Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Peur et dégoût sur Air Force One, par Seymour Hersh

De la panique électorale des démocrates au marchandage avec Erdogan, si l’on en croit Seymour Hersh toujours bien informé, les Etats-Unis payent, mais cela en fait ne fait qu’accroître l’inflation et les désordres. Autopsie d’un retournement en toile de fond de la négociation sur le blé. Nul doute que dans de tels marchandages, les Kurdes soient sacrifiés après avoir servi de supplétifs contre la Syrie pour la coalition. Quand on mange avec le diable il faut une très longue cuillère dit le proverbe et cela se confirme. La France fera elle aussi les frais de son choix de l’OTAN, elle ne retirera aucun avantage et aura le mépris de surcroit face à la lâcheté de son président, de son gouvernement, de son assemblée nationale, de la totalité de sa presse et de ses misérables “élites”… (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

23/07/2023


13 Juil 2023

Commençons par une peur stupide, mais qui marque le sentiment croissant de panique qui s’est emparé du Parti démocrate à propos de l’élection présidentielle de 2024. Cela m’a été confié par quelqu’un qui a d’excellentes références en matière de parti démocrate : il se pourrait que Trump soit le candidat républicain et choisisse Robert F. Kennedy Jr. comme colistier. L’étrange duo remportera ensuite une énorme victoire sur un Joe Biden trébuchant et éliminera également de nombreux candidats du parti démocrate à la Chambre et au Sénat.

En ce qui concerne les signes réels d’anxiété aiguë des démocrates : Joe Biden a obtenu ce dont il avait besoin avant le sommet de l’OTAN cette semaine en pesant sur le président turc Recep Tayyip Erdogan et en l’amenant à laisser tomber Vladimir Poutine en annonçant qu’il soutiendrait l’adhésion de la Suède à l’OTAN. L’histoire officielle de la manière dont Biden avait obtenu un tel revirement pour sauver la face était qu’il avait laissé entendre qu’il serait possible de vendre des chasseurs-bombardiers américains F-16 à la Turquie.

On m’a raconté une histoire différente et secrète sur le revirement d’Erdogan : Biden a promis qu’une ligne de crédit de 11 à 13 milliards de dollars serait accordée à la Turquie par le Fonds Monétaire International.

« Biden avait besoin à n’importe quel prix d’une victoire et la Turquie est en pleine crise financière », m’a dit un responsable ayant une connaissance directe de la transaction. La Turquie a perdu 100 000 personnes dans le tremblement de terre de février dernier et elle a quatre millions de bâtiments à reconstruire. « Qu’est-ce qui pourrait être mieux qu’Erdogan » – sous la tutelle de Biden, a commenté le responsable, « ayant enfin vu la lumière et réalisé qu’il est mieux avec l’OTAN et l’Europe occidentale ? » Les journalistes ont été informés, selon le New York Times, que Biden avait appelé Erdogan alors qu’il se rendait en Europe dimanche. Le coup d’éclat de Biden, a rapporté le Times, lui permettrait de dire que Poutine a obtenu « exactement ce qu’il ne voulait pas : une alliance élargie et plus directe de l’OTAN ». Il n’y avait aucune mention de la corruption.

Une analyse réalisée en juin par Brad W. Setser du Council on Foreign Relations, « Turkey’s Increasing Balance Sheet Risks », a tout dit dans les deux premières phrases – Erdogan a été réélu et « doit maintenant trouver un moyen d’éviter ce qui semble être une crise financière imminente ». Le fait critique, écrit Setser, est que la Turquie « est sur le point de vraiment manquer de réserves de change utilisables – et fait face à un choix entre vendre son or, un défaut évitable, ou avaler la pilule amère d’un renversement complet de la politique et au prix de bénéficier d’un programme du FMI ».

