Face à la guerre : c’est le temps des sophistes. Un sophiste qu’est-ce que cette bête-là ?
Disons tout de suite que nous avons désormais en France un corps de philosophes, d’amoureux de la sagesse, qui bizarrement se transforme périodiquement en clairon sonnant la charge pour mobiliser les récalcitrants au combat. Il ne suffit pas de dénoncer les journalistes ou plutôt les “amuseurs de plateaux” qui rassemblent des “éditorialistes”, des représentants de l’OTAN, des spécialistes de la Russie souvent autoproclamés et qui comme les spécialistes de la Chine présentent l’étrange caractéristique de haïr leur objet d’étude, des “ukrainiennes” au bord de l’hystérie, un ancien espion du KGB, et une meneuse ou un meneur de débat en état de perpétuel étonnement devant l’ignoble et barbare Russie. Il faut bien mesurer que c’est tout un contexte idéologique qui sévit en France et a pris son essor sous Mitterrand. Ils font profession non d’une attitude morale mais d’une morale de l’attitude, d’une posture. Non je ne vais pas parler de BHL ou Glucksman mais d’un texte commis par quelqu’un de moins déconsidéré. André Comte-Sponville qui au nom de la raison, de “l’utilitarisme” et du haut de son statut de philosophe et du principe d’autorité qui en découle nous fait une démonstration du sophisme comme figure obligatoire du “marché” dans lequel les intellectuels sont invités à chercher pitance et notoriété et en proposant une contribution au débat (qui n’a jamais lieu d’ailleurs, puisque c’est seulement lui et ses pareils qui ont droit de s’exprimer).
Comment peut-on dans un texte dont le propos est “d’armer la raison” introduire sa démonstration par une telle affirmation ?
La livraison de chars lourds à l’Ukraine confirme l’engagement de l’Otan, donc aussi de la France, dans le conflit qui oppose ce malheureux pays à la Russie. Sommes-nous pour autant cobelligérants? Assurément non, puisqu’aucun de nos soldats ne se bat sur ce front.
Non seulement cet incipit pose l’évidence du soutien à l’OTAN, outre le fait qu’il assure imprudemment qu’aucun de nos soldats ne se bat sur le front, mais il assoie sur ces hasardeuses assertions la démonstration du sophiste, celui qui est capable de nous inciter à la guerre en nous montrant que la paix en dépend. Pourtant cet empilement de fallacieuses affirmations témoigne paradoxalement d’une résistance populaire, d’un scepticisme généralisé sur les solutions que le pouvoir lui propose. J’ajouterai que la mobilisation contre les retraites joue un rôle non négligeable dans cet ébranlement de la foi française en l’argument d’autorité.
A chaque fois qu’un représentant du gouvernement intervient il déclenche une nouvelle montée de l’opposition à sa réforme, les sondages en témoignent. Nous sommes exactement dans le cas de figure du mouvement de 1995, Juppé s’obstinait à dire “Vous n’avez pas compris je vais vous expliquer!” ce à quoi Bourdieu, qui nous manque décidément beaucoup lui répondait: “Ils ont parfaitement compris, ils n’en veulent pas!” Ils ne veulent pas bosser deux ans de plus, ils ne veulent pas aller à la guerre ! C’est aussi basique que ça. Et notre sophiste doit partir de là, du refus de la guerre pour tenter de la faire accepter.
Alors comme dans la pièce de Brecht : Turandot ou le congrès des blanchisseurs, on fait appel au Tuis (intellectuels officiels) pour qu’ils défendent l’indéfendable. L’histoire que raconte la pièce de Brecht est la suivante : l’Empereur de Chine, face à une surproduction de coton, tente d’en faire remonter les prix en brûlant une partie de la récolte. Il compte sur ses “Tui” pour expliquer la situation au peuple de la manière la plus favorable à ses intérêts… Un concours d’éloquence est organisé avec en prime la main de la fille de l’empereur, Turandot. Mais dans leur bavardage, il y a toujours un moment où les Tuis trahissent la vérité. L’empereur finit par désigner comme vainqueur du concours celui qui tel Hitler déclare : le premier qui dit le contraire je l’abats. Un paysan qui voulait devenir TUI décide qu’il y a du bon chez eux si l’on sait bien les entendre et il décide de rejoindre un Tui, qui est Mao et qui organise la longue marche.
