Si en France, la gauche française est sous perfusion de la CIA avec une adhésion sans faille au consensus derrière l’UE et l’OTAN au point d’en arriver à la situation stupéfiante d’une nation dont le peuple hait de plus en plus son président Macron, universellement méprisé au plan international alors que celui-ci n’a pas au parlement, dans la presse, le moindre opposant à sa politique de vassalité aux Etats-Unis, dans le monde entier. Ce qui est en train de se passer à la Fête de l’Humanité, qui est avec ce journal désormais entièrement consacré à cette soumission atlantiste est d’autant plus onirique que les communistes dans leur immense majorité sont comme le peuple français de plus en plus critiques devant cet alignement. Mais la manière dont un dirigeant réformiste Allende qui a cru pouvoir affronter avec la “démocratie” la bête fasciste et son maître les USA, prouve à quel point cette situation qui laisse les peuples désarmés est une terrible illusion. Si nous avons décidé de désavouer ce qui se passe dans ce torchon atlantiste qu’est l’Humanité, à la direction du PCF, c’est que nous sommes conscients du danger terrible qui pèse sur notre pays. Un social démocrate héroïque comme Allende a payé de sa vie un peuple désarmé, alors des pitres comme les actuels dirigeants de la gôche”, comme les vendus qui tiennent une bonne partie de l’appareil du PCF nous conduiront à pire quand la colère populaire sera arrivé à son zénith et que des bandes de nervis la dévoieront. (note de danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)
https://kprf.ru/history/date/221161.html
par Mikhail KOSTRIKOV, Docteur en sciences historiques
Pour comprendre une fois pour toutes ce qu’est la démocratie bourgeoise occidentale, il suffit de se rendre compte d’un fait : le premier président socialiste démocratiquement élu en Amérique latine a été tué à la suite d’un coup d’État militaire organisé par la Central Intelligence Agency de la “citadelle de la démocratie” – les États-Unis. Cela s’est passé il y a exactement un demi-siècle, le 11 septembre 1973.
Mikhail Sergeyevich Kostrikov
Rédacteur en chef adjoint de la Pravda
Une victoire impardonnable
Le professeur américain Bradford Burns, qui s’est rendu au Chili peu avant le putsch, a écrit dans le magazine The Nation : “Malgré l’inflation galopante, la classe ouvrière avait le sentiment que son pouvoir d’achat avait nettement augmenté sous le gouvernement Allende. Pour la première fois, les enfants des ouvriers buvaient du lait tous les jours ; la consommation de viande des ouvriers augmentait ; les biens de consommation tels que les bicyclettes, les radios, les téléviseurs et les cuisinières – des luxes qui avaient longtemps été l’objet de leurs rêves – devenaient monnaie courante dans les foyers des travailleurs. En lieu et place des taudis sordides et des bidonvilles, le gouvernement érige des habitations dignes, en mettant l’accent sur la construction de maisons pour les pauvres. Alors que les conditions de logement de la classe moyenne deviennent un peu plus difficiles, les plus défavorisés commencent à vivre mieux que jamais”.
Voilà qui caractérise assez bien les résultats de la politique du président socialiste au Chili. Le 4 septembre 1970, des élections ont lieu dans ce pays, qui voient la victoire sensationnelle du candidat de la coalition de gauche Unité Populaire, devant le candidat du Parti National, Jorge Rodriguez. Salvador Allende, l’un des dirigeants du parti socialiste, était une personnalité capable d’unir différentes forces politiques, des communistes à la gauche chrétienne. Le succès fut au rendez-vous : avec un taux de participation de 83,5 %, il obtint les voix de plus d’un million de Chiliens (36,61 %). Ce résultat n’est toutefois pas suffisant pour assurer une victoire définitive, et il fallait encore le vote du Congrès national, prévu par la Constitution.
