Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les composantes sociales, médiatiques et religieuses du conflit en Ukraine, par Dmitri Kovalevich

Voici un article, trouvé dans Defend Democracy, paru initialement dans New Cold War, un site d’information que je ne connaissais pas encore, et qui a été formé en novembre 2014 à l’issue d’une conférence anti-fasciste en Crimée, en tant que journal d’information sur la situation en Ukraine. Documenté essentiellement à partir de journaux ukrainiens, et rédigé par un journaliste ukrainien issu de Borotba (1) Cet article présente l’intérêt de nous montrer le visage de cette guerre, ‘au ras des pâquerettes’, là où vivent les gens formant les classes populaires. J’y ai appris moult petits détails qui sont au final de grandes informations et entre autre ce qui est effectivement basique “La Russie jouit d’un potentiel de sympathie et d’une influence notable en Ukraine. Cela ne vient pas tant de facteurs ethniques (malgré le nationalisme féroce, d’extrême droite et anti-russe promu par le gouvernement de l’Ukraine) que du désir pour plus d’égalité sociale en faveur des plus pauvres de la société. A cet égard, il faut rappeler l’immense différence qui existe entre les deux pays en termes de conditions économiques et sociales. La Fédération de Russie bénéficie d’un niveau beaucoup plus élevé d’assistance sociale, de retraites et de salaires, sans compter le moindre coût de l’électricité et du chauffage. L’Ukraine, par contre, a choisi de suivre avec obstination les recommandations du FMI depuis quelques années qui ont apporté subsides et enrichissement aux investisseurs capitalistes étrangers à travers la privatisation des industries d’état, avec bien sûr en parallèle des coupes dans les dépenses sociales.” (traduction Jean-Luc Picker, note de Danielle Bleitrach et Jean-Luc Picker pour histoire et societe)

(1) Parti communiste d’obédience ‘stalinienne’ interdit dans l’Ukraine post Maidan mais qui a également des contacts privilégiés avec les Trotskistes, ceux qui partout ont choisi à l’inverse des courants dominants français, de s’opposer au rôle de l’OTAN et à l’impérialisme US et de Grande-Bretagne, avec lesquels nous avions effectivement Marianne et moi noué des contacts comme avec le parti communiste d’Ukraine et c’est par leur truchement que je continue à recevoir des nouvelles d’Odessa (note de DB).

Par Dmitri Kovalevich, paru dans New Cold War le 30 décembre 2022, repris dans Defend Democracy le 6 janvier 2023

http://www.defenddemocracy.press/social-media-and-religious-factors-affecting-ukrainian-conflict/

L’année 2022 aura marqué un tournant capital dans l’histoire de l’Ukraine. Trente et un ans après l’effondrement de l’Union Soviétique, un affrontement militaire continue à faire rage dans certaines des anciennes régions de l’Ukraine, pendant que de nouveaux points chauds continuent à monter en température. Si on prend comme unité de mesure son impact sur l’économie mondiale et le risque toujours présent d’une escalade nucléaire, ce conflit armé en Ukraine est devenu le conflit mondial de plus grande importance. Le pape lui-même l’a assimilé à une « guerre mondiale » dont on ne verra pas la fin rapidement.

Le contexte historique du conflit

‘L’opération militaire spéciale’ russe était devenue inévitable et toutes les parties du conflit s’y préparaient activement. On n’aura besoin pour le démontrer que de noter le bombardement continuel des villes et des cités du Donbass par Kyiv. Ces bombardements n’ont pas cessé au cours des 8 dernières années. La ville de Donetsk et sa région restent, même maintenant, sous le feu nourri de l’artillerie et des mortiers du régime de Kyiv, gracieusement fournis par les pays occidentaux.