Donc, dans le contexte français, non seulement le peuple ne veut pas des retraites mais il ne veut pas aller faire la guerre. Commencent à surgir de dangereux slogans “Armes lourdes, retraites légères”. Les Tuis des plateaux de télévision n’y suffisent plus, il y a toujours un moment où intervient une part de vérité. Après nous avoir raconté que La Russie s’effondrait, que Poutine était affligé de toutes les maladies de la terre et de la création, nous sommes dans le temps où le doute surgit non seulement sur l’issue de la guerre mais sur l’effet des sanctions. Comment convaincre ces Français obstinés ? Ils sont prêts à dire tout le mal possible de Poutine mais ils ne pensent pas grand bien de leurs propres dirigeants. Mieux ou pire quelques Tuis relèvent la tête et disent que pour eux aussi tout n’est pas clair dans ce que l’on nous raconte. Certes, ils sont là à dose homéopathique mais ils sont là.
Alors on voit gonfler la vague des sophistes, ceux qui ont encore quelque respectabilité qui ne se sont pas défraichis sous les projecteurs des plateaux de télé, comme André Comte-Sponville…
Il déclare “armons notre raison contre la guerre”, en bon sophiste, il joue avec les mots, pour nous faire avaler la propagande ordinaire de l’OTAN : pour avoir la paix allumons le brasier, jetons-y des armes. Rien de plus que ce qui nous est affirmé chaque jour mais en partant de l’intérêt des Russes comme de nous-mêmes : faire la paix… Certes l’être humain est bien décevant et animé d’une passion stupide comme le patriotisme, il peut accomplir la sottise qu’a été la guerre du Golfe. Tiens on se demande encore qui n’a cessé d’accomplir quelques sottises de ce type et pas seulement la guerre du Golfe, l’intervention en Libye… et aujourd’hui encore allume partout des brasiers? Pour après venir y jeter des armes ?
La caractéristique commune de tous ces gens là – et leur style s’en ressent – c’est qu’ils se fichent totalement de l’Ukraine et des Ukrainiens qu’ils soient du Donbass ou de Kiev ! D’où d’ailleurs à la fois l’appel à l’utilitarisme de la raison et l’appel à l’émotion en faveur de la malheureuse Ukraine pour justifier l’inqualifiable affirmation que l’OTAN c’est la démocratie et que la Russie, comme l’Irak, ont intérêt à passer sous ses fourches caudines. Les Russes et Poutine d’ailleurs c’est la passion incarnée et hier il y a eu sur LCI un “spécialiste” qui a longuement argumenté sur le fait que rien ne pouvait arrêter un Russe déchaîné sous la conduite d’un autocrate qui ne connaissait que la force… et qu’il fallait faire comprendre à ce fou furieux qu’il fallait rentrer à la maison (à la niche) puisqu’en Russe maison et paix avaient le même sens (ce qui montrait que le spécialiste de la Russie ne savait même pas que MIR signifie bien paix mais pas maison mais MONDE) Fasciné par de telles compétences sur la civilisation russe, l’intervieweur Lengler interrogeait : Mais qui a le pouvoir de les convaincre de rentrer à la maison ? (difficile bien sur si on pretend convaincre un russe qu’il aura la paix s’il rentre dans le monde, on risque de le retrouver à New York) et il demandait qui pouvait le lui faire comprendre? Le spécialiste dubitatif : Poutine est le seul, toujours cette sale manie supposée des russes, leur amour des despotes: “touche pas à mon despote!”pour une révolution qui a manifesté une certaine radicalité dans le changement de pouvoir, cette passion supposée est bizarre, en tous les cas ce que les Russes apprécient chez Poutine, c’est qu’il a un peu restitué de la dignité, que la paillasse démocratique installée par l’occident avait bradé… Il n’empêche tout se résume au goût immodéré pour un tyran qui lui-même qui ne comprenait que les rapports de forces, d’où la chute de ce “spécialiste” : il faut donner aux Ukrainiens des armes offensives que le grand démocrate Zelensky réclame, pour faire comprendre au molosse russe ; maison-retour-paix… Donnez leur d’abord un interprête!!!