Ainsi, le Chili, où les États-Unis avaient pénétré depuis le début du XIXe siècle (mission de Joel Poinsett) et dont ils contrôlaient jusqu’à 20 % du produit intérieur brut dans les années 1970, était sur le point d’être dirigé par un socialiste. Les autorités américaines ne pouvaient évidemment pas tolérer une telle chose, au moment même où la défaite au Viêt Nam se profilait à l’horizon.
En septembre 1970, l’administration de Washington a tenu des réunions intensives sur le problème chilien. Le président Richard Nixon y participa personnellement, ainsi que son conseiller en matière de sécurité, Henry Kissinger, figure bien connue de l’époque de la guerre froide, futur secrétaire d’État américain, lauréat du prix Nobel de la paix et, depuis 2013, docteur honoris causa de l’Académie diplomatique du ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, ce qui lui valut les félicitations du président de la Fédération de Russie. Deux stratégies ont été esquissées, appelées “Track I” et “Track II”. La première visait à empêcher le candidat de l’Unité populaire d’être approuvé par le Congrès national du Chili et d’organiser de nouvelles élections. La seconde envisageait un coup d’État militaire avec la participation de la CIA. Nixon a décidé de renverser le président socialiste le 15 septembre 1970.
En effet, Allende n’était pas encore président du Chili que Washington avait déjà commencé non seulement à déstabiliser la situation dans ce pays d’Amérique latine, mais aussi à préparer directement un putsch. La prochaine fois que l’un des défenseurs des “valeurs universelles” et des “larmes d’enfant” dira qu’Allende a “provoqué” les États-Unis, vous ne lui cracherez pas au visage, puisque vous êtes poli. Signalez-lui simplement le fait.
Un docteur. Un socialiste. Un président
Salvador Allende était arrivé en deuxième position lors de la précédente élection présidentielle en 1964, perdant face au candidat démocrate-chrétien. La victoire d’Eduardo Frei avait été assurée par les États-Unis, qui avaient financé sa campagne. Ironiquement, ce sont les votes des démocrates-chrétiens en 1970 qui ont été décisifs pour l’approbation d’Allende en tant que président lors du Congrès national du 24 octobre : l’Unité populaire a réussi à trouver un accord avec ses adversaires politiques. Le 3 novembre, le président socialiste prenait officiellement ses fonctions.
L’apparence intellectuelle de Salvador Allende, sa façon de communiquer, son style vestimentaire un peu fringant lui ont valu la réputation d’ “homme de gauche pas trop radical”, ce qui, aujourd’hui, induit beaucoup de gens en erreur. Pourtant, sa biographie est celle d’un vrai militant. Il est né il y a 115 ans à Valparaiso dans une famille d’aristocrates aux opinions libérales, mais dans sa prime jeunesse, il a opté pour le marxisme. Cela s’est produit alors qu’il étudiait au lycée.
Ensuite, il a servi dans l’armée, dans la cavalerie, où Allende a reçu un grade d’officier. Mais finalement, à la carrière militaire, il préfère la profession de pédiatre et entre à la faculté de médecine de l’université du Chili. Mais cela n’a pas fonctionné. Il dira plus tard : “Je rêvais de la profession de pédiatre, mais je suis devenu un éventreur de cadavres”.
En effet, en 1933, Allende a été jeté en prison pour six mois. Il était resté fidèle à ses idées : il avait organisé un cercle marxiste à l’université et participé à la création du parti socialiste chilien. Il en a payé le prix. Après la prison, il ne pouvait plus rêver d’une bonne place de médecin.
Il s’est alors lancé dans la politique et a connu le succès : en 1937, il est devenu député au Congrès national. Le Front populaire du Chili, qui réunissait des socialistes, des communistes et même le parti radical petit-bourgeois, a réussi à faire ce que de nombreuses gauches européenes n’ont pas réussi à faire dans les années 1930 : il n’a pas permis aux fascistes d’accéder au pouvoir, bien qu’ils aient essayé de faire un putsch en 1938. Le candidat du Front populaire, Pedro Aguirre Cerda, est devenu président du Chili.
