Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Histoire et cinéma : Japon et génération spontanée

L’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe, 67 ans, était en train de prononcer un discours en soutien à Kei Sato, un candidat local du Parti libéral-démocrate sur un carrefour près d’une gare à Nara lorsqu’il a été pris pour cible par un homme qui a tiré à deux reprises. L’ancien dirigeant est mort à l’hôpital, où il avait été transporté à la mi-journée (heure de Tokyo).Selon des sources policières citées par les médias nippons, le suspect arrêté est un Japonais de 41 ans, chômeur, du nom de Tetsuya Yamagami. Cet habitant de Nara a servi pendant trois ans dans la Force maritime d’autodéfense japonaise, la marine japonaise, jusqu’en 2005, toujours selon des médias locaux, qui citent le ministère de la défense.D’après la NHK, Tetsuya Yamagami aurait confié aux enquêteurs après son arrestation qu’il était « frustré » vis-à-vis de M. Abe et qu’il lui a tiré dessus avec l’intention de le tuer. Il « a déclaré avoir gardé rancune à une certaine organisation (la secte Moon) et il a avoué avoir commis le crime parce qu’il croyait que l’ancien premier ministre Abe lui était lié », a déclaré un responsable de la police de la région de Nara lors d’une conférence de presse.
CORRECTS SECOND SENTENCE – Tetsuya Yamagami, center, holding a weapon, is detained near the site of gunshots in Nara, western Japan Friday, July 8, 2022. Yamagami is accused of assassinating former Prime Minister Shinzo Abe by opening fire on at him from behind as he delivered a campaign speech, an attack that stunned a nation that has some of the world’s toughest gun laws.(Nara Shimbun/Kyodo News via AP)
En fait, Kōji Wakamatsu; son comparse qui est né dans une famille trés pauvre et a été un gangster, est plus célèbre que Masao Adachi, surtout pour leurs pièces érotico-avangardistes, ce sont des très grands. Il est né en 1936, en 1971 de retour du festival de Cannes, ils vont au Liban et y rencontrent Fusako Shigenobu qui les présente à des représentants du Front populaire de libération de la Palestine dont l’écrivain Ghassan Kanafani et Leila Khaled. Après plusieurs semaines au Liban, en Syrie et en Jordanie, Wakamatsu et Adachi retournent au Japon pour monter le documentaire Armée Rouge / FPLP : déclaration de guerre mondiale. En 1974, Adachi retourne à Beyrouth dans le but de réaliser une suite à Déclaration de guerre mondiale et devient membre de l’Armée rouge japonaise, sans pour autant n’avoir jamais participé à aucun attentat autrement qu’avec sa caméra, selon ses propres dires. Deux cents heures de pellicule sont tournées, mais elles sont détruites dans un bombardement en 1982. Déécidemment les Cahiers du cinéma, nouvelle mouture sont passionnant. Encore une question de transmission entre générations, la mienne et celle de ces jeunes en souffrance pour la dignité apparemment sans le mondre projet politique.Y a -t-il génération spontanée alors que le “milieu”politique est mort… Je vais m’y précipiter (note de danielle Bleitrach histoireetsociete)

Publié le 23 juin 2023 par Clement Rauger

Le nouveau film de l’ancien compagnon de route de Koji Wakamatsu, et auteur des manifestes filmés de l’Armée rouge japonaise en Palestine, est centré sur Tetsuya Yamagami. Un illustre inconnu jusqu’au 8 juillet 2022, jour où il assassina l’ancien Premier ministre Shinzo Abe. Le projet a été entrepris dès la mort d’Abe et s’est tourné en seulement une semaine, un rythme ne manquant pas de rappeler la rapidité quasi industrielle avec laquelle le réalisateur, aujourd’hui octogénaire, et son comparse Wakamatsu mettaient en boîte leurs pamphlets érotico-politiques lors des bouillonnantes années 1960. Les motivations du tueur étant liées au souvenir de sa mère, qui a déserté le foyer pour rejoindre l’Église de l’Unification, l’acte révéla les collusions entre le pouvoir politique et la secte. Masao Adachi essaie de reconstituer sans juger, à partir de certaines informations factuelles et de ses propres déductions, ce qu’aurait pu être la trajectoire de l’homme qui a commis l’irréparable.
Clément Rauger