L’opération russe en Ukraine est en réalité la continuation de la longue guerre civile dans la région du Donbass. Kyiv et ses appuis occidentaux ont refusé d’appliquer les termes des accords de paix signés en février 2015 et connus sous le nom de ‘Minsk 2’. Ces accords prévoyaient un statut semi-autonome pour les deux républiques du Donbass, Donetsk et Lougansk, appuyé sur une nouvelle structure fédérale du pouvoir central ukrainien. Mais, en réalité, les pays occidentaux cherchaient à maintenir asservies les deux républiques pour les utiliser comme source d’un conflit destiné à affaiblir la Fédération de Russie. Pendant huit longues années, la Fédération de Russie a cherché une solution diplomatique en s’appuyant sur ‘Minsk 2’. Mais dès la fin de 2021, il était devenu clair que Kyiv -et l’OTAN derrière- continueraient à rejeter ce cadre et perpétueraient la guerre qu’ils menaient contre les deux républiques. Il était devenu impossible pour Moscou de rester plus longtemps les bras croisés, ne serait-ce que parce que cela aurait signifié une perte de légitimité domestique. Depuis le coup d’état de 2014 en Ukraine, les millions d’Ukrainiens qui ont trouvé refuge en Russie, ainsi qu’une grande partie de la population russe elle-même, faisaient pression sur le gouvernement pour qu’il intervienne.

Quand la Russie a finalement décidé d’intervenir en février 2022, les sanctions occidentales les plus implacables sont tombées. L’idée était de mettre à genoux l’économie Russe, d’attiser le mécontentement populaire en Russie et de discréditer le pouvoir russe. Dit autrement, le but du conflit en Ukraine depuis 2014 n’était pas de changer ou d’améliorer l’Ukraine, mais de s’en servir pour renverser le régime au pouvoir dans la Fédération de Russie. Dans l’esprit des architectes de cette politique, un changement de régime permettrait aux multinationales occidentales d’accéder librement aux vastes ressources énergétiques de la Russie. Cette visée stratégique se doublait d’une pensée géopolitique : en affaiblissant la Russie, les menaces de l’Occident contre son proche voisin, la République Populaire de Chine gagneraient en crédibilité. Menaces économiques et de ‘changement de régime’ qui s’articulent autour de la question de Taiwan, utilisée comme maillon faible. D’ores et déjà l’Occident flatte cette province chinoise et l’arme dans le but de s’en servir comme d’un coin pour diviser et affaiblir la RPC.

Mais revenons aux accords de Minsk 2. On comprend maintenant ce qui leur est arrivé depuis que l’ex-chancelière allemande, Angela Merkel a révélé le pot-aux-roses au début du mois de décembre 2022 dans plusieurs interviews au Zeit et au Spiegel. Elle a benoîtement admis que les accords de Minsk 2 avaient été utilisés pour gagner du temps et permettre à l’Ukraine de s’armer tout en continuant à bombarder le Donbass. Ces aveux ont été accueillis avec stupéfaction en Russie, parce qu’ils signifient que la parole des dirigeants occidentaux n’a pas de valeur et qu’il est impossible de s’y fier. Vladimir Poutine a toujours entretenu des relations cordiales avec Merkel. Lorsque ses aveux sont parus dans la presse, il s’est confié aux journalistes russes : « c’est très décevant. Je ne m’attendais pas à entendre quelque chose comme ça de la part de l’ex-chancelière. J’ai toujours cru dans la sincérité des dirigeants allemands. Oui, bien sûr, elle se plaçait du côté de l’Ukraine, la soutenait. Mais néanmoins, j’espérais sincèrement que les dirigeants allemands cherchaient à régler le conflit sur la base des principes mis au point… pendant les négociations de Minsk ». Et d’ajouter : « Il me semble que personne n’avait l’intention de mettre en pratique les accords de Minsk. Ils nous ont menti, et avaient pour seule intention de gonfler l’Ukraine avec des armes et de la préparer à l’affrontement militaire. Bien, nous pouvons voir ce que cela a donné. Peut-être avons-nous réalisé trop tard ce qui se passait. Peut-être aurions-nous dû lancer tout ça [l’intervention militaire russe] plus tôt ».

Politiques sociales contre politiques néolibérales

La Russie jouit d’un potentiel de sympathie et d’une influence notable en Ukraine. Cela ne vient pas tant de facteurs ethniques (malgré le nationalisme féroce, d’extrême droite et anti-russe promu par le gouvernement de l’Ukraine) que du désir pour plus d’égalité sociale en faveur des plus pauvres de la société. A cet égard, il faut rappeler l’immense différence qui existe entre les deux pays en termes de conditions économiques et sociales. La Fédération de Russie bénéficie d’un niveau beaucoup plus élevé d’assistance sociale, de retraites et de salaires, sans compter le moindre coût de l’électricité et du chauffage. L’Ukraine, par contre, a choisi de suivre avec obstination les recommandations du FMI depuis quelques années qui ont apporté subsides et enrichissement aux investisseurs capitalistes étrangers à travers la privatisation des industries d’état, avec bien sûr en parallèle des coupes dans les dépenses sociales.