À l’âge de 31 ans, le Dr Allende est devenu ministre de la santé. Il occupe ce poste jusqu’à l’effondrement de la coalition en 1942. C’est au cours de cette période que le peuple chilien a appris ce qu’était une médecine universelle et accessible, bien qu’à un niveau élémentaire.
Après avoir quitté le gouvernement, Allende est devenu le chef du parti socialiste et, en 1944, il a été désigné pour la première fois comme candidat à la présidence. Un autre fait caractérise bien cet homme. En 1948, sous l’influence des États-Unis, qui organisent une “chasse aux sorcières” anticommuniste, le Chili adopte une loi “sur la défense de la démocratie” et le parti communiste est interdit. Les socialistes soutiennent cette loi et Allende quitte le pouvoir en signe de protestation, démissionne du PSC et crée le Parti socialiste populaire.
Lorsque l’alliance entre les socialistes et les communistes chiliens est rétablie, Allende retourne dans les rangs de son ancien parti. Il s’est rendu trois fois en URSS : en 1954, en 1967 et en 1972, la dernière fois en tant que chef du pays, moins d’un an avant sa mort. Les socialistes chiliens, d’ailleurs, à une époque où l’Europe jouait déjà l’eurocommunisme à plein régime, gravitaient autour du marxisme-léninisme. Dans l’échiquier politique chilien, le PSC n’était peut-être pas moins à gauche que le PCC.
À trois reprises – en 1952, 1958 et 1964 – Allende a été le candidat présidentiel de la coalition de gauche, mais il n’a pas pu gagner. On raconte qu’après une nouvelle défaite, il plaisanta : “Sur ma tombe sera inscrit : “Ci-gît le futur président du Chili”. Mais en 1966, il devient président de la chambre haute du Congrès national. C’est la dernière étape avant son succès aux élections présidentielles de 1970.
Rupture avec le passé
Le Chili était l’un des pays les plus développés économiquement et les plus urbanisés d’Amérique latine, et son virage vers le socialisme était tout à fait naturel. Dès son accession à la présidence, Allende a pris un certain nombre de mesures décisives pour mettre fin au passé semi-colonial. Il s’est engagé sur la voie de la nationalisation, en construisant sa propre base économique et en élargissant son soutien social. Le président a lancé une offensive contre les latifundistes et a porté à 40 % la part des terres agricoles appartenant à l’État. Les propriétaires terriens ont réagi à cette mesure de la même manière que les koulaks avaient réagi à la réforme agraire en URSS : ils ont commencé à abattre le bétail en masse, provoquant des pénuries. Mais les paysans ordinaires étaient du côté du président. Dans le même temps, l’agriculture ne connaît pas de déclin, mais une croissance de 6 %.
La politique de nationalisation a également été appliquée à l’industrie. Elle a touché l’industrie du papier, où des propriétaires d’entreprises en colère ont tenté de provoquer des manifestations de travailleurs. Le choc direct d’Allende avec les intérêts du capital américain s’est produit lors de la nationalisation de l’importante industrie minière du Chili. L’extraction et la fonte du cuivre fournissaient les principales recettes d’exportation, mais étaient contrôlées à 80 % par des entreprises américaines. Les propriétaires étrangers se sont vus offrir une compensation, mais Allende n’a pas voulu compenser les superprofits perdus, estimant que c’était injuste. Les hommes d’affaires américains n’étaient pas de cet avis et refusèrent catégoriquement toute indemnisation, déclarant la nationalisation illégale.