Quand le refus des FAITS atteint ce niveau d’incompétence y compris dans le stéréotype, au profit de la xénophobie, du racisme le plus manifeste de ceux qui gouvernent dans la justification des guerres, un tel discours NE PEUT PAS ÊTRE TOLÉRÉ.
La violence que suscite en nous ce genre de propos lénifiant est de même nature que ce qui provoque la réponse brutale d’un Brecht : Il faut répondre à ces âneries criminelles en exerçant une contre-violence face à l’indignité du masque que l’on donne à la mort, ici en est-il de pire que de prétendre à la Raison. Quelque chose devrait se hérisser et se cabrer devant le jeu de mots. ARMONS LA RAISON.
Soyons clair c’est de la démagogie pure et simple assortie d’un discours plus ou moins agile mais destiné à tromper. Oui le retour à Brecht et aux Tuis s’impose : le Tui, désigne « l’intellectuel de ce temps des marchés et marchandises, le loueur de l’intellect ». Le marché dans l’intellectuel vend sa capacité de sophiste. Un sophisme est en effet dans se définition courante un raisonnement fallacieux, qui tend à construire une apparence de vérité destinée à délibérément tromper et la tromperie fait partie du “marché”. Le sophisme en est le mode d’exercice parce qu’il exprime à la fois l’étrange défaite de la raison prostituée, mais aussi tente une invraisemblable gymnastique pour cacher et révéler. En l’occurrence André Comte Sponville accumule la plupart des types connus de recours au raisonnement des sophistes. A la base, il y a un syllogisme fallacieux. Le syllogisme est un raisonnement où, certaines choses étant prouvées, une chose autre que celles qui ont été accordées se déduit nécessairement des choses qui ont été accordées. Le sophiste pose des postulats non démontrés mais qui peuvent relever des stéréotypes les plus éculés et les moins valides, pour tenter de nous imposer pour vrai ce qui ne l’est pas le moins du monde. Comme la propagande la plus triviale de nos médias, on part d’une “évidence” à savoir que l’OTAN représenterait l’intérêt démocratique des Français.
Suit le fait que ce porteur de la raison doit livrer des chars, qui est une simple traduction dans la pratique de l’évidence de l’événement, l’agression de l’armée russe. Le tout ne souffre aucune contestation, puisqu’il s’agit d’un simple empilement d’évidences supposées. Le propos est simplement destiné à lever toute crainte devant le danger que nous nous retrouvions en guerre après l’avoir alimenté y compris dans ses aspects offensifs. Et là c’est un festival de mauvaise foi auquel se livre notre philosophe.
On peut être en désaccord plein et entier avec cette intervention, en contester l’opportunité, mais on ne peut pas nier après un minimum d’examen des faits nier le rôle de l’OTAN. Derrière cette négation il y a les faits, ce que représente l’OTAN. Derrière cette négation, il y a le confort du stéréotype, une masse de non-dits, qui ne cessent de mener au désastre même si c’est la première fois que l’on pousse le néo-colonialisme jusqu’à feindre d’ignorer ce que revendique une puissance nucléaire.
