Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les BRICS pourraient emprunter le concept de monnaie unique à l’URSS, par Anna Sedova

Nous avons déjà parlé ici de la proposition de Lula concernant une monnaie unique qui permettrait à l’Amérique latine de s’émanciper du dollar, cet article intéressant propose une étape réaliste pas seulement dans le cadre des BRICS dont le Brésil est déjà adhérent et que l’Argentine souhaite rejoindre, mais en créant comme la Russie l’a fait une monnaie nationale virtuelle ce qui est relativement facile et rapide et à partir de là reprendre l’expérience du COMECON soviétique : une monnaie commune supranationale qui circulerait à l’extérieur, serait créée et émise par un organisme commun agréé par ces pays, est réalisable. Cette monnaie pourrait être utilisée dans les règlements entre eux. Si l’on se souvient, l’analogue et le prototype le plus brillant d’une telle monnaie a déjà existé. Il s’agit du rouble convertible, qui fonctionnait dans le cadre du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM ou COMECON). Il y avait la Banque internationale de coopération économique (BICE), qui émettait cette monnaie virtuelle, le “rouble transférable”, utilisée par tous les pays du commonwealth socialiste dans les règlements entre eux, en conservant leurs monnaies nationales. . Et là les BRICS deviendrait un cadre adéquat dans lequel le Brésil et l’Argentine constituerait le noyau initial pour l’Amérique latine, auquel d’autres pays pourraient s’ajouter (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://svpressa.ru/economy/article/359958/

Il est possible de créer une monnaie commune pour la Russie, la Chine et l’Amérique latine, en utilisant les technologies modernes et l’expérience soviétique.

Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président argentin Alberto Fernández, a proposé de créer une monnaie commune entre les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et le Marché commun du Sud (Mercosur), qui serait utilisée pour les règlements mutuels.

“Pourquoi ne pas essayer de créer une monnaie commune pour les pays du Mercosur ou pour les pays des BRICS ?”. – Lula da Silva a déclaré.

Selon le président, s’il ne tenait qu’à sa décision, les règlements du Brésil avec les autres pays se feraient toujours en monnaie nationale, ce qui mettrait fin à leur dépendance vis-à-vis du dollar américain.

Si la création d’une monnaie unique pour les pays du BRICS, le Mercosur ou même pour l’ensemble de l’Amérique du Sud semble encore une perspective lointaine, l’émergence d’une monnaie commune pour le Brésil et l’Argentine pourrait être une première étape plus réaliste. C’est ce dont les responsables politiques des pays ont parlé avant la réunion. Comme l’a appris le Financial Times américain, le Brésil et l’Argentine ont commencé à travailler sur une monnaie commune, que les Brésiliens proposent d’appeler sur (sud). Aujourd’hui, des groupes d’analystes étudient comment une telle monnaie commune pourrait stimuler l’économie régionale et réduire sa dépendance vis-à-vis du dollar américain. Si le projet est couronné de succès, d’autres pays d’Amérique latine pourraient s’y joindre.

Selon le FT, une union monétaire englobant toute l’Amérique du Sud représenterait environ 5 % du PIB mondial. La plus grande union monétaire du monde, la zone euro, représente environ 14 % du PIB mondial en dollars. Mais il a fallu 35 ans à l’Europe pour la créer. Si nous parlons de plans qui incluraient non seulement l’Amérique, mais aussi les pays BRICS, c’est-à-dire la Chine, l’Inde et la Russie, alors la création d’une telle monnaie commune prendrait des dizaines d’années.

Toutefois, uniquement s’il s’agit d’une monnaie nationale unique. Comme l’a expliqué Mikhail Beliaev, candidat en économie et analyste financier, à Svobodnaya Pressa, si la monnaie numérique unique est utilisée uniquement pour les règlements mutuels entre les pays membres de l’union monétaire, elle peut être créée assez facilement et rapidement, car les technologies bancaires et informatiques modernes, comme la blockchain, permettent de le faire. De plus, selon M. Beliaev, une telle monnaie a déjà un prototype fonctionnel – le rouble convertible du Conseil d’assistance économique mutuelle, qui a été créé sans technologie numérique moderne.