Même certains journalistes occidentaux ont commenté cette situation. Lors du retrait des troupes russes de Kherson en novembre dernier, un article du Monde du 19 décembre titrait « grâce à la propagande basée sur la nostalgie pour l’URSS et le paiement de généreuses pensions, les autorités d’occupation russes ont gagné le soutien des personnes âgées à Kherson ». Le correspondant du Monde a rencontré une de ces personnes qui lui a déclaré : « quand les Russes étaient là, nous avions tout ce dont nous avions besoin et nous n’avions pas peur de sortir dans la rue. Maintenant, nous essayons juste de survivre ». Une autre ajoute pour sa part que « les soldats ukrainiens ne sont bons à rien, ils ne nous aident pas et ne font qu’attirer plus de bombes ».

Les sentiments pro-occidentaux en Ukraine (comme les sentiments ‘pro-ukrainiens’ dans les pays occidentaux) sont essentiellement le fruit de manipulations à grande échelle par les médias. Dans le conflit ukrainien, le facteur médiatique est parfois plus important que le facteur économique ou les campagnes militaires. De ce point de vue, les médias occidentaux sont largement en avance sur leurs homologues russes.

Oleg Yasinsky est un journaliste ukrainien de gauche, qui vit maintenant au Chili. Il a écrit récemment que « l’Ukraine n’est pas seulement un foyer d’affrontement des forces du néo-libéralisme contre l’humanité, mais représente aussi le plus ample affrontement de médias des temps modernes. C’est un pays avec un état hologramme. A l’aide des dernières technologies, il cherche à convaincre le monde que la réalité est ce qu’il décide, dans le but de générer l’opinion publique dont les élites planétaires ont besoin ». Selon lui, l’Ukraine est devenue un modèle d’essai pour une utilisation future dans les pays occidentaux eux-mêmes. La discussion sociale et les débat au plus haut niveau du gouvernement et dans la société civile sont supprimés pendant que la police et la répression économique et culturelle sont dirigés contre les dissidents. Il ajoute que les représentants de ce qui était hier les principales démocraties européennes ne peuvent plus critiquer la dictature néo-nazie/néo-libérale au pouvoir en Ukraine parce qu’ils s’en différencient de moins en moins.

Tout à sa guerre, le régime ukrainien (ou plutôt ses donneurs d’ordres occidentaux) ne se soucie pas des vues ni des besoins de ses soldats. Tout ce qui leur importe, ce sont les blogueurs et les influenceurs qui cherchent à convaincre les audiences occidentales d’envoyer plus d’aide alimentaire et humanitaire et surtout plus d’armes au régime de Kyiv.

La guerre et l’aide humanitaire au service du blanchiment d’argent

Une grande partie de l’aide humanitaire envoyée en Ukraine par les Nations Unies ou autres organisations internationales, est détournée. Selon des journalistes locaux et des travailleurs humanitaires, en moyenne, près de la moitié de l’aide humanitaire qui arrive en Ukraine ‘disparait’ immédiatement.

Un site d’information ukrainien Strana.ua a publié récemment un article avec des photos prises par le journaliste Konstantin Ryzhenko montrant du pain de la mission d’aide de l’ONU en vente dans une boutique de rue. Sur l’emballage, on peut lire clairement « Programme alimentaire international des Nations Unies », impliquant que ces vivres devaient en principe être distribués gratuitement aux populations dans le besoin.

« L’information que je reçois des gens est choquante » confie Ryzhenko à Strana « les quantités, la qualité… Où sont passées les centaines de tonnes d’aide humanitaire ? Où que vous alliez, il y a 40, 100 ou 200 tonnes d’aide qui sont arrivés, mais les gens n’ont rien. Et s’ils reçoivent quelque chose, c’est de la m… [de mauvaise qualité] ». L’aide humanitaire qui est distribuée consiste souvent de produits périmés qui ne sont peut-être même pas mangeables : alors que l’aide humanitaire qui arrive de l’étranger est volée et revendue, beaucoup de gens reçoivent une aide sous forme de produits expirés issus des invendus des supermarchés.