Dites-vous bien qu’il faut beaucoup d’adhésion à tous les stéréotypes de notre société, y compris le racisme lié au néocolonialisme, pour aboutir à cette affirmation dès le premier paragraphe et par voie de conséquence tout ce que cela cautionne de mensonges, d’approximations :
En fait cet acharnement contre les faits repose sur des raccourcis, un amalgame sous-jacent de références historiques à des temps glorieux, le tout est simplement utilisé comme l’adjectif “malheureux” pour créer de fausses analogies historiques, qui comme dans d’autres récentes interventions ne cesseraient de faire appel à l’émotion, d’événement en événement. Nous sommes là encore en plein dans le sophisme puisque ce qui fonde la prise de position initiale non seulement part d’un FAIT que l’on interprète selon la doxa médiatique et que l’on n’analyse jamais dans sa dimension historique et politique. Donc l’ensemble de la démonstration joue sur ce qui est entretenu par un véritable système de propagande qu’André Comte Sponville devrait en tant que philosophe remettre en cause, la manière non pas de faire appel à la raison mais à l’émotion de l’auditoire pour lui faire accepter l’aliénation. L’escamoteur sophiste en arrive à dénoncer le patriotisme et la nation pour sauver L’OTAN comme fondement de la démocratie.
Notre philosophe ne cessera d’affirmer tout au long de son discours que les êtres humains ne sont pas mus par les intérêts réels mais malheureusement par les passions, état de fait que lui le philosophe rationaliste déplorerait alors que c’est de fait le ressort unique de ses prises de position puisqu’il s’appuie sur la doxa de la propagande qui vise à nous identifier à la malheureuse Ukraine, le petit David contre le Goliath russe. Pourtant considérer ce truisme, digne des perles de comptoir, comme le fait essentiel expliquant la guerre présente l’énorme avantage de mettre hors champ de l’analyse les profits des marchands d’armes, ceux des corrompus qui dirigent l’Ukraine sans parler des nôtres… Bien sûr cela risque de nous attirer à nous et à une portion de l’humanité une apocalypse nucléaire puisque malgré notre “neutralité” que la raison d’André Comte Sponville énonce comme un postulat, malgré notre livraison d’armes, il se pourrait que la Russie puissance nucléaire ait quelques doutes passionnels sur la nature non belligérante de nos livraisons. Prendre le risque d’un tel “pari” manifeste une fois de plus sur quels intérêts, “l’utilitarisme” revendiqué d’André Comte Sponville, s’appuie dans son apologie de “la raison”.
Brecht lui aussi invite brutalement le pauvre type à suivre ses intérêts et seulement ses intérêts et à se méfier de tout le fatras sous lequel on l’invite à oublier les dits intérêts. N’est-ce pas Marx qui a réintroduit l’intérêt pour dynamiter l’idéalisme hégélien ? Et André Comte Sponville ne ferait que le suivre. Est-ce que je n’ai pas souligné le rôle joué par le refus de prolonger la retraite dans le scepticisme sur les causes morales de la guerre?
Oui André Comte Sponville flirte même avec Marx. Celui-ci en effet procède à une radicalisation de la critique hégélienne de la société civile menée par les hégéliens de gauche puisque cette société civile est devenue désormais société bourgeoise, c’est-à-dire société qui renverse son principe de base – l’homme libre – en son contraire : l’aliénation des égoïsmes, les eaux glacées du calcul égoïste aboutissant à une nouvelle servitude. Toutefois Marx qui a l’hérésie profonde en profite pour mettre en pièce l’Etat bourgeois et son appareil idéologique éthico-politique incapable d’imposer à la bête sauvage de la concurrence et de l’exploitation capitaliste une quelconque intégration et se retournant toujours contre les exploités qui doivent défendre leurs intérêts bec et ongle pour reconquérir y compris leur patrie autant que l’internationale. Marx – seulement après avoir renoncé au concept supérieur de l’idée telle que la proclame en postulat André Comte Sponville (l’otan c’est la démocratie) – peut enraciner une autre définition des intérêts politiques dans l’Etat. Ce rôle des “intérêts” de classe aboutit à une confrontation permanente avec l’utilitarisme anglais auquel se réduit la démonstration d’André Comte Sponville.