Naturellement, la future monnaie collective sera virtuelle et numérique, mais la monnaie numérique elle-même n’est qu’un outil”, explique Mikhail Beliaev. – Abordons maintenant la partie substantielle. Parler d’une monnaie unique qui sera introduite dans le chiffre d’affaires domestique de ces pays et sera commune à tous, comme l’euro – relève de l’utopie. Pour cela, les conditions économiques de tous ces pays doivent être absolument identiques – les mêmes conditions de prix, de salaires, de coûts, etc. Il ne suffit pas de se mettre d’accord sur certaines conditions douanières. Il doit y avoir une intégration économique à part entière, ce qui s’est produit en Europe, dans un mouvement qu’elle a mis 30 ans à parcourir. La création de la monnaie euro a été réalisée grâce à l’intégration de leurs économies dans un espace économique unique qui fonctionne selon des lois communes. Une monnaie nationale unique pour un groupe aussi large de pays différents que les BRICS ou même le Mercosur est un non-sens et n’est pas envisagée dans un avenir prévisible.

Mais la création d’une monnaie commune supranationale qui circulerait à l’extérieur, serait créée et émise par un organisme commun agréé par ces pays, est réalisable. Cette monnaie pourrait être utilisée dans les règlements entre eux. Si l’on se souvient, l’analogue et le prototype le plus brillant d’une telle monnaie a déjà existé. Il s’agit du rouble convertible, qui fonctionnait dans le cadre du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM ou COMECON). Il y avait la Banque internationale de coopération économique (BICE), qui émettait cette monnaie virtuelle, le “rouble transférable”, utilisée par tous les pays du commonwealth socialiste dans les règlements entre eux, en conservant leurs monnaies nationales.

Il faut comprendre qu’il ne s’agissait pas du rouble, mais d’une monnaie complètement différente qu’il ne faut pas confondre. Dans les dernières années du système socialiste, la Finlande, Cuba, l’Angola et le Vietnam ont tous été payés avec le rouble convertible. En réalité, il était international et on parlait déjà de sa convertibilité en dollar, mais ensuite est arrivée la perestroïka et la question ne se posait plus. Dans ce scénario, la création d’une monnaie commune aux BRICS ou à un plus grand nombre de pays est tout à fait réaliste et possible. D’autant que les archives concernées disposent certainement de documents sur le fonctionnement de tous ces mécanismes. De plus, à l’époque, les technologies de communication et bancaires n’étaient pas du tout aussi développées qu’aujourd’hui. À l’époque, cela semblait quelque chose d’exotique, mais aujourd’hui, il est techniquement et technologiquement possible de créer une telle monnaie commune. Il n’y a donc aucun obstacle à cet égard, il nous suffit de nous réunir et de discuter de la manière de faire fonctionner tout cela. Et il est très facile de le faire fonctionner.

Je ne peux m’empêcher de noter que lorsque le système du CAEM s’est effondré, les journalistes et de nombreux experts se sont gaussés de l’idée que le rouble convertible n’existe que dans la sphère virtuelle. Cela leur semblait si drôle qu’ils ne se lassaient pas de s’en moquer. Maintenant, au contraire, c’est l’avenir du système monétaire mondial. Une monnaie supranationale peut être créée très facilement et rapidement, il n’y a aucun obstacle.

La qualité de la monnaie n’est pas déterminée par sa forme d’existence, qu’il s’agisse de crypto-monnaie ou de papier, mais par son centre d’émission. Tout dépend de qui émet la monnaie, qui en est responsable et dans quelles conditions. C’est une chose quand un groupe dont personne ne connaît l’identité émet des bitcoins, et c’en est une autre quand il s’agit d’un centre international, réglementé par des documents signés par plusieurs pays.

SP : Quels pays pourraient participer à la création et à l’utilisation d’une telle monnaie ?

– Tous les pays qui expriment leur bonne volonté et acceptent de participer à une telle union monétaire. Il est clair que ce sont les États les plus étroitement liés économiquement qui participeront à ce type d’arrangement. Cela n’a aucun sens pour quelqu’un qui n’est pas connecté économiquement de rejoindre cette monnaie. Mais en principe, il s’agit d’un système ouvert auquel peut adhérer quiconque s’y intéresse et accepte de respecter toutes les conditions d’une telle alliance.

SP : – Comment serait déterminé le taux de change d’une telle monnaie ?

– Il serait déterminé exactement de la même manière que le cours des monnaies traditionnelles dans le processus du commerce et des transactions économiques étrangères ; il devrait s’agir d’un taux de change basé sur un panier de monnaies et sur la multiplicité de ces transactions. Il ne peut être forcé à l’avance. Il sera formé par rapport à chaque monnaie nationale. De même que si vous devez payer en dollars aujourd’hui, vous allez acheter des dollars, de même vous allez acheter cette monnaie supranationale, qui sera déposée sur vos comptes grâce à l’excédent du commerce extérieur.