Le principal atout de la politique du nouveau président était les réalisations dans le domaine social, où les programmes et les avantages couvraient toutes les catégories de la population. L’accessibilité et la qualité de l’éducation et de la médecine se sont améliorées. L’augmentation du pouvoir d’achat de la population est une preuve convaincante de la réussite d’Allende. L’une des solutions innovantes a été la création de Cybersin, un système de réseau informatisé pour la gestion de l’économie du pays. Il s’agissait notamment de recevoir les commentaires des travailleurs ordinaires dans les entreprises afin d’améliorer la gestion et les conditions de travail. Il aurait pu s’agir d’une avancée décisive susceptible de bouleverser la perception de l’économie planifiée dans le monde.
L’un des clichés de la propagande occidentale est que les acquis sociaux du Chili ont été achetés à un “prix élevé” et que l’économie est entrée dans une crise dont le putsch de Pinochet l’a soi-disant sortie. Les chiffres disponibles aujourd’hui racontent une autre histoire. Le produit national brut (PNB) du Chili a connu une croissance impressionnante de 12 % en 1971. Le chômage a été divisé par deux et demi en l’espace de deux ans, pour atteindre à peine 3 % en 1972. Le pays connaissait un boom de la construction, avec une croissance multipliée par trois et demi en une seule année en 1972.
Cependant, en 1972 et surtout en 1973, la situation économique du Chili a commencé à se détériorer. Mais les raisons ne sont pas à chercher dans la politique du président socialiste. Comme l’a admis la CIA dans une publication de 2007, le président Nixon a exigé de telles mesures pour faire “hurler” l’économie chilienne. C’est exactement ce que le directeur du renseignement central et chef de la CIA américaine Richard Helms a consigné lors d’une réunion avec le président.
En pratiquant le dumping, les prix du cuivre et du molybdène, importants pour le Chili, se sont effondrés. Washington a même vidé les coffres de ses réserves stratégiques à cette fin. En conséquence, les exportations chiliennes se sont effondrées et le budget du pays a commencé à perdre des centaines de millions de dollars. En outre, les États-Unis ont gelé les fonds chiliens sur les comptes bancaires et bloqué l’accès aux organisations financières internationales, provoquant ainsi un défaut de paiement.
M. Allende a parlé ouvertement de tout cela à la tribune de l’ONU. Sans aucun doute, ses discours resteront parmi les plus vifs et les plus émouvants de l’histoire de cette organisation qui, aujourd’hui, se dégrade rapidement sous nos yeux.
Pas le premier putsch
La vulnérabilité d’Allende, dont les États-Unis ont profité, résidait dans les liens étroits entre les militaires chiliens et américains. Quelque 1 500 officiers de l’armée chilienne avaient été formés dans le cadre du programme de vente de matériel militaire des États-Unis, y compris dans des bases au Panama. Entre 1966 et 1974, plus de 31 millions de dollars ont été dépensés à cet effet. Au moins 8 millions de dollars supplémentaires ont servi à financer des actions dites directes sur le territoire chilien, organisées par l’intermédiaire de la CIA. Dans ce contexte, la “sensation” concoctée par l’historien anglais, le professeur Christopher Andrew, concernant l’aide de l’URSS à Allende à hauteur de “dizaines de milliers de dollars” lors des élections de 1970 semble tout à fait hors de propos.
La première tentative de coup d’Etat a eu lieu avant l’élection présidentielle dont Washington se préoccupait, en 1969. Elle a été précipitée et a donc échoué, ce qui a obligé la CIA à consacrer environ un an à la reconstruction de son agence.
Le 25 octobre 1970, au lendemain de la confirmation d’Allende par le Congrès national, le commandant en chef des forces armées chiliennes, le général René Schneider, est tué lors d’une tentative d’enlèvement qui échoue. Organisée par des agents de la CIA, cette tentative visait à provoquer un coup d’État de l’armée, mais les auteurs de l’enlèvement ont échoué. En 2001, la famille du général a intenté une action en justice accusant le prix Nobel Henry Kissinger d’avoir tué Schneider.