En revanche, la classe ouvrière les exploités doivent reconquérir le sens de leur intérêt, le défendre bec et ongles parce qu’il est le chemin du dépassement de l’idéalisme bourgeois et de son revers nécessaire, l’utilitarisme du profit. D’où la nécessité d’ailleurs de la dictature du prolétariat par parenthèse. Faute d’accepter de voir qui a intérêt à la paix et qui a intérêt à la guerre, parce que malgré ses grands principes devenus creux comme une dent creuse qui ne mord sur rien, il se moque en fait de l’Ukraine et des Ukrainiens, il peut déployer le sophisme ultime, celui qui prolonge le postulat l’OTAN c’est la démocratie, “armons la raison pour faire la guerre”. Comme nous l’avons plusieurs fois noté ici, ce qui se joue pour la Russie est existentiel par rapport à l’impérialisme de l’OTAN.
C’est profond, très profond pour des gens de l’espèce à laquelle j’appartenais, qui en tant qu’intellectuels se rangeaient toujours du côté des déshérités, des petites gens, des vaincus souvent mais pour qui à cause de cela la victoire se situait dans le combat lui-même et pas dans le partage des dépouilles des morts. il y a dans le sophisme en défense des puissants, quelque chose qui provoquait déjà la colère de Platon – par le truchement de la dialectique de Socrate-Platon les accuse : ‘ils ne cherchent pas la vérité mais l’argument qui convient à leur confort. Ils feignent d’intervenir dans le débat public pour “démocratiser” le savoir, une finalité reconnue dans la Grèce antique, mais de quelle démocratisation peut-on parler si les propos ne visent pas à construire une cité, une “polis”, une politique plus juste, meilleure pour tous ? Dans les faits, un sophiste, déjà du temps de Platon, était celui qui utilisait son savoir, sa culture, sa capacité à manier les mots pour aller à l’encontre de cet objectif, puisqu’il cherche d’abord à se vendre pour acquérir confort et gloire. Sa “nouveauté”, ce qui est censé le distinguer du “vulgaire”, lui assurer aisance et gloire, sera reconnue, encensée alors que ce ne sont que paillette et strass, paradoxe, excentricité, l’élitisme et le mépris de la diffusion égalitaire du savoir sont sa finalité réelle. Mais quand se joue la vie en particulier d’êtres jeunes, l’escroquerie devient criminelle. Le texte qu’a signé André Comte-Sponville cumule toutes les “tares” supposées du sophisme et à ce titre c’est un cas d’école : à partir de ce que “l’époque” exige pour “rémunérer” ses intellectuels, il y a incitation au reniement et invite à l’adoption d’une position d’équilibriste entre fascisme et libéralisme, avec une assise faite de mépris de l’intervention populaire.
Ce texte, qui ne peut donc qu’être médiocre puisqu’il est un tissu de contorsions et de postures, destinées à créer des illusions de raison là où il n’y a que superficialité, et stéréotypes entretenus ne mériterait qu’un fou-rire. Pour être toléré comme une parole de poids, il doit être proféré par un individu qui fait profession de détention d’un savoir supérieur et là nous avons une autre caractéristique du sophiste, le fait de ce constituer en corps, autoproclamé, à partir duquel on fait argument d’autorité. Cela permet de substituer à l’aspect fallacieux du raisonnement l’apparence de vérité que confère la fréquence sociale des affirmations destinées non à la recherche de la vérité mais à renforcer sa position dans un débat, sa position qui s’identifie à la classe dominante. Cette identification passe par la capacité de l’intellectuel à défendre les choix les plus contraires à l’intérêt collectif et les plus liés au profit de la dite classe, pour cela il lui faut aussi comme nous l’avons vu ignorer le caractère rustique des dits profits en leur substituant une analyse des passions auquel le philosophe serait sans cesse confronté et auquel il doit opposer les armes de la raison qui ne devraient pas être les chars livrés à Kiev. C’est pourquoi le déclin de l’audience des intellectuels français dans le monde, comme dans leur propre pays ne relève pas des capacités de tel ou tel individu qui peut être un histrion sans envergure, ou comme le dénonçait Deleuze à propos des “nouveaux philosophes” des produits de supermarché, incapable du moindre travail conceptuel, des idéologues du capital, mais aussi des gens ayant une certaine culture, et capables d’un autre maniement des idées, la médiocrité ne dépend pas des individus mais de ce à quoi les contraint l’idéologie officielle, son système de propagande et les filtres dans lesquels soit être contraints de passer y compris l’Homo academicus. Oui Bourdieu nous manque beaucoup…
Danielle Bleitrach
maintenant que vous avez ces clés du sophisme et des sophistes, lisez le texte par lequel
• Hier à 10:001819
EDITORIAL. Comment éviter une troisième guerre mondiale? En faisant appel à la froide raison, donc en jouant l’intérêt contre les passions, et le sage égoïsme contre le nationalisme.
