Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Baby alone in Babylone, par François Leca

Je n’ai pas encore vu le film, je ne ferai donc pas de commentaire mais comme j’ai une grande confiance dans les appréciations (cinématographiques) de François je vais m’y précipiter probablement vendredi. Sur le plan culturel il se passe dans ma ville de Marseille une situation conflictuelle autour d’un théâtre marseillais, le Toursky et le personnage (c’est le mot qui convient) qui l’a en charge Richard Martin. Je ne connais pas le dossier et je vais en prendre connaissance, mais je crains au vu des mœurs de l’adjoint qui l’a ouvert avec brutalité et qui malheureusement a été élu en tant que communiste qu’il y ait là une affaire qui ne peut que nuire à tout le monde et dont l’intérêt politique et culturel m’échappe. Je vous ferai un compte rendu. Je tiens beaucoup à cette rubrique culturelle et le rôle des communistes est essentiel, mais il n’est certainement pas d’attendre que l’art soit directement politique, il l’est mais à sa manière et l’ennui c’est quand nous avons des gens qui confondent engagement et mondanité, une ligne qui n’a cessé de s’épanouir depuis Jack Lang, sans la moindre réflexion sur ce qui devrait être notre préoccupation première, la démocratisation au sens premier du terme, de la culture. Comme c’est le même personnage qui a mis le marché en main à Cuba coopération “ou vous coupez avec Danielle Bleitrach, ou la ville de Marseille n’aura pas de coopération avec la Havane”, j’imagine les dégâts d’un tel rustre ivre de notabilité et de sorties en ville, dans le milieu culturel. (note de Danielle Bleitrach)

Histoire et Société annonçait avec l’article de Richard Brody sur l’actrice Patsy Ruth Miller, l’arrivée sur nos écrans de Babylon le film monumental de Damien Chazelle. C’est chose faite et le voilà, sans un ‘e’ à la fin qui aurait bien dû être rajouté sur nos affiches afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté pour le public francophone  : On parle ici d’une ville, la nouvelle Babylone censée contenir comme l’ancienne tous les péchés du monde : HOLLYWOOD.
Avant celui-ci bien des films ont traité le sujet, de ‘Good morning Babilonia’ des frères Taviani à ‘Aviator’ de Scorcese en passant par le ‘Dernier nabab’ de Kazan.
Babylon donc :
Le film s’ouvre par une succession de projections, mais pas vraiment au sens cinématographique du terme, déjection d’éléphant, d’urine féminine, de faux sperme… Une scène de vomissement d’anthologie viendra plus tard confirmer cette tendance aux débordements.
Tant d’excès seraient mal venus si le scénario était merdeux, la photographie pisseuse et le casting branlant, le tout avec un rendu de mauvaise qualité, ce qui n’est absolument pas le cas, bien au contraire.
Babylon dure trois heures mais on ne s’y ennuie pas grâce aux mêmes recettes qui nous ont fait avaler sans déplaisir d’autres très long métrages comme ‘Le Parrain’ ou ‘Il était une fois en Amérique’ : moments forts en continu, acteurs épatants, reconstitution peaufinée, dialogues percutants, de l’humour, de la violence et du sexe.
La dépravation dans cette nouvelle Babylone semble aller de soi et les citations ne manquent pas, les mânes de Fatty Harbuckle demandent fébrilement une bouteille dont elles feront usage et celles de Talullah Bankhead toute une équipe de Football à dominer. ‘Drug, sex and jazz hot’ en quelque sorte ou bien ‘cigarettes whiskies et petites pépées’, les formules ne manquent pas pour décrire l’ambiance orgiaque généralisée.
Il faut un œil d’européen pour trouver que l’actrice principale ressemble (beaucoup) à Anita Ekberg et l’acteur ressemble (un peu) à Marcello Mastroianni mais ce n’est pas la Dolce Vita de cinéma qui nous est montrée là mais bien celle que vivent au quotidien l’aristocratie des studios, producteurs acteurs et propriétaires des compagnies.
Film métaphorique. Du capitalisme.  Des contradictions internes entre morale puritaine, esprit de jouissance du miracle américain, recherche du profit, de l’opposition entre culture classique mais bourgeoise et culture de masse. Le film exacerbe sans cesse ses effets, grossissant même les larmes qui coulent à volonté et sur demande sur le visage de celle qui pense à son enfance misérable.
Métaphore des inégalités sociales mais aussi raciales où l’on engueule sans vergogne en public un ‘youpin’, on y parle de ‘nègres’ devant les concernés et l’on ne donne pas le rôle à l’actrice chinoise. Hollywood, club fermé aux sans dents, consommatrice boulimique de matériau humain jeté après usage.
Car il y a ceux qui sont installés au sommet et s’y cramponnent, ceux d’en bas qui veulent les rejoindre ou les déloger, et ceux qui sont à leur place et n’en sortiront pas, tels ces figurants grévistes vite remis au pas par un fils d’immigrant mexicain qui à cheval et à coup de revolver saura ramener le troupeau vers son corral. Ici la vie humaine compte peu. Ici tout le monde avale des couleuvres, alors pour se démarquer, monter sur scène devant un public au fond des pires souterrains, il faut pouvoir avaler tout cru d’autre choses, même innommables.
A Babylone tout le monde se fait son cinéma, le mexicain se fait passer pour espagnol de Madrid, le jazzman accepte de se noircir encore dans une scène très émouvante, Brad Pitt excellent, mi-Errol Flynn mi-Clark Gable, lui se prend pour un italien, et la starlette se veut Star.
Mais pour la plupart quand les lampions s’éteignent il faut retrouver un squatt crasseux, dormir sur deux chaises, partager une pièce miteuse.

On l’aura compris ce n’est pas un film sur le cinéma en général mais un film sur Hollywood en particulier, même si les deux semblent se confondre, la ville-industrie doit faire face à ses révolutions technologiques passant de l’artisanat aux processus plus complexes. Les derniers moments du film insistent sur cette problématique du changement et nous indiquent peut-être qu’il faut continuer à chanter sous la pluie pour que le show must go on.
Certains reprocheront à Chazelle sa façon un peu courte de montrer les liens pourtant prouvés entre crime organisé et cinéma. Ou la discrétion des pontes, nababs et moguls qui semblent (un comble) les spectateurs passifs et étonnés de ce qui se passe dans leurs propre royaume…
En conclusion par sa démesure et ses excès, sa priorité accordée à l’image, sa direction d’acteurs, Babylon est un film-somme qui émeut et mérite son excellent accueil critique.

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