Le 21 décembre, Konstantin Ryzhenko a échappé à une tentative d’assassinat près de chez lui à Kiev.

Et si l’aide alimentaire humanitaire est volée et revendue, on imagine ce qui arrive aux milliards de dollars qui arrivent pour l’aide militaire ! Cette information est tout simplement gardée sous le sceau du secret défense par le régime ukrainien. Ce qui a été redirigé vers l’armée, par quelle société et avec quel profit ne pourra être révélé que par les générations futures si elles arrivent à déterrer l’information.

Suppression de la liberté d’expression pour contrer la menace russe

Plus d’une douzaine de partis d’opposition ont été interdits et pratiquement tous les sites d’information ont été fermés en Ukraine depuis le début de l’année 2022. Mais cela n’empêche bien sûr pas les cris d’orfraie dans le pays comme à l’extérieur pour ‘défendre la démocratie en Ukraine’ (NdT : contre le totalitarisme russe). Ce qui reste de médias indépendants en Ukraine est contraint de simplement reproduire les déclarations et les informations du bureau de président de l’Ukraine, au risque de perdre leur licence. En décembre 2022, le parlement Ukrainien a voté une loi sur les médias très controversée. Elle autorise les autorités à fermer ou bloquer un site d’information sans explication et sans décision du tribunal. Elle interdit toute critique de l’action du gouvernement (sauf pour les médias financés par des dons occidentaux). Il y a quelques mois, la fédération européenne des journalistes a qualifié la loi de « digne des pires régimes autoritaires ».

L’utilisation des civils comme boucliers humains

Suivant les préceptes de ses conseillers militaires britanniques, l’Ukraine a dès le départ adopté certaines tactiques de guerre urbaine et de combats de rue. Les civils n’ont pas été systématiquement évacués, ou trop tard. Cela constitue déjà en soi un crime de guerre. En contraste, les lignes dé défense construites par les unités d’auto-défense de la ville de Donetsk ont été positionnées bien à l’extérieur de la ville. Des centaines de milliers d’habitants du Donbass ont été évacués vers la Russie pour leur sécurité et leur confort, en prévision du lancement de l’opération militaire.

Reuters cite le ministre des affaires étrangères russe, Sergei Lavrov, qui parle de plus d’un million d’Ukrainiens évacués vers la Russie à la fin d’avril 2022, dont 120.000 en provenance des républiques du Donbass. Lavrov déclarait à l’époque que la Russie attendait plusieurs millions supplémentaires. En octobre 2002, Statista indique près de trois millions d’Ukrainiens se sont réfugiés en Russie. La population de l’Ukraine avant le début de la guerre en 2014 était estimée à 42 millions.

En novembre, le président Zelensky a expliqué crûment pourquoi il avait abandonné les plans d’évacuation de Kyiv et des autres grandes villes d’Ukraine lorsque la Russie a commencé à bombarder les stations d’électricité :  « S’il n’y a plus personne dans les villes, alors les missiles seront partout ! ». Il contredisait au passage les accusations de son propre gouvernement selon lesquelles la Russie cible les populations civiles et confirmait ainsi que Kyiv utilise les civils comme boucliers humains. Il est facile d’imaginer les cris d’indignations qui auraient rempli les journaux occidentaux si le dirigeant d’un pays en guerre avec l’Occident avait fait une déclaration pareille !

Incitation à la guerre des religions

En décembre, les agences de renseignement ukrainiennes ont lancé une campagne afin d’interdire l’église orthodoxe ukrainienne traditionnelle, l’accusant de liens avec sa ‘sœur’, l’église orthodoxe russe. De nombreux monastères à travers le pays ont subi perquisitions et arrestations, malgré la garantie formelle en Ukraine de la ‘liberté de religion’. Si l’on en croit les documents photographiques communiqués aux médias par le SBU (l’agence fédérale de la police secrète de l’Ukraine), les perquisitions ont permis de saisir des ‘preuves flagrantes’ telles que le buste du poète russe Alexandre Pouchkine, une carte du métro de Moscou, des livres de prière publiés dans la Fédération de Russie et plusieurs pièces russes de dix roubles (environ 14 centimes d’euros). A Lviv, le téléphone d’un prêtre arrêté par la police contenait des messages dans lesquels il désignait l’OTAN comme responsable du conflit en Ukraine et où il écrivait que les pays occidentaux avaient l’intention de se battre jusqu’au dernier Ukrainien. A Ternopil, le SBU a accusé de trahison le recteur du séminaire théologique Pochaev. Mises en causes étaient ses « activités anti-ukrainiennes » dont la diffusion de « narratifs russes » sur un compte Facebook anonyme.