La livraison de chars lourds à l’Ukraine confirme l’engagement de l’Otan, donc aussi de la France, dans le conflit qui oppose ce malheureux pays à la Russie. Sommes-nous pour autant cobelligérants? Assurément non, puisqu’aucun de nos soldats ne se bat sur ce front.
Mais nous sommes encore moins neutres, puisque nous ne cessons, depuis bientôt un an, de soutenir le pays agressé contre le pays agresseur. Je suis convaincu, comme la plupart des Français, que nous avons raison. Mais je constate aussi, chez nos concitoyens, une inquiétude croissante: n’est-ce pas la troisième guerre mondiale qui s’approche?
Je suis moins inquiet que beaucoup, tant je suis convaincu que cette guerre ne serait l’intérêt de personne, et surtout pas de la Russie, qui ne pourrait que la perdre, ni donc de Poutine, qui y perdrait très vraisemblablement le pouvoir et la vie. Toutefois, je me méfie de cet argument trop rassurant.
L’exemple de la seconde guerre du Golfe
Le même genre de raisonnement me fit penser, jusqu’à son déclenchement, que la seconde guerre du Golfe n’aurait pas lieu, tant il me semblait évident que ce n’était pas l’intérêt des Américains que de la faire. On sait ce qu’il en advint: l’alliance menée par les Etats-Unis attaqua l’Irak, le 20 mars 2003 (sous prétexte d'”armes de destruction massive” ), avec les conséquences désastreuses que presque tout le monde, aujourd’hui, s’accorde à reconnaître.
J’avais donc raison (ce n’était pas l’intérêt des Américains que de lancer cette guerre), et c’est ce qui me donnait tort (puisque la guerre eut lieu). Mon erreur? D’avoir cru que l’intérêt était le moteur de l’histoire. J’aurais dû me souvenir de ce qu’écrivait le philosophe Alain, pensant en l’occurrence à la Première Guerre mondiale: “Si les hommes n’avaient en vue que l’utile, tout s’arrangerait.
“L’honneur national est comme un fusil chargé”
Mais il n’en est pas ainsi.” Pourquoi? Parce que, précise le même auteur, “ce sont les passions, et non les intérêts, qui mènent le monde” (Mars ou La guerre jugée, chap. XX). Passions des peuples (le nationalisme, l’esprit de revanche), passions de leurs dirigeants (l’amour du pouvoir, de la gloire, de l’argent)…
La guerre de 1914-1918 n’était évidemment pas de l’intérêt de l’Allemagne, qui l’a perdue, mais pas non plus de la France, qui l’a gagnée. Pourquoi ces deux pays l’ont-ils entreprise? Pour satisfaire l’intérêt des marchands de canons? Peut-être, pour une faible part. Mais surtout par passion nationaliste ou patriotique. “L’honneur national est comme un fusil chargé”, constatait l’auteur Alain, et “le vrai moteur des guerres.” Cela donne raison à ceux, dont notre président, qui ne veulent pas “humilier la Russie” – car toute humiliation exacerbe l’amour-propre.