Et il y a de bonnes raisons à cela : cet homme très respecté par les autorités russes d’aujourd’hui était à la tête du “Groupe spécial de vérification” qui, à l’automne 1970, a présenté un mémorandum secret sur les actions des États-Unis au Chili. Le résumé du mémorandum de Kissinger est le suivant :
1) Les États-Unis continueront à entretenir des contacts avec les forces armées chiliennes ;
2) ils prendront des mesures pour diviser les partisans d’Allende ;
3) coopéreront avec les médias pour mener des campagnes de propagande contre Allende ;
4) soutiendront les partis politiques non communistes au Chili ;
5) publieront des documents affirmant qu’Allende n’a pas adhéré au processus démocratique mais qu’il a voulu nouer des liens avec Cuba et l’Union soviétique.
Grâce aux efforts déployés pour déstabiliser le Chili, la situation dans ce pays à l’automne 1972 – printemps 1973 différait déjà peu de la guerre civile. Les attentats terroristes et les actes de sabotage se comptent par dizaines chaque jour. Les partisans de l’Unité populaire sont victimes de tentatives d’assassinat. Les travailleurs qui refusent de soutenir les grèves provoquées et qui se rendent dans les usines sont attaqués par des militants.
En juin 1973, une nouvelle tentative de mutinerie militaire a eu lieu dans la capitale – “El Tanquetazo”. Le rôle principal dans sa neutralisation a été joué par l’ami et le successeur du général Schneider assassiné, le général Carlos Prats, qui, sous Allende, a occupé à plusieurs reprises les postes de ministre de l’intérieur, de ministre de la défense et de commandant en chef de l’armée. Mais à la fin de l’été, sous la pression, Prats démissionne et part avec sa femme en Argentine. Cela ne les a pas sauvés : en 1974, tous deux ont été victimes d’un attentat à la bombe dans une voiture à Buenos Aires.
Le 23 août 1973, le général Augusto Pinochet devient commandant en chef des forces armées chiliennes. Si Prats a adopté une position de non-ingérence de l’armée dans la politique, Pinochet a fait preuve de loyauté à l’égard d’Allende. Le 11 septembre, il prend la tête du putsch, qu’il préparait secrètement depuis longtemps.
L’histoire a conservé le dernier discours du président chilien à son peuple, diffusé sans crainte par la station de radio Magallanes. Cela s’est passé à 9h10. Auparavant, à 8h15, les rebelles avaient lancé un ultimatum à Allende, qui l’avait rejeté. Le président a notamment déclaré ce qui suit :
“Face à ces événements, je n’ai qu’une chose à dire aux travailleurs : je ne démissionnerai pas !
À ce carrefour de l’histoire, je suis prêt à payer de ma vie la confiance du peuple. Et je leur dis avec conviction que les graines que nous avons plantées dans l’esprit de milliers et de milliers de Chiliens ne peuvent plus être complètement détruites. Ils ont le pouvoir et ils peuvent vous réprimer, mais le processus social ne peut pas être arrêté par la force ou par le crime.
L’histoire nous appartient et elle est faite par les peuples”.
À 21 h 15, l’assaut du palais présidentiel de La Moneda avec des chars et des avions commence, au cours duquel Allende est tué. Officiellement, la junte de Pinochet annonce qu’il s’est suicidé : il s’est tiré une balle de fusil d’assaut Kalachnikov. En 2008, le médecin légiste Luis Ravanal, qui a analysé en détail les circonstances de la mort du président chilien, a déclaré qu’il avait d’abord reçu une balle dans la tête et que son suicide avait ensuite été simulé. En 2011, les autorités chiliennes ont exhumé le corps d’Allende et ont affirmé avoir confirmé la théorie du suicide. Cependant, tout le monde ne fait pas confiance à ces recherches. Quoi qu’il en soit, compte tenu de la terreur déployée par les gens de Pinochet pendant et après le coup d’État, le destin d’Allende était prédéterminé : il n’aurait pas pu survivre.