Certains des prêtres et des moines orthodoxes arrêtés ont été échangés contre des prisonniers de guerre ukrainiens. Une des raisons de la persécution en cours contre l’église est justement à rechercher dans la question des échanges de prisonniers. En effet, la Russie détient de bien plus grands nombres de prisonniers de guerre que l’Ukraine. Et c’est ainsi que l’on crée et que l’on gonfle un conflit entre l’église orthodoxe russe et sa scission ukrainienne, sans se soucier que, historiquement, les conflits religieux ont toujours été parmi les plus difficiles à régler.

Le régime de Kyiv a récemment intensifié ses activités pour repérer ‘les collaborateurs et les agents russes », ciblant l’ensemble de la population ukrainienne. Sous ce prétexte, des vendettas personnelles prennent place. Des sociétés prétendument « liées à la Russie » ont été évincées des régions de Kharkov et de Kherson. Et des rançons demandées pour lever les accusations de ‘collaboration avec les Russes » portées contre les personnes. On peut se faire arrêter pour des messages familiaux jugés suspects. D’après le canal Telegram ukrainien ‘Resident’ le SBU a arrêté environ 4000 civils dans le but de procéder à des échanges de prisonniers avec la Russie.

Prêts de guerre payés par les contribuables occidentaux

Le 6 décembre, jour des Forces Armées d’Ukraine, le premier ministre Denys Shmyhal déclarait que tous les impôts payés par les contribuables et les entreprises servaient exclusivement pour les besoins militaires. Les dépenses militaires de l’Ukraine se montent à plus de 30 milliards de USD, dont environ les deux-tiers servent à payer les soldes des militaires. Le reste des dépenses militaires, selon Shmyhal, est payé par les alliés occidentaux de l’Ukraine. Quelques temps auparavant, le ministre des finances de l’Ukraine, Serhiy Marchenko, avait lui précisé que l’Ukraine ne finançait qu’environ un tiers de son budget militaire, le reste venant des soutiens occidentaux et de créditeurs. En d’autres termes, Kyiv mène une guerre largement au-dessus de ses moyens, et le travail de l’état ukrainien est maintenant totalement dépendant de la générosité de ses partenaires occidentaux. On peut considérer qu’il s’agit là d’une perte de souveraineté, et que l’Ukraine n’est rien moins qu’une sorte de société militaire privée.

Le plus gros des sommes versées à Kyiv l’est sous la forme de prêts, avec taux d’intérêts et calendriers de paiement. Au début de 2022, la dette extérieure de l’Ukraine se chiffrait à 65% du PIB annuel. En novembre 2022, elle dépasse ce PIB annuel. Au total, chaque Ukrainien, y compris les enfants et les bébés doit déjà près de 7000 USD aux créditeurs occidentaux. Et encore, ce chiffre se base sur la population de 2014 évaluée à 42 millions (en comptant la population du Donbass). Si l’on prend en compte les millions d’Ukrainiens qui ont quitté le pays et les régions qui s’en sont séparées, le fardeau par habitant restant est pratiquement doublé, de l’ordre de 14000 USD. Un Ukrainien moyen est très loin de gagner cette somme en une année. La dette qui grossit ne pourra jamais être repayée. En fait, les Ukrainiens paient cette dette de leur vie, pour les intérêts de leurs créditeurs occidentaux.

Les milliards de dollars qui ont été déversés pour soutenir le régime de Kyiv sont en réalité payés par les contribuables occidentaux. Quand aux Ukrainiens, ils seront endettés pour les générations à venir. D’énormes sommes qui auraient pu être utilisées pour des améliorations sociales, en Ukraine et dans le reste des pays occidentaux ont ainsi été gaspillées. Mais cette escroquerie est une excellente affaire pour les dirigeants ukrainiens et occidentaux et les marchands d’armes. Pour eux, il est souhaitable que la guerre continue pour toujours. Pour le reste du monde, c’est une vraie tragédie.