Pas de prime à l’agresseur
Mais ne donne pas tort à ceux, dont je suis, qui veulent soutenir l’Ukraine jusqu’à la victoire ou, en tout cas, jusqu’à une paix acceptable, je veux dire qui n’offrirait pas une prime à l’agresseur.
Lire aussiPourquoi la livraison des chars Leopard 2 à l’Ukraine divise l’Allemagne
Comment éviter une troisième guerre mondiale? En faisant appel à la froide raison, donc en jouant l’intérêt contre les passions, et le sage égoïsme contre le nationalisme. Une guerre mondiale, surtout nucléaire, ne serait évidemment l’intérêt de personne (même pas des marchands d’armes). Continuons donc de soutenir l’Ukraine, pour aider les Russes à comprendre que les passions de Poutine nuisent à leurs propres intérêts.
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Xuan
L’intérêt ? Mais quel intérêt finalement ?
« Sommes-nous pour autant cobelligérants? Assurément non, puisqu’aucun de nos soldats ne se bat sur ce front ».
Le dernier des blaireaux sait maintenant, sauf ACS, que l’envoi de soldats n’est qu’une des formes militaires de la guerre, qui en comporte d’autres, ainsi que des formes non militaires, comme la guerre économique, technologique, juridique, et depuis peu par ballon météo, du moins dans le cadre de la propagande de guerre des USA.
Donc assurément cobelligérants puisque l’UE a très tôt participé à la guerre des sanctions, à la propagande de guerre et à la participation à l’effort de guerre, avec la volonté déclarée de mettre la Russie à genoux. ACS est un fieffé menteur. Mais on va jouer quand même parce qu’il a lâché un mot intéressant.
Un mot qui revient sans cesse, comme le sparadrap du capitaine Haddock, mais qu’il répète volontairement comme une provocation ou un mantra protecteur, c’est « L’INTERET ».
ACS a raison au fond, la guerre n’est pas l’intérêt des USA, ni même des capitalistes.
La première guerre a engendré l’URSS et la seconde tout un bloc socialiste.
Oui mais ce n’était pas l’intérêt attendu par les impérialistes, parce que la guerre entraîne la révolution, parce que chaque chose entraîne son contraire, tandis qu’eux-mêmes envisageaient leur intérêt immédiat et qu’ils n’avaient pas prévu de tels débordements.
« Comment éviter une troisième guerre mondiale? En faisant appel à la froide raison, donc en jouant l’intérêt contre les passions ».
Eh bien parlons des intérêts, des froids intérêts matériels des capitalistes, et des gains ou des pertes qu’ils peuvent tirer de la guerre.
Savoir avec une certaine précision la probabilité pour les capitalistes occidentaux de faire du profit peut nous dire très exactement si la guerre va continuer ou bien s’arrêter.
Il faut mettre dans la balance les intérêts des monopoles qui transportent l’énergie, comme Total, qui a triplé ses bénéfices au second trimestre 2022, ceux des marchands de canon, et en particulier des USA.
S’agit-il des intérêts de leurs pays ? Des peuples de ces pays ? C’est une autre histoire, qui ne concerne pas ACS.
Remarquons que sur l’autre plateau de la balance, selon Bloomberg, près de la moitié des entreprises chimiques ont réduit de moitié leurs investissements en Allemagne. Des entreprises telles que BASF SE , Dow Inc. et Lanxess AG sont sur le point de supprimer des milliers d’emplois et de transférer des investissements hors d’Allemagne, car elles ne s’attendent pas à ce que Berlin fournisse de manière fiable l’énergie dont elles ont besoin à des prix proches de ceux qu’elles payaient autrefois pour le gazoduc russe.