Un autre élément clé des problèmes économiques complexes auxquels la Turquie est confrontée est que les banques turques ont prêté tellement d’argent à la banque centrale du pays qu’elles « ne peuvent pas honorer leurs dépôts en dollars nationaux, si jamais les Turcs demandent à récupérer les fonds ». L’ironie pour la Russie, et une raison de beaucoup de colère au Kremlin, note Setser, est la rumeur selon laquelle Poutine a fourni du gaz russe à Erdogan à crédit, et n’a pas exigé que l’importateur de gaz de l’État paie. Les largesses de Poutine ont coulé à flot alors qu’Ergodan vendait des drones à l’Ukraine pour les utiliser dans sa guerre contre la Russie. La Turquie a également autorisé l’Ukraine à expédier ses récoltes par la mer Noire.

Tout ce double jeu politique et économique européen s’est fait ouvertement et au vu et au su de tous. La duplicité des États-Unis fonctionne sur un mode différent.

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4 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Le ticket Trump/Kennedy pour 2024 est plausible. Cette éventualité est parue sur d’autres sites.
    Quant à Erdogan, existe-t-il un seul personnage politique dans le monde qui croit à la sincérité de ce chef d’état d’un grand pays comme la Turquie? Je doute que le tandem Poutine/Lavrov se soit laissé abuser. Il faut prendre Erdogan tel qu’il est, avec méfiance . L’équipe de Biden agit sûrement de la même façon.
    Vous me direz, Poutine et Lavrov se sont fait avoir en 2015, avec Minsk2. Mme Merkel et François Hollande les ont dupé. Je pense que Poutine et Lavrov, rompus à la politique internationale, se doutaient bien de leur duplicité. L’Ukraine a gagné 7 ans pour se renforcer. A l’évidence, la Russie n’est pas restée les bras croisés pendant cette période, modernisation de son armement, mais aussi la parade contre les sanctions.

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    • Daniel Arias
      Daniel Arias

      La Turquie a tout à gagner à jouer sur les deux tableaux de part sa position géographique, sa démographie et son développement industriel.

      Elle exporte, modernise son économie, monte en gamme, investit dans des infrastructures modernes.

      Un bon candidat pour l’exportation de capitaux et un concurrent sérieux pour l’Allemagne surtout après la coupure de gaz qui lui continue d’être exporté depuis la Russie et l’Iran vers la Turquie.
      L’énergie est au cœur des conflits militaires où la Turquie est engagée directement ou non.

      Les ambitions régionales de la Turquie s’expriment régulièrement et se pays est aujourd’hui suffisamment puissant pour se faire respecter.

      De plus c’est un des derniers pays stables pour le transport d’énergie vers l’Europe via l’Adriatique et une option peut être moins alignée sur l’OTAN que les deux autres pays de transit que sont la Pologne et l’Ukraine.

      Et notre Macron qui s’est fâché avec Erdogan prêt à entrer en guerre avec la Grèce.
      Une fois la bataille d’Ukraine terminée nos politiques vont devoir faire quelques petites contorsions à leurs principes déclarés pour continuer à s’approvisionner en gaz.

      Un rapport du sénat de 2019 sur la Turquie:

      https://www.senat.fr/rap/r18-629/r18-6292.html

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  • Rastapopulo
    Rastapopulo

    Bonjour, merci pour votre très bon site

    RFK Jr s’est en tout cas fermement prononcé contre un ticket le liant à Trump.
    Même si ce sont surtout les trumpistes qui apprécient Kennedy pour son “complotisme”, ces deux là se montrent toutefois une forme de respect mutuel qui va dans le (bon) sens d’un élargissement des opinions éclairées sur l’État profond aux E.U, désormais élargies à un modeste pourcentage de la base Démocrate, où Biden a beaucoup déçu.
    C’est un élément assez important dans la perspective de 2024; mais souvenons-nous que Biden fut proclamé élu en dépit de sérieux doutes sur la probité du scrutin, ou encore qu’en France, près de 80% d’opinions contre Macron n’ont pas empêché sa réélection…
    Reste à voir si les dossiers sur Biden&Co. donneront éventuellement quelque résultat, et quel bruit sera fait autour du procès Trump pour masquer la culpabilité évidente du clan Biden et de son administration.