Quelle a été votre réaction en apprenant l’assassinat de Shinzo Abe ?
Quand Abe est redevenu Premier ministre, les gens se sont dit qu’un nouveau climat politique était arrivé et que le Japon allait redevenir le bras droit du gouvernement américain. Cet assassinat a eu comme conséquence de révéler un certain nombre de secrets qui étaient encore sous le tapis. Je me suis demandé ce qui avait poussé un homme à abattre Shinzo Abe. J’ai essayé de me mettre à sa place : cette société en souffrance, cette sensation de monde qui s’écroule sous l’effet d’un retour au conservatisme… Feu Abe admirait par-dessus tout son grand-père : Nobusuke Kishi, qui a signé le traité de sécurité avec les Américains alors que tout le monde était contre. Soixante ans après, son petit-fils a réappliqué la même politique. Je n’ai jamais pu pardonner le fait que l’on ait vendu mon pays, et c’est le même désespoir qui semblait habiter ce tireur malgré notre différence de génération.

La théorie du paysage ou fukeiron issue de AKA Serial Killer (1969) est‑elle encore applicable aujourd’hui ?
Davantage qu’à l’époque de Norio Nagayama, que ce soit à l’échelle personnelle ou sociale, la vie des jeunes s’est complexifiée. J’ai voulu scrupuleusement et honnêtement filmer l’histoire d’un jeune qui n’a pas pu accepter d’être pris à la gorge, sans chercher à l’expliquer par un contexte particulier : la théorie du paysage n’est plus utile pour une génération qui ne croit plus en rien. Tout le monde reste suspendu à des décisions venues d’en haut, sans se confronter à la réalité. Yamagami a tiré sur Abe sans jamais s’inscrire dans un projet politique.

Sur quoi vous basiez-vous pour dépeindre la famille du personnage ?
Je savais que c’était une famille privée de figures d’autorité ; le père est décédé et la mère a disparu petit à petit sous l’influence de la secte Moon. L’histoire de Yamagami révèle un fort complexe d’Œdipe : le meurtre, pour lui, est un moyen de récupérer ce qu’il a perdu. Plus que sur Abe, c’est sur sa mère qu’il voulait tirer et, plus que sa mère, c’est le représentant de la secte qu’il voulait atteindre.

Quelle a été la réaction du public ?
Explosive. J’étais contre les funérailles nationales d’Abe, j’ai décidé de présenter mon film le même jour. J’ai reçu un bon accueil dans plusieurs villes, il a même fallu rajouter des séances tellement les gens étaient attirés par le scandale. À Osaka, deux spectatrices m’ont interpellé. L’une voulait souligner le fait que Yamagami a rencontré plusieurs personnes sur Twitter et qu’il leur a envoyé une lettre expliquant ses motivations. Elle m’a demandé pourquoi je n’avais pas parlé de cette lettre. Mais si j’avais lu son contenu devant la caméra, je n’aurais eu aucune raison de faire ce film. Je ne veux pas savoir pourquoi il a fait ça. L’autre spectatrice était une avocate spécialiste des questions de médecine légale. Elle m’a dit que, dans le cas où Yamagami serait considéré comme fou, le fait de l’envoyer en hôpital psychiatrique permettrait à l’État de ne pas avoir à reconnaître sa propre responsabilité. J’ai répondu que, moi aussi, je craignais que l’on efface jusqu’à son existence, et c’est pour cela que j’ai tourné vite. Le Japon n’a plus aucune profondeur et je voulais que Révolution+1 témoigne de ce vide politique.

Entretien réalisé par Clément Rauger à Shinjuku (Tokyo) le 24 octobre 2022.
Remerciements à Go Hirasawa.

À lire également :

Entretien avec Masao Adachi. Cinéma pink et guérilla réalisé par Stéphane du Mesnildot, Cahiers du cinéma n°662 (2010)

Article à retrouver dans ce n° :

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