Perspectives d’évolution du conflit en 2023

Il est plus que probable que les deux parties du conflit continuent voire accélèrent leur affrontement militaire. Nous ne connaissons pas les plans des dirigeants de la Russie, de l’Ukraine ou de l’OTAN, mais tous continuent à parler de la nécessité de battre l’ennemi. ‘L’initiative de paix’ récemment proposée par Zelensky suppose une reddition de la Fédération de Russie y compris le paiement de réparations de guerre. C’est bien sûr pour le moins irréaliste. Fin décembre 2022, le premier ministre de Hongrie, Viktor Orban résumait dans un interview avec le Magyar Nemzet : « l’Ukraine peut continuer à se battre tant que les Etats-Unis la soutiennent avec de l’argent et des armes. Si les Etats-Unis veulent la paix, elle se fera ». Dit autrement, ce dirigeant d’un pays membre de l’OTAN reconnait de qui dépend la paix en Ukraine.

En termes militaires, une bataille atroce fait rage dans et autour de la petite ville de Bakhmut (75000 habitants, appelée Artiomovsk par la République de Donetsk, du nom du dirigeant bolchevique Fiodor Andreyevich Sergeyev (1883-1921) qui avait pour nom de clandestinité ‘camarade Artiom’). Les combats s’y poursuivent depuis plusieurs mois et la cité est devenue un cimetière pour des milliers de soldats ukrainiens. Sur les réseaux sociaux, il est dit que se battre à Bakhmut est synonyme de mort rapide, ou, dans le meilleur des cas, de blessure grave.

Pour l’expert militaire Vasily Dandykin, les forces armées de la Fédération de Russie fixent les troupes ukrainiennes près de Bakhmut pour se donner le temps de préparer une grande offensive dans la partie de la République de Donetsk encore sous contrôle ukrainien : « la fédération de Russie construit ses forces. Il y a maintenant la possibilité de corriger certaines erreurs passées et de recommencer à aller de l’avant dans les régions de Zhaporozhye et Kherson. Nous devons libérer ces régions. Mais tout d’abord, nous devons être bien préparés. Le choix de la saison a aussi son importance. L’hiver arrive et son ‘Général Gel’ viendra nous aider ».

En parallèle, l’adjoint du ministre de la défense de la Fédération de Russie, Mikhail Galuzin, insiste que toutes les prédictions sur la fin du conflit en Ukraine sont susceptibles de se montrer sans fondement si la confrontation militaire se prolonge.

Et si l’on prend en compte les intérêts du complexe militaro-industriel des pays de l’OTAN, et en premier des Etats-Unis, il semble que le conflit est en train de s’inscrire dans la durée. Selon certains rapports, l’Ukraine tire en moyenne 14000 obus et mortiers tous les 2 jours. Mais le complexe militaro-industriel des Etats-Unis ne peut produire une telle quantité qu’en 1 mois. Pour continuer son appui militaire à Kyiv, il lui faut accroître considérablement ses capacités de production et donc construire de nouvelles usines. Mais les détenteurs de capitaux n’investiront dans de telles entreprises militaires que s’ils ont la certitude que la guerre ne va pas se terminer rapidement. Dit autrement, plus les investisseurs états-uniens mettront leur argent dans ces programmes d’armement de long-terme, plus il faudra que les Ukrainiens continuent à mourir. C’est en fait le véritable sens de la déclaration du premier ministre hongrois citée plus haut. Avec l’épuisement des ressources humaines ukrainiennes, il est probable que l’on verra de plus en plus de combattants mercenaires affluer vers le théâtre des hostilités (comme on l’a vu en Syrie). Il y en a déjà des milliers qui se battent aux côtés des forces armées ukrainiennes.

Les prédictions de la Banque Mondiale indiquent que, à la fin de 2023, 55% de la population de l’Ukraine vivra en dessous du seuil de la pauvreté. Ce seuil est défini à seulement 2589 UAH (70 USD) par mois. C’est le prix d’un litre de lait et d’une miche de pain par jour. Comment feront-ils pour couvrir leurs besoins en électricité, en chauffage et autres dépenses de la vie ? Aujourd’hui, le seul emploi où les Ukrainiens peuvent être sûrs d’un salaire raisonnable, c’est le service des armées où ils peuvent gagner entre 20000 et 3000 UAH (500 à 750 USD). Même si le risque d’y mourir y est très élevé, cela reste la seule option réaliste pour beaucoup dans le pays.

