration. Il travaille avec les textes plutôt qu’avec les voix, c’est pourquoi ses œuvres ont été plus prolifiques pour la sémiologie et l’anthropologie que pour la phonétique. En 1975, Greimas écrivait : « Aujourd’hui, bien que sa valeur heuristique soit quelque peu diminuée et même si cette position n’est pas très originale, nous sommes toujours tentés de suivre l’exemple de Propp et, en vertu du principe de procéder du connu à l’inconnu, du plus simple au plus complexe, de passer de la littérature orale à la littérature écrite, du conte populaire au conte littéraire, dans notre quête de confirmation des modèles théoriques partiels dont nous disposons et même à des faits récalcitrants qui nous permettraient d’accroître nos connaissances sur l’organisation narrative et discursive » (La Sémiotique du texte, p. xxiv). De plus, Propp ne s’intéresse pas aux détails secondaires changeants, et il n’analyse pas un conte séparé tel qu’il est, mais cherche la dynamique d’une intrigue dans plusieurs versions d’un même conte, dans le métalangage de la narration (« fonctions » chez Propp ou « actants » chez son disciple Greimas), qui sont communes à tous les contes d’un même groupe. Pour rechercher la structure générale du mythe, il prend plusieurs versions d’une même conte, et retrace les changements et le développement de ces versions. Propp tente d’arriver à une typologie des structures narratives. En analysant les types de personnages et les types d’action dans une centaine de contes populaires russes traditionnels, Propp a pu arriver à la conclusion qu’il n’y avait que trente-et-un « narratèmes » génériques. Bien que tous ne soient pas présents dans tous les contes, il a constaté que tous les contes qu’il a analysés présentaient les fonctions dans un ordre invariable. Il dit : « Tous les contes de fées contenant un vol ne produisent pas cette construction. Si cette construction ne concorde pas, les modèles ultérieurs, aussi semblables soient-ils, ne peuvent pas être comparés, car ils sont hétéronymes [de types différents] » (Morphology of the Folktale, p. 152). Son disciple Lévi-Strauss emprunte l’idée de Propp dans sa méthode de reconstruction des « rangées » mythologiques, c’est-à-dire d’un couple d’éléments connectés qui se répète dans toutes les versions du conte. Selon Lévi-Strauss, pour comprendre une culture, l’anthropologue doit rechercher une telle grammaire élémentaire de la pensée mythologique. Et cette méthode a été empruntée par un large cercle de penseurs structuraux tels qu’Althusser, Barthes, Bourdieu, Dumézil, Genette, Metz, Serres, et au-delà. Dostoïevski disait que tous les écrivains russes sont partis du « Manteau » de Gogol ; et nous devrions conclure que tous les structuralistes européens sont partis de la Morphologie du conte populaire de Propp. Et même aujourd’hui, en tant que père du structuralisme, il fait l’objet de discussions de philosophes et de critiques post-structuraux tels que Todorov et Kristeva. -=-Propp V.Y. Morphologie du conte populaire. Leningrad, 1928 ; anglais : La Haye : Mouton, 1958 ; Austin : Presses de l’Université du Texas, 1968 ;Propp V.Y. Épopées héroïques russes. Moscou, 1958 ; Propp V.Y. Théorie de la littérature. Moscou, 1965 ; -=-© Dmitry A. Olshansky, M.A. en philosophie (Saint-Pétersbourg) Courriel : olshansky@hotmail.com |
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