SP : – Mais comment tout cela va-t-il fonctionner exactement ?

– Disons que vous avez reçu cette monnaie virtuelle lors d’échanges avec le Brésil et que vous en avez un excédent. Avec cet excédent, vous pouvez payer, par exemple, l’Argentine. Si ce n’est pas suffisant, vous pouvez en acheter d’autres. Ou, comme dans les pays du CAEM, non pas pour acheter plus, mais pour prendre un crédit supplémentaire dans ces unités monétaires. À l’époque, tout cela était réglementé par l’État, et les fournitures étaient réglementées par des accords interétatiques. Aujourd’hui, ce sont les entreprises privées qui font du commerce, donc ce mécanisme disparaît. Il y aura donc un achat et une vente de monnaie, ce qui n’exclut toutefois pas la possibilité pour le centre d’émission d’octroyer des prêts. Même s’il ne les délivrerait pas sous forme papier, il les gérerait et les réglementerait.

Peut-être qu’en plus des règlements commerciaux, les pays membres pourraient également se prêter les uns aux autres dans cette monnaie. Supposons que nous ayons un gros avantage commercial avec le Brésil, et que nous puissions prêter à un autre pays de l’union avec cette monnaie. Une pratique bancaire habituelle de “faire tourner” l’argent, comme pour toute autre monnaie nationale.


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2 Commentaires

  • Jean François Dron
    Jean François Dron

    En ce qui concerne la possibilité de monnaie unique dont il est dit que comme pour l’Euro les conditions économiques doivent être absolument identiques je n’ai pas remarqué que c’était le cas ni à la création ni maintenant de mêmes conditions de prix, de salaires et de coûts dans les pays de l’U E . de la zône euro. quant à l’intégration c’est de l’intégration à l’impérialisme hégémonique américain globalisé que nous sommes prisonniers.

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Attention a bien distinguer monnaie commune et monnaie unique.
    Pour rappel en Europe il y a eut le projet de l’ECU qui contrairement à l’EURO n’était pas une monnaie unique mais une monnaie commune. Se qui permet de garder une relative souveraineté sur la politique monétaire domestique de chaque nation.

    La technologie blockchain est un élément de libération important en ce qu’elle permet d’assurer l’authenticité de n’importe quel document numérique sans avoir recours à un tiers de confiance.
    Ici le document numérique seront les éléments de cette nouvelle monnaie.

    Attention aussi au terme crypto-monnaie qui recouvre des fois des réalités différentes, le bitcoin repose également sur la blockchain mais comme elle de dépend d’aucun organisme, c’est une monnaie anarchiste pour conserver sa valeur elle doit faire une preuve de travail.
    Cette preuve de travail consomme une quantité d’énergie inutilement: un bitcoin n’est qu’un certificat numérique avec un identifiant sur 256 bits dont les 11 ou 13 premiers on une valeur égale à 0, ce qui est relativement rare, c’est pour ça que des imbéciles font tourner des assemblages de cartes graphiques 24h/24h pour pouvoir tomber au hasard sur le certificat qui deviendra un Bitcoin.

    Dans la cas où une organisation officielle génère la monnaie numérique son authenticité est garantie par la blockchain sans la dépense d’énergie des monnaies anarchistes.

    L’intérêt de la blockchain est que chaque élément de monnaie électronique sera stocké à l’identique sur plusieurs serveurs ; ce sont ces copies qui garantissent l’authenticité, impossible à falsifier mais aussi impossible à prendre en otage comme dans le système dollar/swift ; chaque élément de monnaie pourra être transmis et vérifié même avec la mauvaise volonté d’un des membre du groupement tant qu’il reste au moins deux copies de chaque document numérique.

    Pour construire cette blockchain il suffirait que les banques de chaque pays participant conservent des copies de chaque élément monétaire. Chaque transaction pourra être inscrite dans le document numérique et toutes ces copies certifiant qui en est le propriétaire.

    Ce type de monnaie apporte en plus une transparence partagée entre tous les détenteurs des copies, loin des valises de dollar ou des comptes dans les paradis fiscaux.

    Les économistes qui voudraient analyser les flux monétaires de ces monnaies n’auraient besoin que de consulter une des bases de données des copies: par exemple dans une banque centrale.
    Cela ouvre des applications fines de la connaissance de la vitesse de circulation de la monnaie et de son affectation.

    C’est potentiellement un excellent outil de veille économique, de pilotage et de planification.

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