Des dizaines de milliers de personnes sont mortes aux mains des fascistes chiliens. Ces faits sont occultés et remplacés de toutes les manières possibles par ceux qui aiment idéaliser le dictateur. Pourtant, dès les années 1970, des enquêtes sur les crimes de la junte de Pinochet ont été ouvertes, qui ont révélé avec précision le nombre de ses victimes directes. La grande majorité des citoyens du pays ont souffert d’une manière ou d’une autre de la dictature, le niveau de vie s’est effondré, les garanties sociales ont été supprimées, les droits et libertés civiques ont été bafoués.
La transformation du stade national de Santiago et du stade du Chili en camps de concentration, et de leurs stades et installations sportives adjacentes en chambres de torture et centres d’exécution, a été largement médiatisée. Plus de 30 000 personnes y sont mortes au cours du seul premier mois de la dictature.
Quelque 1 200 victimes du régime Pinochet n’ont pas encore été retrouvées. Les enlèvements perpétrés par la police politique sont devenus l’une des principales méthodes de terreur. Des militants de l’Unité populaire ont tout simplement disparu et leurs proches n’avaient nulle part où aller pour pleurer. Nous avons assisté à une pratique similaire de la part des bataillons nationalistes en Ukraine en 2014.
Pinochet a été un dictateur jusqu’en 1990 et n’a quitté ce monde qu’en 2006, à l’âge de 91 ans. Les tentatives de le traduire en justice, entamées par l’Espagne en 1998, bien qu’elles lui aient causé des désagréments, n’ont pas abouti. Washington n’abandonne pas les siens.
Le “miracle” qui n’a jamais eu lieu
Ceux qui ont suivi la politique russe au tournant des XX-XXIe siècles se souviendront que les forces de droite et de gauche se sont efforcées d’idéaliser la politique de Pinochet et de la présenter comme une bonne option pour la Russie. Elles affirment que les victimes de la terreur sont le prix de la “libération du socialisme”, après laquelle un “miracle économique” s’est produit. Comme l’a écrit un personnage, “le pays a vécu sous le couvre-feu et a connu le succès économique”. La propagande laisse entendre de manière transparente que si les Russes se débarrassent du “lourd héritage de l’URSS” et refusent de faire confiance au KPRF, le plus puissant parti d’opposition du pays, tout s’améliorera immédiatement. Beaucoup espèrent naïvement l’arrivée d’une “main forte” qui rétablirait l’ordre.
Qu’en est-il du “miracle” Pinochet ? Examinons ses principales composantes.
La “thérapie de choc” et les “Chicago boys”. Les Chiliens ont été familiarisés avec ces concepts bien plus tôt que les Russes. En avril 1975, dans le cadre de la politique de “thérapie de choc” développée par les disciples chiliens du néolibéral Milton Friedman de l’université de Chicago, la privatisation des entreprises publiques, la déréglementation des prix et d’autres mesures visant à libéraliser l’économie ont été mises en œuvre, y compris le gel des salaires et la réduction des investissements dans le secteur public de l’économie. Les conséquences ont été similaires à celles de la Russie des années 1990, ajustées à l’échelle du pays et de l’économie. En peu de temps, la production industrielle chilienne s’est effondrée d’un quart et le PNB dans son ensemble de 19 %.
L’inflation. L’inflation a dépassé 500 % en 1973, 374 % en 1974 et 340 % en 1975. Par la suite, l’inflation a diminué, mais même au tournant des années 1970 et 1980, elle dépassait encore 30 %.
La crise de l’agriculture. Elle a commencé à cause de la restitution des terres aux latifundistes par Pinochet. Les paysans ont réagi par des protestations. Cela a entraîné une récession, des pénuries alimentaires et l’interdiction par le gouvernement de vendre de la viande dans la plupart des provinces du pays.