    Concernant Erdogan, l’accord majeur avec Poutine pour le hub gazier turc court toujours, et c’est sans doute plus important que les drones Bayraktar vendus à l’Ukraine qui sont descendus sans trop de soucis (et achetés avec nos deniers); par ailleurs je ne pense pas que les adhésions de la Suède et la Finlande soient tant que cela un problème:
    Sur un plan stratégique, les suédois et les finlandais souffrent surtout d’inculture et oublient que le parapluie américain ne les protègera jamais, puisque les E.U ne risqueront jamais NY et DC pour Helsinki ou Stockholm !
    Ces deux là, sous la coupe de Young Leaders ahuris et cupides, ont donc considérablement augmenté le risque qui peut peser sur eux en adhérant à l’arrogante OTAN. Pour moi, il s’agit d’abord de gros sous autour de contrats d’armement.

    Pour le reste, les E.U restent certainement capables d’exercer de lourdes pressions sur la monnaie turque, et cela suffit à mes yeux à expliquer le “double jeu” d’Erdogan.
    Gageons que Poutine n’en est pas dupe, et qu’il sait que le sultan joue le long terme pour engager plus fermement son pays vers l’Eurasie :
    La demande renouvelée de la Turquie d’adhésion à l’UE peut avoir pour but de mieux démontrer encore la duplicité et les mensonges de cette dernière.

    Quels moments fascinants nous vivons !

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    • marsal
      marsal

      Il faut bien garder à l’esprit que, dans le fonctionnement de la “démocratie” capitaliste moderne, les changements électifs ne marquent généralement pas des changements de politiques, surtout sur les questions internationales et stratégiques, mais plutôt des étapes nouvelles dans le développement de la même politique, celle de la classe dominante.

      L’étape Trump a été tournée fortement contre l’Iran et contre la Chine, l’étape Biden est prioritairement contre la Russie et (sans le dire) contre l’Europe, Mais, Biden n’a rien défait de l’étape Trump. Pas de retour au JCPOA avec l’Iran, pas de cessez-le-feu commercial avec la Chine, au contraire.

      L’oligarchie financière et le complexe militaro-industriel US ne vont pas se laisser renverser comme cela. Ils conduisent leur politique “néo-cons” depuis des décennies dans les alternances et ont la capacité de peser sur le congrès quelle que soit sa majorité.

      Quant à la Turquie, elle est byzantine …

      En revanche, nous devrions nous intéresser à l’Inde, à laquelle les USA (et Macron dans leur pas) font une sorte de pont d’or technologique, pour tenter de l’attirer hors de l’influence de la Russie et surtout en faire le contrepoids utile et nécessaire face à la puissance industrielle chinoise. Cela ressemble d’ailleurs ce que Nixon avait fait avec la Chine pour faire face à l’URSS.

      Les USA vont investir en Inde et livrer des technologies clés, comme le développement d’un réacteur de nouvelle généraltion pour l’avion de chasse indien, qui sera co-développé et co-construit en Inde. En même temps, les USA font tout ce qu’ils peuvent pour attiser les tensions entre l’Inde et la Chine, qui ont un noeud sérieux de contentieux portant à la fois sur la délimitation de la frontière entre les deux pays dans l’Himalaya et englobant également la question du conflit indo-pakistanais (contrôle de Cachemire) avec la question du Corridor Chine Pakistan, que la Chine développe pour ouvrir une route commerciale directe vers l’Océan Indien (ce qui lui est indispensable pour éviter l’endiguement mis en oeuvre par les USA, mais qui est aussi vu par l’Inde comme contradictoire à son propre déploiement vers le nord).

      Comme la Turquie, l’Inde garde un pied à l’est et un pied à l’ouest, mais le PM indien Narendra Modi le fait avec beaucoup plus de finesse et de vision qu’Erdogan. Là où le second risque d’attiser les conflits par la méfiance que ses revirements suscite, le premier (qui a lui aussi un pays de plus d’un milliard d’habitants à nourrir chaque jour) pourrait jouer un rôle de dés-escalade.

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