Par ailleurs, les pays occidentaux craignent avec raison qu’avec la fin du conflit en Ukraine, près d’un million d’hommes ukrainiens sans emploi et avec une expérience militaire chercheront à émigrer vers l’Europe à la recherche de travail.  Beaucoup d’entre eux souffriront de désordres psychologiques liés à la guerre et à leur arrivée à l’Ouest, ils trouveront des groupes para-militaires ukrainiens d’extrême-droite prêts à les recruter.

Tous ces facteurs laissent à penser que le conflit en Ukraine se prolongera encore.

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1 Commentaire

  • John V. Doe

    Le fait que c’était un conflit de longue durée, c’était évident dès les tous premiers jours de la guerre d’Ukraine au vu de l’ampleur des censures qui nous ont été imposées dès le début du conflit. Nous l’avions discuté autour de nous: on ne prend pas des mesures de ce genre pour un petit truc de 15 jours. Au contraire, nous allions avoir à faire à une manipulation de l’opinion de grande ampleur, mondialisée, et de longue durée. Et en effet….

    C’est pour ça qu’il était et qu’il est toujours indispensable de multiplier préalablement les sources d’informations, en ayant préalablement sélectionné les gens comme les sites fiables et courageux via leurs propos sur des sujets plus mineurs que cette 3eGM qui ne dit pas son nom.

    Je dis courageux car ramer à contre-courant dans une discussion entre amis, c’est une chose, le faire et le faire encore sur un site public, c’est une toute autre affaire. Certains le font car ils sont enfermés dans leur délire paranoïdes, youtube en regorge mais leurs délires finissent par se remarquer.

    Les meilleurs le font car ils et elles sont courageuses: en anglais ou avec l’aide de “Firefox Translation”, Yves Smith sur “Naked Capitalism”, b. sur “Moon of Alabama” malgré son optimisme un peu excessif parfois ou même Larry Johnson (ex-CIA sur SonAR) sont utiles dans ce conflit. Bien sûr, il y a toujours les très fiables Consortium News, Indian Punchline, Defend Democracy, Cory Doctorow, Natalye’s Place et tant d’autres comme The Grayzone, Pluralistic, etc… Médias français, mainstream ou alternatifs, copiez-le et vous allez gagner du lectorat !

    En français, en dehors de notre camarade Danielle, il n’y a pas grand monde qui ne soit rentré dans une étroite fenêtre d’Overton solidement fixée par le psittacisme des médias dominants mais aussi alternatifs. Pour ma part, j’ai repéré de longue date Olivier dans Les Crises, la solide équipe d’Investig’Action, les nationalistes de FR-Donbass Insider, voire Le Grand Soir mais avec du tri et Silvia Cattori avec des pincettes.

    Nos amis d’Amérique Latine parlent peu de cette guerre qui ne les concerne pas directement croient-ils mais ils ont déjà, c’est vrai, d’autres chats à fouetter avec les imitateurs locaux de Trump, et la NED pour qui ils sont la proie pas chère la plus proche.

    Chez les Russes, nous avons avec RT.com en Espagnol voire en Anglais mais alors en se limitant à “Russia & Former Soviet Union”, seule page où ils restent relativement équilibrés et professionnels. Pour les lecteurs prêt à affronter des traductions difficiles, “Firefox Translation” déjà cité permet de profiter en avant-première des articles en Russe de Tass. La qualité des traductions est nettement moins bonne qu’entre FR et US, attende-vous à devoir décrypter. Sur cette guerre, Sputnik en Anglais raconte n’importe quoi, hélas.

    Sur Telegram vous trouverez tout ce que vous voulez mais aussi largement ce que vous ne voulez pas (voir la remarque sur YouTube). De la patience et de la mémoire vous aideront rapidement à détecter la majorité de ceux qui se contredisent ou se rétractent fréquemment d’un jour sur l’autre et, a contrario, ceux qui avancent lentement, avec moins de paillettes mais où la beauté de la vérité peut mieux résister au rouleau compresseur de la réalité et du terrain. Pour ma part, j’ai repéré Intel Slava Z en anglais mais surtout Christelle Néant en français sur Donbass Insider et toujours en français Russie News, plus aride et technique.

    Je serais vraiment très heureux de voir cette liste critiquée et complétée. Merci d’avance, camarades.

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