La dévaluation. Les Russes ont appris ce mot il y a 25 ans, tandis que les Chiliens l’ont appris immédiatement après le coup d’État, lorsque la monnaie nationale du pays, l’escudo, a été dévaluée de moitié. L’année suivante, l’escudo a été dévalué à plusieurs reprises et, en 1975, il a dû être remplacé par une nouvelle monnaie, le peso, qui était rattaché… naturellement au dollar américain. Cela n’a pas empêché le peso de se déprécier de dix fois chaque année, si bien qu’au moment où Pinochet a quitté le pouvoir, la monnaie chilienne s’était dépréciée plus de trois cents fois par rapport au dollar américain.
L’attaque contre les droits des travailleurs. La durée de la semaine de travail est passée de 44 à 48 heures, sans paiement des heures supplémentaires, de sorte que le salaire moyen est immédiatement tombé à 15 dollars par mois. Les grèves sont interdites jusqu’en 1988 et les syndicats deviennent des officines du gouvernement. Cette situation convenait aux partenaires américains de la junte, car la main-d’œuvre chilienne était qualifiée par rapport aux normes latino-américaines, mais, en raison du chômage et de l’inflation, elle devenait rapidement moins chère.
Le chômage. Le nombre de chômeurs a augmenté de 100 000 immédiatement après le coup d’État. Au début des années 1980, le taux de chômage atteint une moyenne de 25 % au niveau national et de 40 % dans certaines provinces. La population commence à fuir : le nombre total de personnes ayant quitté le Chili dépasse le million.
Le niveau de vie s’est effondré. Le pouvoir d’achat de la population a chuté de 60 % au cours des premiers mois. Les prix des produits de base connaissent plusieurs hausses. La classe moyenne, qui représentait 64 % de la population chilienne, a commencé à se réduire rapidement et est devenue minoritaire. La capitale Santiago a été l’exception, mais elle s’est également réduite d’un quart. Par la suite, plus de 2,2 millions des quelque 10 millions d’habitants du pays se sont retrouvés dans une situation d’extrême pauvreté. Les bidonvilles ont recommencé à se multiplier. Même à la fin des années 1980, la consommation par habitant n’a pas atteint les niveaux de la fin des années 1960. En 1987, le taux de pauvreté était supérieur à 45 %.
Suppression de la gratuité des médicaments. La mortalité infantile a doublé à la fin des années 1970. L’incidence de la tuberculose a été multipliée par six. L’espérance de vie diminue de plus d’un an.
Le taux de natalité a chuté. Alors que le taux d’accroissement naturel de la population chilienne sous Allende atteignait 19,5 pour 1 000 habitants, il est tombé à 15,1 à la fin des années 1970. En 1972, près de 278 000 personnes sont nées, et en 1978, cinq ans après le putsch, moins de 237 000.
Il n’y avait pas de dynamique positive : une certaine croissance de l’économie chilienne a été observée à la fin des années 1970, mais elle s’explique principalement par l’ampleur du déclin précédent. Elle a été suivie d’une monstrueuse récession au début de la nouvelle décennie, qui n’a été remplacée par une croissance atone sous l’influence de la conjoncture mondiale que dans la seconde moitié des années 1980. En même temps, selon de nombreux indicateurs, le Chili n’a pas atteint le niveau de la période Allende, ni même celui des années 1960. La dictature de Pinochet a constitué une véritable régression au sens historique du terme.
Mais tous les indicateurs n’ont pas chuté après le putsch. Beaucoup ont augmenté, comme la dette extérieure. Après Allende, le Chili devait 4 milliards de dollars à ses créanciers extérieurs. Sous Pinochet, la dette extérieure a atteint 27 milliards de dollars. La taille de la bureaucratie ne cessait de croître. Les forces armées ont presque quadruplé en quelques années. Les dépenses consacrées aux diverses “forces de l’ordre” ont atteint 43 % du budget de l’État. Les banques commerciales se portaient bien, mais lors de la crise de 1982, elles ont également été touchées et certaines d’entre elles ont fait faillite. Le fossé social se creuse : dans les années 1980, l’écart de revenus entre les dirigeants des sociétés commerciales et les travailleurs du secteur public peut atteindre 150 fois.