En Italie, la visite de Meloni, pour se procurer du gaz off shore auprès des alliés du « Gouvernement d’Unité nationale » libyen, a échoué. Malheureusement l’Italie ne reconnaît pas le gouvernement libyen réel : celui du Premier ministre Fathi Bashagha, nommé par le Parlement régulièrement élu, celui qui contrôle les ressources énergétiques.
En France, et suite au froid calcul de Le Maire et Cie, le coût exorbitant de l’énergie a conduit pour la première fois les artisans boulangers à manifester. Et cette épreuve entièrement imputable au choix de la grande bourgeoisie s’ajoute au manque à gagner de la période covid, pour lequel les artisans et les PME avaient bénéficié de sursis de paiements, et qui arrivent à échéance maintenant.
Il serait intéressant de procéder à une étude économique exhaustive pour savoir quels grands capitalistes bénéficient réellement de la guerre (et par exemple les capitalistes financiers français comme BNP), lesquels se font manger par les capitalistes US, lesquels en Europe se mangent entre eux. Là aussi il s’agit de froids intérêts parfaitement indifférents au sort du peuple.
Mais s’ils ne profitent pas immédiatement de la guerre, quelles sont leurs motivations ?
J’appellerais cela la pyramide de Zélensky.
On connaît bien cette arnaque consistant à siphonner l’argent des nouveaux entrants au seul profit des organisateurs. La motivation c’est l’appât d’un gain ultérieur, d’un retour sur investissement. Détruire l’Ukraine c’est anticiper sa reconstruction pour exploiter ses ressources au titre du remboursement de l’armement.
Les USA ont déjà commencé à s’emparer d’une bonne partie des terres agricoles, vendues par Zelensky et sa clique. Que reste-t-il à leurs alliés ?
A terme, il faut aller plus loin que l’Ukraine, et la revendication a déjà été annoncée, détruire la Russie pour l’annexer à son tour, épingler une nouvelle colonie d’Europe de l’est dans le tableau de chasse des principaux impérialismes européens, évincer l’influence russe en Afrique pour rétablir l’empire colonial français. Et demain à nouveau les comptoirs chinois.
C’est un pari risqué, qui impose un gros effort financier, une « économie de guerre », et qui repose sur la victoire militaire, une victoire absolue, incontestable, contre « la Russie, qui ne pourrait que la perdre », et « Poutine, qui y perdrait très vraisemblablement le pouvoir et la vie », dit ACS pensant peut-être à Kadhafi [1]
On comprendrait mieux alors le comportement des gouvernements européens, qui misent de plus en plus gros sur le même numéro, persuadés qu’ils sont de voir leur martingale imparable les couvrir d’or.
Mais pour l’instant si l’or coule à flots c’est dans les poches des marionnettes corrompues de Kiev. A tel point que – selon le Berliner Zeitung – le scandale de corruption à la Cour suprême ralentit l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.
Global Times signalait le 26 janvier que « Lors d’un point de presse à Moscou mercredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a accusé les pays occidentaux d’envoyer des chars en Ukraine, affirmant qu’il n’y avait aucune perspective de reprise des pourparlers de paix russo-ukrainiens. Peskov a noté que si les chars Abrams sont livrés à l’Ukraine, ils “brûleront comme tous les autres chars”, mais comme ils sont chers, les contribuables européens en supporteront le fardeau financier tandis que “les Américains, comme toujours, resteront au moins avec les leurs, et très probablement – avec de bons profits.” ». En tous cas concluait-il l’envoi de chars ne peut que prolonger le conflit, au moins jusqu’au printemps. Et alors les chars lourds occidentaux resteront cloués au sol.
Quel pourrait être alors le retour sur investissement de la pyramide de Zélensky ?
Et quelles seraient les conséquences de la guerre pour les capitalistes européens, si les masses populaires se mettaient de la partie ?
[1] Exécuté par la France, selon Rami El Obeidi, ancien coordinateur du renseignement extérieur auprès du Conseil national de transition (CNT) libyen