“Octobre noir”, il y a 30 ans dans la Pravda

Au fait quelqu’un ayant vécu ces années-là se souvient-il qu’il y ait eu un média, un organe de presse qui ait relayé ces informations là et la lutte des communistes russes? Est-ce que les communistes français et les progressistes existant alors ont eu connaissance de ce qui se passait? Pas plus qu’aujourd’hui et c’est ça l’information qui a peu à peu façonné ce qu’on appelle la “gauche” (note de DB traduction de Marianne Dunlop)

https://kprf.ru/history/date/221572.html

Dans le dernier numéro de la Pravda daté du 2 octobre 1993, publié juste avant son interdiction, il y a un petit article caché dans un coin au “sous-sol” de la première page sous le titre “Jour ‘J’ – le 4 ? Le voici dans son intégralité.

“Comme l’a rapporté hier le député du peuple de Russie Igor Bratishchev lors d’une conférence de presse dans l’un des conseils de district de Moscou, la veille, M. Poltoranine, proche de la Cour, a tenu une réunion secrète avec les rédacteurs en chef des journaux loyalistes.

Lors de cette réunion, le plus proche conseiller de Boris Eltsine a prévenu qu’il faudrait adopter une attitude calme face à ce qui se passerait le 4 octobre.

Qu’est-ce que le régime en faillite prépare encore pour le peuple ?”

L’avertissement d’Igor Mikhaïlovitch, relayé par la Pravda, s’est avéré prophétique. Le matin du 4 octobre, la chaîne de télévision américaine CNN retransmettait en direct de Moscou pour le monde entier. Des chars, des véhicules de combat d’infanterie et des véhicules blindés de transport de troupes tirent directement sur le bâtiment du Soviet suprême….

Aujourd’hui, il est évident que les négociations sur l'”option zéro” (c’est-à-dire sur le retrait des parties sur leurs positions avant la signature du décret illégal n° 1400 d’Eltsine), qui ont eu lieu dans les derniers jours de septembre, ont camouflé les préparatifs du massacre. Les véhicules blindés des troupes internes sont apparus à Moscou dès la nuit du 30 septembre. Le groupe dirigé par Eltsine était prêt à faire couler le sang.

Pourtant, beaucoup de choses ne se déroulent pas comme prévu. Comme après le sanglant 1er mai, la réponse à la dispersion du rassemblement du 2 octobre a été d’augmenter le nombre de manifestants dans les rues de Moscou. Dans l’après-midi du 3 octobre, la “Viétché” du peuple se rassemble sur la place d’Octobre. Les eltsinistes tentent une nouvelle fois de frapper les partisans du Soviet suprême. Mais le nombre de personnes qui sont venues le dimanche après-midi est vraiment sans précédent. Il s’agissait de centaines de milliers de personnes.

La réponse à cette nouvelle manifestation de violence de la part des punisseurs a été un soulèvement populaire. Une énorme avalanche de personnes, balayant les cordons des troupes internes, a franchi la Ceinture des Jardins menant à la Maison des Soviets et l’a brisé. Le nombre de manifestants a manifestement stupéfié les Eltsinistes : à un moment donné, le cordon s’est tout simplement dispersé, abandonnant véhicules et munitions.

Il ne restait plus à Eltsine qu’à laisser la place ou à noyer le soulèvement dans le sang. Les provocations battent déjà leur plein : il y a des tirs, des blessés de part et d’autre.

Dans la soirée du 3 octobre, une manifestation s’est approchée du bâtiment du centre de télévision Ostankino pour exiger que l’opposition ait un droit de parole. Peu après la provocation, la tragédie survient. À l’intérieur du bâtiment du centre de télévision, où il n’y avait pas de manifestants, un engin explosif a explosé et un combattant des troupes intérieures a été tué. Ensuite, un barrage de tirs a été ouvert sur les manifestants à l’aide d’armes de poing et de mitrailleuses montées sur des véhicules blindés de transport de troupes. L’escouade Vityaz a clairement démontré comment on peut passer des forces spéciales aux punisseurs en l’espace de quelques minutes.

Au moins 46 personnes ont été tuées dans la fusillade. Parmi elles, Natalia Petukhova, 19 ans. D’après les souvenirs des personnes qui l’ont connue, c’était une personne brillante et douée : elle écrivait des poèmes, peignait, faisait du sport et du ballet. Dotée d’un sens aigu de la justice, elle a elle-même rejoint les rangs des défenseurs de la Maison des Soviets. Au centre de télévision d’Ostankino, elle est blessée de plusieurs balles et se retrouve dans un poste de police voisin. La cause de la mort de Natacha est une blessure par balle à la tête avec une brûlure circulaire autour de la blessure : à en juger par cette brûlure, la jeune fille a été tuée à bout portant. Le visage et le corps de la jeune fille portaient également des traces de coups.

Le lendemain matin, grâce aux efforts des équipes de télévision américaines, le monde entier assiste au triomphe sanglant du “démocrate” Eltsine. Selon les données officielles, plus de 150 personnes sont devenues ses victimes, environ un demi-millier ont été gravement blessées. Selon des données non officielles, le nombre de personnes tuées pourrait atteindre deux mille. Le plus jeune des morts était Konstantin Kalinin, âgé de 14 ans : il était criblé de balles, son visage et son corps portaient des traces de coups.

L’enquête a ensuite établi qu’aucune personne n’avait été tuée avec les armes disponibles dans le bâtiment du Soviet suprême. Mais il y a eu des victimes parmi les punisseurs qui ont pris d’assaut la Maison des Soviets. Il s’agissait principalement de “tirs amis”, dont le plus grand “succès” a été la destruction d’un véhicule blindé de transport de troupes des troupes intérieures par des parachutistes à l’aide d’un lance-grenades. Et parmi les civils et les militaires, il y en eut aussi qui furent tués par des tireurs d’élite, dont l’identité reste inconnue à ce jour.