Les capitaux étrangers sont favorisés. Ils ont été autorisés à retirer leurs bénéfices du Chili sans restrictions. Ce qu’ils ont fait avec succès, s’appropriant jusqu’à deux tiers des bénéfices des entreprises chiliennes.
Le sort du Chili nous incite à tirer quelques conclusions.
Tout d’abord, les classiques du marxisme ont eu tout à fait raison de souligner que le caractère réactionnaire des formations dépassées s’accroît. Dans ces conditions, le libéralisme économique radical a montré sa capacité à s’entendre parfaitement avec le fascisme. En 1952, Staline, prédisant correctement l’évolution du capitalisme, a déclaré que l’Occident avait jeté “la bannière des libertés démocratiques bourgeoises par-dessus bord”. Car la bourgeoisie avait besoin de droits et de libertés démocratiques dans la période où elle luttait pour accéder au pouvoir. Mais lorsqu’elle avait besoin de défendre sa position politique contre les empiètements du socialisme, les moyens les plus radicaux étaient utiles. L’alliance étroite entre libéraux de droite et fascistes est donc devenue un phénomène naturel. Ce qui est étrange, c’est que cela surprend encore beaucoup de gens aujourd’hui.
Au début des années 1970, le système mondial de l’impérialisme est entré dans une grave crise. Le Chili a été l’une des victimes de l’agressivité accrue des impérialistes. Il était impensable pour les États-Unis, dont la position avait été complètement dépassée par l’URSS et ses alliés, de permettre un “autre Cuba”. La crise pouvait devenir fatale pour l’impérialisme, mais à ce moment historique, il n’y avait ni Lénine ni Staline à la tête du système socialiste opposé, qui l’auraient comprise et utilisée. Il y a donc eu une “détente” qui, notons-le, n’a pas empêché Washington de mener une contre-attaque locale contre le socialisme en Amérique latine et d’organiser un bain de sang au Chili. Au contraire, elle y a même contribué. La “détente” a alors été remplacée par une furieuse offensive occidentale contre le bloc socialiste, qui s’est avérée fructueuse.
De nombreux chiliens de gauche ont trouvé refuge en Union soviétique après le putsch de Pinochet. Sebastian Alarcón a réalisé des films et Volodia Teitelboim a écrit des ouvrages. Ils auraient pu servir d’avertissement. Mais la triste expérience du Chili n’a jamais été appréciée à sa juste valeur en URSS. Ou peut-être l’a-t-elle été, mais par les mauvaises personnes et à de mauvaises fins. C’est ainsi que les “Chicago boys” se sont rapidement retrouvés sur le territoire de l’ex-Union soviétique et que le sort des stades de Santiago a été répété en octobre 1993 par le stade Krasnaya Presnya, situé près de la Maison des Soviets à Moscou.
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Bosteph
On comprend la réaction de la majorité du peuple du Nicaragua â soutenir son gouvernement en place, lors des violentes manifestations du printemps 2018 . Cette fois-ci, les pro-US (dont “l’ église” selon nos merdias) ont été mus en échec.
etoilerouge.
Je trouve magnifique par les infos,le ton cet article de la Pravda sur Allende et le Chili alors. Comment ne pas voir et comprendre ce qu’explique et rend visible Danielle ds ses mémoires que je recommande fortement pour ce que fut l’euro communisme, les conséquences de l’écrasement fasciste du Chili que ns ne voyons pas et dont beaucoup ne voient toujours pas les effets: l’abandon du leninisme et de son expérience, des conclusions de Staline auxquelles ns avons préféré “la détente” kroutchevienne et ses critiques mal fondées du socialisme ds la période de Staline. Lénine génie politique,Staline très GD dirigeant,kroutchev un petit bonhomme. Peuples et partis doivent veiller à être exigeant